BGE 59 II 309
45. Arrêt de la Ire Section civile du 26 Septembre 1933 dans la cause Borgeaud
contre Dame Cattin-Nardini.
Regeste:
Vente immobilière. Défaut de la chose vendue. Art. 221
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 221 - Les règles concernant la vente mobilière s'appliquent par analogie aux ventes d'immeubles. |
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 201 - 1 L'acheteur a l'obligation de vérifier l'état de la chose reçue aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires; s'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. |
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1 | L'acheteur a l'obligation de vérifier l'état de la chose reçue aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires; s'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. |
2 | Lorsqu'il néglige de le faire, la chose est tenue pour acceptée, à moins qu'il ne s'agisse de défauts que l'acheteur ne pouvait découvrir à l'aide des vérifications usuelles. |
3 | Si des défauts de ce genre se révèlent plus tard, ils doivent être signalés immédiatement; sinon, la chose est tenue pour acceptée, même avec ces défauts. |
de signaler les défauts constatés se rapporte aux défauts qui justifieraient,
au besoin, l'ouverture d'une action rédhibitoire ou en réduction du prix, et
la constatation envisagée par le législateur et celle qui se double d'une
appréciation compétente de l'importance des défauts et de leurs conséquences.
L'acheteur n'est tenu do s'adresser à un expert que lorsqu'il y a lieu de
supposer que les imperfections constatées sont l'indice d'un défaut d'une
certaine gravité.
A. - En 1925, Victor Borgeaud fit construire par l'entrepreneur Baudrocco un
bâtiment à Renens, pour le prix forfaitaire de 22900 fr. Il fit en outre
exécuter divers travaux de clôture, nivellement, etc. pour la somme de 930 fr.
Borgeaud loua l'immeuble d'abord à deux locataires, pendant une année, puis à
Joseph Tschopp, pendant trois ans.
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Au mois de septembre 1929, Dame:Félicitée Cattin-Nardini entra en pourparlers
avec Borgeaud au sujet de l'achat de la maison. Avant de passer l'acte de
vente, elle la visita avec son mari, plusieurs fois. Lors d'une visite, le
fils du locataire montra au mari une fente à un mur au sous-sol et aux
colonnes du porche d'entrée.
Le 10 octobre 1929, Dame Cattin acheta l'immeuble pour le prix de 30000 fr.,
payé 21000 fr. comptant et 9000 fr. par une obligation hypothécaire en second
rang sur la maison vendue.
Les époux Cattin s'installèrent immédiatement dans le bâtiment. Le 27 février
1930, l'architecte Hoguer examina la construction. Dans une lettre du 5 mars
1930, il constate plusieurs défectuosités (fondations insuffisantes, fentes,
décollement du parpaing et du porche, etc.) qui, à son avis, s'aggraveront et
risquent de compromettre la stabilité de la maison si on ne procède pas à des
réfections coûteuses. L'architecte ajoute: «Des traces de rhabillage de fentes
assez récentes démontrent que l'origine des fentes s'est révélée sans doute
peu après l'achèvement de la construction».
Le 9 avril 1930, Dame Cattin requit une expertise hors procès qui fut confiée
à l'architecte Dessaules. Dans ses rapports du 4 décembre 1930 et 2 avril
1931, l'expert fit des constatations semblables à celles de l'architecte
Hoguer: fentes, décollements, insuffisance des fondations. Il estime qu'un
«camouflage» du «rustic» a été fait avant la vente et que les travaux de
consolidation nécessaires coûteraient environ 2500 fr.
Entre temps, l'entrepreneur Baudrocco avait été déclaré en faillite. Borgeaud
intervint pour une créance de 5000 fr. à titre de dommages-intérêts, en raison
des défauts de construction du bâtiment construit par le failli et vendu à
Dame Cattin. L'intervenant reçut un dividende de 320 fr. et un acte de défaut
de biens pour le surplus.
B. - Par exploit du 15 mai 1931, Dame Cattin a intenté action contre Borgeaud
et contre un sieur Dusserre, avec
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lequel elle avait passé l'acte de vente, parce qu'il était propriétaire du
terrain sur lequel Borgeaud avait construit et pour lequel il n'était qu'au
bénéfice d'une promesse de vente.
La demanderesse a exercé principalement l'action rédhibitoire et
subsidiairement l'action en réduction de prix (10000 fr.), prévues à l'art.
205
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 205 - 1 Dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l'acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l'action rédhibitoire, ou de réclamer par l'action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value. |
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1 | Dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l'acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l'action rédhibitoire, ou de réclamer par l'action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value. |
2 | Lorsque l'acheteur a intenté l'action rédhibitoire, le juge peut se borner à réduire le prix s'il estime que la résiliation n'est pas justifiée par les circonstances. |
3 | Si la moins-value est égale au prix de vente, l'acheteur ne peut demander que la résiliation. |
frais d'expertise.
Le défendeur a conclu au rejet de la demande.
C. - Par jugement du 29 mars 1933, après avoir fait procéder à une expertise,
la Cour civile vaudoise a prononcé:
«I. Les conclusions de la demanderesse sont admises en ce sens que Victor
Borgeaud est reconnu débiteur de Dame Félicitée Cattin et qu'il doit lui faire
immédiat paiement des sommes suivantes:
a) 2290 fr. avec intérêt à 5% dès le 15 mai 1931;
b) 213 fr. 20 avec intérêt à 5% dès le 10 juin 1931;
c) 300 fr. avec intérêt à 5% dès le 15 mai 1931.
»II. Les conclusions libératoires de Victor Borgeaud sont écartées dans la
mesure qui précède.
»III. Les conclusions libératoires de Henri Dusserre sont admises.
»IV. Toutes autres et plus amples conclusions des parties sont écartées.
»V. Le défendeur Victor Borgeaud gardera ses propres frais et paiera en outre
le tiers des frais que la demanderesse a faits contre lui.
»VI. Les frais et dépens de la demanderesse et ceux du défendeur Henri
Dusserre sont compensés.»
La Cour a rejeté l'action rédhibitoire, tout en remarquant que cette demande
ne pouvait être dirigée que contre Dusserre, seul signataire de l'acte de
vente. Elle a en revanche admis l'action en réduction de prix, mais seulement
contre Borgeaud, «la demanderesse ayant traité avec lui seul l'achat de la
maison et admis elle-même que seul
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Borgeaud pouvait être tenu pour responsable des défauts du bâtiment vendu».
D. - Le défendeur Borgeaud a recouru contre ce jugement au Tribunal fédéral.
Il a repris ses conclusions libératoires.
L'intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation du prononcé
attaqué.
Considérant en droit:
La demanderesse s'étant inclinée devant le jugement de la Cour civile, seule
la réduction du prix est encore litigieuse.
Le juge cantonal, se ralliant à l'avis de l'expert Longchamp commis par elle,
admet que la demanderesse s'est conformée à l'art. 201
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 201 - 1 L'acheteur a l'obligation de vérifier l'état de la chose reçue aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires; s'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. |
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1 | L'acheteur a l'obligation de vérifier l'état de la chose reçue aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires; s'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. |
2 | Lorsqu'il néglige de le faire, la chose est tenue pour acceptée, à moins qu'il ne s'agisse de défauts que l'acheteur ne pouvait découvrir à l'aide des vérifications usuelles. |
3 | Si des défauts de ce genre se révèlent plus tard, ils doivent être signalés immédiatement; sinon, la chose est tenue pour acceptée, même avec ces défauts. |
les défauts (fissures) constatés dans le bâtiment; car si, à la vérité, ils
existaient et étaient visibles déjà avant la vente du 10 octobre 1929, leur
importance ne pouvait être reconnue que par une «personne habituée aux travaux
du bâtiment» la demanderesse n'ayant pas cette expérience, n'a pu porter ce
jugement ni se rendre compte du, coût des travaux de remise en état et de
consolidation.
Cette manière de voir est juste et saine. Le défendeur objecte en vain que
l'art. 201 ne distingue pas entre la constatation des défauts de la chose et
leur importance, en particulier quant aux frais de réparation. A son sens, il
suffit, pour qu'il y ait acceptation de la chose, que l'acheteur ait pu en
constater les défauts, argumentation formaliste qui s'attache trop à la lettre
de l'art. 201 et en méconnaît l'esprit. Les défauts que l'acheteur doit
signaler, ce ne sont pas tous les défauts quelconques, même minimes et sans
portée, ce sont les défauts dont la gravité est assez grande pour justifier
l'ouverture d'une action rédhibitoire ou tout au moins en réduction du prix
(RO 46 II p. 61, consid. 3). La rédhibition ou la réduction supposent que
l'objet vendu a des défauts qui diminuent d'une façon notable sa valeur ou son
utilité pour l'usage convenu. Il ne
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sert à rien de signaler en application de l'art. 201 des défauts qui ne
permettraient ni de résoudre le contrat ni d'exiger une diminution du prix. La
constatation envisagée par le législateur, c'est celle qui se double d'une
appréciation compétente de l'importance des défauts et de leurs conséquences.
Les fissures qui apparaissent dans une construction peuvent être simplement
superficielles; elles se rencontrent dans nombre de bâtiments, notamment dans
les constructions à bon marché, sans en compromettre la solidité. D'autres, et
c'est d'elles qu'il s'agit, sont l'indice de vices graves de l'ouvrage, tels
que l'insuffisance des fondations, des décollements de murs, etc. Or, pour
s'en rendre compte, il faut posséder des connaissances techniques qui
faisaient défaut à la demanderesse.
Le défendeur lui reproche de ne pas avoir procédé ou fait procéder par un
homme compétent à un examen approfondi. Il invoque les arrêts Grobéty c.
Pégaitaz (RO 46 II, p. 62) et Rinaldi c. Boéchat (RO 52 II, p. 148.). Mais ces
décisions ne constituent pas des précédents pour la présente affaire. Il
s'agissait alors d'automobiles usagées achetées d'occasion, qui avaient eu des
pannes dès le début et pour lesquelles on devait s'attendre à de l'usure. Les
circonstances sont tout autres en l'espèce. La maison achetée en 1929 était
presque neuve; elle avait été construite en 1925. On ne devait donc pas
s'attendre à des défauts, notamment pas à des défauts graves. Il se peut que
dans les constructions nouvelles des fissures apparaissent fréquemment après
un court laps de temps. Mais elles n'intéressent en règle générale que la
surface, le crépissage, et n'ont alors pas grande importance. Il serait
excessif, en pareil cas, d'exiger que l'acheteur s'adresse aussitôt à un homme
de l'art et fasse l'avance - peut-être inutile - de frais d'expertise, sous
peine de perdre l'une ou l'autre des actions prévues par l'art. 205
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 205 - 1 Dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l'acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l'action rédhibitoire, ou de réclamer par l'action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value. |
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1 | Dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l'acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l'action rédhibitoire, ou de réclamer par l'action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value. |
2 | Lorsque l'acheteur a intenté l'action rédhibitoire, le juge peut se borner à réduire le prix s'il estime que la résiliation n'est pas justifiée par les circonstances. |
3 | Si la moins-value est égale au prix de vente, l'acheteur ne peut demander que la résiliation. |
La Cour civile a dès lors bien appliqué l'article 201, et son jugement n'étant
pas attaqué sur d'autres points' en
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particulier pas quant au chiffre de la réduction opérée, il y a lieu de le
confirmer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement
attaqué.