S. 281 / Nr. 56 Verfahrensfreiheit (f)

BGE 63 I 281

56. Extrait de l'arrêt du 3 décembre 1937 dans la cause Barraud et consorts
contre Loi Neuchâteloise interdisant le parti communiste


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Regeste:
L'art. 58 CF permet aux cantons d'interdire les associations subversives
(consid. 3).
Le parti communiste peut être rangé actuellement au nombre des associations
subversives (consid. 4).
Le législateur a pouvoir de prohiber non seulement les associations
subversives en général, mais encore telle association particulière, lorsque,
sans arbitraire, il peut estimer cette mesure nécessaire pour atteindre le but
qu'il se propose: empêcher les mouvements subversifs (consid. 5).

A. - La loi neuchâteloise du 23 février 1937 portant interdiction des
organisations communistes ou subversives décrète que le parti communiste est
dangereux pour l'Etat et illégal et lui interdit toute activité politique ou
autre sur territoire neuchâtelois; le Conseil d'Etat est chargé de dissoudre
les organisations illicites (art. 1). Elle interdit également l'offre, la
remise, l'envoi ou la distribution de tous journaux, écrits, feuilles
volantes, manifestes et autre matériel de propagande ayant un caractère
communiste ou subversif (art. 2). L'exercice d'un mandat public et d'une
fonction administrative ou pédagogique est déclaré incompatible avec le fait
d'être membre du parti communiste, d'une organisation qui s'y rattache ou qui
s'en inspire (art. 3 al. 1). En conséquence, l'entrée en vigueur de la loi
emporte de plein droit l'annulation des mandats publics attribués à des
communistes et la résiliation des rapports de service des fonctionnaires,
employés et ouvriers de l'Etat ou des communes, appartenant soit au parti
communiste, soit aux organisations qui s'y rattachent ou qui s'en inspirent
(art. 3 al. 2). Les personnes qui, sans se

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rattacher à une organisation illicite, se livrent à une activité quelconque
destinée à propager le communisme, l'anarchie ou d'autres doctrines
préconisant ou comportant le renversement, par la violence des, institutions
démocratiques, tombent sous le coup des incompatibilités prévues (art. 3 al.
3). Diverses peines sont prévues pour réprimer les infractions à ladite loi
(art. 4 et 5). Les dispositions de la loi sont également applicables aux
groupements anarchistes, ainsi qu'à tous autres groupements préconisant la
violence et dirigés contre l'Etat démocratique (art. 6).
La loi, soumise à la votation populaire à la suite d'une demande de
referendum, fut adoptée par 17.524 oui contre 8597 non les 24 et 25 avril
1937. Le parti communiste déposa contre la validité du scrutin une réclamation
qui fut déclarée mal fondée par décret du Grand Conseil rendu le 18 mai 1937.
Le même jour, la loi fut promulguée par arrêté du Conseil d'Etat. Décret et
arrêté furent publiés dans la Feuille officielle le 19 mai 1937.
B. - Aurèle Barraud et 19 corecourants, tous citoyens suisses domiciliés dans
le canton de Neuchâtel et tous, sauf cinq, membres du parti communiste au
moment de la promulgation de la loi, ont formé auprès du Tribunal fédéral un
recours de droit public, le 16 juin 1937, contre la loi du 23 février
promulguée le 18 mai 1937 par le Conseil d'Etat, contre l'arrêté de
promulgation et contre le décret du Grand Conseil du 18 mai concernant la
votation populaire des 24 et 25 avril 1937.
Les recourants se plaignent de la violation de nombreuses dispositions
constitutionnelles, notamment de celles qui garantissent la liberté
d'association, la séparation des pouvoirs et l'égalité des citoyens devant la
loi.
C. - Tant au nom du Grand Conseil qu'en son propre nom, le Conseil d'Etat de
Neuchâtel a conclu au rejet du recours.
Extrait des motifs:
3. - Aux termes de l'art. 56 CF, les citoyens ont le droit de former des
associations, mais ce droit n'existe qu'autant

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«qu'il n'y a dans le but de ces associations ou des moyens qu'elles emploient
rien d illicite ou de dangereux pour l'Etat». Dès que, soit le but, soit le
moyen implique pareil danger ou apparaît contraire au droit, la garantie
constitutionnelle disparaît, et il appartient au législateur cantonal de
«réprimer» cet «abus».
Cette limitation du droit d'association et ce pouvoir des cantons, qui en est
le corollaire, se comprennent et se justifient d'emblée. Une des missions
essentielles de l'autorité est de maintenir l'ordre et la tranquillité
publics, de protéger les institutions de l'Etat, d'empêcher toute atteinte à
la sûreté intérieure et extérieure du pays. Les citoyens ne jouissent de leurs
droits constitutionnels que dans la mesure compatible avec cette sauvegarde
(RO 57 I p. 272; 60 I p. 124, 208 et 351; 61 I p. 35, 110 et 269). Les
groupements de citoyens ne sauraient avoir des droits plus étendus; au
contraire, leur activité, si elle sort des limites indiquées, est évidemment
plus dangereuse que celle d'individus isolés.
Si l'on examine la loi neuchâteloise dans son titre et dans l'ensemble de son
texte, on constate qu'en principe elle vise précisément à empêcher l'abus du
droit d'association en interdisant les organisations subversives, soit tous
groupements dirigés contre l'Etat démocratique et préconisant la violence (au
Grand Conseil neuchâtelois, le député qui a proposé d'introduire le mot
«subversif» dans le titre de la loi a précisé que ce terme «vise ceux qui
organisent le renversement du régime par la violence» art. 6). il saute aux
yeux que de pareilles associations sont illicites ou illégales-ces deux mots
pris dans le même sens général de contraires au droit écrit ou non écrit
(Rechtsordnung) -, qu'elles sont de plus dangereuses pour I Etat (cf.
BURCKHARDT, 3e éd. p. 524; FLEINER, Bundesstaatsrecht, p. 369 et 370; LAMPERT,
Vereine, p. 14; BONHOTE, La liberté d'association, p. 211), et que le
législateur cantonal peut les interdire en vertu de la réserve insérée dans
l'art. 56 CF.

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Pour les anarchistes, il est notoire que ceux qu'on appelle ainsi dans le
langage courant prônent le renversement des institutions publiques par la
violence et ont pour système de recourir aux attentats et aux crimes
terroristes. La loi les a donc frappés à bon droit de l'interdiction décrétée
contre les organisations subversives.
Qu'en est-il du parti communiste?
4. - De ce qu'on vient de constater au sujet du sens et de la portée de la loi
neuchâteloise, il suit que le législateur ne vise pas les doctrines sociales
et politiques des communistes comme telles; la loi ne s'oppose pas à ce que
des citoyens préfèrent un système fondé sur les idées de Karl Marx au régime
en vigueur et elle ne les empêche pas de chercher à gagner des adeptes pour
faire triompher ces principes par les voies légales. Par conséquent, à cet
égard le législateur ne porte pas atteinte aux distinctions faites par le
Tribunal fédéral dans plusieurs arrêts (v. notamment l'arrêt Graber et
consorts contre Conseil d'Etat vaudois du 20 septembre 1935, RO 61 I p. 264,
qui a complété et précisé sur certains points l'arrêt Humbert-Droz du 23 mai
1932, RO 58 I p. 84); il se maintient dans le cadre où l'intervention du
pouvoir public a été jugée légitime. Ces questions sont donc hors de
discussion. En revanche, il faut examiner si le législateur était fondé à
ranger le parti communiste parmi les organisations subversives prohibées parce
que le communisme est aujourd'hui un mouvement subversif en ce sens qu'il
tendrait au renversement du régime par la violence et par d'autres moyens
illicites (RO 61 I p. 270).
Pour se convaincre qu'il en est bien ainsi, il suffit de se reporter à divers
documents versés au dossier, dont l'exactitude n'est pas contestée.
a) il est avéré - et les recourants le reconnaissent - que le parti communiste
suisse (PCS) aussi bien que l'Internationale communiste (IC) ont pour but
d'instituer la dictature du prolétariat, à l'exemple des Soviets, et de faire
la révolution (Messages du Conseil fédéral: 1° du 7 décembre

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1936 à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral sur la protection de l'ordre
public et de la sûreté publique, FF. 1936 III p. 396; 2° du 18 avril 1937
concernant la garantie des lois constitutionnelles genevoises du 13 juin 1937,
FF. 1936 II p. 621). Sur le sens de «révolution» il ne peut y avoir de doute;
les communistes n'ont cessé de déclarer qu'ils s'en tiennent intégralement aux
principes de Karl Marx et du manifeste de 1848; les «principes communistes»,
reproduits au verso des statuts du PCS de 1922, précisent que les communistes,
loin de vouloir dissimuler leurs intentions, affirment hautement que leurs
buts ne peuvent être atteints qu'en renversant par la violence l'ordre établi.
Les conditions d'admission imposées en 1921 aux partis adhérant à l'IC
prescrivent aux communistes de créer partout -donc aussi en Suisse-,
parallèlement à l'organisation légale, un organe clandestin capable de
remplir, au moment décisif, son devoir envers la révolution (Message de 1936).
Au surplus, les résolutions de l'IC prises au Congrès mondial de 1935 obligent
tout parti communiste à lutter contre l'illusion que la réalisation du
socialisme serait possible en utilisant les voies pacifiques et légales (VIIe
Congrès mondial de l'Internationale communiste, Resolutionen u. Beschlüsse,
éd. all. p. 34; comp. aussi le programme arrêté par le VIe Congrès en 1928 et
cité par M. de Coulon au Conseil des Etats, Bull. sténog. 1937, p. 61).
Rien ne permet d'affirmer que les communistes, depuis 1935, aient décidé une
modification fondamentale de leur mouvement. Au contraire, le VIIe Congrès
affirme à de multiples reprises que le communisme ne se départ pas de son
caractère révolutionnaire et qu'il reste fidèle à son but et à ses méthodes,
qui le distinguent des autres partis et notamment du socialisme «réformiste»
(VIIe Congrès, p. 5, 13, 24, 26, 33 et suiv.). Si, momentanément, le parti
communiste se propose, selon l'exemple des communistes français, de former un
front unique avec d'autres partis ouvriers, voire avec certaines fractions
bourgeoises, c'est uniquement pour sauvegarder contre les tendances

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réactionnaires le régime des libertés individuelles dont le communisme
n'entend se servir que pour préparer la révolution.
Pour le parti communiste, la désorganisation des institutions destinées à
maintenir la sûreté intérieure, en vue du renversement de l'ordre légal par la
révolution, ne constitue pas seulement un moyen et un but éloignés et purement
idéologiques. On est fondé à admettre au contraire qu'il s'agit du but
essentiel dont s'inspire toute l'activité du mouvement, comme le proclament
les discours et les résolutions communistes. Ainsi le Tribunal fédéral a déjà
eu l'occasion de constater que le parti avait entrepris un travail de sape et
de désagrégation interne dans l'armée en usant d'une tactique de dissimulation
et de trahison (RO 61 I p. 267), qu'il prenait aussi à tâche d'exciter jusqu'à
l'exaspération et sans souci d'objectivité les passions populaires contre la
police, contre les organes de l'Etat et contre d'autres citoyens, à l'effet de
provoquer des violences et des troubles (RO 60 I p. 122 et suiv.; voir aussi
ROBERT GRIMM, «Geschichte der sozialistischen Ideen in der Schweiz», 1931, p.
222 et 223: «In schroffer Weise stehen sich Sozialismus und Kommunismus dort
gegenüber, wo es sich um die konkrete Aktion, um den Kommunismus als einer
Bewegung der internationalen Agitation und Propaganda handelt...». La
responsabilité des communistes dans les troubles de La Chaux-de-Fonds parait
établie, et les recourants se bornent en somme à en atténuer l'importance. il
n'en demeure pas moins que cet exemple récent montre que la tactique, du reste
notoire (RO 61 I p. 267), ne s'est pas modifiée.
Comme le Conseil fédéral le constate dans le message cité du 18 août 1937 (FF.
1937 II p. 621
), il est «suffisamment démontré» que «le but des associations
et organisations affiliées directement ou indirectement à l'Internationale
communiste est dangereux pour l'Etat et pour l'ordre public».
b) Le caractère subversif et dangereux de ce mouvement en Suisse est corroboré
par les constatations suivantes:

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L'ensemble des organismes communistes en Suisse constitue le parti communiste
suisse (PCS), lequel n'est qu'une section de l'Internationale communiste ou
IIIe Internationale. Or, le Conseil fédéral le déclare dans son message du 7
décembre 1936 (FF. 1936 III p. 394 et 395), le PCS est complètement subordonné
aux organes de l'Internationale à Moscou et notamment à son comité exécutif -
dans lequel, depuis 1935, ne siège aucun membre du parti suisse (VIIe Congrès
p. 55). En effet, selon les statuts du PCS (1927), chaque membre reconnaît les
statuts de l'IC; il s'oblige par avance à exécuter ponctuellement toutes les
décisions de l'IC (statuts, art. 2 et 40); les assemblées générales,
ordinaires ou extraordinaires, ne sont convoquées et les statuts du PCS ne
peuvent être revisés qu'avec le consentement du Comité exécutif de
l'internationale. D'après les statuts de l'IC (1928), le Comité exécutif a le
droit d'abroger et de modifier les décisions des sections, de donner des
instructions à celles-ci et de leur imposer des représentants dont la tâche
consiste à surveiller l'exécution des décisions prises par les Congrès et le
Comité exécutif (Message cité, p. 395). Financièrement, enfin, le PCS dépend
de l'Internationale communiste (comp. ROBERT GRIMM, op. cit. p. 214).
Cette extrême dépendance des sections est une des caractéristiques de la IIIe
Internationale créée en 1919. En 1921, celle-ci a défini les conditions
auxquelles pourraient être admis dans son sein les partis affiliés
précédemment à la IIe Internationale, en soulignant notamment les pouvoirs
prépondérants accordés au Congrès international et au Comité exécutif dans la
nouvelle organisation. Selon l'ouvrage de SCHENKER, «Die sozialdemokratische
Bewegung in der Schweiz von ihren Anfängen bis zur Gegenwart» 1926, p. 19 et
suiv., «c'était à prendre ou à laisser». Pour ce motif, le parti socialiste
suisse, faute de pouvoir choisir lui-même sa tactique propre, décida à la
majorité de ne pas adhérer à la IIIe Internationale.
En vain les recourants allèguent-ils que cette centralisation du pouvoir était
réservée pour une période où

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l'Internationale communiste considérait être «en période de guerre civile
acharnée» l'IC n'a jamais déclaré que cette «période de guerre civile», pour
elle, était close, et les décisions prises n'ont jamais été rapportées; si
l'on considère les événements du monde dans leur ensemble, la situation
interne des Etats n'apparaît pas sensiblement améliorée depuis 1921 ou depuis
les statuts de 1928.
Il est vrai que le dernier Congrès mondial de l'IC, en 1935, a chargé le
Comité exécutif de préparer, pour le prochain Congrès, une modification des
statuts actuels, afin de tenir compte des résolutions prises. Les recourants
s'en prévalent; mais, en attendant, loin d'être caducs, ces statuts sont
encore en vigueur. Au surplus, la résolution en vertu de laquelle les
sections, dorénavant, auront une plus grande initiative, ne restreint pas les
pouvoirs du Comité exécutif international, mais l'invite simplement, pour des
raisons de pure tactique, à habituer les sections à prendre rapidement et
spontanément, au fur et à mesure des événements, les décisions qu'exigent les
tâches politiques et tactiques du mouvement communiste; tout au plus le Comité
exécutif devrait-il éviter, en règle générale, de s'immiscer directement dans
les questions d'organisation purement interne du parti. Encore faut-il, pour
réaliser cette décentralisation du commandement, que les partis communistes
soient dotés de cadres et de véritables chefs bolchéviques, formés avec le
concours du Comité exécutif (VIIe Congrès, p. 16 et 12, discours de Dimitrow;
Message 1936, p. 397).
c) Le manque quasi total d'indépendance du PCS le rend particulièrement
dangereux pour l'Etat. Ce danger est encore augmenté par les relations
étroites, quoique pas encore entièrement élucidées, entre l'Internationale et
une Puissance étrangère (Message 1936, loc. cit.): Le parti communiste détient
le pouvoir dans l'URSS, les principaux dirigeants du parti sont des
communistes russes, le siège du comité exécutif se trouve à Moscou. Selon les
recourants, ce serait l'Internationale qui exercerait son influence sur

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l'Union soviétique et non l'inverse. Mais c'est là jouer sur les mots. Le
compte rendu du VIIe Congrès mondial ne permet pas de douter de l'emprise de
l'URSS sur l'IC. Dans son discours de clôture Dimitrow-au dire de qui les
recourants se réfèrent - affirme que l'Union soviétique est la base de la
révolution mondiale des prolétaires (VIIe Congrés, p. 3) et que Staline, le
chef du Gouvernement en Russie, est à la tête du mouvement communiste dans le
monde (ibidem, p. 14). En outre, les Résolutions imposent à toutes les
sections de l'IC-et par conséquent aussi aux communistes suisses - comme
devoir primordial de renforcer la position de l'Union soviétique et d'en
combattre les ennemis. En temps de paix comme en temps de guerre, il est du
devoir de chacun et de chaque organisation communiste de soutenir et de
défendre l'Union des Soviets, de fortifier sa puissance et de lui assurer par
tous les moyens la victoire dans tous les domaines et sur tous les fronts de
la bataille (ibidem, p. 52 et 53 et p. 46).
Dés lors, comme le Conseil fédéral le constate (Message 1936, p. 397 i. f.),
«on ne peut nier que les manoeuvres d'un parti de renversement soumis à une
direction internationale, organisé jusque dans les moindres détails et
travaillant avec toute sorte de moyens illégaux, ne compromettent l'ordre
constitutionnel et, en particulier, les institutions démocratiques». Des
intérêts étrangers risquent même de compromettre la sûreté extérieure et la
neutralité de la Suisse. Un pareil danger existe aussitôt qu'un parti,
organisé en Suisse, est inféodé à un parti étranger et à une puissance
étrangère, en raison même du devoir d'obéissance qui le lie.
L'interdiction du parti communiste par la loi neuchâteloise-parce qu'illégal
et dangereux pour l'Etat-n'est par conséquent pas attaquable en vertu de
l'art. 56 CF. Elle ne l'est pas non plus en vertu de l'art. 11 de la
Constitution cantonale qui garantit la liberté d'association dont le but et
les moyens n'ont rien d'«illégal». Ce mot n'a évidemment pas d'autre
signification que le mot «illicite»

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de l'art. 56 CF. Aussi bien la loi neuchâteloise de 1937 emploie elle-même
indifféremment l'un et l'autre terme (art. 1er «sont déclarés ... illégaux
...» «les organisations illicites»).
Autre est la question de l'opportunité de pareille mesure. Cette question
d'appréciation doit être laissée à la décision souveraine du canton. Les
recourants font valoir en vain que le caractère de leur association était
identique dans les années précédentes et que les autorités neuchâteloises,
cependant, ne l'ont pas prohibée. En vain aussi relèveraientils que, dans
d'autres cantons, ces mêmes organisations n'ont pas été interdites. Il
appartient en effet au pouvoir compétent de mesurer, suivant le temps et le
lieu, si un parti révolutionnaire présente un danger effectif suffisant pour
que l'Etat l'interdise au lieu d'intervenir dans chaque cas particulier où un
acte subversif serait commis ou imminent. Le danger effectif varie suivant
l'état des esprits, suivant les circonstances politiques et économiques et
suivant le milieu où agit la propagande communiste. Dans les régions et dans
les périodes où la crise économique est plus aiguë, où le chômage sévit
particulièrement et où une partie de la population éprouve des difficultés à
subsister, la propagande révolutionnaire trouve plus facilement des adeptes
prêts à envisager le bouleversement de l'ordre par la violence. De telles
conjonctures exigent, de la part de l'Etat, plus de vigilance. Les autorités
cantonales en sont juges. Le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer.
5. - Les recourants prétendent que le pouvoir législatif neuchâtelois a
outrepassé ses attributions constitutionnelles et empiété sur le domaine du
pouvoir judiciaire en prohibant en particulier le parti communiste, ce qui
impliquerait du même coup une violation de l'art. 4
SR 414.110.12 Übereinkunft vom 1./31. März 1909 zwischen dem Schweizerischen Bundesrat und dem zürcherischen Regierungsrat betreffend die Ausscheidung der gemeinsamen paläontologischen Sammlungsobjekte
Art. 4
Const. féd.
Ces griefs ne sont pas fondés. La portée de la loi neuchâteloise est toute
générale. Son art. 6 le montre clairement, comme on l'a déjà relevé. Le
législateur n'a pas

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rendu une décision dans une affaire concrète; il a établi des règles pour un
nombre indéterminé de cas et, étant donné le danger particulièrement grand que
lui ont paru présenter les organisations communistes, il a édicté une règle
précise pour les prohiber. Ce pouvoir lui appartient. (Comme REGELSBERGER le
note, il a le droit d'établir des «Individualrechtssätze» (Pandekten I p. 121
et 122), lorsqu'il peut estimer sans arbitraire, ce qui est le cas en
l'espèce, que de la sorte il atteint plus sûrement le but qu'il se propose
(mettre fin à l'activité des associations subversives). On ne pourrait parler
d'inégalité devant la loi que si le législateur-ce qui n'est pas
démontré-avait omis de prohiber expressément d'autres organisations
manifestement aussi dangereuses pour l'ordre établi que les organisations
communistes. Or, au contraire, il a pris soin à l'art. 6 de citer les
«groupements anarchistes» comme tombant sous le coup de la loi. Pour que le
principe de l'égalité soit respecté, il suffit que la règle instituée soit
applicable dans tous les cas où les circonstances justifient un traitement
identique (cf. RO 6 p. 172; 36 I p. 179; 38 I p. 372; 41 I p. 64; 48 I p. 4).
L'art. 6 de la loi neuchâteloise a précisement pour but d'assurer cette
égalité.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 63 I 281
Date : 01. Januar 1936
Publié : 03. Dezember 1937
Source : Bundesgericht
Statut : 63 I 281
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : L'art. 58 CF permet aux cantons d'interdire les associations subversives (consid. 3).Le parti...


Répertoire des lois
SR 414.110.12: 4
Répertoire ATF
63-I-281
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
partie commune • pc • conseil d'état • tribunal fédéral • conseil fédéral • liberté d'association • ordre public • urss • guerre civile • décision • doctrine • montre • examinateur • doute • protection de l'état • autorité législative • titre • effet • droit fondamental • directeur
... Les montrer tous
FF
1936/II/621 • 1936/III/394 • 1936/III/396 • 1937/II/621