S. 74 / Nr. 13 Handels- und Gewerbefreiheit (f)

BGE 67 I 74

13. Arrêt du 9 mai 1941 dans la cause Grellert, S.A. d'exploitation et S. coop
du Jardin zoologique de Genève contre Conseil d'Etat genevois.

Regeste:
Droit des autorités de prendre les mesures indispensables pour empêcher non
seulement ce qui trouble ou met en danger la sécurité, la santé et la
tranquillité publiques, mais encore ce qui heurte gravement et directement la
morale publique (par exemple, souffrances infligées aux animaux mal nourris
d'un jardin zoologique mal installé et mal tenu).
L'autorité administrative n'est tenue de communiquer à l'intéressé les pièces
invoquées par elle que si la décision attaquée implique une grave atteinte à
des droits éminemment personnels du citoyen.
Die Behörden sind befugt, Massnahmen zu ergreifen, welche notwendig sind, um
nicht nur eine Gefährdung oder Störung der öffentlichen Ruhe, Gesundheit und
Sicherheit, sondern eine schwere und direkte Verletzung der öffentlichen
Sittlichkeit zu verhindern.
Die Verwaltung ist nur gehalten, dem Beteiligten von den von ihr angerufenen
Akten Kenntnis zu geben, wenn die angefochtene Verfügung einen schweren
Eingriff in höchst persönliche Rechte des Bürgers bedeutet.
Le autorità hanno il diritto di prendere le misure indispensabili per impedire
non soltanto ciò che turba o mette in pericolo la sicurezza, la salute e la
tranquillità del pubblico, ma anche ciò che è in grave e diretto contrasto con
la morale pubblica (p. es. sofferenze inflitte agli animali mal nutriti d'un
giardino zoologico mal installato e mal tenuto).
L'autorità amministrativa è tenuta a dar conoscenza all'interessato dei
documenti da essa invocati soltanto se la decisione impugnata porta seco una
grave violazione di diritti eminentemente personali del cittadino.


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A. - Le Jardin zoologique de Genève (JZ) a été créé en 1930.
Les mauvais résultats financiers de l'exploitation du JZ eurent leur
répercussion sur l'entretien et le traitement des animaux. La Société
genevoise pour la protection des animaux qui, en 1937/ 38 déjà, avait dû
recueillir des dons pour sauver les bêtes de la faim, se fit en 1940 l'écho
des plaintes qui s'élevaient dans le public indigné et sollicita
l'intervention des pouvoirs publics pour faire cesser le scandale. La police
et le vétérinaire cantonal constatèrent les faits suivants: Les animaux
souffrent de nouveau de la faim. Leur hygiène est déplorable. Ils sont sales
et croupissent dans une litière insuffisante. Les enclos sont pleins de boue,
et une eau stagnante remplit la plupart des fossés. Les cages sont souillées
d'excréments. Les installations sont insuffisantes et en mauvais état.
B. - Par arrêté du 12 décembre 1940, le Département genevois de justice et
police ordonna la fermeture du JZ. Un délai à fin décembre était accordé à
Grellert pour l'évacuation des animaux, faute de quoi ils seraient abattus.
L'autorité relevait les nombreuses plaintes, l'hygiène et la nourriture
déplorables des animaux, le désordre complet de l'exploitation. Elle se
fondait sur le règlement de police pour la protection des animaux, du 24
septembre 1878, modifié par un arrêté du 7 novembre 1905.
Le Conseil d'Etat, par arrêté du 24 janvier 1941, a maintenu la décision du
Département.
C. - Grellert, la S.A. d'exploitation et la Société coopérative ont formé
auprès du Tribunal fédéral un recours de droit public contre les mesures
ordonnées.
Dans sa réponse, le Conseil d'Etat déclare que, postérieurement au recours, la
police et le vétérinaire ont constaté de nouveau la sous-alimentation des
animaux, le manque d'hygiène et le mauvais entretien de l'établissement.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

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Extrait des motifs:
Les droits constitutionnels ne peuvent s'exercer que dans les limites
qu'impose l'ordre public (cf. RO 63 vol. I p. 222; 61 I p. 35 et 110). Ces
limites doivent, en règle générale, être fixées par la loi. Mais le maintien
de l'ordre public est un devoir primordial des autorités. Il leur appartient
de prendre les mesures indispensables pour le rétablir s'il a été troublé ou
pour parer aux dangers sérieux qui le menacent d'une façon directe et
imminente, même si ces mesures impliquent une restriction des libertés
constitutionnelles et ne sont pas prévues spécialement par la loi. Toutefois,
il faut que ces mesures soient appropriées, adaptées aux circonstances et
dirigées au besoin contre les perturbateurs (cf. RO 63 I p. 222; 61 I p. 39;
60 I p. 121, 122 et 124; 57 I p. 275; 55 I p. 238; 35 I p. 148; 20 p. 796). La
notion d'ordre public embrasse celle de moralité publique (öffentliche
Sittlichkeit: cf. FLEINER, Bundesstaatsrecht, p. 320; BURCKHARDT, 3 e édit.,
p. 463). Les autorités responsables de l'ordre public ont pour mission
d'empêcher non seulement ce qui trouble ou met en danger l'exercice du pouvoir
légal, la sécurité, la santé et la tranquillité publiques, mais encore ce qui
est de nature à heurter gravement et directement la morale courante (cf.
FLEINER, Institutionen, p. 397). D'après les conceptions actuelles, la morale
publique réprouve sévèrement la cruauté et les mauvais traitements envers les
animaux (cf. JENNY, Der strafrechtliche Schutz der Tiere, et les nombreux
auteurs cités; cf. également la consultation de ZÜRCHER dans les travaux
préparatoires du CPS, vol. 22, No 43). Aussi la plupart des législations
contiennent-elles des dispositions plus ou moins étendues pour la protection
des animaux. Dans le canton de Genève, le règlement de police cité - règlement
dont la constitutionnalité n'est pas contestée - élargit en réalité
considérablement, à plusieurs points de vue, la protection instituée par le
code pénal, ce qui indique

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une évolution très prononcée du sentiment public en cette matière. Et si le
règlement vise surtout le cas normal des animaux domestiques, il est cependant
clair que les sentiments qui l'ont inspiré impliquent aussi la réprobation de
souffrances inutilement infligées à des animaux non domestiques et notamment à
des animaux sauvages mis hors d'état de nuire et exposés au public dans des
ménageries ou des jardins zoologiques. Si ce cas n'a pas été prévu à Genève,
c'est sans doute qu'à l'endroit des entreprises ambulantes comme le sont
généralement les ménageries, l'autorité est suffisamment armée par le système
des autorisations de police auxquelles elles sont soumises. Quant au cas tout
à fait spécial d'un jardin zoologique aussi important que celui des
recourants, on n'y a pas songé parce qu'un tel jardin n'existait pas et que
rien, probablement, n'en faisait prévoir la création. Cette circonstance ne
saurait toutefois, étant donnés les principes qu'on vient de rappeler,
dispenser l'autorité du devoir, ni la priver par conséquent du droit
d'intervenir si l'exploitation d'un tel jardin se fait dans des conditions qui
heurtent violemment le sentiment de pitié à l'égard des animaux et sont par là
même de nature à provoquer un scandale public. On se trouve alors précisément
dans un cas où l'autorité peut agir malgré l'absence de prescriptions légales
appropriées, absence qui peut être due au caractère exceptionnel et singulier,
ou plus ou moins subit ou imprévu de la situation à laquelle il y a lieu de
faire face (RO 60 I p. 125; 57 I p. 275).
Or, dans le cas particulier, les conditions auxquelles doit être subordonnée
une telle intervention étaient bien réalisées.
Les recourants se plaignent à la vérité de n'avoir pas pu consulter et par
conséquent discuter les pièces invoquées contre le sieur Grellert et
soutiennent avoir été, de ce fait, victimes d'un déni de justice. Ils
n'indiquent toutefois aucune disposition de droit cantonal prescrivant une
telle communication, et cette obligation ne peut, d'après la jurisprudence,
être déduite de l'art. 4 CF qu'en matière

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civile et pénale; en matière administrative, en revanche, il n'en est ainsi
que là où la décision attaquée implique une grave atteinte à des droits
éminemment personnels du citoyen (cf. arrêts Schait, du 27 octobre 1922, p. 5
à 7; Jenny-Bissegger, du 30 septembre 1933, p. 6; RO 53 I p. 113). Or, en
l'espèce, les droits en cause ne sont pas de cette nature. Il y a lieu, au
surplus, d'observer qu'en réalité Grellert était parfaitement au courant des
faits qui lui étaient reprochés et qui ont motivé la décision attaquée. Les
contrôles longtemps journaliers de la police, les inspections et les
instructions verbales du commandant de la gendarmerie et du vétérinaire
cantonal avaient amplement et exactement renseigné à cet égard le directeur.
Il a d'ailleurs reçu communication des rapports de ce commandant et du
vétérinaire qui résumaient les critiques faites à l'exploitation du JZ.
Les recourants ne contestent pas, d'autre part, l'insuffisance des
installations. Dans une demande de subvention adressée au Conseil d'Etat par
la Société coopérative, celle-ci exposait elle-même non seulement la
nécessité, mais l'urgence qu'il y avait à remédier aux défauts de ces
installations et à l'insuffisance de leur entretien, comme aussi, d'une
manière générale, aux mauvaises conditions de l'exploitation. Elle avouait en
même temps l'impossibilité où les recourants se trouvaient de se tirer
d'affaire par leurs propres moyens. Les recourants n'ignoraient pas et ont
d'ailleurs été dûment avisés qu'ils ne pouvaient, surtout dans les
circonstances actuelles, compter sur une subvention de l'Etat.
Les défauts des installations et l'insuffisance de leur entretien créent à eux
seuls une situation absolument intolérable. Pendant l'instruction du recours
cantonal, la situation a encore empiré et s'est aggravée par l'insuffisance
des mesures prises pour protéger les animaux du froid. Abstraction faite des
dangers que pourrait peut-être présenter pour l'hygiène et la sécurité
publique un jardin zoologique ainsi tenu, dangers dont la réponse au recours

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fait état sans donner toutefois à leur sujet des précisions suffisantes, il
est hors de doute qu'au seul point de vue de la protection des animaux les
faits constatés et surtout leur persistance étaient de nature à provoquer une
véritable indignation dans le public et à faire scandale. C'est ce qui s'est
effectivement produit, comme le prouvent les plaintes nombreuses adressées à
la Société protectrice des animaux aussi bien par des habitants de la ville
que par des étrangers de passage.
Outre cette tenue déplorable et scandaleuse de l'établissement, la décision
attaquée invoque l'insuffisance de nourriture des animaux, qui a été la
principale cause des plaintes signalées par la Société protectrice des
animaux. Sur ce point, les recourants tentent de contester le bien-fondé du
grief, mais le dossier fournit surabondamment la preuve qu'à certains moments
les animaux ont gravement souffert de la faim et que certains ont même crevé
de faim. Il a suffi d'une interruption du contrôle de police pour que les
animaux soient restés plusieurs jours sans nourriture.
Dans ces conditions, et étant donnés les principes préalablement exposés,
l'intervention des pouvoirs publics était justifiée.
Les mesures prises étaient adaptées aux circonstances. On ne saurait reprocher
aux autorités cantonales d'avoir agi avec une rigueur excessive; pendant
plusieurs mois, elles se sont bornées à intervenir par le moyen de contrôle de
police, d'inspections et de recommandations. Il est évident, toutefois, que
l'on ne pouvait exiger de la police qu'elle continue à contrôler journellement
les repas des animaux. Lorsqu'il fut établi que les exigences concernant les
installations et l'entretien du JZ restaient lettre morte, que les plaintes
relatives à la nourriture des animaux recommençaient dès qu'étaient
interrompus les contrôles de la police et que l'entreprise était, en raison de
sa situation financière, dans l'impossibilité de remédier à un état de choses
que l'autorité ne pouvait tolérer, la

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fermeture du JZ avec enlèvement ou éventuellement abattage des animaux
s'imposait. Des délais suffisants ont d'ailleurs été accordés à l'entreprise
pour prendre ses dispositions en conséquence. On ne voit pas quelles autres
mesures auraient pu entrer en ligne de compte.
Vgl. auch Nr. 14. - Voir aussi no 14.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 67 I 74
Date : 31. Dezember 1941
Publié : 09. Mai 1941
Source : Bundesgericht
Statut : 67 I 74
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Droit des autorités de prendre les mesures indispensables pour empêcher non seulement ce qui...


Répertoire ATF
67-I-74
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
ordre public • conseil d'état • protection des animaux • société coopérative • cio • vue • tribunal fédéral • doute • moeurs • code pénal • membre d'une communauté religieuse • directive • ordonnance administrative • autorité administrative • intervention • recours de droit public • perturbateur • mesure de protection • directive • fausse indication
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