BGE 68 II 70
14. Arrêt de la IIe Section civile du 18 juin 1942 dans la cause Enfants B.
contre Me R.
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Regeste:
Droits et pouvoirs de l'autorité chargée d'intervenir au partage en lieu et
place de l'héritier en vertu de l'art. 609
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 609 - 1 Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
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1 | Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
2 | La législation cantonale peut prescrire dans d'autres cas encore l'intervention de l'autorité au partage. |
Welche Befugnisse stehen der Behörde zu, die im Sinne von Art. 609 ZGB an
Stelle eines Erben an der Erbteilung mitzuwirken hat?
Diritti e poteri dell'autorità incaricata, in virtù dell'art. 609
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 609 - 1 Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
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1 | Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
2 | La législation cantonale peut prescrire dans d'autres cas encore l'intervention de l'autorité au partage. |
d'intervenire nella divisione al posto dell'erede.
Résumé des faits:
Charles R. avait une fille, Berthe, à laquelle son mari, Georges B., avait
fait souscrire divers engagements en faveur d'une société en commandite dont
il était associé indéfiniment responsable. Lui-même s'était porté caution de
la société et avait été appelé à payer à ce titre, en juin 1931, la somme de
202463 fr. La Société a été mise en faillite en février 1932. La faillite
avait été précédée d'une procédure concordataire au cours de laquelle Charles
R. avait adhéré aux propositions de la débitrice «sous réserve de son recours
contre son gendre» et après avoir fait souscrire à ce dernier ainsi qu'à sa
fille la déclaration suivante: «Nous soussignés déclarons accepter les
conditions et réserves auxquelles Charles R. a subordonné son adhésion aux
propositions d'arrangement de la maison B.-R. & Cie ... En conséquence et
indépendamment du droit que M. Charles R. possède contre M. Georges B.
individuellement, nous reconnaissons expressément que les sommes avancées par
M. Charles R. à la maison B.-R. & Cie jusqu'à aujourd'hui doivent être
considérées comme des avances d'hoirie accordées par M. Charles R. à Mme
Georges B., sa fille, et que ces sommes devront être portées en diminution du
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montant des droits de Mme Georges B. dans la succession de M. Charles R. son
père».
Dame B. a été poursuivie par un créancier de la société. La poursuite a abouti
à un acte de défaut de biens qui fut acquis par Charles R. et cédé plus tard
par ce dernier au conseiller juridique de la famille, le notaire J.
Charles R. est décédé le 26 février 1939, laissant comme héritiers légaux sa
femme et sa fille, Dame Georges B. Son testament contenait les dispositions
suivantes:
« Dans les angoisses intenses que j'éprouve depuis que je connais la gestion
malheureuse, incapable par M. Georges B., mon gendre, de ses biens et de ceux
qui lui ont été apportés en mariage, je me résous à prendre dès maintenant les
dispositions de dernière volonté ci-après:
» Je réduis le droit de succession de ma fille Berthe à sa réserve légale et
j'institue les enfants nés et à naître de ma fille Berthe, héritiers de ce qui
excède le montant de la réserve de leur mère.
» Ma bien chère épouse aura l'usufruit, sa vie durant, de la quotité
disponible dont mes petits-enfants sont les héritiers.
» L'héritage de mes petits-enfants sera soumis à la curatelle du notaire J.,
qui n'aura de comptes à rendre qu'à l'autorité tutélaire.
» Après le décès de mon épouse, les revenus de l'héritage de mes
petits-enfants que je déclare incessibles et insaisissables appartiendront à
ma fille Berthe. Chaque mois, il lui sera remis le douzième environ des
revenus annuels nets...
» ... Les sommes que j'ai cautionnées en faveur de M.B. ou de la maison dont
mon gendre était le chef et que j'ai dû payer doivent être considérées dans ma
succession comme des avances d'hoirie faites à ma fille.
» C'est uniquement en considération de ma fille, et à sa demande, que j'ai
fini par consentir ces cautionnements.
» Je tiens à préciser que ma fille Berthe, après le décès de mon épouse, aura,
sa vie durant, droit aux revenus de l'héritage de mes petits-enfants.
» A l'expiration du délai fixé pour la curatelle, ma fille devra évidemment
fournir des sûretés aux nu-propriétaires. Enfin ma fille Berthe sera exhérédée
pour la moitié de sa réserve si, à mon décès, il existe encore des actes de
défaut de biens contre elle.
» Cette moitié, enlevée à ma fille, sera attribuée à ses enfants nés et à
naître, en conformité des dispositions de l'article 480 alinéa 1er du Code
civil suisse, - et sera soumise à l'usufruit dé ma fille sa vie durant.
» Cet usufruit est déclaré incessible et insaisissable.»
Après la mort de son père, Dame B. fut de nouveau poursuivie par un autre
créancier, la Banque Cantonale Neuchâteloise, en vertu également d'un
engagement qu'elle
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avait pris en faveur de la société. Cette poursuite a abouti à la saisie de
ses droits dans la succession de son père. A la suite de cette saisie, une
correspondance s'est engagée entre le représentant du créancier et le notaire
J., exécuteur testamentaire, au sujet du mode de liquidation de la part de
Dame B. dans la succession. Selon le notaire, non seulement Dame B. n'avait
rien à recevoir dans la succession, mais, compte tenu et de la clause
d'exhérédation et de la somme de 200143 fr. qu'elle avait reçue à titre
d'avancement d'hoirie, elle était, en réalité, débitrice de ses enfants de
44106 fr. 93. Ceux-ci ont d'ailleurs demandé de participer à la saisie pour
cette somme.
Une entente n'ayant pu se faire entre les intéressés, l'autorité de
surveillance, constatant qu'il n'était pas possible en l'état de savoir quelle
était la valeur de la part saisie et qu'il importait par conséquent de
procéder préalablement à la dissolution de la communauté pour connaître cette
valeur, décida, sur le rapport de l'office, d'autoriser la Banque Cantonale
Neuchâteloise à faire valoir la créance saisie.
Par requête du 2 septembre 1940, la Banque Cantonale Neuchâteloise, invoquant
l'art. 609
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 609 - 1 Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
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1 | Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
2 | La législation cantonale peut prescrire dans d'autres cas encore l'intervention de l'autorité au partage. |
notaire pour intervenir en lieu et place de Dame B. au partage de la
succession de son père. «Le notaire, soutenait-elle, aurait pour tâche
d'ouvrir action en partage, puis de lier contestation au sujet des avances
d'hoirie et de l'exhérédation dont la contrepartie fait état dans son projet
de partage».
Par ordonnance du 20 septembre 1940, le Président du Tribunal a commis Me R.
«pour intervenir en lieu et place de Dame B. au partage de la succession de
feu son père Charles R.»
Le 25 septembre 1940, Me R. a écrit au conseil des enfants B. pour lui
demander s'ils reconnaissaient leur obligation de procéder au partage, «auquel
cas, disait-il, je citerai directement devant le Tribunal pour procéder aux
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opérations de partage»; dans le cas contraire, il les citerait pour faire
ordonner le partage. Le conseil des enfants B. a répondu que les enfants B.
admettaient l'obligation de procéder au partage, de sorte que Me R. pouvait
les assigner directement aux fins de partage. «Je pense, ajoutait-il
toutefois, que cela se réduira à renvoyer les parties devant le Tribunal pour
faire trancher les contestations qui sont d'ores et déjà nettement définies».
Au cours d'une audience du Président du Tribunal de Neuchâtel, les parties ont
déclaré reconnaître l'exactitude de l'inventaire de la succession et précisé
que la contestation portait 1° sur la question de l'imputation de la somme de
200143 fr. 20 à laquelle les enfants B. évaluaient le montant de l'avancement
d'hoirie et 2 O sur la question de la validité de la clause d'exhérédation. Le
procès-verbal de la séance se termine par la phrase suivante: «Les défendeurs
(c'est-à-dire les enfants B.) ont 10 jours pour introduire action devant le
Tribunal compétent.»
Par demande du 11 novembre 1940, les enfants B., au nom desquels agissait le
notaire J., ont pris les conclusions suivantes:
«Plaise au Tribunal:
«1. Prononcer que l'inventaire de la succession de feu Charles R. comprend un
poste actif de 200143 fr. 20 à titre d'avances d'hoirie consenties à l'une des
héritières, Madame Berthe B., somme à imputer sur la part successorale de
cette dernière
» 2. Prononcer que la condition d'exhérédation de Dame Berthe B. au profit des
demandeurs, pour la moitié de sa réserve au sens de l'art. 480 al. 1 CCS, est
réalisée.
» 3. Condamner le défendeur, en sa qualité de notaire désigné au sens de
l'art. 59 de la loi cantonale neuchâteloise d'introduction du CCS, sur demande
de la Banque Cantonale Neuchâteloise, à tous frais et dépens.»
Me R., ès qualités, a conclu avec dépens au rejet de la demande.
Par jugement du 2 février 1942, le Tribunal cantonal de Neuchâtel a déclaré la
demande mal fondée, frais et dépens à la charge des demandeurs.
Les demandeurs ont recouru en réforme en reprenant leurs conclusions.
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Me R., ès qualités, a conclu au rejet du recours et à la confirmation du
jugement.
(Considérant en droit:
1.- Le Tribunal cantonal a admis, contrairement à la thèse des demandeurs, que
le notaire R. avait qualité aussi bien pour contester l'obligation que le
testateur avait imposée à sa fille d'imputer sur sa part la somme de 200143
fr. 20 prétendument payée à titre d'avancement d'hoirie, que pour faire
prononcer la nullité de la clause d'exhérédation. Il convient d'examiner en
premier lieu cette question, qui a été soulevée de nouveau dans le recours et
dont la solution commande en réalité celle du procès lui-même.
L'argumentation du Tribunal cantonal peut se résumer comme suit: Le
représentant de l'autorité désignée pour intervenir au partage en lieu et
place de l'héritier, selon l'art. 609
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 609 - 1 Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
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1 | Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
2 | La législation cantonale peut prescrire dans d'autres cas encore l'intervention de l'autorité au partage. |
l'héritier représenté, et comme ce dernier peut faire valoir en tout temps,
sous forme d'exception, les moyens pris de la nullité du testament ou d'une
atteinte à la réserve, cette faculté doit être également reconnue au premier.
Cette opinion est erronée.
La loi, il est vrai, ne fixe pas la mesure des pouvoirs du représentant de
l'autorité, mais des termes mêmes de l'art. 609
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 609 - 1 Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
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1 | Tout créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander que l'autorité intervienne au partage en lieu et place de cet héritier. |
2 | La législation cantonale peut prescrire dans d'autres cas encore l'intervention de l'autorité au partage. |
ces pouvoirs se limitent aux opérations de partage au sens propre du terme,
autrement dit à la répartition des biens successoraux, qui devra s'opérer soit
d'après la loi, en cas de succession ab intestat, soit d'après le testament,
dans la mesure où, faute d'avoir été attaquées en temps utile par l'héritier
ou par ceux de ses créanciers habiles à le faire, les dispositions prises par
le défunt doivent être considérées comme faisant la loi entre les intéressés
(cf. RO 64 II p. 409, consid. 1 in fine). C'est à tort, par conséquent, que
les premiers juges - suivant, il est vrai, l'opinion de certains commentateurs
- affirment que le représentant de
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l'autorité aurait les mêmes droits et les mêmes obligations que l'héritier en
lieu et place duquel il intervient au partage. A moins de limiter la portée de
cette observation aux opérations spécifiques du partage, ce qu'on vient de
dire suffirait déjà à la réfuter. Mais il y a plus: Accorder au représentant
de l'autorité le pouvoir d'exercer tous les droits de l'héritier serait non
seulement dépasser le but proposé, qui n'est autre en effet que de veiller à
ce qu'il ne résulte du partage aucun dommage pour le créancier; ce serait
aussi attenter gravement à la liberté de l'héritier. Ce dernier peut en effet
avoir des raisons hautement respectables de se plier à la volonté du défont,
quoi qu'il puisse lui en coûter, et l'on ne saurait admettre qu'il puisse
dépendre du représentant de l'autorité ou de celle-ci d'aller contre son
sentiment, d'autant moins, du reste, que la loi a elle-même pris les
précautions voulues pour prévenir tout abus, en accordant à certains
créanciers de l'héritier, c'est-à-dire à ceux qu'elle a jugés dignes d'une
protection particulière, le droit, en cas de refus de l'héritier, d'exercer
eux-mêmes et l'action en réduction et l'action en caducité d'une exhérédation
(art. 524). Il serait donc anormal que des créanciers qui n'ont pas fait usage
de ce droit en temps voulu puissent remédier à leur inaction et arriver au
même résultat par le détour dé la procédure d'intervention au partage. Ce
serait en outre rendre absolument illusoire les dispositions relatives à la
prescription de ces actions.
Si l'on part du principe selon lequel le représentant de l'héritier n'a pas
qualité pour exercer comme demandeur, en lieu et place de l'héritier, l'action
en nullité ou en réduction, non plus que l'action en caducité d'une
exhérédation, selon l'art. 480 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 480 - 1 Le descendant contre lequel il existe des actes de défaut de biens peut être exhérédé pour la moitié de sa réserve, à condition que cette moitié soit attribuée à ses enfants nés ou à naître. |
|
1 | Le descendant contre lequel il existe des actes de défaut de biens peut être exhérédé pour la moitié de sa réserve, à condition que cette moitié soit attribuée à ses enfants nés ou à naître. |
2 | L'exhérédation devient caduque à la demande de l'exhérédé si, lors de l'ouverture de la succession, il n'existe plus d'actes de défaut de biens ou si le montant total des sommes pour lesquelles il en existe encore n'excède pas le quart de son droit héréditaire. |
qualité pour faire valoir par voie d'exception les moyens pris de la nullité
des clauses du testament, de l'atteinte à la réserve ou de l'invalidité de
l'exhérédation, car on ne voit pas en effet en quoi la question pourrait être
influencée par le rôle qu'auraient les parties au procès, ce rôle
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pouvant être déterminé par des circonstances purement fortuites.
Il n'y a donc pas lieu, en l'espèce, de s'arrêter à l'argument que les
premiers juges ont cru pouvoir tirer de l'arrêt RO 58 II p. 402 et suiv.,
d'après lequel l'héritier qui n'aurait pas agi en temps utile contre ses
cohéritiers ou les légataires en vue de faire prononcer la nullité ou la
réduction des dispositions testamentaires serait quand même recevable à faire
valoir ses droits par voie d'exception jusque dans la procédure de partage au
sens restreint du terme. On peut d'ailleurs se demander à ce propos si le
principe posé dans l'arrêt ne dépasse pas la portée réelle des art. 521
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 521 - 1 L'action se prescrit par un an à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de la disposition et de la cause de nullité; dans tous les cas, par dix ans dès la date de l'ouverture de l'acte. |
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1 | L'action se prescrit par un an à compter du jour où le demandeur a eu connaissance de la disposition et de la cause de nullité; dans tous les cas, par dix ans dès la date de l'ouverture de l'acte. |
2 | Elle ne se prescrit que par trente ans contre le défendeur de mauvaise foi, lorsque les dispositions sont nulles en raison soit de leur caractère illicite ou immoral, soit de l'incapacité de leur auteur. |
3 | La nullité peut être opposée en tout temps par voie d'exception. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 533 - 1 L'action en réduction se prescrit par un an à compter du jour où les héritiers connaissent la lésion de leur réserve et, dans tous les cas, par dix ans, qui courent, à l'égard des dispositions testamentaires, dès l'ouverture de l'acte et, à l'égard d'autres dispositions, dès que la succession est ouverte. |
|
1 | L'action en réduction se prescrit par un an à compter du jour où les héritiers connaissent la lésion de leur réserve et, dans tous les cas, par dix ans, qui courent, à l'égard des dispositions testamentaires, dès l'ouverture de l'acte et, à l'égard d'autres dispositions, dès que la succession est ouverte. |
2 | Lorsque l'annulation d'une disposition en a fait revivre une précédente, les délais ne courent que du moment où la nullité a été prononcée. |
3 | La réduction peut être opposée en tout temps par voie d'exception. |
CC et si ces dispositions ne doivent pas s'entendre comme visant exclusivement
le cas où l'héritier contre lequel les cohéritiers ou les légataires invoquent
les clauses du testament est en possession effective de l'héritage et se voit
actionner en délivrance d'une partie des biens dont il a eu jusqu'alors la
jouissance.
Quant à l'argument qui consiste à dire qu'en contestant l'obligation imposée
par le testateur à Dame B. d'imputer sur sa part la somme de 200143 fr. 20
qu'elle aurait prétendument perçue à titre d'avancement d'hoirie, le
représentant de l'autorité visait simplement à assurer l'application des
règles relatives aux rapports, et qu'il s'agissait là par conséquent d'une
question rentrant dans la procédure de partage, il n'est pas pertinent non
plus. Contrairement à la thèse de l'intimé, il ne s'agissait pas en l'espèce
de savoir si Dame B. était ou non tenue de «rapporter» la somme en question.
D'une part, l'obligation de rapporter n'existe qu'en faveur des héritiers
légaux, et, en l'espèce, les enfants B. (auxquels le Président du Tribunal a
assigné le rôle de demandeurs au procès, bien qu'ils se contentassent en fait
de demander le partage en conformité du testament) ne sont pas des héritiers
légaux, et la veuve du de cujus qui, elle, était héritière légale, n'est pas
partie au procès. D'autre part, supposé même que Dame B. eût eu en face d'elle
des héritiers légaux, la question n'était pas de savoir si ses cohéritiers
pouvaient l'astreindre à imputer sur sa
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part la somme de 200143 fr. 20 pour l'avoir prétendument reçue à titre
d'avancement d'hoirie, autrement dit en vertu des dispositions légales
relatives au rapport, mais bien de savoir si elle avait à se soumettre sur ce
point aux volontés du de cujus. Il serait donc inexact de dire qu'il suffisait
à Dame B. (et au représentant de l'autorité), pour s'opposer à la prétention
des enfants d'imputer la somme de 200143 fr. 20 sur sa part, de prouver
simplement que cette somme ne présentait pas le caractère d'un avancement
d'hoirie et qu'en conséquence la clause y relative du testament ne la liait
pas. Certes le de cujus était dans l'erreur (consciente ou inconsciente, le
point n'a pas à être élucidé ici) en qualifiant d'avancement d'hoirie une
somme qu'il avait dû payer en vertu d'un engagement personnel, autrement dit
comme caution de son gendre; il n'en demeurait pas moins que son intention
était de soustraire de la part héréditaire de sa fille une somme équivalente
au profit de ses petits-enfants, et que pour s'opposer à l'exécution de cette
volonté Dame B. n'avait comme seul moyen à sa disposition que d'invoquer
l'atteinte que cette clause portait à sa réserve, autrement dit d'actionner
ses enfants en réduction, comme elle aurait dû le faire à l'encontre d'un
tiers quelconque auquel le de cujus aurait légué cette somme.
Il ressort ainsi de ce qui précède que c'est à bon droit que les demandeurs et
intimés ont contesté que Me R. eût qualité pour s'opposer tant à la
disposition du testament qui obligeait Dame B. à laisser imputer sur sa part
la somme de 200143 fr. 20 qu'à celle par laquelle elle avait été exhérédée au
profit de ses enfants. Contrairement à l'opinion des premiers juges, la
demande devait être accueillie dans ce sens-là.
2.- .....
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le jugement attaqué réformé, les conclusions de la
demande étant admises dans le sens des considérants.