S. 195 / Nr. 34 Registersachen (f)
BGE 56 I 195
34. Arrêt de la IIe Section civile du 15 mai 1930 dans la. cause Duvoisin et
Grieshaber contre Conseil d'Etat du Canton de Vaud.
Regeste:
Recours de droit administratif: Forme du recours quant aux conclusions
(consid. 1).
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Registre foncier. Annotation du droit d'emption: La promesse de vente
immobilière n'est pas constitutive d'un droit d'emption et ne saurait donner
lieu à l'annotation d'un tel droit au registre foncier. Art. 959 Cc. (consid.
2).
A. - Le 7 décembre 1929, devant le notaire K., à Lausanne, a été passé, sous
le titre de «promesse de vente et d'achat», un contrat aux termes duquel Henri
Grieshaber «s'obligeait de vendre» à Auguste Duvoisin, lequel «s'engageait
d'acheter», divers immeubles qui lui appartenaient. Il était convenu que
«l'acte d'achat définitif» interviendrait «à la réquisition du promettant
acheteur d'ici au 24 mars prochain». Le prix était fixé à la somme de 29 500
fr. payable lors de la passation de l'acte définitif, sous déduction d'un
acompte de 6500 fr. qui fut versé le jour même. L'acte contenait en outre la
disposition suivante: «Vu le payement acompte prémentionné... la présente
promesse de vente et d'achat sera annotée au registre foncier, les parties
comparantes en faisant d'ores et déjà la réquisition avec mention de droit
d'emption». Enfin au pied de l'acte figurait ce qui suit: «Droit à inscrire:
Droit d'emption».
Fondé sur cet acte, le notaire K. a requis, le 14 décembre 1929, l'annotation
d'un droit d'emption sur les immeubles en cause. Le 17 décembre, le
conservateur du registre foncier de Lausanne lui a fait savoir que la
réquisition avait été rejetée, «attendu que la promesse de vente ne peut être
annotée au registre foncier (art. 959 CCS; art. 71 Ord. féd. 11. F.)».
Le notaire K. ayant recouru contre cette décision au Département des Finances,
celui- ci a rejeté le recours, estimant en résumé que le contrat en question
ne constituait pas une pièce justificative suffisante pour l'annotation d'un
droit d'emption au registre foncier. Un droit d'emption ne saurait en effet,
ajoutait la décision, résulter sans autre d'un tel acte, et les parties n'ont
pas précisé leur volonté de créer un droit d'emption.
Cette décision a été confirmée par le Conseil d'Etat du Canton de Vaud en date
du 24 février 1930.
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B. - Agissant en vertu d'une procuration spéciale des parties intéressées, le
notaire K. a adressé au Tribunal fédéral un recours de droit administratif.
Ses moyens peuvent se résumer comme suit: C'est à tort que les autorités
cantonales ont envisagé la réquisition comme tendant à l'annotation d'une
promesse de vente et d'achat. Ce que les parties demandaient, c'est
l'annotation d'un droit d'emption, ainsi qu'il résultait du reste de la clause
finale de l'acte. Elles étaient en droit de le faire, car la promesse de vente
et d'achat est constitutive par sa nature même d'un droit d'emption: Le
promettant acheteur a non seulement l'obligation, mais aussi le droit
d'acheter; son droit est semblable à celui d'un bénéficiaire d'un droit
d'emption, et tous deux doivent pouvoir bénéficier de la faculté de conférer
un caractère réel à leur droiture. Cette faculté est d'autant plus nécessaire
en matière de promesse de vente, que le promettant est non seulement lié, mais
qu'en fait il versera le plus souvent un acompte sur le prix. En conséquence
et sans préciser davantage, les recourants concluent «à ce qu'il plaise au
Tribunal fédéral d'accepter le présent recours».
Le Conseil d'Etat du Canton de Vaud a conclu au rejet du recours.
Le Conseil Fédéral a également conclu au rejet du recours.
Considérant le droit:
1.- L'art. 13 de la loi fédérale sur la juridiction administrative et
disciplinaire du 11 juin 1928 déclare applicables à la procédure du recours de
droit administratif certaines dispositions de la loi sur l'organisation
judiciaire fédérale relatives au recours de droit public et notamment l'art.
178 ch. 3 de cette loi. Or, suivant l'interprétation donnée à cet article par
la jurisprudence du Tribunal fédéral, un recours de droit public est
recevable, encore qu'il n'énonce pas de conclusions formelles, si son but et
son objet ressortent clairement des motifs invoqués (cf. RO 47 I p. 321).
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Si en l'espèce les recourants se sont bornés à conclure à l'admission du
recours, sans préciser ce qu'ils demandent, il est manifeste toutefois qu'ils
visent à obtenir l'annotation du droit d'emption qui avait fait l'objet de
leur réquisition du 14 décembre. Il se justifie donc d'entrer en matière.
2.- Au fond, c'est à tort que les recourants prétendent que le contrat
intervenu entre eux le 7 décembre 1929 constituait ou même impliquait un pacte
d'emption. S'il est vrai qu'il conférait bien au promettant- acheteur le droit
d'acquérir un jour la propriété des immeubles en cause, encore était- il
nécessaire pour cela qu'il intervînt un nouveau contrat, soit un contrat de
vente proprement dit. Telle était bien du reste l'intention des parties,
puisqu'il était expressément convenu que «l'acte d'achat définitif
interviendrait à la réquisition du promettant vendeur». Il s'agissait donc en
réalité d'un premier contrat ou précontrat, dont l'objet était uniquement de
lier les parties par l'engagement de coopérer ultérieurement à la conclusion
d'un acte de vente. Or, un tel contrat ne pouvait ni constituer un pacte
d'emption, ni même l'impliquer, car le pacte d'emption se caractérise
justement par le fait qu'il n'est pas nécessaire d'un nouveau contrat, mais au
contraire qu'il suffit que celui au bénéfice duquel le pacte a été stipulé
exprime sa volonté de le faire exécuter pour obtenir, moyennant la simple
formalité de l'inscription au registre foncier, le transfert de la propriété.
L'art. 959 Cc. ne prévoyant pas la possibilité de faire annoter un contrat de
la nature de celui qui est en cause en l'espèce - c'est- à- dire un contrat
par lequel les parties s'engagent simplement à conclure ultérieurement un
contrat de vente -, mais la limitant au contraire en cette matière aux cas de
pactes de préemption, d'emption et de réméré, c'est à bon droit que le
conservateur du registre foncier a refusé de donner suite à la réquisition. Le
recours apparaît donc comme non fondé.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté.