S. 547 / Nr. 86 Prozessrecht (f)

BGE 57 II 547

86 Arrêt de la Ire Section civile du 30 juin 1931 dans la cause Sallaz contre
Compagnie du Chemin de fer P. L. M. et Banque Vernes & Cie

Regeste:
C'est par la voie du recours de droit civil (et éventuellement du recours en
réforme) que doit se pourvoir au Tribunal fédéral celui qui, dans une cause
civile, arguë d'une violation des dispositions de for du droit fédéral.
Mais il doit se pourvoir par la voie du recours de droit public contre la
violation de l'art. 59 CF, ou d'une disposition de for de droit cantonal ou
contractuel, ou encore contre la violation d'une règle de droit international
déterminant les pouvoirs respectifs de la Suisse et des autres Etats en fait
de juridiction.
Art. 87 ch. 3, 189 al. 3 OJF, 49 litt. b JAD, 59 CF., 35 al. 2, 11, 144 CCS,
et 7 de la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil.

Résumé des faits:
Le demandeur Sallaz a assigné à Genève la Compagnie du chemin de fer P. L. M.,
en paiement d'obligations émises par cette compagnie, soit son auteur, en
1857.
Les tribunaux genevois s'étant déclarés incompétents pour connaître de cette
demande, Sallaz a formé un recours de droit civil au Tribunal fédéral. D'après
lui, l'arrêt de la cour genevoise violerait notamment «les principes du droit
des gens reconnaissant au créancier le droit d'agir

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sur son sol pour les obligations payables en Suisse, ledit droit des gens
étant considéré comme droit fédéral».
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
1. - Avant 1929, les contestations relatives à la compétence territoriale d'un
juge ou d'une autorité administrative ne pouvaient être portées, en dernière
instance, devant le Tribunal fédéral que par la voie du recours de droit
public. Il en était ainsi, même dans les cas où la règle prétendument violée
était une règle de for du droit civil fédéral (cf. art. 189 al. 3 OJF).
La loi fédérale du 11 juin 1928 sur la juridiction administrative et
disciplinaire (JAD), entrée en vigueur le 1er mars 1929, a changé sur ce point
l'organisation judiciaire fédérale. En effet, l'art. 49 litt. b de cette loi a
modifié et complété l'art. 87 OJF, qui renferme désormais la disposition
suivante:
«Le Tribunal fédéral peut être saisi par la voie du recours de droit civil:
«...3) pour cause de violation des dispositions du droit fédéral en matière de
for.»
Il n'en résulte cependant pas que le recours de droit civil soit désormais
praticable dans toutes les contestations relatives à la compétence ratione
loci, qui donnaient lieu naguère au recours de droit public, ni que celui-ci
ne soit plus jamais ouvert en pareil cas.
D'abord, il a été jugé que les réclamations basées sur l'art. 59 CF ne
pourraient donner lieu - comme par le passé - qu'à un recours de droit public.
En effet, ainsi que le Tribunal fédéral l'a relevé dans un récent arrêt (RO 56
I 87
) «l'art. 59 CF n'institue pas un for fédéral du domicile, mais se borne à
fixer des limites au droit de juridiction des cantons et des Etats étrangers».
En outre, l'art. 87 ch. 3 OJF (nouv.) est inapplicable, ainsi qu'il ressort a
contrario de son texte même, si la disposition prétendument violée n'est pas
de droit fédéral et si la cause dont il s'agit n'est pas une cause civile.
Aussi bien le recours de droit public reste la seule voie

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par laquelle un justiciable puisse, le cas échéant, se pourvoir au Tribunal
fédéral contre la violation d'une disposition de for de droit cantonal ou de
droit contractuel (prorogation de for, RO 56 II 386, JdT 1931, p 74; RO 57 II
112
), de même que contre la violation d'un traité international déterminant
les pouvoirs respectifs de la Suisse et des autres Etats en fait de
juridiction.
En revanche, c'est par la voie du recours de droit civil (éventuellement du
recours en réforme: RO 57 II 133) que doit se pourvoir au Tribunal fédéral
celui qui, dans une cause civile, entend se plaindre de la violation des
dispositions de for proprement dites du droit fédéral, telles que l'art. 7 de
la loi fédérale du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil, les art. 35
al. 2, 111, 144 CCS etc., etc.
2. - En l'espèce, le recourant invoque le principe de droit international
d'après lequel tout créancier serait en droit d'agir sur son propre sol, pour
les obligations payables dans son pays. En admettant que ce principe existe
réellement, comme une norme reconnue du droit international, on doit se
demander si la violation de cette norme, par un juge ou une autorité
cantonale, donne lieu au recours de droit civil ou au recours de droit public,
suivant la distinction qui vient d'être établie.
Dans un arrêt du 13 mars 1918, la Section de droit public du Tribunal fédéral
a jugé qu'en attaquant une décision cantonale en vertu du principe de
l'exterritorialité, le recourant avait soulevé une question de juridiction ou
de for lato sensu, et que ce principe de droit international, obligatoire pour
tous les tribunaux suisses, devait être assimilé à une prescription du droit
interne (RO 44 I 49, JdT, 1918, 494).
En l'espèce, le demandeur Sallaz paraît soutenir que les règles
internationales de cette nature doivent être considérées comme des règles de
for du droit fédéral, quand même elles n'émanent pas du législateur fédéral et
n'ont qu'indirectement force de loi dans notre pays, par

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suite d'une adhésion aux normes générales du droit des gens.
Quoi qu'il en soit de cette affirmation, on doit relever que lesdites règles
n'ont pas le même caractère que les dispositions de for du droit fédéral, qui
ont été citées plus haut à titre d'exemple, sous chiffre 1 in fine. En effet,
tandis que ces dispositions fixent la répartition des compétences entre les
juges des différentes parties du pays, les normes de droit international dont
il s'agit ici tracent simplement des limites au pouvoir de juridiction de
chaque Etat. En d'autres termes, elles ont, dans les relations
internationales, la même portée que l'art. 59 CF dans les relations
intercantonales. Comme l'application de ce dernier article est restée dans la
compétence exclusive de la Section de droit public, ainsi en doit-il être de
ces règles, même lorsqu'elles sont purement coutumières.
C'est donc à tort que le recourant croit pouvoir demander l'application de
l'art. 87 ch. 3 OJF, en prétextant de la violation d'une règle du droit des
gens d'après laquelle le créancier pourrait poursuivre devant les tribunaux de
son pays l'exécution des obligations payables sur son territoire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le présent recours de droit civil est irrecevable.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 57 II 547
Date : 01. Januar 1931
Publié : 30. Juli 1931
Source : Bundesgericht
Statut : 57 II 547
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : C'est par la voie du recours de droit civil (et éventuellement du recours en réforme) que doit se...


Répertoire ATF
44-I-49 • 56-I-84 • 56-II-386 • 57-II-112 • 57-II-133 • 57-II-547
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • droit civil • droit fédéral • recours de droit public • compétence ratione loci • droit cantonal • chemin de fer • droit public • rapport de droit • décision • organisation • accès • autorité cantonale • intercantonal • droit interne • viol • dernière instance • entrée en vigueur • compétence exclusive • traité international
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