S. 8 / Nr. 3 Doppelbesteuerung (f)

BGE 59 I 8

3. Arrêt do 3 mars 1933 dans la cause Perren contre Département des Finances
du Canton de Vaud.


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Regeste:
Les articles 46 al. 2 et 4 CF combinés interdisent qu'un canton exige d'un
donataire des droits de mutation plus élevés parce que le donateur est
domicilié dans un autre canton.

Résumé des faits.
A. - Par acte du 5 février 1932, Gottlieb Perren, à Zweisimmen (Berne), a fait
donation à ses fils Robert et Adolphe domiciliés à Château d'Oex, et Alfred
domicilié à Zweisimmen, de divers immeubles dont il était propriétaire sur le
territoire de la commune de Château d'Oex (Vaud).
L'estimation officielle de ces immeubles s'élève à 131670 fr. Ils ont été
évalués à 130000 fr. dans l'acte de donation; les donataires ayant repris pour
101697 fr. 55 de dettes hypothécaires grevant les immeubles donnés, la valeur
nette de la donation est donc de 28302 fr. 45.
En 1932, Gottlieb Perren a, en outre, fait donation à ses fils de plusieurs
immeubles situés dans le canton de Berne, évalués à 63350 fr. et grevés
d'hypothèques pour 37810 fr.
B. - Le receveur du district du Pays d'Enhaut ayant calculé le droit de
mutation dû pour les immeubles situés à Château d'Oex, sur le montant de
131670 fr., sans défalquer les dettes hypothécaires, les donataires ont
sollicité le Département des finances du canton de Vaud de leur accorder la
déduction de ces dettes.
Par lettre du 29 octobre/3 novembre 1932, le Département des finances a rejeté
cette requête en se basant sur l'art. 40 al. 3 de la loi cantonale du 27
décembre 1911.
D. - Robert, Adolphe et Alfred Perren ont interjeté en temps utile un recours
de droit public tendant à ce que le Tribunal fédéral annule la décision prise
le 3 novembre 1932 par le Département vaudois des finances et déclare que,
pour le calcul du droit de mutation afférant à la donation du 5 février 1932,
ledit Département est invité «à

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porter en déduction de la valeur des immeubles situés à Château d'Oex,... le
montant des dettes hypothécaires grevant lesdits immeubles et mis à la charge
des donataires».
Les recourants invoquent à l'appui de ces conclusions l'art. 4 combiné avec
l'art. 46 al. 2 CF. Ils font valoir que la règle de l'art. 40 al. 3 de la loi
vaudoise du 27 décembre 1911 sur la perception du droit de mutation
interdisant la déduction des dettes lorsque le donateur d'un immeuble est
domicilié hors du canton est contraire au principe de l'égalité des citoyens,
car elle établit, sans justes motifs, une différence de traitement entre les
citoyens domiciliés dans le canton de Vaud et les citoyens domiciliés dans un
autre canton. Le fait que le donateur est domicilié hors du canton de Vaud ne
constitue pas un critère suffisant pour ne pas porter en déduction de la
valeur des immeubles donnés, des dettes mises à la charge des donataires,
alors que cette déduction est prévue lorsque le donateur est domicilié dans le
canton de Vaud.
L'Etat de Vaud a conclu au rejet du recours pour des motifs qui peuvent être
résumés comme il suit:
L'art. 46 al. 2 CF n'est pas applicable à l'espèce, le transfert des biens
situés dans les cantons de Berne et de Vaud n'ayant pas eu lieu à titre
universel, mais dans chaque canton par des actes distincts de donation à titre
particulier portant sur des biens nettement déterminés. Il n'existe donc
aucune possibilité de conflit entre deux souverainetés fiscales. La seule
question à examiner est de savoir si l'art. 40 al. 3 de la loi vaudoise sur la
perception du droit de mutation est compatible avec l'art. 4 CF. Dans la
règle, le législateur vaudois autorise, en matière fiscale, la déduction des
dettes. Si, en ce qui concerne le droit de mutation, il prévoit une exception
pour les donations d'immeubles faites par un donateur domicilié hors du
canton, la raison en est que dans ce cas le contrôle est fort difficile, le
fisc ignorant souvent la situation financière des intéressés. Le donateur
domicilié hors du canton peut

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par exemple éluder les droits de mutation en grevant les immeubles de dettes
hypothécaires, qu'il fait reprendre par les donataires, et en transférant
ensuite à ces derniers la contre-valeur de ces dettes par une donation de main
à la main échappant au droit de mutation. Si, dans un cas semblable, le
donateur était domicilié dans le canton de Vaud, l'autorité vaudoise pourrait
lui demander des explications au sujet de l'emploi des sommes qu'il s'est
procurées en grevant d'hypothèques les immeubles. Ces sommes échapperont en
revanche au fisc d'un autre canton, lequel ignorera ce qui s'est passé dans le
canton de Vaud.
En l'espèce, les recourants ont reçu non seulement des immeubles pour une
valeur nette de 28302 fr. 45 dans le canton de Vaud et de 26190 fr. dans le
canton de Berne, mais aussi des biens mobiliers valant environ 70000 fr. Le
donateur étant domicilié hors du canton, cette donation mobilière n'est
soumise à aucun droit de mutation dans le canton de Vaud, même si, comme c'est
le cas, les biens mobiliers s'y trouvent. Il serait anormal de ne tenir aucun
compte de ce transfert mobilier et de considérer que les recourants n'ont reçu
dans le canton de Vaud que 28302 fr. 45, alors qu'en réalité la valeur de la
donation est bien supérieure.
Si les immeubles avaient été vendus au lieu d'être donnés, le droit de
mutation aurait dû être payé sur la totalité du prix de vente sans défalcation
des dettes, même si le vendeur était domicilié dans le canton de Vaud. Au cas
où l'art. 40 al. 3 de la loi sur la perception du droit de mutation serait
déclaré contraire à la constitution, les donations simulées avec remise
secrète d'une somme d'argent constituant en réalité le prix d'achat se
multiplieraient au détriment des ventes.
Considérant en droit:
1.- ....
2.- L'art. 40 de la loi vaudoise du 27 décembre 1911 dispose à l'alinéa 1:

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«Le droit sur les donations entre vifs est perçu sur la valeur nette des biens
donnés, sous déduction des dettes dûment constatées du donateur, mises à la
charge du donataire par l'acte de donation»,
et à l'alinéa 3:
«Il n'est fait aucune déduction sur les donations d'immeubles faites par un
donateur domicilié hors du canton».
Le donateur étant, en l'espèce, domicilié dans le canton de Berne, l'Etat de
Vaud a refusé, conformément à l'art. 40 al. 3 de calculer les droits de
mutation sur les immeubles donnés en tenant compte des dettes hypothécaires
reprises par les donataires.
Dans sa jurisprudence récente (cf. RO 48 I p. 338 et sv. p. 507; 49 p. 531 et
sv. et les arrêts cités dans les considérants; BURCKHARDT, Commentaire 3e éd.
p. 417), le Tribunal fédéral a posé en principe que le contribuable dont les
relations économiques s'étendent sur plusieurs cantons ne doit pas être
soumis, en vertu des art. 46 al. 2 et 4 CF combinés, à un traitement plus
défavorable que celui dont l'existence économique se concentre dans un seul
canton. Cette règle s'applique aussi au cas particulier où l'on réclame aux
recourants des droits de mutation plus élevés - à raison du lien économique
qui les unit à un donateur domicilié dans un autre canton - que ceux qu'ils
auraient à payer si le donateur était domicilié dans le canton de Vaud.
Le bordereau établi sur ces bases doit, partant, être annulé. En application
du principe susmentionné, le droit de mutation exigible des recourants ne doit
pas être plus élevé que celui auquel ils seraient astreints si le donateur
était domicilié dans le canton de Vaud.
3.- C'est en vain que l'Etat de Vaud invoque à l'appui de la réglementation
instituée par l'art. 40 al. 3 de la loi du 27 décembre 1911, la difficulté de
connaître la situation économique des donateurs domiciliés dans un autre
canton et le risque de fraudes sur les droits de mutation qui en serait la
conséquence. Etant donné qu'actuellement

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les cantons se donnent réciproquement des renseignements sur les conditions
économiques de leurs contribuables (cf. RO 39 I 583; 41 I 421; 48 I 509) ce
risque ne paraît pas beaucoup plus considérable que si les donateurs étaient
domiciliés dans le canton de Vaud. L'art. 40 al. 1 de la loi du 27 décembre
1911 prescrit d'ailleurs que la défalcation n'est accordée que pour les dettes
«dûment constatées» Le fisc peut donc exiger des contribuables qu'ils lui
fournissent tous renseignements utiles avec pièces justificatives à l'appui de
la demande de défalcation et rejeter cette dernière s'il apparaît que les
dettes sont fictives ou ont été créées dans le but de le frustrer. Quant au
risque que, pour éviter le paiement de droits de mutation plus élevés, des
contrats de vente soient conclus sous la forme de donations simulées, il
existe déjà avec le système actuel et ne peut par conséquent être invoqué en
faveur du maintien de l'inégalité consacrée par l'art. 40 al. 3 de la loi du
27 décembre 1911. Les art. 48 et suiv. autorisent l'Etat à réprimer les
fraudes de ce genre et les sanctions qu'ils prévoient sont applicables aussi
au cas où le donateur est domicilié hors du canton.
Le fait que les recourants ont reçu en donation non seulement des immeubles,
mais aussi des biens mobiliers est sans intérêt en l'espèce, la question de
savoir si le droit de mutation doit être calculé en tenant compte de ces
meubles devant être tranchée sans égard à la circonstance que le donateur est
domicilié dans un autre canton. Pour le surplus, cette question n'est pas
litigieuse en l'espèce.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le bordereau daté du 31 mai 1932 fixant les droits de
mutation dus par Robert, Adolphe et Alfred Perren, sur la donation du 5
février 1932 est annulé.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 59 I 8
Date : 01. Januar 1932
Publié : 03. März 1933
Source : Bundesgericht
Statut : 59 I 8
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : Les articles 46 al. 2 et 4 CF combinés interdisent qu'un canton exige d'un donataire des droits de...


Répertoire ATF
39-I-570 • 41-I-416 • 48-I-491 • 59-I-8
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
vaud • donateur • droits de mutation • donataire • tribunal fédéral • tennis • situation financière • prix d'achat • calcul • argent • chose mobilière • recours de droit public • parlement • autorité législative • décision • salaire • quant • examinateur • pièce justificative • juste motif
... Les montrer tous