S. 168 / Nr. 44 Versicherungsvertrag (f)

BGE 62 II 168

44. Arrêt de la IIe Section civile du 30 avril 1936 dans la cause N. et R.
Guenot contre 3. Guenot-Girard.

Regeste:
Assurance des personnes. Clause bénéficiaire.
Conditions de validité, soit sous l'empire du droit commun, soit sous l'empire
de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (art. 112
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 112 - 1 Hat sich jemand, der auf eigenen Namen handelt, eine Leistung an einen Dritten zu dessen Gunsten versprechen lassen, so ist er berechtigt, zu fordern, dass an den Dritten geleistet werde.
1    Hat sich jemand, der auf eigenen Namen handelt, eine Leistung an einen Dritten zu dessen Gunsten versprechen lassen, so ist er berechtigt, zu fordern, dass an den Dritten geleistet werde.
2    Der Dritte oder sein Rechtsnachfolger kann selbständig die Erfüllung fordern, wenn es die Willensmeinung der beiden andern war, oder wenn es der Übung entspricht.
3    In diesem Falle kann der Gläubiger den Schuldner nicht mehr entbinden, sobald der Dritte dem letzteren erklärt hat, von seinem Rechte Gebrauch machen zu wollen.
CO et
76 et suiv. LCA).

A. ­ Marcel Guenot, fils de Nicolas et de Rose Guenot, était de son vivant
monteur aux C. F. F. à la Chaux-de-Fonds.
Le 1er janvier 1932, il a conclu une assurance-vie mixte de 5000 fr. auprès de
la Caisse d'assurance de la Fédération suisse des cheminots (désignée
ci-dessous en abrégé: la Caisse). Les conditions de la police, ni les statuts
de la Caisse ne renferment de dispositions relatives à la personne

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de l'ayant droit en cas de décès de l'assuré. L'art. 23 des statuts, reproduit
dans les «conditions d'assurance» figurant sur la police, dit simplement que
«la Caisse a le droit, mais non l'obligation, de reconnaître comme l'ayant
droit tout possesseur d'une police d'assurance». D'autre part, la police
contient, à la page 2, la clause imprimée suivante:
«Désignation de l'héritier bénéficiaire.
L'assurance est à payer, en cas de décès de l'assuré,

à.....................................................................................................................
.....................,le.............19
Signature de l'assuré:
..............................»
Le 19 mars 1932, Marcel Guenot a complété cette clause en y insérant les mots:
«Madame R. Guenot, femme d'un employé C.F.F. Renens (Vaud). Ch.d.Fds. l9III
2.»
qu'il a fait suivre de sa signature.
Aucun avis de cette désignation n'a été adressé à la Caisse.
Le 19 avril 1934, Marcel Guenot est décédé des suites d'un accident.
Le décès ayant été signalé à la Caisse, celle-ci a envoyé, le 25 avril 1934,
le montant de l'assurance (5032 fr.) à Dame Guenot-Girard, conformément à son
habitude de payer immédiatement au plus proche parent du défunt et de
considérer comme tel la veuve.
La Caisse ayant plus tard chargé un de ses employés de réclamer la police à la
veuve de Marcel Guenot, cet employé s'est rendu chez elle et l'a trouvée en
compagnie de sa belle-mère, Dame Rose Guenot. On découvrit la police dans un
tiroir et l'on constata alors qu'elle contenait la clause bénéficiaire
ci-dessus reproduite. Par l'intermédiaire de son mari, Dame Rose Guenot a
adressé une réclamation à la Caisse qui lui a répondu qu'elle estimait avoir
bien payé

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puisque l'assuré ne l'avait jamais avisée qu'il eût rempli la clause
bénéficiaire de la police.
B. ­ Le 4 décembre 1934, Dame Rose Guenot et son mari ont ouvert action contre
Dame Guenot-Girard en concluant à ce qu'il plaise au Tribunal cantonal de
Neuchâtel:
«1 0 dire que Dame Guenot est ayant droit au montant de la police d'assurance,
«2 0 condamner Dame Guenot-Girard à restituer à la demanderesse la somme de
5032 fr. encaissée sans droit le 25 avril 1934 auprès de la Caisse d'assurance
de la Fédération suisse des cheminots, plus intérêts à 5% dès cette date.»
La demande contenait en outre deux chefs de conclusions tendant à la
prestation de sûretés. La défenderesse ayant soulevé à ce sujet une exception
d'incompétence, les demandeurs les ont retirés.
La défenderesse a conclu à libération et formé une demande reconventionnelle
en payement:
a) d'une quote-part des droits de dévolution qu'elle a payés à l'Etat,
b) d'une somme de 335 fr. avec intérêts à 5% du 4 janvier 1935, solde d'une
somme de 700 fr. avancée par elle à ses beaux-parents pour faire face aux
frais de sépulture de son mari.
Par jugement du 9 janvier 1936, le Tribunal cantonal de Neuchâtel a débouté
les demandeurs de leurs conclusions. En ce qui concerne les conclusions
reconventionnelles, il a donné acte à la défenderesse que les demandeurs sont
disposés à supporter la part afférente à leurs droits de dévolution payés par
elle à l'Etat et a condamné les demandeurs à payer à la défenderesse la somme
de 335 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1934.
D. ­ Les demandeurs ont recouru en réforme, en concluant à ce qu'il plaise au
Tribunal fédéral déclarer la demande bien fondée et la demande
reconventionnelle mal fondée en toutes ses conclusions.

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La défenderesse a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.
Considérant en droit:
1. ­ Les demandeurs se bornent à invoquer à l'appui de leurs prétentions le
droit que Marcel Guenot aurait conféré à sa mère en vertu de la clause de la
police par laquelle il avait exprimé sa volonté de lui attribuer le bénéfice
de son assurance. Ils soutiennent que c'est sans droit que la défenderesse a
encaissé le montant de l'assurance, qui légalement aurait dû revenir à Dame
Rose Guenot. La première question à trancher est donc celle de la validité de
la clause litigieuse.
2. ­ Le Tribunal cantonal a jugé que la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le
contrat d'assurance n'était pas applicable en l'espèce, la Caisse d'assurance
de la Fédération suisse des cheminots n'étant pas soumise à la surveillance de
la Confédération (art. 101 de la loi) et que, d'autre part d'après le droit
commun, la clause litigieuse ne conférait aucun droit à Dame Rose Guenot,
faute de satisfaire aux conditions de forme des actes à cause de mort ou aux
exigences de la stipulation pour autrui.
Si l'on exclut l'application de la loi du 2 avril 1908, la prétention de Dame
Rose Guenot apparaît effectivement comme dépourvue de fondement. Comme le
relève à juste titre le Tribunal cantonal le preneur d'assurance qui, en
matière d'assurance-vie, entend faire bénéficier un tiers du montant assuré
n'a, sur le terrain du droit commun, que deux moyens à sa disposition: la
stipulation pour autrui, en vertu de laquelle il fait promettre à l'assureur
d'effectuer sa prestation envers le tiers désigné, et l'acte à cause de mort.
La stipulation pour autrui, comme tout contrat, suppose l'assentiment de
l'assureur. Or, s'il est constant que Marcel Guenot a bien exprimé sa volonté
d'attribuer le bénéfice de l'assurance à sa mère, rien n'établit que la Caisse
ait accepté l'engagement de lui en payer le montant, puisque ce n'est en
réalité que trois mois après la conclusion

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du contrat que Marcel Guenot a rempli la formule insérée dans la police et que
la Caisse elle-même ne l'a su qu'après son décès. En vain voudrait-on
prétendre qu'en introduisant dans la police la formule en question, la Caisse
aurait donné un assentiment pour ainsi dire anticipé à la désignation de la
personne qu'indiquerait le preneur d'assurance. Il est déjà douteux qu'on
puisse stipuler valablement en faveur d'une personne incertaine, tout au moins
lorsque le contrat ne renferme pas lui-même les éléments voulus pour la
déterminer. Admettre que cela soit faisable en matière d'assurance-vie,
équivaudrait à reconnaître une nouvelle dérogation aux règles qui fixent la
forme des actes à cause de mort, car une telle opération se caractériserait
malgré tout comme un acte de cette nature. Or l'importance que le législateur
a attribuée à l'observation de ces règles est telle qu'on ne saurait y
apporter d'exceptions qui ne soient pas commandées par des raisons
impérieuses, et ces raisons n'existent pas.
C'est en vain aussi qu'on argumenterait à ce propos des facilités que la loi
spéciale a introduites en matière de désignation du bénéficiaire. La faculté
qu'elle confère au preneur d'assurance de désigner librement le bénéficiaire
par un simple déclaration de volonté, sans l'intervention de l'assureur, est
en effet elle-même soumise à certaines conditions qui peuvent, comme on l'a
déjà relevé (RO 61 II p. 280 in fine), tenir lieu dans une certaine mesure des
garanties attachées à l'observation des règles de forme imposées par le code
civil en matière d'actes de dernières volontés.
D'autre part, pour ce qui est de la forme de la clause litigieuse, à la
considérer comme un acte à cause de mort, il est clair qu'elle ne satisfait
pas aux exigences du code civil en cette matière, puisque la majeure partie du
texte était imprimée et que Marcel Guenot s'est borné à inscrire certains
mots.
3. ­ Mais voulût-on même juger la cause en appliquant par analogie les
dispositions de la loi de 1908 sur

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la désignation du bénéficiaire ­ ce que, semble-t-il, n'exclut pas forcément
l'art. 101 de cette loi, édicté surtout pour soustraire les sociétés
d'assurance non surveillées à certaines dispositions rigoureuses de la loi, et
tel n'est certainement pas le cas des art. 76 et suiv., qui n'aggravent en
rien les charges de l'assureur ­ la demande n'en serait pas mieux fondée pour
autant, contrairement à ce que laisse entendre le Tribunal cantonal.
La loi de 1908 ne précise pas la forme en laquelle la désignation du
bénéficiaire doit avoir lieu; l'art. 77 se borne simplement à dire que la
révocation peut être faite soit par disposition à cause de mort, soit par acte
entre vifs, mais il faut en conclure que la désignation elle-même est soumise
aux mêmes formes, ce qui ressort d'ailleurs également des art. 476 et 529 Cc.
Ainsi qu'on l'a déjà dit, la désignation contenue dans la police ne remplit
pas les conditions de forme prévues pour les testaments et ne saurait donc
valoir comme disposition à cause de mort. Mais elle ne vaut pas davantage
comme acte entre vifs. La loi n'impose, il est vrai, à cet égard aucune
exigence de forme et elle prévoit même que, à la différence de la stipulation
du droit commun, il suffit d'une déclaration unilatérale de volonté de la part
du disposant (art. 76). Mais, de ce que la désignation du bénéficiaire est,
d'après la loi de 1908, un acte unilatéral et dégagé de toute forme
particulière et que ­ à défaut de disposition contraire ­ on doit en conclure
qu'elle peut se faire aussi bien verbalement que par écrit, il ne s'ensuit pas
pour autant qu'elle soit acquise du seul fait qu'il serait établi que le
preneur d'assurance a voulu effectivement attribuer le bénéfice de l'assurance
à telle personne déterminée. Il faut encore que la volonté du déclarant
parvienne à la connaissance de la personne à laquelle elle est destinée,
c'est-à-dire de l'assureur. C'est ce que, dans la terminologie allemande, on
exprime en disant que la désignation du bénéficiaire est une
«empfangsbedürftige Willenserklärung». Cette condition découle en effet de la
nature même de l'acte entre

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vifs, qui suppose le concours de deux personnes, à savoir, en l'occurrence,
celle de qui émane la déclaration de volonté, et celle à l'égard de laquelle
cette déclaration doit produire ses effets et qui ne peut être obligée qu'à la
condition au moins d'en avoir eu connaissance, du vivant même du disposant. Il
s'ensuit donc que pour produire ses effets, il ne suffit pas que le preneur
d'assurance ait, comme en l'espèce par exemple, exprimé sa volonté par écrit;
il faut, pour que cette déclaration produise un effet juridique, ou que
l'écrit respecte les formes du testament, ou que l'expression de cette volonté
soit adressée et parvienne à l'assureur.
Des considérations d'ordre pratique conduiraient d'ailleurs au même résultat
et non seulement en ce qui concerne les rapports entre l'assureur et le
bénéficiaire, mais aussi entre deux bénéficiaires successifs. Il suffirait en
effet, dans l'hypothèse contraire, qu'un tiers quelconque vînt prouver que le
preneur d'assurance a manifesté l'intention de le désigner comme bénéficiaire
ou de révoquer à son profit une désignation antérieure, pour mettre ou les
héritiers légaux ou le premier bénéficiaire désigné, dans l'obligation de
restituer le montant de l'assurance, plusieurs années après peut-être, et
alors qu'au moment du payement rien ne révélait qu'ils n'étaient pas les
véritables ayants droit. Or il suffit de penser aux difficultés et aux abus
mêmes auxquels l'administration de cette preuve pourra donner lieu pour
écarter cette solution. S'il est un domaine en lequel il importe que les
droits des intéressés soient fixés d'une manière certaine et définitive, c'est
bien celle de l'assurance, et ce n'est donc pas trop exiger du preneur
d'assurance, qui ne veut pas user de la forme du testament, qu'il donne avis
de la désignation à l'assureur lui-même.
Si l'on applique ce principe en l'espèce, il est clair que la demanderesse ne
peut déduire aucun droit de la formule contenue dans la police car si, encore
une fois, il est certain que Marcel Guenot a bien eu à un moment donné
l'intention de disposer de l'assurance en faveur de sa mère, il est

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aussi constant qu'il n'a pas communiqué cette intention à la Caisse de son
vivant.
4. ­ (Concerne les conclusions reconventionnelles.)
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 62 II 168
Date : 01. Januar 1936
Published : 30. April 1936
Source : Bundesgericht
Status : 62 II 168
Subject area : BGE - Zivilrecht
Subject : Assurance des personnes. Clause bénéficiaire.Conditions de validité, soit sous l'empire du droit...


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OR: 112
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62-II-168
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