S. 84 / Nr. 20 Familienrecht (f)

BGE 66 II 84

20. Arrêt de la IIe Section civile du 26 septembre 1940 dans la cause R.

Regeste:
Conditions de l'action en divorce pour cause d'aliénation mentale (art. 141
CC).
Voraussetzungen der Scheidungsklage wegen Geisteskrankheit des andern
Ehegatten (Art. 141 ZGB).
Condizioni cui è subordinata l'azione di divorzio per infermità mentale
dell'altro coniuge (art. 141 CC).

A. - Les époux R. se sont mariés à Montreux le 13 mai 1933. Le 28 avril 1934,
Dame R. est accouchée d'un garçon. Au dire des médecins qui la soignèrent à ce
moment-là, elle manifesta alors des symptômes nerveux suivis d'un état
dépressif. Au printemps de 1936, elle fit un séjour chez ses parents. Son
médecin ne la trouvant pas mieux à son retour, l'envoya à la clinique du D r
Delachaux à Aigle qui, dans un certificat du 25 juillet 1938, résuma dans les
termes suivants l'état de sa malade à l'époque du traitement: «dépression
nerveuse avec hallucinations, angoisses et idées obsédantes». Le 12 août 1936,
Dame R. se trouve à l'établissement d'Humilimont et y reste jusqu'au 13
septembre 1936, soignée par le D r Jordan dont les observations sont: «état de
dépression à forme hypochondriaque, troubles cenesthésiques multiples, idées
obsédantes, peur de la mort, idées de suicide». Après un mois passé à
Humilimont, on note, d'après les experts,

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une légère amélioration. Durant l'hiver 1936-1937, elle est suivie à domicile
par le D r Brandt qui n'observe pas d'amélioration et constate que la vie
familiale est devenue impossible. Au printemps de 1937, le D r Favre pose le
diagnostic de «schizophrénie évoluant de façon chronique et présentant une
forme où prédominent les cénesthopathies». Dans le cours de l'année elle est
soignée à deux reprises à l'Hôpital cantonal de Genève. Du 4 mars au 16 juin
1938, elle est en traitement à l'Asile de Malévoz. Le médecin conclut
également au diagnostic de «schizophrénie, caractérisée par de l'infantilisme,
de la tendance à l'autisme, des préoccupations cénesthoplastiques, des
manifestations hypochondriaques à la limite du délire et de l'instabilité
affective». Dès l'été 1938 Dame R. séjourne soit chez son frère soit chez sa
soeur où elle se trouve encore en avril 1939. Au dire de la malade, et des
parents qui l'entourent, les six mois qui ont précédé cette dernière date on a
vu s'installer une amélioration lente mais progressive de son état.
B - Entre temps, soit par exploit du 22 septembre 1938, R. a assigné sa femme
aux fins d'entendre déclarer nul et de nul effet, en application de l'art. 120
ch. 2 Cc, le mariage conclu entre eux et, très subsidiairement, ouïr prononcer
le divorce en application de l'art. 141 Cc; dans les deux cas, de voir confier
l'enfant à son père.
Dame R. s'est opposée à la demande en contestant en résumé être atteinte d'une
maladie mentale incurable et en soutenant que de toute façon la maladie
prétendue se serait manifestée depuis moins de trois ans au moment de
l'ouverture de l'action et que la vie commune n'aurait pas été insupportable
au demandeur durant ce même laps de temps.
C. - Par jugement du 5 décembre 1939, le Tribunal de première instance de
Genève, après avoir ordonné une expertise médicale, a débouté le demandeur de
ses conclusions en annulation du mariage, mais a prononcé le divorce en
application de l'art. 141 Cc, confié l'enfant à

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son père, sous réserve du droit de visite de la mère et compensé les dépens.
Sur appel de Dame R., la Cour de Justice civile de Genève a confirmé le
jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions en annulation du mariage
mais, le réformant pour le surplus, a également débouté le demandeur de ses
conclusions en divorce qu'elle a considérées comme prématurées.
D. - R. a recouru au Tribunal fédéral. Il convient que la question de
l'annulation du mariage n'est plus en cause mais il demande la réforme de
l'arrêt de la Cour dans le sens de l'admission de la demande en divorce.
Considérant en droit:
La Cour de Justice civile a jugé qu'une des conditions essentielles de la
recevabilité de l'action en divorce pour cause d'aliénation mentale, à savoir
que le délai de trois ans fixé par l'art. 141 Cc soit écoulé dès avant
l'ouverture de l'action, faisait défaut en l'espèce, l'action ayant été
ouverte le 22 septembre 1938 et les experts n'ayant pas cru pouvoir faire
remonter au delà de 1936 le moment où la vie commune était devenue
insupportable au demandeur. Ce dernier critique cette décision, d'une part, en
ce que, pour la supputation du délai de trois ans, elle tient compte de la
date de l'ouverture de l'action et non pas de la date de la prononciation de
l'arrêt ou tout au moins de celle de la constatation par les experts du
caractère incurable de la maladie, et, d'autre part, en ce qu'elle exige non
seulement que la maladie ait duré trois ans, mais que, durant tout ce temps,
elle ait présenté le caractère de gravité voulu pour rendre la vie commune
insupportable au conjoint sain d'esprit.
Pour ce qui est du premier point, le recourant reconnaît que la Cour n'a fait
que se rallier au principe posé dans l'arrêt Kalt du 15 septembre 1926 (RO 52
II 186
et suiv.), mais il prétend que le Tribunal fédéral serait revenu
lui-même sur cette jurisprudence dans un arrêt subséquent

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(arrêt Hunkeler, du 26 février 1936, RO 63 II 1). Cette allégation n'est pas
exacte. Si l'arrêt Hunkeler retient bien, il est vrai, le fait que in casu la
condition relative à la durée de la maladie pouvait être considérée comme
réalisée, soit qu'on calculât le délai à partir de l'ouverture de l'action,
soit même à partir de la date de l'arrêt attaqué, il ressort toutefois
clairement du contexte que cette observation se rapportait avant tout à
l'espèce en question et qu'elle était faite par surabondance de droit. Aussi
bien le Tribunal fédéral ne saurait-il, après un nouvel examen, arriver à une
solution différente. Comme on l'a déjà relevé dans l'arrêt Kalt, l'art. 141
fait de la durée de la maladie une condition expresse de l'action, et il est
dès lors normal d'interpréter ce texte comme imposant au demandeur la preuve
que son droit était d'ores et déjà acquis lorsqu'il s'en est prévalu. Cette
exigence correspond du reste au principe général qui veut que ce soit au
moment de l'ouverture de l'action que le juge doive se reporter pour juger du
mérite de celle-ci, et il y a d'autant moins de raisons de déroger à cette
règle en la matière qu'en permettant au demandeur de se prévaloir du temps qui
s'est écoulé pendant le procès, on y introduirait un élément d'incertitude qui
non seulement peut être la cause de nouvelles difficultés, mais peut aussi, si
l'époux malade a des moments de rémission, avoir une influence fâcheuse sur le
cours de la maladie.
C'est à tort aussi que le recourant conteste que la maladie doive présenter
durant les trois ans en question le caractère de gravité qui rend la
continuation de la vie commune insupportable au demandeur. Que ce laps de
temps ait été arrêté pour parer aux erreurs de diagnostic, cela n'est pas
contestable, mais il n'en demeure pas moins qu'à la différence de la loi de
1874, le code civil fait actuellement dépendre le succès de l'action du fait
que la maladie mentale ait rendu la vie commune insupportable à l'autre
conjoint, et une interprétation rigoureuse de cette disposition devrait
logiquement conduire à exiger que cet

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état ait subsisté pendant tout le temps prescrit. La jurisprudence n'a
cependant pas été jusque là: Elle a admis, d'une part, que des rémissions ou
des améliorations passagères n'interrompaient pas le cours du délai, et,
d'autre part, qu'il était même loisible dans certains cas de remonter au delà
de la célébration du mariage, lorsqu'il était prouvé par exemple qu'à cette
époque-là la maladie présentait déjà le caractère qui devait par la suite
rendre la vie commune insupportable. Mais elle ne saurait aller plus loin sans
méconnaître la règle posée à l'art. 159 Cc.
Tout autre est la question du moment auquel le demandeur aura à justifier que
la maladie a duré le temps prescrit. Il ne s'agit plus ici en effet que d'une
question d'administration des preuves et il va de soi que cette justification
pourra n'être entreprise qu'au cours du procès, autrement dit qu'elle pourra
résulter de certificats médicaux ou rapports d'expertise dressés
postérieurement à la date de l'ouverture de l'action.
La Cour de Justice ayant admis en l'espèce que l'expertise ne permettait pas
de faire remonter le moment où la vie commune est devenue insupportable plus
haut que l'époque où Dame R. a dû faire des séjours dans divers
établissements, c'est-à-dire en 1936, et le Tribunal fédéral n'ayant aucune
raison d'en juger différemment, il s'ensuit donc bien, comme le relève la
décision attaquée, que la demande était prématurée.
Il existe du reste un autre motif de rejeter la demande. En effet, les
experts, interrogés spécialement par le Tribunal sur les chances de guérison
de la défenderesse, ont expressément déclaré que si la schizophrénie (dont est
atteinte la défenderesse) est une maladie dans laquelle il est extrêmement
rare, pour ne pas dire exclu, de constater des guérisons médicales, des
guérisons «sociales» étaient en revanche possibles, «c'est-à-dire qu'il arrive
qu'un malade puisse reprendre pour une longue durée, voire même
définitivement, une vie absolument normale ...», et ils ont ajouté que
l'amélioration par eux constatée dans l'état

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de Dame R. leur permettait de considérer comme possible une guérison
«sociale». Or, en présence d'une telle constatation - que le recourant n'a pas
mise en doute - on ne saurait admettre que la preuve ait été faite que la
maladie dont souffre la défenderesse soit incurable au sens de l'art. 141, car
si la maladie mentale a été retenue comme une cause de divorce, c'est avant
tout en considération du trouble qu'elle apporte dans les relations entre les
époux, de sorte qu'en parlant de maladie incurable, la loi entend une maladie
dont on puisse dire que les manifestations rendent la continuation de la vie
commune insupportable à tout jamais à l'époux demandeur. Si l'on constate, par
conséquent, comme en l'espèce, qu'une guérison «sociale» est possible,
autrement dit qu'il y a des chances que l'époux malade puisse reprendre un
jour une vie normale, la maladie aurait beau être taxée d'incurable au sens
médical du terme, elle ne constitue pas pour cela une cause légitime de
divorce.
Le Tribunal fédéral prononce:
1. Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : 66 II 84
Data : 01. gennaio 1940
Pubblicato : 25. settembre 1940
Sorgente : Tribunale federale
Stato : 66 II 84
Ramo giuridico : DTF - Diritto civile
Oggetto : Conditions de l'action en divorce pour cause d'aliénation mentale (art. 141 CC).Voraussetzungen der...


Registro di legislazione
CC: 141
Registro DTF
52-II-186 • 63-II-1 • 66-II-84
Parole chiave
Elenca secondo la frequenza o in ordine alfabetico
accoglimento • annullamento del matrimonio • apertura della procedura • assunzione delle prove • autismo • azione di divorzio • causa di divorzio • causa legittima • certificato medico • citazione a comparire • codice civile svizzero • condizione • cronaca • decisione • dubbio • effetto • fratelli e sorelle • giordania • giorno determinante • infermità mentale • istituto ospedaliero • membro di una comunità religiosa • mese • nuovo esame • perizia medica • prima istanza • prolungamento • seta • stagione • tribunale federale