S. 298 / Nr. 63 Sachenrecht (f)

BGE 55 II 298

63. Extrait de l'arrêt da la II e Section civile du 8 novembre 1929 dans la
cause Leemann & Cie contre Gottlieb.

Regeste:
Constitution du gage mobilier.
Le nantissement est valablement opéré dès que la maîtrise effective de la
chose a été transférée au créancier (consid. 1).
Point n'est besoin que le nantissement soit accompagné d'une publicité ou
d'une manifestation extérieure rendant le gage reconnaissable pour tout le
monde; il suffit d'un changement effectif dans la maîtrise de la chose.
Interprétation de la jurisprudence antérieure, RO 43 II p. 15 et suiv.
(consid. 2).

Résumé des faits:
Léo Gottlieb, à Zurich, a passé avec la maison Flegenheimer; à Genève, un
contrat aux termes duquel il a consenti à Flegenheimer un prêt de 100000 fr.
Pour garantir ce prêt, la maison Flegenheimer s'est engagée à remettre à
Gottlieb, en nantissement, un lot de marchandises ayant une valeur de 100000
fr., marchandises qui pouvaient être remplacées par d'autres au fur et à
mesure des nécessités commerciales et de leur écoulement dans

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la clientèle. Les marchandises en question ont été effectivement déposées à
Zurich dans des locaux loués par Gottlieb.
La maison Flegenheimer & Cie a été déclarée en faillite dans la suite.
Gottlieb a produit dans la faillite pour le montant de son prêt et a
revendiqué un droit de gage sur les marchandises se trouvant en ses mains. Il
a été colloqué comme créancier gagiste.
Leemann & Cie, autres créanciers de Flegenheimer & Cie, ont ouvert action pour
demander entre autres qu'il fût prononcé que Gottlieb ne pouvait se prévaloir
d'un droit de gage sur les marchandises appartenant aux faillis, en soutenant
que le défendeur n'avait jamais eu la possession de l'objet du gage et qu'en
tout cas son droit de gage ne s'était manifesté par aucun signe reconnaissable
pour les tiers.
Déboutés par les tribunaux de Genève, Leemann & Cie ont interjeté un recours
en réforme qui a été rejeté par le Tribunal fédéral.
Extrait des considérants:
2.- Du moment que Gottlieb est effectivement devenu créancier de la maison
Flegenheimer & Cie et que sa créance doit par conséquent être admise en
principe à l'état de collocation de la faillite, il reste à examiner si sa
créance est garantie par gage ou s'il est au bénéfice d'un droit de rétention
sur les marchandises qui se trouvent à Zurich.
Les recourants prétendent tout d'abord que la constitution du gage n'aurait
pas été valablement opérée, parce que la possession du gage n'aurait jamais
été transférée à Gottlieb.
Cela n'est pas exact. Conformément au contrat, les marchandises ont été
expédiées à Zurich et déposées dans les locaux loués par Gottlieb et dont
celui-ci avait les clefs. La maison Flegenheimer a donc perdu la maîtrise de
ces objets, et la possession a passé à Gottlieb.

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Flegenheimer & Cie n'avaient plus, après le transfert, le droit d'en disposer
sans le consentement de Gottlieb.
Peu importe que la maison Flegenheimer ait assumé l'obligation de payer le
loyer des locaux où les marchandises étaient entreposées, et peu importe que
les employés, dont les salaires étaient remboursés à Gottlieb par Flegenheimer
& Cie, aient eu accès auxdits locaux. Il s'agit là de circonstances qui n'ont
aucune pertinence pour la question de la possession, puisqu'il est établi que
c'est Gottlieb, titulaire du bail, qui disposait des locaux et qui était le
patron des employés dont il s'agit. Lui seul avait la maîtrise des locaux et
lui seul était en droit de donner des ordres aux employés. A supposer que
Flegenheimer & Cie eussent eux-mêmes loué le magasin et engagé le personnel,
et qu'ils eussent eu de cette façon une possession médiate, il n'en faudrait
pas moins admettre que Gottlieb était copossesseur, puisqu'il était à même de
disposer de la chose et de s'opposer aux actes de disposition de Flegenheimer
& Cie . En fait, Gottlieb a usé de ce droit en mars 1927, lorsque Flegenheimer
& Cie ont cessé d'envoyer régulièrement les marchandises; il leur a déclaré
alors qu'aucune marchandise ne sortirait plus des locaux jusqu'à ce que la
convention ait été respectée.
Peu importe également que Flegenheimer & Cie aient eu le droit de prélever des
marchandises sur le stock déposé à Zurich pour autant qu'ils les remplaçaient
au fur et à mesure. Il ne s'agissait en effet que d'un droit contractuel de
changer les marchandises déposées contre d'autres marchandises de même valeur.
Cette faculté n'était nullement inconciliable avec la constitution d'un gage
en faveur de Gottlieb, parce que le gage portait non sur des marchandises
déterminées, mais sur un stock de marchandises interchangeables représentant
une certaine valeur.
Gottlieb n'était en tout cas pas un simple détenteur de la chose pour le
compte de Flegenheimer & Cie puisqu'il avait un droit personnel d'en disposer.

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3.- Les recourants soutiennent encore que le gage n'a pas été valablement
constitué, parce que le nantissement n'aurait pas été reconnaissable pour des
tiers.
Ils partent de l'idée erronée que le nantissement en vue de la constitution
d'un gage mobilier n'est opposable aux tiers que s'il s'est manifesté
spécialement par des signes extérieurs.
Le droit fédéral connaît un transfert de possession sans tradition. C'est le
cas du constitut possessoire de l'art. 924 CC; mais il n'admet en revanche
aucune constitution de gage mobilier sans transfert de la maîtrise de la chose
(art. 884 al. 3 CC). Ce n'est que pour le cas du transfert sans tradition que
le législateur a édicté une disposition protégeant le tiers qui n'a pas été
informé du transfert de possession. Mais cette disposition n'est pas
applicable à la constitution du gage mobilier, pour laquelle la tradition doit
s'effectuer par un transfert effectif de la maîtrise de la chose. Certes, la
possession du créancier gagiste doit se marquer d'une façon ou d'une autre,
sans quoi l'on ne pourrait parler d'un véritable transfert de la maîtrise.
Elle se marque précisément par ce transfert, et le tiers qui l'ignore ne
saurait tirer aucun droit de son ignorance, réserve étant faite du cas où il
aurait été dolosivement induit en erreur.
Il est donc sans pertinence en l'espèce, pour la validité de la constitution
du gage, que Leemann & Cie aient ignoré que Gottlieb possédait un droit
personnel de maîtrise et de disposition sur les marchandises données en
nantissement.
A l'appui de leur thèse, les recourants invoquent l'arrêt rendu dans la cause
Faillite Lucerna c. Spörry (RO 43 II p. 15 et sv.), dans lequel il est dit
notamment que la condition indispensable pour l'acquisition de la possession,
c'est que, lors du transfert de la possession, il se produise, quant aux
conditions de celle-ci, une modification extérieurement reconnaissable, de
telle sorte que les tiers, intéressés ou non, puissent se rendre compte que
c'est le

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créancier gagiste et non plus le débiteur qui est possesseur.
Mais le Tribunal fédéral n'a pas entendu poser par là en principe que toute
constitution de gage mobilier doit être accompagnée d'une sorte de publicité
ou d'une manifestation extérieure rendant le gage reconnaissable pour tout le
monde. Ainsi qu'il résulte à l'évidence du contexte de l'arrêt, il a voulu
dire uniquement que le transfert de possession ne pouvait consister dans un
simple acte de volonté des parties, mais qu'il fallait que cet acte de volonté
se traduisît d'une manière ou d'une autre par un fait extérieur, manifestant,
pour ceux qui en ont connaissance, un changement dans la maîtrise effective de
la chose. Celui qui ignore les circonstances de fait du transfert de
possession ne peut évidemment pas s'en prévu loir pour prétendre que la
constitution du gage ne lui s rait pas opposable, parce qu'elle n'aurait pas
été rendue suffisamment publique.
Si l'on voulait se rallier à l'opinion des recourants, il ne pourrait plus
être question d'admettre, comme on l'a fait jusqu'ici en jurisprudence, que la
simple remise au créancier gagiste de la clef des locaux où se trouve l'objet
du gage suffit au transfert valable de la possession.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 55 II 298
Date : 01. Januar 1929
Publié : 08. November 1929
Source : Bundesgericht
Statut : 55 II 298
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Constitution du gage mobilier.Le nantissement est valablement opéré dès que la maîtrise effective...


Répertoire des lois
CC: 884  924
Répertoire ATF
55-II-298
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
nantissement • gage mobilier • droit personnel • tribunal fédéral • acquisition de la possession • membre d'une communauté religieuse • salaire • marchandise • autorité législative • parlement • décision • bénéfice • accès • autorisation ou approbation • quant • droit de rétention • possession médiate • acte de disposition • droit fédéral • examinateur
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