S. 465 / Nr. 74 Obligationenrecht (f)

BGE 57 II 465

74. Arrêt de la Ire Section civile du 23 septembre 1931 dans la cause Société
des produits cupriques S. A. contre Masse en faillite Hinderer Frères.

Regeste:
1. La clause «paiement comptant net» n'implique pas forcément que l'acheteur
renonce à compenser le prix de vente avec une créance qu'il possède contre le
vendeur; mais elle peut avoir ce sens, suivant les circonstances (consid. 1).

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2. Ainsi en est-il lorsqu'au moment de la vente, l'acheteur savait que le
vendeur était au bénéfice d'un sursis concordataire et que ses créanciers ne
pouvaient compter que sur un dividende minime. En pareil cas, en effet, il
devait se dire que le vendeur ne pouvait accepter d'être payé par compensation
avec une dette antérieure au sursis, sans commettre un acte déloyal envers les
autres créanciers (consid. 2).
Art. 126
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 126 - Le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation.
CO.

A. - La Société en nom collectif Hinderer Frères, commerce de denrées
coloniales, à Yverdon, a obtenu, le 29 avril 1929, un sursis concordataire,
qui fut renouvelé jusqu'en octobre de la même année. La Société des Produits
cupriques S. A. (ici appelée «La Cupra»), se fit inscrire au passif de la
masse concordataire pour 15185 fr. 05.
Le 5 juin 1929, Eugène et Hermann Hinderer, associés indéfiniment
responsables, sollicitèrent pour eux-mêmes le bénéfice du sursis.
Le 12 juillet 1929, leur mandataire offrit à leurs créanciers un concordat
basé sur l'abandon de leurs actifs et le versement, par une tierce personne,
d'une somme de 75000 francs.
En même temps, le mandataire des débiteurs adressait aux créanciers une lettre
circulaire dans laquelle il leur donnait connaissance des bilans déficitaires
de la Société et des deux associés.
La faillite de la Société débitrice fut prononcée le 4 octobre 1929.
Pendant la durée du sursis concordataire, la Cupra a acheté à Hinderer Frères
10 tonnes de sucre. Le marché fut confirmé par Hinderer Frères dans une lettre
du 10 septembre 1929, qui prévoyait le «paiement comptant net».
Les 10000 kg. de sucre ont été livrés le 28 septembre 1929, accompagnés d'une
facture portant les mots: «payable comptant net».
Le 1er octobre 1929, la Cupra écrivit à Hinderer Frères:
«... Vous êtes notre débiteur pour plus de 15000 fr., de sorte que nous
portons simplement le montant de votre facture à votre crédit ...».

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B. - La masse de la faillite Hinderer a assigné la Cupra devant les tribunaux
neuchâtelois, en paiement de la somme de 4200 fr. avec intérêts de droit.
La masse invoquait l'art. 213 ch. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 213 - 1 Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
1    Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
2    Toute compensation est toutefois exclue:384
1  lorsque le débiteur du failli est devenu son créancier postérieurement à l'ouverture de la faillite, à moins qu'il ait exécuté une obligation née antérieurement ou qu'il ait dégrevé une chose mise en gage pour la dette du failli et qu'il possède sur cette chose un droit de propriété ou un droit réel limité (art. 110, ch. 1, CO386);
2  lorsque le créancier du failli est devenu son débiteur ou celui de la masse postérieurement à l'ouverture de la faillite;
3  ...
3    La compensation avec des créances découlant de titres au porteur peut avoir lieu si et dans la mesure où le créancier établit qu'il a acquis les titres de bonne foi avant l'ouverture de la faillite.388
4    En cas de faillite d'une société en commandite, d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative, le montant non libéré de la commandite ou du capital social ou les arrérages de contributions statutaires de la société coopérative ne peuvent pas être compensés.389
LP et soutenait que la défenderesse
n'était pas en droit d'invoquer la compensation pour une dette créée durant le
sursis concordataire. Elle prétendait en outre que la Cupra avait renoncé à la
compensation en se déclarant d'accord avec un «paiement comptant net». Enfin
elle invoquait les dispositions des art. 285
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 285 - 1 La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
1    La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
2    Peut demander la révocation:
1  tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après saisie;
2  l'administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3.
3    Ne sont pas révocables les actes juridiques qui ont été accomplis durant un sursis concordataire, dans la mesure où ils ont été avalisés par un juge du concordat ou par une commission des créanciers (art. 295a).512
4    Ne sont pas non plus révocables les autres dettes contractées avec l'accord du commissaire durant le sursis.513
sq. LP sur l'action révocatoire.
D. - Par arrêt du 1er juin 1931, le Tribunal cantonal neuchâtelois a condamné
la défenderesse à payer à la demanderesse 4200 fr. avec intérêts à 5% dès le
14 février 1930. Le Tribunal cantonal estime que la défenderesse a renoncé à
la compensation; il ne se prononce pas sur les autres moyens de la demande.
E. - Par acte déposé en temps utile, la défenderesse a recouru au Tribunal
fédéral, en concluant au rejet de la demande, subsidiairement au renvoi de la
cause à l'instance cantonale.
Statuant sur ces faits et considérant, en droit:
1. - La Cupra a acheté à Hinderer frères, et ceux-ci lui ont livré, avant leur
faillite, 10000 kilos de sucre pour le prix de 4200 fr. La défenderesse se
reconnaît débitrice de cette somme envers la demanderesse, mais elle entend
compenser sa dette avec sa créance de 15185 fr. 05, de façon à ramener
celle-ci au chiffre de 10985 fr. 05. La demanderesse s'oppose à la
compensation; elle prétend que la défenderesse y a renoncé lors de la
conclusion du contrat d'achat des 10000 kg. de sucre.
D'après l'art. 126
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 126 - Le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation.
CO, «le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation».
Cette renonciation peut être expresse ou tacite (BECKER, n. 1 et 2 ad art. 126
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 126 - Le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation.

CO, VON TUHR, II P. 591 rem. VII, ROSSEL, I P. 187, SCHNEIDER et FICK, n. 1 ad
art. 126
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 126 - Le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation.
CO). Avant 1912, elle était même présumée, en vertu d'un texte
positif, l'art. 139 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 139 - Lorsque plusieurs personnes répondent solidairement, le recours de celui qui a indemnisé le créancier se prescrit par trois ans à compter du jour où il a indemnisé ce dernier et qu'il connaît le codébiteur.


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CO anc., lorsqu'un débiteur, sachant qu'il était lui-même créancier,
s'engageait ce nonobstant à payer comptant.
Cette disposition a été supprimée lors de la révision de 1911. Mais, ainsi que
le Tribunal fédéral l'a déjà relevé (RO 42 II 49), il n'en résulte pas que
l'engagement de payer comptant ne doive plus jamais être considéré comme
contenant une renonciation implicite à invoquer la compensation. La seule
différence consiste en ce que - sous l'empire de l'ancien code - cette
renonciation était, de par la loi, liée audit engagement, tandis que le code
revisé abandonne à la libre appréciation du juge la question de savoir s'il en
est ainsi in concreto.
Bref, il ne suffit pas que les parties soient convenues d'un payement comptant
pour qu'on puisse en inférer que le débiteur renonce à opposer la compensation
(VON TUHR, II, P. 591). Mais cette renonciation peut résulter des
circonstances.
2. - En l'espèce, la clause «paiement comptant net» était contenue dans la
lettre confirmative adressée par la maison Hinderer à sa cliente le 10
septembre 1929, et elle a été tacitement acceptée par la Cupra. Or, à ce
moment, le déficit de la Société Hinderer Frères, ajouté à celui des associés
indéfiniment responsables, atteignait au total la somme de 1264607 fr. 06. A
vrai dire, la procédure de concordat n'avait pas encore définitivement échoué.
Mais les frères Hinderer avaient simplement proposé un abandon d'actifs et le
versement par un tiers d'une somme de 75000 fr. Il est clair que ce versement
n'eût réduit que dans une faible proportion le déficit de 1264607 fr. 06.
D'autre part, en cas de faillite, les créanciers n'auraient pu compter que sur
un dividende minime. Créancière elle-même, la Cupra connaissait cette
situation. En imputant le prix des 10 tonnes de sucre sur le montant de sa
créance, elle aurait ramené celle ci de 15185 fr. 05 à 10985 fr. 05. Ainsi
elle aurait diminué sa perte et se serait procuré des avantages au détriment
des autres créanciers. S'ils avaient accepté ce mode de faire,

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Hinderer Frères auraient commis un acte que la loyauté en affaires leur
interdisait. La Cupra ne pouvait l'ignorer et, par conséquent, elle devait se
dire qu'étant données les circonstances, la clause «paiement comptant net»
excluait forcément la compensation (dans un sens analogue arrêt précité RO 42
II 55
).
Dès lors, la demande doit être admise sans qu'il y ait lieu d'examiner la
question de savoir si les conclusions de la demanderesse devraient lui être
allouées en application des art. 213 al. 2
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 213 - 1 Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
1    Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
2    Toute compensation est toutefois exclue:384
1  lorsque le débiteur du failli est devenu son créancier postérieurement à l'ouverture de la faillite, à moins qu'il ait exécuté une obligation née antérieurement ou qu'il ait dégrevé une chose mise en gage pour la dette du failli et qu'il possède sur cette chose un droit de propriété ou un droit réel limité (art. 110, ch. 1, CO386);
2  lorsque le créancier du failli est devenu son débiteur ou celui de la masse postérieurement à l'ouverture de la faillite;
3  ...
3    La compensation avec des créances découlant de titres au porteur peut avoir lieu si et dans la mesure où le créancier établit qu'il a acquis les titres de bonne foi avant l'ouverture de la faillite.388
4    En cas de faillite d'une société en commandite, d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative, le montant non libéré de la commandite ou du capital social ou les arrérages de contributions statutaires de la société coopérative ne peuvent pas être compensés.389
ou 285
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 285 - 1 La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
1    La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
2    Peut demander la révocation:
1  tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après saisie;
2  l'administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3.
3    Ne sont pas révocables les actes juridiques qui ont été accomplis durant un sursis concordataire, dans la mesure où ils ont été avalisés par un juge du concordat ou par une commission des créanciers (art. 295a).512
4    Ne sont pas non plus révocables les autres dettes contractées avec l'accord du commissaire durant le sursis.513
sq. LP.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 57 II 465
Date : 01 janvier 1931
Publié : 23 septembre 1931
Source : Tribunal fédéral
Statut : 57 II 465
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : 1. La clause «paiement comptant net» n'implique pas forcément que l'acheteur renonce à compenser le...


Répertoire des lois
CO: 126 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 126 - Le débiteur peut renoncer d'avance à la compensation.
139
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 139 - Lorsque plusieurs personnes répondent solidairement, le recours de celui qui a indemnisé le créancier se prescrit par trois ans à compter du jour où il a indemnisé ce dernier et qu'il connaît le codébiteur.
LP: 213 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 213 - 1 Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
1    Le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui.
2    Toute compensation est toutefois exclue:384
1  lorsque le débiteur du failli est devenu son créancier postérieurement à l'ouverture de la faillite, à moins qu'il ait exécuté une obligation née antérieurement ou qu'il ait dégrevé une chose mise en gage pour la dette du failli et qu'il possède sur cette chose un droit de propriété ou un droit réel limité (art. 110, ch. 1, CO386);
2  lorsque le créancier du failli est devenu son débiteur ou celui de la masse postérieurement à l'ouverture de la faillite;
3  ...
3    La compensation avec des créances découlant de titres au porteur peut avoir lieu si et dans la mesure où le créancier établit qu'il a acquis les titres de bonne foi avant l'ouverture de la faillite.388
4    En cas de faillite d'une société en commandite, d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions, d'une société à responsabilité limitée ou d'une société coopérative, le montant non libéré de la commandite ou du capital social ou les arrérages de contributions statutaires de la société coopérative ne peuvent pas être compensés.389
285
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 285 - 1 La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
1    La révocation a pour but de soumettre à l'exécution forcée les biens qui lui ont été soustraits par suite d'un acte mentionné aux art. 286 à 288.
2    Peut demander la révocation:
1  tout créancier porteur d'un acte de défaut de biens provisoire ou définitif après saisie;
2  l'administration de la faillite ou tout créancier, individuellement, dans les cas visés aux art. 260 et 269, al. 3.
3    Ne sont pas révocables les actes juridiques qui ont été accomplis durant un sursis concordataire, dans la mesure où ils ont été avalisés par un juge du concordat ou par une commission des créanciers (art. 295a).512
4    Ne sont pas non plus révocables les autres dettes contractées avec l'accord du commissaire durant le sursis.513
Répertoire ATF
42-II-49 • 57-II-465
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
acheteur • action révocatoire • associé indéfiniment responsable • bilan déficitaire • bilan • calcul • conclusion du contrat • décision • décompte • examinateur • masse concordataire • masse en faillite • paiement comptant • perte • rejet de la demande • société en nom collectif • sursis concordataire • tribunal cantonal • tribunal fédéral