BGE 62 I 22
5. Arrêt de la 1 re Section civile du 7 avril 1936 dans la cause Contini
contre Tribunal cantonal vaudois.
Regeste:
Inscription au registre du commerce (art. 30 du RRC). C'est au juge et non au
préposé qu'il appartient de dire si une décision d'assemblée générale de
société anonyme est contraire aux statuts de la société. La modification d'un
projet de statuts ne requiert pas l'unanimité des souscripteurs.
A. - La Société intimée a requis son inscription au registre du commerce de
Lausanne le 10 septembre 1935.
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L'office fédéral du registre du commerce s'est opposé à l'inscription par le
motif qu'un des actionnaires M. H. Greminger recevait 60 actions de 250 fr. en
retour de l'apport qu'il faisait de ses connaissances professionnelles et de
ses travaux préliminaires en vue de la constitution de la Société (art. 7 des
statuts adoptés dans une assemblée du 2 septembre 1935, à laquelle avait pris
part le recourant, souscripteur de 150 actions).
M. Greminger a alors libéré les 60 actions en espèces, ce dont a pris acte une
«assemblée extraordinaire» des actionnaires du 9 octobre 1935 qui a constaté
la libération de tout le capital social et la caducité de l'art. 7 des
statuts. Deux actionnaires sur trois, soit MM. Greminger et Schumacher,
titulaires de 230 actions, étaient présents à cette assemblée.
Le recourant avait protesté contre la convocation de l'assemblée en soutenant
que la Société était inexistante faute d'inscription au registre du commerce.
Il n'a pas participé aux décisions du 9 octobre.
A la requête de M. Greminger, nommé administrateur le 2 septembre, le préposé
au registre du commerce de Lausanne a inscrit la Société le 9 octobre.
B. - Contini a recouru au Tribunal cantonal vaudois. Il se fondait sur l'art.
14 des statuts selon lequel ceux-ci ne peuvent être modifiés que dans une
assemblée réunissant au moins les deux tiers des actions, condition non
réalisée le 9 octobre.
Le Tribunal cantonal n'est pas entré en matière par arrêt du 26 novembre 1935,
estimant que le préposé avait bien l'obligation de vérifier si certaines
prescriptions légales étaient respectées et de contrôler à ce sujet les
statuts, mais qu'il ne lui appartenait pas de décider si une modification des
statuts était régulière. Le juge seul est compétent pour résoudre cette
question (art. 30 du règlement sur le registre du commerce; arrêt du Tribunal
fédéral 59 I p. 239). Le recourant tente en vain de distinguer entre le cas où
le contrôle ne peut être fait
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que par le juge et celui où la violation d'une disposition statutaire est
manifeste. La jurisprudence ne fait pas cette distinction. On peut d'ailleurs
se demander si l'assemblée du 9 octobre n'a pas été, elle, l'assemblée
constitutive où les statuts ont été définitivement adoptés et si ce n'est pas
à partir de ce moment-là seulement qu'il pouvait être question d'appliquer
l'art. 14. Pour cette raison également, le recourant doit s'adresser au juge.
C. - Contini a formé contre cet arrêt un recours de droit administratif par
lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'inscription au registre du
commerce du 9 octobre. Il fait valoir en substance ce qui suit: Lorsqu'il
s'agit de la fondation d'une S. A. par trois personnes par voie de
souscription simultanée, il importe que tous les fondateurs participent à
chacun des actes de la souscription; or, s'il est parfaitement exact de dire
que l'assemblée du 9 octobre 1935 était une assemblée constitutive au même
titre que celle du 2 septembre 1935, il fallait par conséquent, pour cette
assemblée du 9 octobre aussi, la présence de tous les actionnaires dont les
apports formaient le capital-actions. Si la jurisprudence du Tribunal fédéral
parle de l'effet guérisseur de l'inscription, il ne peut s'agir d'attribuer à
cette opération un caractère tel, que même l'inobservation des conditions
juridiques essentielles pour la naissance d'une S. A. serait couverte par une
inadvertance du préposé. L'arrêt attaqué n'indique pas les motifs pour
lesquels la distinction proposée par Contini n'a pas été admise.
La Société intimée a conclu au rejet du recours.
Le Département fédéral de Justice et Police a préavisé dans le même sens.
D. - Contini a ouvert action devant la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois, en nullité des décisions du 9 octobre. Il a demandé,
provisionnellement, entre autres, la radiation de l'inscription d'Impressions
Perfect S. A. Sa demande de mesures provisionnelles a été rejetée par le
Président de la Cour civile le 2 décembre 1935.
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Considérant en droit:
1.- Le recourant prétend, en premier lieu, que le préposé n'aurait pas dû
procéder à l'inscription, parce que la décision du 9 octobre n'a pas été prise
à la majorité qualifiée requise par les statuts.
Comme le Tribunal fédéral l'a déjà déclaré, en confirmant d'ailleurs la
jurisprudence du Conseil fédéral, c'est au juge qu'il appartient de dire si
une décision d'assemblée générale a été prise en conformité des dispositions
statutaires (RO 59 I p. 239 ss. et arrêt non publié du 26 novembre 1935 Renk
c/von Scheele et consorts).
Le recourant voudrait faire une exception: le préposé devrait pouvoir refuser
de procéder à l'inscription, lorsque la violation des statuts est manifeste.
Le Tribunal cantonal a eu raison de ne pas admettre ce point de vue. Quand il
s'agit d'apprécier si une inscription déjà effectuée ou requise porte atteinte
aux droits de tierces personnes, la question est soustraite au préposé non pas
à cause de la difficulté que sa solution peut présenter, mais à cause de sa
nature, qui la fait rentrer dans la compétence de l'autorité judiciaire et non
de l'autorité administrative (cf. art. 30 du règlement sur le registre du
commerce).
Dans l'exemple donné par le recourant: inscription, par inadvertance, d'une
société qui n'a aucun capital social, il ne s'agit pas de la violation d'une
disposition statutaire, mais de la violation d'une disposition légale.
Au surplus, on ne peut parler en l'espèce de violation manifeste des statuts,
du moment que le Président de la Cour civile a rejeté la demande de mesures
provisionnelles.
2.- Le recourant prétend, en second lieu, qu'une disposition légale aurait été
violée en ce sens que, l'assemblée du 9 octobre étant une assemblée
constitutive au même titre que celle du 2 septembre 1935, la présence de tous
les actionnaires était requise.
Si l'assemblée du 9 octobre a été une assemblée constitutive, il ne peut y
avoir eu avant elle qu'un projet
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de statuts. Or pareil projet ne requiert pas, pour être modifié - même
essentiellement - l'unanimité des souscripteurs, mais seulement l'unanimité
des souscripteurs représentés à l'assemblée générale (art. 618 al. 3
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 618 - Im Konkurse des Kommanditärs haben weder die Gesellschaftsgläubiger noch die Gesellschaft ein Vorzugsrecht vor den Privatgläubigern. |
reste, on n'est pas en présence d'une modification essentielle lorsqu'un
souscripteur, auquel 15 000 fr. d'actions avaient été accordés pour
«connaissances professionnelles et travaux préliminaires en vue de la
constitution de la société», accepte de libérer ces titres en espèces.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours.