S. 159 / Nr. 37 Familienrecht (f)

BGE 61 II 159

37. Arrêt de la IIe section civile du 12 juillet 1935 dans la cause Dame.
contre R.

Regeste:
Demande en divorce. Acquiescement.
Est contraire au droit fédéral (art. 158 CC) la règle de procédure
neuchâteloise en vertu de laquelle la partie qui a acquiescé à la demande de
divorce est exclue, purement et simplement, de toute participation à la
procédure ultérieure.

A. - Rod. R., citoyen suisse alors établi en Italie, et Dlle Ginetta P.,
ressortissante italienne, se sont mariés en 1927. Trois fillettes sont nées de
cette union. En 1933, la femme avoua à son mari qu'elle entretenait depuis
quelque temps des relations adultères avec le D r L. Les conjoints décidèrent
alors de divorcer.
B. - L'action fut introduite par le mari, au for de son lieu d'origine, par
demande déposée au greffe du Tribunal du district de Neuchâtel, le 18
septembre 1933. En même temps, le demandeur a produit la pièce ci-après:

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«Acquiescement:
Dame R., née P., domiciliée à Turin, notifie à Rod. R., industriel à Turin,
représenté par MM es Tell Perrin et Alfred Aubert, avocats à La
Chaux-de-Fonds,
qu'elle acquiesce aux conclusions de la demande en divorce qui lui a été
notifiée le 16 septembre 1933 portant pour conclusions:
Plaise au Tribunal:
1. Prononcer le divorce entre les époux Rod. R. et Dame Ginetta née P., aux
torts de la femme.
2. Attribuer au père la puissance paternelle sur les trois enfants issues du
mariage.
3. Condamner la défenderesse à tous les frais et dépens.
Ainsi fait à Turin, le 16 septembre 1933.
(sig.) Ginetta R. née P.»
La demande elle-même est datée de La Chaux-de-Fonds, 16 septembre 1933. Les
conclusions sont les mêmes que celles de l'acte d'acquiescement ci-dessus
reproduit.
Le 21 septembre 1933, Me Krebs, avocat à Neuchâtel, agissant pour le compte de
la famille P., a demandé au président du Tribunal de considérer
l'acquiescement de Dame P. comme étant sans valeur, attendu qu'il n'aurait pas
été l'expression d'une volonté libre.
Par ordonnance du 14 octobre 1933, le Président, vu la requête de Me Krebs, et
considérant que cet avocat avait ultérieurement justifié de ses pouvoirs pour
agir au nom de la défenderesse, a autorisé Dame R.-P. à procéder, malgré Bon
acquiescement.
Statuant le 8 décembre 1933, sur recours du demandeur, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a annulé cette ordonnance par les
motifs suivants:
Au sens de l'art. 89 al. 2 CPCN, la partie acquiesçante est complètement
exclue de la procédure de divorce, à moins qu'elle n'obtienne l'annulation de
son acquiescement par la voie incidente, ce que la défenderesse n'a pas

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demandé. C'est donc à tort que le président l'a autorisée à «rentrer en
procédure».
L'instruction s'est déroulée dès lors sur la base de l'état de preuves déposé
par le demandeur le 20 mars 1934. Ni la défenderesse ni son mandataire n'ont
pu y participer...
C. - Par jugement du 11 mars 1935, le Tribunal I du district de Neuchâtel a
prononcé le divorce aux torts de la défenderesse, attribué au mari la
puissance paternelle sur les trois enfants, ratifié, «pour autant que de
besoin», la convention notariée du 9 août 1933, et condamné la défenderesse à
tous les frais et dépens.
Sur appel de la défenderesse, le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a
confirmé ce jugement par arrêt du 3 mai 1935.
D. - Par acte déposé en temps utile, la défenderesse a recouru en réforme, en
concluant à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral.
E. - L'intimé conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Aux termes de l'art. 89 al. 1 CPCN, «le désistement et l'acquiescement
emportent tous les effets d'un jugement définitif». L'acquiesçant renonce à
contester les faits invoqués par le demandeur et reconnaît les droits
revendiqués par lui: le demandeur obtient, par une déclaration de volonté de
l'autre partie, ce qu'il se proposait d'obtenir par un jugement. L'office du
juge n'est plus nécessaire: le procès est terminé avant d'avoir été instruit.
Mais il est clair que ce résultat est tout à fait inconciliable avec les
principes du droit fédéral en matière de divorce, car il équivaudrait au
divorce par consentement mutuel, ou même au divorce extrajudiciaire, ce qui
est complètement contraire au système du code civil suisse.
Le législateur neuchâtelois en a bien tenu compte. Toutefois il n'a pas
déclaré l'art. 89 al. 1 CPCN purement et simplement inapplicable en matière de
divorce; mais il a

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édicté, à l'art. 89 al. 2, la règle suivante, applicable dans cette procédure:
«Dans les causes où il est nécessaire d'obtenir un jugement, l'acquiescement
du défendeur à la demande n'a d'autre effet que de l'exclure de toute
participation à la procédure ultérieure.»
Il en résulte qu'en cas d'acquiescement, la procédure se déroule quand même,
que l'instruction a quand même lieu, mais qu'elle est complètement
unilatérale, seul le demandeur ayant le droit d'alléguer des faits et de
produire ses moyens de preuve, que le juge apprécie librement, mais sans
entendre l'autre partie (Rec. off. des arrêts du Trib. cant. neuch. V. 479).
Cette solution implique un tel effacement de la partie défenderesse qu'on peut
se demander si elle n'est pas contraire à l'art. 27 CCS. Toutefois cette
question peut rester ouverte, car l'art. 89 al. 2 CPCN est en tout cas
inconciliable avec une autre disposition du code civil: l'art. 158 (notamment
Nos 8 1 et 3).
A vrai dire, cette dernière disposition n'impose pas aux cantons, en matière
de divorce, le principe de l'instruction d'office. Ils peuvent donc prévoir
que - sous certaines réserve: RO. 56. II. 159 - la connaissance du juge sera
limitée aux faits expressément allégués. Mais, dans ce cadre, le juge doit
jouir de la plus grande liberté d'appréciation. Or, pour qu'il puisse se
convaincre, en toute objectivité, de l'exactitude des faits allégués en
demande, et pour qu'il ne soit véritablement et pratiquement pas lié par les
déclarations de la partie demanderesse, il faut qu'il y ait une instruction
digne de ce nom, c'est-à-dire que, dans la mesure du possible, la procédure
ait lieu contradictoirement.
En effet, si l'on excepte certaines preuves littérales, il n'est pour ainsi
dire pas un moyen de preuve dont l'appréciation ne soit très différente,
suivant que le juge aura ou n'aura pas entendu les observations, les
objections et les contre-preuves de la partie adverse. La valeur probante d'un
témoignage variera considérablement suivant que le

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témoin aura ou n'aura pas déposé en présence des deux parties ou de leurs
représentants, et en répondant à des questions posées de part et d'autre.
Sans doute la procédure ne sera pas toujours complètement contradictoire. Cela
n'est même pas à souhaiter. Car, quelles que soient les particularités du
procès en divorce, il est toujours désirable que les parties se mettent
d'accord sur le plus grand nombre de faits vrais, articulés par l'une ou par
l'autre. D'autre part, le bon sens indique qu'on ne peut contraindre la partie
assignée à se présenter et à défendre au procès. Si elle fait défaut, si elle
renonce à tels ou tels moyens de défense, si elle n'accomplit pas en temps
utile les procédés qui lui incombent, force est bien au juge de se contenter
des preuves apportées par l'autre partie, en les appréciant de son mieux. Il
n'en demeure pas moins que la procédure contradictoire doit rester la règle -
règle implicitement contenue dans l'art. 158 CC - et ne pas subir d'autres
exceptions que celles qui résultent de l'application des dispositions
générales des codes cantonaux sur le cours de l'instance, la forme des actes
de procédure, les délais et la forclusion, le défaut, etc.
On doit dés lors considérer comme contraire à l'art. 158 CCS la disposition de
l'art. 89 al. 2 CPCN, dans la mesure, tout au moins, où elle a pour effet
d'exclure purement et simplement de la procédure la partie qui a acquiescé à
la demande de divorce. Non seulement cette partie ne saurait perdre le droit
de se présenter aux débats et doit y être citée, mais encore elle doit avoir
la faculté de contester les allégations de la partie adverse, de prendre des
conclusions divergentes et de présenter tous moyens de fait et de droit, comme
si l'art. 89
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 89 - 1 Zur Antragsstellung oder zur Klage auf Aufhebung der Stiftung berechtigt ist jede Person, die ein Interesse hat.
1    Zur Antragsstellung oder zur Klage auf Aufhebung der Stiftung berechtigt ist jede Person, die ein Interesse hat.
2    Die Aufhebung ist dem Registerführer zur Löschung des Eintrags anzumelden.
précité n'existait pas.
2.- ... L'arrêt cantonal doit donc être annulé pour violation des principes de
procédure contenus dans l'art. 158 CC, sans que le Tribunal fédéral se
prononce sur le fond du litige, dans lequel il apparaît, d'ailleurs, à
première vue, que Dame Ruttgers-Pignola n'est pas le conjoint innocent,

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Ainsi l'affaire doit être renvoyée aux juges cantonaux pour être reprise a
limine litis. La demande devra être de nouveau signifiée à la partie
défenderesse, à qui l'occasion sera donnée de répondre et de procéder comme il
est dit ci-dessus, sans qu'il soit tenu compte de son acquiescement.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est partiellement admis. Le jugement attaqué est annulé. L'affaire
est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il soit statué à nouveau sur le fond
et sur les frais et dépens, après nouvelle instruction dans le sens des
considérants ci-dessus.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 61 II 159
Date : 01. Januar 1935
Publié : 12. Juli 1935
Source : Bundesgericht
Statut : 61 II 159
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Demande en divorce. Acquiescement.Est contraire au droit fédéral (art. 158 CC) la règle de...


Répertoire des lois
CC: 89 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 89 - 1 La requête ou l'action en dissolution de la fondation peut être intentée par toute personne intéressée.
1    La requête ou l'action en dissolution de la fondation peut être intentée par toute personne intéressée.
2    La dissolution est communiquée au préposé au registre du commerce afin qu'il procède à la radiation de l'inscription.
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Répertoire ATF
61-II-159
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • tribunal cantonal • code civil suisse • participation à la procédure • moyen de preuve • droit fédéral • vue • décision • procédure contradictoire • membre d'une communauté religieuse • titre • forme et contenu • retrait • neuchâtel • défendeur • demandeur • pouvoir d'appréciation • autorisation ou approbation • doute • acte de procédure
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