S. 66 / Nr. 10 Motorfahrzeug- und Fahrradverkehr (f)
BGE 64 I 66
10. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1938 dans la
cause Ministère public du Canton de Neuchâtel contre Gilardi.
Regeste:
Les circulaires adressées par le Département fédéral de Justice et Police aux
autorités cantonales au sujet de l'application de la loi et du règlement sur
la circulation des véhicules automobiles et des cycles ne fournissent pas à
elles seules une base juridique suffisante pour fonder une condamnation
pénale.
Résumé des faits:
A. - Le 11 juin 1937, un rapport de police a été dressé contre Georges-Charles
Gilardi parce que, circulant sur une motocyclette pourvue d'un side-car
destiné au transport des marchandises, il avait pris comme passager, sur ledit
side-car, son apprenti Roger Pascali. Renvoyé devant le Tribunal II de La
Chaux-de-Fonds comme prévenu d'infraction à l'art. 56 al. 1 du règlement
d'exécution de la loi fédérale sur la circulation des véhicules automobiles et
des cycles, du 15 novembre 1932, Gilardi a été acquitté, le Tribunal ayant
estimé que le fait reproché au prévenu n'était pas réprimé, ni par la loi ni
par le règlement, et que la circulaire du Département fédéral de Justice et
Police du 19 novembre 1935 à laquelle se référait le rapport de l'agent de
police n'avait pas force de loi.
Par arrêt du 22 septembre 1937, la Cour de cassation pénale du Canton de
Neuchâtel a rejeté le pourvoi formé
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contre ce jugement par le Procureur général du Canton de Neuchâtel.
Ce dernier s'est pourvu en nullité devant la Cour de cassation du Tribunal
fédéral.
Extrait des motifs:
1.- (La Cour de cassation relève que le fait pour lequel le prévenu a été
renvoyé devant le tribunal n'est visé ni par l'art. o6 al. 1 du règlement, ni
par aucune autre disposition de la loi ou du règlement, et n'est dés lors pas
punissable en vertu de ces textes.)
2.- Il est exact que le fait reproché à Gilardi est expressément prévu par
l'une des circulaires que le Département fédéral de Justice et Police a
adressées aux autorités cantonales au sujet de l'application de la loi et du
règlement concernant la circulation des véhicules automobiles. La circulaire
du 19 novembre 1936 dit en effet qu'il est interdit de transporter des
personnes sur des side-cars aménagés pour le transport des marchandises. Mais
les circulaires du Département fédéral ne sauraient à elles seules constituer
une base juridique suffisante pour fonder une condamnation pénale, car elles
ne lient pas le juge et cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, c'est au
Conseil fédéral et non au Département fédéral de Justice et Police que l'art.
69 de la loi réserve le pouvoir d'arrêter les mesures d'exécution, et l'on
chercherait en vain un texte d'après lequel ce pouvoir aurait été délégué au
Département. Ni la loi fédérale du 26 mars 1914 sur l'organisation de
l'administration fédérale, ni l'arrêté du Conseil fédéral du 17 novembre 1914
donnant aux départements et aux services qui en dépendent la compétence de
régler certaines affaires ne prévoient de délégation en cette matière. En
second lieu, les circulaires des départements sont rédigées simplement sous
forme de communications aux autorités cantonales, et, pour avoir force de loi,
il leur manque d'avoir été régulièrement publiées. Enfin, comme on l'a déjà
relevé à juste titre (FLEINER,
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Bundesstaatsrecht p. 461), les circulaires des départements fédéraux ne
constituent tout au plus que des avis et des directions à l'adresse des
autorités administratives, et le juge n'est nullement lié par elles.
C'est à tort d'ailleurs que le Procureur général du Canton de Neuchâtel
prétend que la prescription susénoncée de la circulaire du 19 novembre 1935
peut être considérée comme une interprétation de l'art. 56 al. 1 du règlement.
Ainsi qu'on l'a déjà montré, la circulaire va beaucoup plus loin que le
règlement; elle formule une règle nouvelle à laquelle ni le législateur ni
l'auteur du règlement n'ont en réalité songé. En outre, aucun texte législatif
ne confère au Département fédéral de Justice et Police le pouvoir de donner de
la loi ou du règlement une interprétation devant laquelle le juge devrait
s'incliner. Serait-ce même le cas, encore faudrait-il que cette interprétation
n'excédât pas les limites de la règle à laquelle elle prétend se référer.
La Cour de Cassation prononce:
Le recours est rejeté.