S. 65 / Nr. 16 Familienrecht (f)

BGE 63 II 65

16. Arrêt de la IIe Section civile du 29 avril 1937 dans la cause L. contre P.


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Regeste:
Mesures provisionnelles en matière d'action en paternité. Les droits des
demandeurs sont limitativement fixés par l'art. 321 Ce. Le juge ne peut, même
en vertu d'une disposition expresse de droit cantonal, condamner
provisionnellement le défendeur à payer des aliments.

Raymonde P. et son fils illégitime, né le 29 octobre 1936, ce dernier étant
représenté par son curateur, ont ouvert action en paternité contre L. par
exploit du 4 décembre 1936. Par exploit du même jour, l'enfant, se fondant sur
les art. 321 Cc et 41 du code de procédure civile vaudois, a conclu à ce que
L. fût condamné à contribuer à son entretien par le versement d'une pension
alimentaire mensuelle de 40 francs dès et y compris le 1 er décembre 1936 et
jusqu'à jugement définitif et exécutoire sur la demande principale.
Par ordonnance du 17 décembre 1936, le Président du Tribunal du district de
Lausanne a condamné L. à verser en mains du curateur une pension de 30 francs
par mois dès et y compris le 15 décembre 1936 jusqu'au jugement de la cause et
au plus tard jusqu'au 15 juin 1937. Le juge a admis en résumé que les
conditions prévues à l'art. 321 Cc 5

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étaient réalisées, c'est-à-dire que la paternité du défendeur paraissait
établie et que la mère était dans le besoin. Encore que cette disposition se
contente en pareil cas d'obliger le défendeur à fournir des sûretés, il a jugé
qu'elle n'excluait pas la faculté pour les demandeurs de revendiquer le
bénéfice de l'art. 41 ch. 1 du code de procédure civile vaudois (cpc) qui
prévoit la possibilité pour le juge d'accorder, par mesure provisionnelle, des
aliments pendant le procès jusqu'à jugement définitif, notamment dans le cas
prévu à l'art. 321 du code civil suisse.
Sur recours, le Tribunal civil du district de Lausanne a confirmé cette
décision par jugement du 18 février 1937.
L. a formé contre ce jugement un recours de droit civil fondé sur l'art. 87
ch. 1 OJF. Il soutient en résumé que c'est à tort que les premiers juges ont
fait application de l'art. 41 cpc vaud, qui est incompatible avec la règle
posée par l'art. 321 Cc et que la seule obligation à laquelle on eût pu
l'astreindre est celle qui est prévue par cette dernière disposition.
Au nom de l'enfant, le curateur a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Le Tribunal du district de Lausanne ne laisse pas de reconnaître que
l'art. 41 ch. 1 du code de procédure civile vaudois qui permet au juge, en
matière d'action en paternité, d'accorder par provision à l'enfant des
aliments pour la durée du procès et jusqu'à jugement définitif va au-delà de
ce que prescrit l'art. 321 du code civil suisse, qui se borne à prévoir que le
défendeur peut être condamné à fournir des sûretés pour les frais présumables
de l'accouchement et l'entretien de l'enfant pendant trois mois. Mais il
estime, d'une part, qu'il ne lui appartient pas de refuser d'appliquer une
disposition de droit cantonal régulièrement édictée et d'ailleurs approuvée
par l'autorité fédérale et, en second lieu, que la règle posée par l'art. 321
Cc n'exclut pas l'application concurrente de l'art. 41

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ch. 1 cpc vaud., lequel touche à une matière relevant en principe du droit
cantonal.
Il est certain, en ce qui concerne ce dernier point, que si le législateur
vaudois s'était borné, comme le fait l'art. 321 Cc, à imposer au défendeur
l'obligation de fournir des sûretés, l'applicabilité d'une telle disposition
ne ferait aucun doute, même en l'absence de la règle posée à l'art. 321. On se
trouverait en effet en présence d'une mesure destinée simplement à assurer
l'exécution du jugement, c'est-à-dire d'une règle de procédure. Mais la mesure
prévue par l'art. 41 ch. 1 cpc vaud. sort du cadre des mesures
provisionnelles. En autorisant le juge à condamner le défendeur, non pas
seulement à garantir le payement d'une somme qu'il sera peut-être tenu de
payer un jour, mais à payer une partie de la somme réclamée en demande, avant
même que la preuve ait été faite de l'existence de la dette, l'art. 41 ch. 1
préjuge, en effet, en quelque sorte l'action, il en modifie en tout cas les
conditions et empiète donc en un certain sens sur le fond du droit,
c'est-à-dire sur un domaine réservé à la législation fédérale.
Mais voulût-on même considérer l'art. 41 ch. 1 comme une règle de procédure,
qu'il resterait encore qu'elle va bien au-delà de ce que prescrit l'art. 321
Cc. Or les motifs qui ont conduit le législateur fédéral à s'occuper de la
question prouvent qu'il entendait la régler d'une façon complète. Si l'on
reporte aux travaux préparatoires du code civil suisse, on constate en effet
que non seulement il n'a jamais été question de laisser aux cantons le soin de
régler les rapports pécuniaires du détendeur envers la mère et l'enfant avant
le jugement, mais au contraire que la solution que consacre l'art. 321 était
considérée, aussi bien par les promoteurs de ce texte que par ceux qui l'ont
adopté, comme constituant la limite extrême des droits des demandeurs avant le
jugement, autrement dit que cette réglementation excluait toute possibilité
d'intervention du législateur cantonal en ce domaine (cf. Exp. I p. 316; Bul.
stén. 1905 p. 787, 1212 et suiv.).

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Sans doute doit-on reconnaître que la solution de l'art. 321 ne répond
qu'imparfaitement au but visé, puisqu'elle était destinée à venir en aide à la
mère au moment où, disait-on, elle en avait le plus besoin et que, d'autre
part, le dépôt d'une somme d'argent ou de titres ne représentera jamais
l'équivalent d'un versement immédiat en espèces. Mais cela n'est pas une
raison suffisante pour admettre la légitimité de la mesure prévue à l'art. 41
cpc vaud., car un des arguments des adversaires de l'art. 321 consistait
précisément à dire que l'avantage que présentait pour les demandeurs à
l'action la perspective de pouvoir, en cas d'admission de l'action, récupérer
les frais d'accouchement et l'entretien de l'enfant pendant les trois premiers
mois était fort peu de chose en comparaison du risque qu'ils avaient de voir
le défendeur se dérober à ses engagements pendant tout le laps de temps qui
restera à courir jusqu'au terme de son obligation (Bul. stén. p. 1213), et
cependant personne n'a songé à répliquer que la disposition de l'art. 321
n'empêcherait pas les cantons, s'ils le voulaient, soit d'allonger la période
prévue, soit d'édicter des mesures encore plus efficaces. Il s'ensuit donc que
le législateur fédéral envisageait bien l'art. 321 comme fixant le maximum de
ce que la mère et l'enfant pourraient demander.
Quant à l'argument tiré de l'incompétence prétendue des premiers juges vaudois
pour examiner la légitimité d'une disposition du droit cantonal, il n'est pas
fondé en l'espèce. Le juge cantonal est tenu d'appliquer non seulement les
dispositions de la loi cantonale, mais aussi celles du droit fédéral, et
lorsqu'il y a possibilité de conflit entre les premières et les secondes, il
lui appartient, aussi bien qu'au juge fédéral, de rechercher en quelle mesure
elles sont compatibles et en faisant éventuellement prévaloir la règle de
droit fédéral.
Il en est de même de l'argument pris du fait que le code de procédure civile
vaudois a reçu l'approbation de l'autorité fédérale. Cette approbation ne
dispense évidemment pas le juge d'examiner, même d'office, en quelle mesure

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une disposition du droit cantonal est contraire aux prescriptions de la loi
fédérale.
2.- Le recourant s'étant déclaré d'accord de fournir des sûretés en garantie
de l'entretien de l'enfant pendant les trois premiers mois dès sa naissance,
il est superflu de renvoyer la cause devant le Tribunal de district pour fixer
le montant du dépôt à effectuer. La somme peut être d'ores et déjà arrêtée ex
aequo et bono à 40 francs par mois.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et le défendeur condamné
à verser au Greffe du Tribunal du district de Lausanne la somme de 120 francs
à titre de garantie des frais d'entretien de l'enfant pendant trois mois.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 63 II 65
Date : 01 janvier 1936
Publié : 29 avril 1937
Source : Tribunal fédéral
Statut : 63 II 65
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Mesures provisionnelles en matière d'action en paternité. Les droits des demandeurs sont...


Répertoire ATF
63-II-65
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
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