S. 147 / Nr. 38 Obligationenrecht (f)

BGE 62 II 147

38. Arrêt de la Ire Section civile du 10 juin 1936 dans la cause S. contre
Baillod.

Regeste:
Art. 45 et 60 CO. ­ Perte de soutien. Prescription.
L'acquittement du défendeur par le juge pénal exclut l'application de l'art.
60, al. 2.
L'action on dommages-intérêts pour perte de soutien de l'enfant posthume ne se
prescrit on règle générale qu'à partir du jour où il est établi que le
demandeur est l'enfant de la victime de l'accident.

A. ­ Le samedi 17 octobre 1931, l'automobile du défendeur Baillod a atteint
Georges S., âgé de 20 ans et demi, qui se tenait au milieu de la route à
Versoix-Bourg. S., blessé à la tête, décéda le 21 octobre. Poursuivi pour
homicide par imprudence, le défendeur fut acquitté par jugement du 9 mars
1933.
Entre temps, par exploit du 7 janvier 1932, le père de la

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victime, a réclamé au défendeur 20000 fr. de dommages-intérêts pour perte de
soutien.
A l'époque de l'accident, Georges S. était sur le point d'épouser Mlle X.,
enceinte de ses oeuvres. Le mariage in extremis envisagé ne put être célébré.
L'enfant naquit le 21 février 1932. Le 12 mars de la même année, sa mère
ouvrit action en légitimation (art. 260 CC). L'enfant fut déclaré légitime par
jugement du 9 janvier 1933 et inscrit le 10 du même mois à l'état civil sous
le nom de Georges-Jean S.
Le 14 novembre 1933, Mlle X. intervint dans l'instance comme représentante
légale de l'enfant, et réclama pour lui 10000 fr. de dommages-intérêts à
raison de la perte de soutien. L'intervention fut admise par jugement du 11
décembre 1933.
Le défendeur conclut au déboutement des demandeurs, en opposant en outre à la
demande du petit S. l'exception de prescription (art. 60 , al. 1 CO).
Par jugement du 31 octobre 1934, le Tribunal de 1 re instance de Genève a
débouté S. père, rejeté l'exception de prescription (le délai de l'action
pénale étant de 3 ans, art. 60 al. 2 CO), mais débouté néanmoins Mlle X. q. q.
a., la rente mensuelle de 31 fr. 95 versée par la Caisse nationale étant
suffisante, à raison de la faute concomitante de la victime, faute s'opposant
au surplus à la réparation du tort moral.
B. ­ Devant la Cour de Justice civile du Canton de Genève, Mlle X. a amplifié
sa demande en réclamant encore 5000 fr. pour tort moral et 500 fr. pour
participation aux honoraires d'avocat.
Par arrêt du 28 février 1936, la Cour a condamné le défendeur à payer au
demandeur S. père une indemnité de 2500 fr. pour perte de soutien, débouté la
demanderesse Mlle X. q. q. a. et mis à sa charge les dépens nécessités par son
intervention.
La cour admet comme les premiers juges que la responsabilité de l'accident
incombe pour moitié au défendeur et pour moitié à la victime. Elle estime que
le délai de prescription

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est d'un an (art. 60 , al. 1 CO), le juge civil étant lié par la décision du
juge pénal en ce qui concerne la punissabilité de l'acte dommageable (RO 38 II
p. 484 et 44 II p. 176). Le décès de G. S. remontant au 21 octobre 1931,
l'action de l'enfant a été intentée trop tard le 14 novembre 1933.
C. ­ Mlle X. q. q. a. a seule recouru contre cet arrêt au Tribunal fédéral.
Elle conclut à la condamnation du défendeur à lui payer pour son enfant la
somme de 10000 francs avec intérêts de droit dès le 17 octobre 1931 et dépens.
L'intimé a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. ­ La recourante n'invoque plus le deuxième alinéa de l'art. 60 CO. Avec
raison. D'après la jurisprudence citée par la Cour cantonale (voir aussi
l'arrêt Kottelat c. Lachat, du 4 octobre 1932, J. d. T. 1932 p. 679),
l'acquittement du défendeur par le juge pénal exclut l'application de l'art.
60 al. 2.
2. ­ Aux termes de l'art. 60, al. 1er, l'action en dommages-intérêts ou en
réparation du tort moral se prescrit par un an à compter du jour où la partie
lésée a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est l'auteur. Et
par «connaissance du dommage» la jurisprudence entend, sinon la connaissance
précise de toute l'étendue du dommage, du moins la connaissance d'un dommage
pouvant justifier une action en justice (RO 32 II p. 177, 34 II p. 29,42 II p.
46).
La Cour de Justice civile a fait partir le délai du jour où le jeune S. est
décédé. Ce point de départ serait juste si la demanderesse agissait en son nom
personnel et réclamait pour elle la réparation du dommage causé par la perte
d'un soutien actuel ou futur.
La date du décès ne peut en revanche être admise comme point initial de la
prescription lorsque, comme en l'espèce, il s'agit de l'action en
dommages-intérêts de l'enfant posthume.

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Il est exact que la demande en paternité tendant à des prestations en faveur
de l'enfant (art. 319 CC) aurait pu être formée avant la naissance de l'enfant
(art. 308 CC) contre les héritiers du père présumé (art. 307 CC), mais tant
que cette action ou l'action en légitimation (art. 260 CC) n'avait pas abouti,
ou, encore, que l'enfant n'avait pas été reconnu par son grand-père paternel
(art. 303 CC), la filiation, illégitime ou légitime, était hypothétique; il
n'existait aucun lien entre l'enfant et son père prétendu, et tant qu'il en
était ainsi, on ne pouvait dire que le défunt aurait eu le devoir de subvenir
ou de contribuer, ni même qu'il aurait de fait subvenu ou contribué à
l'entretien de l'enfant (cf. RO 54 II p. 17). Aussi longtemps donc que cette
question était en suspens, l'existence même d'un dommage était douteuse et
partant l'action en réparation ne pouvait être intentée utilement contre
l'auteur de l'accident. Car si la filiation n'avait pas été établie, l'enfant,
n'ayant pas la victime pour père, n'eût pas été lésé par le décès. La
prescription n'a donc commencé de courir qu'à partir de la constatation que le
demandeur est bien le fils de la victime de l'accident. Or, entre la date du
jugement de légitimation et celle de l'intervention de la demanderesse dans
l'action, il ne s'est pas écoulé une année, en sorte que l'action a été
introduite en temps utile.
Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner, dans la présente espèce, si le point
de départ de la prescription eût été différent au cas où le défunt aurait pris
par avance l'engagement d'assister l'enfant à naître. Cette hypothèse n'est
pas réalisée, et c'est la légitimation seule qui a fait constater que le
demandeur avait perdu un soutien.
Comme les pièces du dossier ne permettent pas de statuer d'ores et déjà sur le
fond de la demande, il y a lieu de renvoyer la cause à la Cour de Justice
civile.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
admet le recours et, annulant l'arrêt attaqué en tant qu'il a débouté la
demanderesse q. q. a., renvoie la cause à la Cour cantonale pour nouveau
jugement.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 62 II 147
Date : 01 janvier 1936
Publié : 10 juillet 1936
Source : Tribunal fédéral
Statut : 62 II 147
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Art. 45 et 60 CO. ­ Perte de soutien. Prescription.L'acquittement du défendeur par le juge pénal...


Répertoire des lois
CC: 260  303  307  308  319
CO: 45  60
Répertoire ATF
62-II-147
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
perte de soutien • dommages-intérêts • tort moral • tribunal fédéral • acquittement • filiation • action en dommages-intérêts • action en justice • début • mort • intérêt de l'enfant • décision • enfant • suppression • tennis • automobile • représentation légale • samedi • action pénale • futur • incombance • mois • naissance • examinateur
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