S. 91 / Nr. 15 Familienrecht (f)

BGE 59 II 91

15. Arrêt de la IIe Section civile du 6 avril 1933 dans la cause Dame Glitsch
contre da Siebenthal.


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Regeste:
Art. 119 Cc. Nom de la femme divorcée.

A. - Le demandeur Adolphe de Siebenthal, instituteur et peintre, a épousé le 4
août 1922 la défenderesse Germaine Glitsch. Celle-ci, déjà avant son mariage,
avait commencé une carrière artistique surtout dans le domaine de la
joaillerie et de la peinture sur émail. Elle la poursuivit pendant son
mariage, signant dès lors ses oeuvres: Germaine de Siebenthal (ou par
abréviation: G. de S.), et est parvenue à une certaine notoriété.
Les époux de Siebenthal ont divorcé le 23 juin 1931. Le divorce a été demandé
par la femme, d'accord avec le mari, et a été prononcé en vertu de l'art. 142
Cc.
Tôt après le divorce, de Siebenthal a ouvert action contre la défenderesse, en
demandant au Tribunal de lui faire défense de porter le nom de «de
Siebenthal», de quelque manière que ce soit et à quelque occasion que ce soit,
et de la condamner à 300 fr. de dommages-intérêts ainsi qu'à une astreinte de
20 fr. pour chaque contravention constatée.
La défenderesse a conclu à libération. Elle reconnaît que son nom est
désormais Germaine Glitsch, mais elle a demandé à être autorisée à signer sa
production artistique du nom de «Germaine Glitsch de Siebenthal» ou,
subsidiairement, des noms «Germaine Glitsch ex-de Siebenthal» ou de«Germaine
ex-de Siebenthal». Ces conclusions subsidiaires n'ont toutefois été reprises
ni en seconde instance, ni devant le Tribunal fédéral.

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B. - Par jugement du 1er avril 1932, le Tribunal de première instance de
Genève a fait défense à la défenderesse de porter le nom de Siebenthal de
quelque manière et en quelque occasion que ce soit, et l'a condamnée à une
astreinte de 20 fr. pour chaque contravention constatée, le tout avec dépens.
C. - Sur appel de la défenderesse, la Cour de Justice civile de Genève a
confirmé ce jugement par arrêt du 27 janvier 1933 et condamné la défenderesse
aux dépens d'appel.
D. - La défenderesse a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Les tribunaux
cantonaux ayant fait observer que l'emploi du nom «Sibenthal» serait de nature
à créer des confusions parce que le demandeur lui aussi peint et expose, la
recourante déclare expressément dans son recours qu'elle ne revendique le nom
de «Glitsch de Siebenthal», que pour signer sa production artistique en sa
qualité d'artiste dessinatrice en bijoux et en émaux d'art.
Le demandeur a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt.
Considérant en droit:
1.- La question du nom de la femme divorcée a été très débattue aux cours des
travaux préparatoires du code civil suisse, et s'il est exact que de divers
côtés des propositions ont été faites en vue d'accorder à la femme, soit d'une
manière absolue, soit à certaines conditions, la faculté de conserver le nom
de son mari, il est non moins certain qu'il n'en est rien resté dans la loi.
L'idée première de Huber (Erläuterungen, I. p. 147 et 148), avait été de
laisser la femme libre ou de reprendre son nom de jeune fille, ou de garder
celui de son mari; mais, se rendant compte que cette liberté ne pourrait être
complète et qu'on devait réserver le droit du mari de s'opposer au port de son
nom par la femme au moins dans le cas où le divorce est imputable à une faute
de celle-ci, il a finalement

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préféré à cette réglementation compliquée une réglementation simple et
d'ailleurs conforme à celle de la majorité des législations cantonales, à
savoir d'attribuer «une fois pour toutes» (ein für allemal) à la femme le nom
de sa famille. C'est la solution que consacrait l'article 172 du Projet de
1900 du Département fédéral de Justice et Police: «La femme divorcée est
maintenue dans sa condition, mais reprend son nom de famille».
Le Projet du Conseil fédéral de 1904 a maintenu le principe que la femme
divorcée reprend le nom qu'elle avait avant le mariage, mais ajoutait, à l'al.
2 de l'art. 156, que le juge, à la demande de la femme, pouvait l'autoriser à
continuer de porter le nom de son mari ou, si elle était veuve au moment de
son mariage, à reprendre le nom de sa famille. Cette disposition avait été
introduite dans le projet pour répondre au voeu de la Commission d'experts au
sein de laquelle divers orateurs avaient fait valoir l'intérêt économique que
pouvait avoir la femme à conserver un nom représentant pour elle une valeur
patrimoniale, comme aussi l'avantage plus général qu'il pouvait y avoir à ce
que les enfants - surtout s'ils sont confiés à la mère - portent le même nom
qu'elle, et qui avait fini par se rallier à une proposition prévoyant la
faculté pour le juge d'accorder dans tous les cas à la femme le droit de
conserver le nom du mari (cf. Procès-verbal I p. 145 et sv.).
Le Projet du Conseil fédéral n'a pas recueilli l'adhésion de la Commission du
Conseil National. Tout en maintenant, il est vrai, la possibilité pour la
femme de substituer à son nom de veuve son nom de jeune fille, elle a proposé
en revanche de supprimer le droit pour le juge d'autoriser la femme à
conserver le nom du mari. La femme devait ainsi nécessairement porter ou son
nom de jeune fille ou, si elle était veuve lors de son second mariage dissous
par le divorce, le nom de son premier mari; elle ne pouvait, ni de son plein
gré, ni même avec l'autorisation du juge, continuer à porter le nom du mari
dont elle avait divorcé.

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Cette proposition a été votée par le Conseil National sans discussion et sans
que les rapporteurs eussent donné aucune explication à ce sujet (Bull. stén.
1905 p. 633). Soumise au Conseil des Etats, la proposition du Conseil National
a été également adoptée sans discussion. On pourrait, il est vrai, relever que
ce vote a suivi un rapport dans lequel il n'était question que du texte du
Projet du Conseil fédéral, comme si le rapporteur ne s'était pas en réalité
rendu compte de la modification proposée par le Conseil National (Bull. stén.
1905 p. 1079). Mais peu importe. Il est hors de doute que le texte adopté par
le Conseil des Etats était celui qui avait été voté par le Conseil National,
et c'est le texte de l'art. 149 actuel, qui non seulement ne souffre aucune
interprétation mais constitue, ainsi qu'on vient de le voir, la condamnation
formelle de toutes les propositions tendant à accorder à la femme divorcée,
sous quelques modalités que ce soit, la possibilité de conserver le nom de son
mari - ce que reconnaît d'ailleurs la doctrine unanime (cf. EGGER, art. 149
note 4, GMÜR 2e éd. art. 149 notes 11 et sv.) ainsi que la jurisprudence (RO
38 II p. 63 et sv.; 42 II p. 420).
Il découle de cette réglementation que, d'une part, la femme ne peut invoquer
l'intérêt qu'elle aurait, dans un cas particulier, à conserver le nom de son
ancien mari - car l'intérêt n'est pas en cette matière la mesure du droit - et
que, d'autre part, le mari a le droit de s'opposer à ce que la femme porte son
nom, sans qu'on puisse exiger de lui, comme le voudrait la recourante, qu'il
justifie que l'emploi de son nom lui cause un préjudice spécial: le préjudice
suffisant pour lui donner qualité pour agir résulte du fait même que, par
l'emploi de ce nom, la femme laisse croire qu'elle est encore sa femme, alors
qu'elle ne l'est plus.
2.- Aussi bien, la recourante reconnaît qu'elle a perdu le nom du mari,
qu'elle ne s'appelle plus et ne peut plus s'appeler, du point de vue de l'état
civil, Germaine de Siebenthal, mais elle prétend que ce nom qu'elle ne possède

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plus, elle peut encore l'adopter comme pseudonyme. Cette prétention n'est pas
fondée. Si un artiste est assurément libre en principe de choisir un
pseudonyme, c'est sous la réserve toutefois que ce choix ne lèse pas les
droits ou les intérêts légitimes des tiers. Or pour ce qui est du mari
vis-à-vis de la femme dont il est divorcé, il a, ainsi qu'on l'a vu, le droit
absolu de s'opposer à ce qu'elle continue de porter son nom. L'argumentation
de la recourante conduirait à rien de moins qu'à tourner la loi et rendre
illusoire la règle de l'art. 149 Cc, dans tous les cas du moins où la femme
aurait un réel intérêt à ne pas changer son nom. Cet intérêt, les rédacteurs
du code ne se sont pas dissimulés qu'il existait souvent, mais, à tort ou à
raison, ils ont estimé qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte. (La même
solution a été adoptée en France par la doctrine et la jurisprudence du jour
où le législateur a introduit (loi du 6 février 1898) dans l'article 299 du
code une disposition suivant laquelle après divorce «chaque époux reprend
l'usage de son nom», ce qui est d'autant plus intéressant que dans le silence
des textes il était de tradition auparavant de laisser aux femmes divorcées
l'usage d'un nom qu'elles avaient illustré. On n'a pas jugé que cette
tradition pût prévaloir sur la volonté clairement exprimée du législateur de
priver la femme divorcée du nom de son mari, nonobstant l'intérêt qu'elle peut
avoir à le conserver dans tel cas déterminé - cf. PLANIOL et RIPPERT I No
111-).
C'est en vain, d'autre part, que la recourante offre d'orthographier le
prétendu pseudonyme de telle façon qu'il ne soit plus identique au nom de son
mari. Les modifications qu'elle propose ne sont pas de nature à altérer la
ressemblance foncière. Et cela va de soi puisque, justement, la recourante
désire ne pas dérouter le public habitué à sa signature: de Siebenthal. Elle
veut que le public retrouve le nom auquel elle a donné de la notoriété; elle
ne peut donc proposer que des modifications insignifiantes et naturellement
insuffisantes pour que le pseudonyme se

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distingue nettement du nom ancien. Spéculant sur la confusion qui se produira,
voulant qu'en lisant Germaine Glitsch de Sibenthal, le public lui attribue
immédiatement les oeuvres qu'il a appris à connaître comme celles de Germaine
de Siebenthal, elle ne peut pas sérieusement prétendre que le pseudonyme dont
elle revendique l'usage se distingue du nom qu'elle reconnaît n'avoir plus le
droit de porter. Peu importe en outre que, renonçant à user de ce pseudonyme
pour des oeuvres de peinture, elle ne crée pas de risque que ses oeuvres
soient confondues avec celles de son mari. Ce n'est pas le risque de cette
confusion-là qui est déterminant; ce qui est décisif, c'est le risque de faire
croire qu'elle s'appelle toujours de Siebenthal, qu'elle est donc encore la
femme du demandeur, alors que, divorcée, elle a perdu, de par la loi, le droit
de porter le nom de son ancien mari.
3.- Devant le Tribunal de première instance, la recourante avait revendiqué, à
titre subsidiaire, le droit de signer: Germaine Glitsch ex-de Siebenthal. Bien
qu'il n'y ait pas lieu de statuer sur ce chef de conclusions, qui n'a été
repris ni devant la Cour de Justice civile, ni devant le Tribunal fédéral, on
peut relever cependant que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de
l'accueillir. Si le juge n'a pas le pouvoir d'autoriser la femme à conserver
le nom du mari dont elle a divorcé, il n'y a pas de raison, en revanche,
d'interdire à la femme divorcée d'indiquer qu'elle a porté un certain nom, du
moment qu'elle marque bien - ce qui est le cas de la particule en question -
que ce n'est plus le sien. Il ne s'agit pas là d'un pseudonyme trop analogue
au nom du mari, mais d'une simple adjonction qui est véridique et qui rappelle
le fait du divorce et l'identité de la signataire. Il n'y a là aucune
usurpation, ni risque d'erreur ou de confusion. (On peut également noter que
la même solution est admise, non seulement en droit français (cf. PLANIOL et
RIPPERT loc. cit.), mais aussi en Allemagne où, bien que le § 1577 du BGB
institue la perte du nom du mari comme une

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pénalité qui frappe, à la demande du mari, la femme coupable et où par
conséquent on devrait être particulièrement enclin à interdire à la femme tout
usage de ce nom, la doctrine unanime admet que la femme a le droit d'ajouter à
son nom la mention: «geschiedene X» (cf. STAUDINGER, 1677 et les auteurs
cités).
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 59 II 91
Date : 01. Januar 1932
Publié : 06. April 1933
Source : Bundesgericht
Statut : 59 II 91
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Art. 119 Cc. Nom de la femme divorcée.


Répertoire ATF
59-II-91
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
pseudonyme • conseil national • tribunal fédéral • vue • doctrine • conseil fédéral • veuve • première instance • conseil des états • astreinte • décision • code civil suisse • tribunal cantonal • membre d'une communauté religieuse • modification • offre de contracter • intérêt économique • conclusions • légitimation active et passive • commission d'experts
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