S. 191 / Nr. 31 Sachenrecht (f)

BGE 60 II 191

31. Arrêt de la IIe Section civile du 22 juin 1934 dans la cause S. et F. Lévy
contre Banque de l'Etat de Fribourg.

Regeste:
Meubles vendus avec réserve de propriété, mais devenus accessoires d'un
immeuble. Conflit entre le propriétaire des meubles et le créancier
hypothécaire.
Art. 805 al. 3 Cc.

A. - Le 9 novembre 1928, la Banque de l'Etat de Fribourg a vendu à Charles
Bucher, d'une part, un immeuble à destination d'hôtel, sis à Gruyères (l'Hôtel
du Bourgoz), d'autre part, le mobilier de l'Hôtel de la Croix-Blanche, à
Bulle. Le prix était payé en partie par la constitution de deux obligations
hypothécaires, de 7500 fr. chacune, grevant l'immeuble vendu. Les deux actes
de constitution d'hypothèque contiennent la clause suivante: «Est compris dans
la présente hypothèque le mobilier de la

Seite: 192
Croix-Blanche à Bulle dont M. Bucher est devenu propriétaire, ainsi que tout
le mobilier que ce dernier se procurera pour l'exploitation de l'Hôtel du
Bourgoz. Ce mobilier ne devra pas être grevé d'un droit de rétention».
En dates du 29 avril et du 22 juillet 1929' Bucher a acheté à la Société en
nom collectif Samuel et Edmond Lévy, «Fabrique Gruyera», à Bulle, un certain
nombre de meubles destinés à l'Hôtel du Bourgoz. Les vendeurs se réservaient
la propriété des meubles jusqu'à complet payement du prix (5513 fr.). Les
pactes de réserve de propriété ont été inscrits au registre tenu par l'office
des poursuites de la Gruyère.
Le 11 mai 1931, Bucher a vendu à Delle Rose Eichenberger l'Hôtel du Bourgoz
pour le prix de 72000 fr. payé en partie par la reprise des hypothèques
existantes, en partie par la création de trois nouvelles hypothèques en faveur
du vendeur et le solde en espèces. Par contrat passé le même jour entre
Bucher, Delle Eichenberger et Samuel et Edmond Lévy, Delle Eichenberger a pris
la place de Bucher au contrat de vente avec réserve de propriété et s'est
engagée à payer aux vendeurs le solde dû par l'acheteur (4691 fr. 50); pour ce
montant elle a accepté trois traites tirées par Samuel et Edmond Lévy et il a
été entendu que les payements qu'elle ferait de ce chef seraient imputés sur
le montant des obligations souscrites par elle envers Bucher. Samuel et Edmond
Lévy ont porté immédiatement à la connaissance du préposé au registre des
pactes de réserve de propriété cette substitution d'acheteur, laquelle a été
inscrite au registre.
Le 29 juillet 1931, la Banque de l'Etat de Fribourg a accordé un nouveau prêt
hypothécaire de 5000 fr. à Delle Eichenberger. L'acte porte que «tout le
mobilier de l'Hôtel du Bourgoz, ustensiles, vases de cave et verrerie, sont
compris dans la présente hypothèque».
Le 1er avril 1932, Delle Eichenberger est tombée en faillite.

Seite: 193
Dans cette faillite Samuel et Edmond Lévy, auxquels restait dû le solde du
prix du mobilier (4681 fr. 50), ont revendiqué la propriété dudit mobilier.
Cette revendication a été tenue pour justifiée par l'administration de la
faillite, laquelle a cédé à la Banque de l'Etat de Fribourg, conformément à
l'art. 260
SR 281.1 Bundesgesetz vom 11. April 1889 über Schuldbetreibung und Konkurs (SchKG)
SchKG Art. 260 - 1 Jeder Gläubiger ist berechtigt, die Abtretung derjenigen Rechtsansprüche der Masse zu verlangen, auf deren Geltendmachung die Gesamtheit der Gläubiger verzichtet.
1    Jeder Gläubiger ist berechtigt, die Abtretung derjenigen Rechtsansprüche der Masse zu verlangen, auf deren Geltendmachung die Gesamtheit der Gläubiger verzichtet.
2    Das Ergebnis dient nach Abzug der Kosten zur Deckung der Forderungen derjenigen Gläubiger, an welche die Abtretung stattgefunden hat, nach dem unter ihnen bestehenden Range. Der Überschuss ist an die Masse abzuliefern.
3    Verzichtet die Gesamtheit der Gläubiger auf die Geltendmachung und verlangt auch kein Gläubiger die Abtretung, so können solche Ansprüche nach Artikel 256 verwertet werden.458
LP, le droit de la contester.
La Banque a alors ouvert action en concluant à ce qu'il soit prononcé que les
droits de gage immobilier constitués en sa faveur sur les immeubles de la
faillite comprennent spécialement les meubles vendus sous réserve de propriété
et que par conséquent elle est en droit de requérir la réalisation à son
profit desdits meubles engagés comme accessoires des immeubles formant l'Hôtel
du Bourgoz.
B. - Par jugement du 22 juillet 1932, le Tribunal de la Gruyère a débouté la
demanderesse de ses conclusions.
Sur appel de la Banque, la Cour d'appel du Canton de Fribourg a alloué à la
demanderesse ses conclusions avec dépens.
Samuel et Edmond Lévy ont recouru en réforme, en reprenant leurs conclusions
libératoires.
La Banque de l'Etat de Fribourg a conclu au rejet du recours et à la
confirmation de l'arrêt.
Considérant en droit:
1.- La Cour d'appel a cru devoir mettre en doute la validité de la réserve de
propriété stipulée en faveur des recourants, bien que la Banque de l'Etat de
Fribourg l'eût expressément reconnue et se fût bornée à soutenir qu'elle ne
lui était pas opposable parce que les meubles en question étaient devenus des
accessoires de l'immeuble. Partant du fait que la réserve de propriété
garantissait une créance des vendeurs Lévy contre l'acheteur originaire Bucher
et estimant, d'autre part, que la dette de ce dernier s'était éteinte par
novation et que Delle Eichenberger était devenue débitrice à sa place, elle a
jugé qu'il aurait fallu stipuler et faire inscrire une nouvelle réserve de
propriété comme clause accessoire de la nouvelle vente

Seite: 194
faite à Delle Eichenberger. Cette argumentation est erronée. En réalité, il
n'y a pas eu extinction de la dette par novation, mais simple reprise de la
dette de Bucher par Delle Eichenberger avec le consentement des créanciers. Il
était donc suffisant de modifier l'inscription primitive en désignant
désormais comme acquéreur Delle Eichenberger en lieu et place de Bucher, et
c'est ce qui a eu lieu.
2.- Les recourants étant ainsi au bénéfice d'une réserve de propriété valable,
il y a lieu d'examiner les deux questions suivantes:
1° si les meubles dont ils se sont réservé la propriété ont pu devenir des
accessoires de l'immeuble appartenant à l'acheteur; et, dans l'affirmative,
2° si les droits de gage constitués sur cet immeuble et ses accessoires
frappent même les accessoires dont la propriété est demeurée aux vendeurs,
c'est-à-dire si ce droit de propriété est opposable à la Banque, créancière
hypothécaire.
ad 1°: Après avoir commencé par affirmer que la qualité d'accessoires ne
pouvait être attribuée à des meubles qui n'appartenaient pas au propriétaire
de l'immeuble (RO 43 II p. 160 et suiv.), la jurisprudence du Tribunal fédéral
s'est finalement fixée en sens contraire (cf. RO 54 III p. 18/19 et 56 II
p.186); elle admet actuellement que «rien ne s'oppose à ce qu'un objet qui
n'appartient pas au propriétaire de la chose principale ne devienne un
accessoire de celle-ci». Cette solution ne peut être que confirmée. Non
seulement les travaux préparatoires montrent clairement que le rédacteur du
code admettait déjà que l'accessoire et l'immeuble pouvaient appartenir à deux
personnes différentes (cf. Motifs, p. 52 et 193; Bull. stén. Cons. Nat. XVI p.
517), mais cette volonté résulte en outre clairement du texte même de la loi,
car l'art. 805 al. 3 réserve expressément les «droits des tiers sur les
accessoires», ce qui n'aurait aucun sens si l'accessoire devait nécessairement
appartenir au propriétaire de l'immeuble.

Seite: 195
ad 2°: La seconde question est, il est vrai, plus discutable. A la différence
du code allemand qui, tout en admettant aussi la possibilité pour le
propriétaire de l'immeuble de donner la qualité d'accessoire à une chose qui
ne lui appartient pas, prévoit cependant, par une disposition expresse, que
l'hypothèque ne s'étend pas aux accessoires qui ne sont pas devenus la
propriété du propriétaire de l'immeuble (§ 1120 BGB), le code civil suisse
s'en est tenu sur ce point à la règle de l'art. 805 al. 3, et la portée de
cette disposition est controversée. Elle a déjà donné lieu à des
interprétations divergentes au cours des travaux préparatoires. Huber, dans
l'Exposé des motifs, affirmait que le vendeur avec réserve de propriété
n'était protégé contre le créancier hypothécaire que si celui-ci était de
mauvaise foi, c'est-à-dire s'il avait eu connaissance de la réserve de
propriété (Tome III, p. 193). Mais M. Hoffmann, le rapporteur allemand du
Conseil des Etats, paraissait admettre, au contraire, que le propriétaire de
l'accessoire est toujours protégé contre le créancier hypothécaire (Bull.
stén. XVI p. 1394). La même incertitude se retrouve dans la doctrine: Tandis
que certains auteurs soutiennent que les droits du créancier hypothécaire ne
peuvent jamais prévaloir sur ceux du tiers propriétaire de l'accessoire
(GUISAN, Accessoires, bénéfice de compétence et hypothèques, J.d.T. Poursuite
1929 P. 43; PFEIFFER, Les accessoires immobiliers et l'hypothèque, p. 97 et
suiv.), d'autres, à l'exemple de Huber, font également dépendre la solution du
problème de la bonne ou mauvaise foi du créancier hypothécaire (WIELAND, note
7 sur l'art. 805; LEEMANN, notes 79 et suiv. sur art. 805). Pour Wieland,
l'inscription de la réserve de propriété suffirait pour empêcher le créancier
hypothécaire de se prétendre de bonne foi (même opinion, semble-t-il, chez
Rossel, Vol. III p. 106 et 107). Leemann combat cette opinion, en faisant
observer, à juste titre du reste (cf. RO 42 II p. 582 et 56 II p. 186), que
les inscriptions au registre des pactes de réserve de propriété

Seite: 196
ne doivent pas être censées connues. Pour lui, par conséquent, le créancier
hypothécaire n'est de mauvaise foi que s'il a connu l'inscription ou dû la
connaître lors de la constitution de l'hypothèque ou - s'agissant
d'accessoires acquis ultérieurement - lors de leur acquisition (cf. HAAB,
notes 17 et 25 sur art. 644-645). C'est également sur le terrain de la bonne
foi du créancier hypothécaire que se sont placés la Cour d'appel de Berne
(Zeitschrift des Bern. Jur.-Ver. 1916 p. 545 et 546) et le Tribunal du
district de Winterthur (Schw. Jur. Zeitg. 29 p. 220). Quant au Tribunal
fédéral, il n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer; deux arrêts
soulèvent, il est vrai, la question, mais sans la trancher formellement (RO 45
II p. 181 et suiv. et 54 III p. 15 et suiv.).
En présence d'une règle aussi absolue que celle de l'art. 805 al. 3, il faut
en réalité reconnaître que le législateur a bien entendu sauvegarder les
droits du propriétaire de l'accessoire à l'égard de tous les créanciers
hypothécaires indistinctement. L'art. 805 ne fait, en effet, rentrer les
accessoires dans le gage immobilier que sous la réserve expresse des droits
des tiers sur les accessoires. Or il n'est pas possible d'admettre que les
droits du propriétaire de l'accessoire soient «réservés», s'il doit voir sa
chose réalisée à son détriment et au profit du créancier hypothécaire. Cette
réserve ne peut s'entendre que si elle vaut même à l'égard du créancier
hypothécaire de bonne foi; à l'égard d'un créancier de mauvaise foi elle
aurait été inutile, car elle allait de soi. Aussi bien est-ce à tort que l'on
croit pouvoir faire intervenir en l'occurrence la notion de bonne foi. Qu'elle
puisse jouer un rôle dans les rapports entre le propriétaire de l'accessoire
et l'acquéreur de l'immeuble, cela peut s'expliquer comme une conséquence de
la règle posée à l'art. 933 qui a trait à l'acquisition des choses mobilières.
Cette disposition protège celui qui, de bonne foi, a reçu la chose d'autrui,
et elle fait prévaloir les droits du possesseur sur ceux du propriétaire
dépossédé (cf. RO 56 II p. 183 et suiv. où ce principe a été rappelé dans un

Seite: 197
conflit entre le vendeur avec réserve de propriété et l'acquéreur de
l'immeuble et des accessoires). Mais l'art. 933 n'est d'aucune application
dans les rapports entre le vendeur avec réserve de propriété et le créancier
hypothécaire, puisque ce dernier n'a pas la possession de l'immeuble, ni des
accessoires.
Voulût-on d'ailleurs admettre qu'en cas de vente d'un immeuble comprenant des
accessoires, l'acheteur devienne propriétaire des accessoires en même temps
que de l'immeuble, par le seul effet de l'inscription au registre foncier et
sans mise en possession spéciale des accessoires, cela ne conduirait pas
encore à appliquer les mêmes règles à l'égard de l'acheteur de l'immeuble et à
l'égard du créancier hypothécaire, car l'art. 644 réserve expressément les
exceptions qui peuvent découler de la convention ou de la loi et l'art. 805
al. 3 constitue précisément une de ces exceptions, alors que la loi ne prévoit
rien de pareil en cas de vente.
En l'absence de motifs tirés du texte légal, on ne voit non plus aucune raison
d'équité pour donner la préférence au créancier hypothécaire. Si l'on suppose
d'égale bonne foi le créancier hypothécaire et le vendeur avec réserve de
propriété, on doit constater que le créancier hypothécaire a la faculté de
consulter le registre des pactes de réserve de propriété avant d'accorder le
prêt, et qu'il pourra en général se renseigner de cette façon sur les réserves
de propriété existant sur les accessoires de l'immeuble. Au contraire, le
vendeur, lorsqu'il vend la chose, n'a aucun moyen de savoir si cette chose ne
deviendra pas peut-être accessoire d'un immeuble hypothéqué et il n'a aucun
moyen d'empêcher qu'elle le devienne. Ses intérêts paraissent donc beaucoup
plus dignes d'être protégés que ceux du créancier hypothécaire qui n'est pas
comme lui désarmé.
La notion de bonne foi ne laisse pas d'ailleurs de créer des complications. On
peut tout d'abord se demander comment s'appréciera la bonne foi du créancier

Seite: 198
hypothécaire. Si les accessoires existaient déjà sur l'immeuble lors de la
constitution du gage, la question, sans doute, ne soulèvera pas de
difficultés: il sera de bonne foi s'il a cru ou pu croire que ces accessoires
appartenaient à son débiteur. Mais qu'en sera-t-il si les accessoires ont été
acquis après la constitution du gage? Dire avec l'intimée qu'en pareil cas le
créancier sera toujours considéré comme de bonne foi, serait, comme on l'a
déjà relevé, manifestement injuste. Quant à la solution de Leemann, consistant
à dire qu'il faut se placer au moment de l'achat et l'introduction de
l'accessoire dans l'immeuble, elle ne résout rien, car à ce moment-là le
créancier n'a plus rien à faire, il n'a aucun acte juridique à accomplir, et
l'on ne peut donc parler ni de bonne, ni de mauvaise foi. D'autre part, on ne
peut non plus nier les difficultés pratiques inextricables devant lesquelles
on se trouvera s'il y a plusieurs ventes avec réserve de propriété, s'il y a
plusieurs créanciers hypothécaires et si pour chacun d'eux et à propos de
chacun des accessoires on est amené à distinguer suivant la bonne ou la
mauvaise foi.
A supposer enfin qu'on voulût sacrifier aux créanciers hypothécaires le
vendeur avec réserve de propriété, il faudrait logiquement et par identité de
motifs leur sacrifier également tous les tiers qui, à un titre quelconque
(prêt, mandat, location, etc.) ont confié au débiteur un objet qui s'est par
la suite trouvé revêtu de la qualité d'accessoire de l'immeuble, ce qui n'est
pas admissible.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et l'arrêté attaqué réformé en ce sens que les
conclusions de la demanderesse sont rejetées.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 60 II 191
Date : 01. Januar 1934
Publié : 22. Juli 1934
Source : Bundesgericht
Statut : 60 II 191
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Meubles vendus avec réserve de propriété, mais devenus accessoires d'un immeuble. Conflit entre le...


Répertoire des lois
LP: 260
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 260 - 1 Si l'ensemble des créanciers renonce à faire valoir une prétention, chacun d'eux peut en demander la cession à la masse.465
1    Si l'ensemble des créanciers renonce à faire valoir une prétention, chacun d'eux peut en demander la cession à la masse.465
2    Le produit, déduction faite des frais, sert à couvrir les créances des cessionnaires dans l'ordre de leur rang et l'excédent est versé à la masse.
3    Si l'ensemble des créanciers renonce à faire valoir une prétention et qu'aucun d'eux n'en demande la cession, cette prétention peut être réalisée conformément à l'art. 256.466
Répertoire ATF
60-II-191
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
réserve de propriété • acheteur • tribunal fédéral • registre des pactes de réserve de propriété • gage immobilier • novation • rapport entre • travaux préparatoires • allemand • doute • quant • décision • calcul • vente • salaire • autorisation ou approbation • code civil suisse • chose mobilière • jour déterminant • fromage
... Les montrer tous