BGE 57 II 311
48. Arrêt de la 1 re section civile du 27 mai 1931 dans la cause Dame
Barruchet contre Economo.
Regeste:
Responsabilité à raison d'actes illicites, art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet. |
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1 | Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet. |
2 | Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt. |
Quelles que soient les prescriptions réglementaires, un véhicule à moteur ne
doit jamais circuler à une vitesse telle, que son conducteur ne puisse
l'arrêter dans l'espace de route qu'il voit complètement libre devant lui.
Pour apprécier les fautes respectives des divers usagers de la route, on doit
tenir compte des risques plus ou moins grands qu'ils font courir au public, et
considérer que leur diligence doit être proportionnée à ce risque.
Résumé des faits:
A. - L'accident dont Barruchet a été victime le 24 novembre 1928 à 19 heures,
dans la rue des Deux Ponts, à Genève, s'est produit de la manière suivante:
Il faisait nuit. Economo circulait à droite de la chaussée, dans la direction
du Pont de St-Georges. Les feux de police de sa voiture étaient éclairés. Son
allure était de 20 à 25 km. à l'heure. Il pleuvait; la visibilité était
mauvaise.
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L'essuie-glace de la voiture fonctionnait normalement. La carrosserie de cette
voiture comprend deux places à l'avant, la conduite est à droite et les
leviers de frein et de changement de vitesse au milieu.
Le soir de l'accident, trois personnes occupaient ce siège. Economo, qui
conduisait, était à droite.
Barruchet, lui, circulait à droite de la chaussée, poussant un petit char
d'enfant, dépourvu d'éclairage et chargé de divers objets mobiliers (glace,
cadres, etc.).
Ce char fut atteint à l'avant par la voiture d'Economo. Les deux roues avant
du petit char furent tordues. Ce léger véhicule culbuta, entraînant dans sa
chute Barruchet, qui tomba, étendu sur le dos, à droite de la voiture,
parallèlement au trottoir, à 20 cm. de celui-ci, la tête à côté de la
Jonction, les jambes du côté du Bois de la Bâtie.
Barruchet décéda le 27 novembre 1928 des suites d'une fracture du crâne.
Les occupants de la voiture n'ont pas vu Barruchet ni son véhicule sur la
route.
Par jugement du 31 janvier 1929, la Cour correctionnelle de Genève a condamné
Economo à six jours de prison, avec sursis, et 1000 fr. d'amende (amende qui
fut annulée par arrêt du 8 mai 1929 de la Cour de cassation genevoise).
B. - La veuve de Barruchet a actionné Economo, le 6 mars 1929, devant le
Tribunal de première instance de Genève en paiement de la somme de 33656 k.
avec intérêts à 5% dès le 27 novembre 1928.
La demanderesse reproche au défendeur:
a) d'avoir été inattentif,
b) d'avoir surchargé sa voiture en installant trois personnes sur un siège qui
ne devait en recevoir que deux,
c) d'avoir eu un éclairage insuffisant,
d) de n'avoir pas donné de signaux d'avertissement,
e) d'avoir circulé trop vite, vu la nuit, la pluie et la mauvaise visibilité
constatée le soir de l'accident.
Le Tribunal a seulement admis le bien-fondé du dernier reproche et, par
jugement du 12 juin 1930, a condamné
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le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 8351 fr. avec intérêts de
droit, plus 1500 fr. en application de l'art. 129 proc. civ. genev.
C. - La Cour de Justice civile du Canton de Genève, par arrêt du 6 mars 1931,
a confirmé le jugement du Tribunal quant au fond, mais a mis à la charge du
défendeur les deux tiers des dépens de première instance et d'appel de la
demanderesse et à la charge de celle-ci le tiers des dépens de première
instance et d'appel d'Economo.
A l'avis de la Cour, «il n'apparaît pas qu'Economo ait été inattentif» et «il
n'est pas démontré que le fait d'avoir fait occuper le siège de devant de sa
voiture par trois personnes... ait été une cause de gêne des mouvements du
conducteur». La rue des Deux Ponts se trouve dans un quartier «où l'emploi des
lumières aveuglantes est interdit». Le défendeur n'a pas contrevenu à cette
disposition, du moment que sa voiture était éclairée par deux feux de police.
Enfin, il n'avait pas l'obligation de donner des signaux d'avertissement. Mais
il a commis une faute en circulant trop vite, étant données les circonstances.
Quant à Barruchet, il a commis une faute en ne se conformant pas à l'art. 62
du règlement genevois sur la circulation, aux termes duquel son char aurait dû
être «signalé par au moins une lumière bien visible dans les deux directions».
En outre, «il est certain qu'avant le choc, Barruchet s'apprêtait, sinon à
traverser la rue des Deux Ponts, du moins à obliquer à gauche». Il a donc
commis l'imprudence de tenter de quitter la droite de la chaussée sans
s'assurer qu'il pouvait le faire en toute sécurité. Les responsabilités
d'Economo et de Barruchet paraissent égales.
D. - La demanderesse a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Le défendeur
s'est joint au recours.
Considérant en droit:
Le Tribunal de première instance et la Cour de Justice civile ont eu raison de
retenir une faute à la charge du
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défendeur. Il a enfreint la règle générale de prudence qui lui interdisait de
mettre sans droit en danger la sécurité des autres usagers de la route et
l'obligeait par conséquent à prendre toutes les mesures propres à diminuer les
risques particulièrement grands que, par sa masse, son poids et sa vitesse,
l'automobile fait nécessairement courir au public.
Quelles que soient les prescriptions réglementaires - et il est établi que le
défendeur ne les a pas violées - l'automobile ne doit jamais circuler à une
vitesse telle, que son conducteur ne puisse l'arrêter dans l'espace de route
qu'il voit complètement libre devant lui. Or - le juge du fait le constate de
manière à lier le Tribunal fédéral - le soir de l'accident, il pleuvait, la
visibilité était mauvaise, l'éclairage réglementaire des feux de police «était
insuffisant pour permettre au conducteur de voir à quelques mètres devant
lui». En outre, la chaussée était glissante. Ces circonstances devaient
engager le défendeur à se montrer extrêmement prudent, en circulant à une
allure qui lui permît de s'arrêter instantanément sur place si un obstacle
surgissait brusquement devant lui. Le fait qu'il n'a pas vu à temps Barruchet
et n'a pu arrêter sa voiture avant de heurter le petit char montre que le
défendeur n'a pas observé une vitesse lui permettant de bloquer utilement ses
freins dans l'espace de route placé dans son champ visuel extrêmement
restreint. D'autre part, s'il n'est pas absolument démontré qu'il ait été
inattentif ni que les deux personnes assises à côté de lui l'aient empêché de
manoeuvrer les leviers, la présence de ces personnes était, à dire d'expert,
de nature à le gêner dans ses mouvements, ce qui aurait dû l'engager à
redoubler de vigilance.
Par rapport à la faute imputable au conducteur de l'automobile, celle que la
Cour cantonale a mise à la charge de Barruchet, et que l'on peut effectivement
retenir, apparaît légère. Lorsqu'on apprécie les fautes respectives des divers
usagers de la route, on doit tenir compte des risques plus ou moins grands
qu'ils font courir au public, et ne pas perdre de vue que leur diligence doit
être proportionnée
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à ce risque. Or, le risque créé par la circulation d'une automobile est très
supérieur à celui que présente la circulation d'un petit char à bras. Les
perfections apportées aux automobiles permettent aux conducteurs d'en
conformer immédiatement la vitesse, l'éclairage, etc., aux circonstances
variables du moment. Dès lors, tout bien considéré, la responsabilité paraît
devoir être partagée équitablement à raison de deux tiers à la charge du
défendeur et d'un tiers à celle de Barruchet.
Le dommage a été fixé par le juge du fait à la somme de 16702 fr. Cette
appréciation ne prêtant point à la critique, c'est une indemnité de 11134 fr.
66 plus 1500 fr. pour frais de procès, soit au total 12634 fr. 66 que le
défendeur doit payer à la demanderesse.
La Cour de Justice estime avec raison que les circonstances de la cause ne
justifient pas l'allocation d'une somme à titre de réparation morale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours par voie de jonction, admet partiellement le recours
principal, en ce sens que le défendeur est condamné à payer à la demanderesse
la somme de 12634 fr. 66 centimes avec intérêts à 5% dès le 27 novembre 1928,
confirme pour le reste l'arrêt attaqué.