S. 81 / Nr. 12 Personenrecht (f)

BGE 58 II 81

12. Arrêt de la IIe Section civile du 18 fevrier 1932 dans la cause Camille
Eynard contre Paul-Ernest-Edmond Eynard.


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Regeste:
Changement de nom.
Celui au bénéfice duquel a été rendu un jugement qui a prononcé l'annulation
d'une décision d'un gouvernement cantonal autorisant une personne à changer
son nom ne saurait, en cas de nouvelle décision conférant le même nom à la
même personne, se borner à demander au juge de constater la nullité prétendue
de la seconde décision, par le motif qu'elle violerait le principe de
l'autorité de la chose jugée (consid. 2). Il doit procéder en conformité de
l'art. 30 al. 3 Cc., c'est-à-dire intenter un nouveau procès en annulation de
la seconde décision.
Il est loisible, en principe, au gouvernement cantonal, nonobstant le
jugement, de rendre une nouvelle décision dans le même sens que la première.
L'art. 29 al. 2 Cc. n'est pas applicable en pareil cas (consid. 3).

A. - Par décision du 6 mars 1923, le Conseil Exécutif du Canton de Berne a
autorisé Paul-Ernest-Edmond Spiess, originaire de Berne, fils de Karl Spiess
et de Rachel née Eynard, divorcés en 1922, à changer son nom en celui
d'Eynard. Par demande du 15 mars 1924, Camille Eynard, cousin de Dame Rachel
Eynard, a attaqué cette décision devant la Cour d'appel du Canton de Berne en
application de l'art. 30 al. 3 Cc. La Cour l'ayant débouté de ses conclusions,
il a recouru au Tribunal fédéral qui, par arrêt du 18 février 1926 (RO 52 II
p. 103 et suiv.), réformant le jugement, a annulé la décision du Conseil
Exécutif et ordnné aux officiers de l'état civil de Berne et de Rolle

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de rayer dans leurs registres la mention du changement de nom.
B. - Le 16 février 1927, Paul-Ernest-Edmond Spiess s'est adressé au Conseil
Exécutif du Canton de Berne en lui demandant de nouveau l'autorisation de
changer son nom en celui d'Eynard. Il se prétendait au bénéfice de faits
nouveaux et invoquait en outre la circonstance qu'il n'avait lui-même jamais
cessé de vivre auprès de sa mère dans un milieu romand.
Le Conseil Exécutif a fait droit à cette requête par décision du 31 mai 1927.
Camille Eynard a formé contre cette décision un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Par arrêt du 18 novembre 1927, le Tribunal fédéral a rejeté
ce recours préjudiciellement, en relevant notamment qu'il appartenait au
recourant d'attaquer la décision du Conseil Exécutif par la voie prévue à
l'art. 30 al. 3 Cc, c'est-à-dire de s'adresser au juge civil, qui aurait à
examiner le point de savoir si l'arrêt du 18 février 1926 emportait force de
chose jugée quant à la question de l'atteinte portée aux intérêts du recourant
et, le cas échéant, à revoir librement les motifs de la décision.
C. - Après avoir vainement tenté, par voie de requête à l'office de l'état
civil de Rolle, d'obtenir la radiation de la nouvelle inscription du nom
d'Eynard, qui avait été opérée ensuite de la décision du 31 mai 1927, Camille
Eynard a ouvert action contre Paul-Ernest-Edmond Eynard devant le Tribunal
civil du district de Rolle (domicile du défendeur) en concluant à ce qu'il
plaise au tribunal prononcer:
«1. - Que c'est sans droit que le défendeur a, contrairement à l'arrêt du
Tribunal fédéral du 18 février 1926, changé ou fait changer à nouveau son nom
de Spiess contre le nom Eynard, et que toute décision administrative contraire
à cet arrêt est nulle et de nul effet.
2.- Que le rétablissement, dans les registres de l'état civil de Rolle et de
Berne, de l'inscription du nom d'Eynard,

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radiée en vertu de l'arrêt du 18 février 1926 du Tribunal fédéral, a eu lieu
sans droit, et que cette réinscription de juillet 1927 est nulle.
3.- Que les offices de l'état civil de Rolle et de Berne sont invités à radier
des registres de l'état civil toute inscription contraire à l'arrêt du 18
février 1926, et à réinscrire, sur le vu du jugement qui interviendra dans la
présente cause, le nom Spiess à titre de nom de famille de Paul-Ernest-Edmond
fils de Karl-Emil Spiess.
4.- Que défense est faite au défendeur de faire usage, à titre de nom de
famille, du nom Eynard, à défaut de quoi toutes mesures utiles en vue de faire
cesser cet usage pourront être prises, au besoin par voie d'exécution forcée.
5.- Que le jugement qui interviendra sera publié, en un extrait, dont la forme
et l'étendue seront déterminées par le Président du Tribunal, dans trois
journaux au choix du demandeur, et aux frais du défendeur.»
Le demandeur fondait ses conclusions essentiellement sur l'autorité de la
chose jugée qui s'attachait, selon lui, au premier arrêt du Tribunal fédéral
et en vertu de laquelle la nouvelle insription du nom d'Eynard en marge du
registre des naissances, tout comme la seconde décision du Conseil Exécutif,
était «radicalement nulle ab initio». Il n'avait pas, disait-il expressément,
«à intenter une nouvelle action, identique à la première, en changement de
nom, mais simplement à faire constater la nullité, soit l'inexistence, en
droit, des opérations et inscriptions faites au mépris de la chose jugée».
«Très subsidiairement, ajoutait-il, et pour le cas où, contre attente, il
serait jugé que l'arrêt du Tribunal fédéral n'aurait plus de valeur dès le
jour où il a reçu un commencement d'exécution, le demandeur, par surabondance
de droit, attaque en justice, moins d'un an avant le jour où il en a eu
connaissance, le changement de nom opéré aux registres de l'état civil ensuite
de la décision parue dans l'«Amtsblatt des Kantons Bern». Il reprochait au
Conseil Exécutif de n'avoir pas observé les conditions préalables prévues

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à l'art. 30 al. 3 Cc. Le Conseil Exécutif n'alléguait aucun motif nouveau de
fait ou de droit. L'atteinte illicite aux intérêts personnels du demandeur
subsiste donc, et ce dernier est en droit de demander, en vertu des articles
28 et suiv. Cc et 41 et suiv. Co, que le juge prenne des mesures en vue de
faire cesser une fois pour toutes au défendeur le port et l'usage du nom qui
lui a été interdit.
Le défendeur a conclu tant préjudiciellement qu'au fond au rejet de la
demande. En ce qui concerne, disait-il, la seule action qui aurait été
admissible en la forme: celle qui aurait tendu à l'annulation de la décision
du Conseil Exécutif, elle n'a pas été introduite. La demande ne contient
aucunes conclusions en ce sens.
D. - Par jugement du 23 novembre 1931, le Tribunal civil du district de Rolle
a débouté le demandeur de ses conclusions et l'a condamné aux frais et dépens
de la cause.
E. - Le demandeur a recouru en réforme en reprenant ses conclusions de
première instance.
Le défendeur a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.
Considérant en droit:
1.- S'il est exact que dans la partie de la demande où il a exposé ses moyens,
le recourant a bien déclaré, quoique «très subsidiairement», attaquer le
changement de nom autorisé par le Conseil Exécutif du Canton de Berne le 31
mai 1927 et qu'on pourrait à la rigueur interpréter ses conclusions en ce
sens, il n'en reste pas moins, d'après le jugement du Tribunal de Rolle, qu'il
a clairement donné à entendre qu'il n'avait pas, en réalité, l'intention de
demander l'annulation de cette décision, parce qu'il la considérait comme
radicalement nulle dès l'origine. C'est là une constatation qui lie le
Tribunal fédéral. Non seulement elle n'a pas été critiquée dans la déclaration
de recours, mais elle trouve même sa confirmation dans l'exposé des moyens
invoqués à l'appui du pourvoi. Le

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recourant, qui persiste à se prévaloir du principe de l'autorité de la chose
jugée, n'attaque, en effet, le jugement du Tribunal de Rolle qu'en ce qu'il
aurait méconnu la portée de l'arrêt du 18 février 1926 et refusé de
reconnaître qu'en présence de cet arrêt la décision du Gouvernement bernois
est radicalement nulle. Aussi bien se borne-t-il, dans l'énumération des
dispositions qu'il estime applicables au litige, à invoquer les art. 28, 29
al. 2, 31, 45 Co et 49 C O, sans citer l'art. 30 al. 3 Cc.
Dans ces conditions il n'y a pas lieu pour le Tribuna-fédéral de faire porter
son examen sur d'autres conclusions que celles sur lesquelles les premiers
juges ont été appelés à statuer.
2.- Dans la mesure où elle vise à faire constater que la décision du 31 mai
1927 est nulle, l'action est irrecevable. Elle se ramène à faire constater
l'inexécution d'une sentence judiciaire. Il est clair qu'une constatation de
cette nature ne saurait constituer l'objet d'une action civile. La thèse
suivant laquelle le jugement qui a annulé une décision en changement de nom
exclut la possibilité d'attribuer le même nom à la même personne ne se
conçoit, en effet, que comme un corollaire du principe de l'autorité de la
chose jugée. Elle relève donc normalement du domaine de la procédure
d'exécution forcée. Si tant est, par conséquent, que le demandeur voulût se
prévaloir de l'inexécution de l'arrêt du 18 février 1926, il aurait dû porter
sa réclamation devant le Conseil fédéral (cf. art. 45 OJF) et, pour ce qui
concerne la substitution du nom d'Eynard à celui de Spiess dans le registre
des naissances, user de la voie de la plainte aux autorisés de surveillance
des offices de l'état civil, sous réserve du recours de droit administratif au
Tribunal fédéral (cf. art. 43 Cc et art. 1 al. 3 de l'annexe à la loi fédérale
sur la juridiction administrative et disciplinaire), étant évident qu'une
inscription opérée sur la base d'une décision nulle est également nulle.
3.- Il n'est pas douteux, en revanche, qu'une action

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qui tend à faire défense à quelqu'un de se servir d'un certain nom
(conclusions No 4 de la demande) ne soit une action civile. Il s'agit de
l'action prévue à l'art. 29 al. 2 Cc. Mais elle suppose évidemment que le
défendeur se serve sans droit du nom en question. Or c'est incontestablement à
tort que le demandeur prétend que le jugement qui a déclaré nulle une décision
en changement de nom s'oppose à tout jamais à ce que le nom qui a donné lieu à
la première contestation puisse être attribué à la même personne, autrement
dit rend absolument nulle toute nouvelle décision en ce sens. Pour être prévue
dans le code civil, la procédure en changement de nom n'en appartient pas
moins, par sa nature propre, au droit public, et c'est ce qui explique
d'ailleurs que cette matière ait été laissée dans la compétence des autorités
administratives, soit aux gouvernements cantonaux. Or il est indicutable que
le principe de l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas d'une manière
aussi rigoureuse en droit public qu'en droit civil. Pour ce qui est notamment
du changement de nom, 'on ne voit pas non plus les raisons pour lesquelles il
ne serait pas permis à l'autorité compétente d'accéder à une nouvelle demande,
nonobstant un jugement antérieur, si les circonstances ne sont plus les mêmes
qu'au moment du jugement. L'effet de l'annulation de la première décision
n'est donc pas absolu. D'autre part, si l'on reconnaît que l'attribution du
même nom est possible en principe, il faut convenir que la question est
laissée à l'appréciation de l'autorité compétente, d'où il suit qu'en faisant
droit à la demande du requérant, l'autorité compétente accomplit un acte qui a
pour conséquence de créer par lui-même une modification de la situation
juridique de l'intéressé, soit un nouvel état de droit, qui ne pourra être
modifié à son tour que par un nouveau jugement annulant les effets de la
décision gouvernementale. Mais encore ne suffirait-il pas que l'annulation de
cette décision fût simplement relevée dans les motifs du jugement, à
l'occasion, par exemple, d'une action formée sur la basse

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de l'art. 29 al. 2 Cc. Comme l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'au
dispositif des jugements, il est nécessaire que cette annulation ait fait
l'objet de conclusions expresses, autrement dit que l'on se trouve en présence
de l'action prévue à l'art. 30 al. 3 Cc. Cette dernière apparaît ainsi comme
une action d'une nature toute particulière. Elle tend en réalité à faire
modifier la situation juridique qui a été créée par la décision
gouvernementale, et elle doit nécessairement, pour aboutir à ce résultat,
viser à l'annulation de cette décision elle-même.
En vain entendrait-on, pour soutenir le contraire, tirer argument de la
référence qui a été faite incidemment dans l'arrêt du 18 février 1926 à la
discussion au sein de la Commission d'experts. Cette référence n'est
d'ailleurs pas tout à fait exacte.
Du moment que le recourant n'est pas fondé à invoquer l'autorité de la chose
jugée pour contester la validité de la décision du 31 mai 1927, et que cette
décision conserve toute sa valeur, les conclusions qui tendent à faire
interdire au défendeur de se servir du nom d'Eynard manquent de base.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 58 II 81
Date : 01. Januar 1931
Published : 18. Februar 1932
Source : Bundesgericht
Status : 58 II 81
Subject area : BGE - Zivilrecht
Subject : Changement de nom.Celui au bénéfice duquel a été rendu un jugement qui a prononcé l'annulation...


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58-II-81
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