BGE 55 I 341
57. Arrêt de la II e Section civile du 14 novembre 1929 dans la cause Bujard
contre Conseil d'Etat du canton de Vaud.
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Regeste:
Inscription au registre foncier; mandat officiel du notaire. - L'art. 963
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 963 - 1 Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
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1 | Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
2 | Cette déclaration n'est pas nécessaire, lorsque l'acquéreur se fonde sur la loi, ou qu'il produit un jugement passé en force de chose jugée ou tout autre acte équivalent. |
3 | Les cantons peuvent charger les officiers publics qui ont qualité pour dresser des actes authentiques, de requérir l'inscription des actes reçus par eux. |
3, CC confère au notaire stipulateur un mandat légal qui prend fin aussitôt
que l'acte a été présenté au conservateur du registre foncier en vue de son
inscription. Le notaire n'a qualité pour recourir aux autorités de
surveillance contre un refus d'inscription que si ce refus est basé sur des
motifs de forme mettant en cause les attributions officielles du notaire, mais
non si le refus repose sur des motifs de fond, touchant au droit du
propriétaire. En ce dernier cas, le notaire peut seulement recourir en vertu
d'un mandat conventionnel. (Consid. 3.)
Art. 965
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 965 - 1 Aucune opération du registre foncier (inscription, modification, radiation) ne peut avoir lieu sans légitimation préalable du requérant quant à son droit de disposition et au titre sur lequel se fonde l'opération. |
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1 | Aucune opération du registre foncier (inscription, modification, radiation) ne peut avoir lieu sans légitimation préalable du requérant quant à son droit de disposition et au titre sur lequel se fonde l'opération. |
2 | Le requérant établit son droit de disposition en prouvant son identité avec la personne légitimée aux termes du registre, ou sa qualité de représentant de cette dernière. |
3 | Il justifie de son titre en prouvant que les formes auxquelles la validité de celui-ci est subordonnée ont été observées. |
propriétaire ne veut ou ne peut plus (faillite, interdiction, décès) disposer
de l'immeuble. (Consid. 3.)
(Abrégé.)
A. - Le 28 mai 1929, le notaire Emile Bujard, à Aubonne, a reçu un acte
intitulé «obligation amortissable avec hypothèque», du capital de 18000 fr. en
faveur de la Caisse d'épargne d'Aubonne. Le débiteur Henri Pelichet est décédé
le 30 mai. Ignorant ce fait, le notaire prénommé a présenté la grosse et la
copie dudit acte au bureau du registre foncier d'Aubonne, dans la matinée du
1er juin. L'acte a été porté au journal sous No 34309.
Le 4 juin, le conservateur du registre a rejeté la réquisition d'inscription,
attendu que le débiteur, étant mort le 30 mai, n'était «plus légitimé quant à
son droit de disposition».
Bujard se pourvut contre cette décision au Département des finances du Canton
de Vaud en concluant à ce que le conservateur du registre foncier d'Aubonne
fût invité à inscrire les droits réels résultant de l'obligation hypothécaire
du 28 mai.
Le Département a rejeté le recours en date du 25 juin. Le notaire recourut
alors au Conseil d'Etat, mais son pourvoi fut rejeté par décision du 13
septembre.
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B. - Le notaire Bujard a recouru contre cette décision au Tribunal fédéral. Il
reprend ses conclusions.
Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Les autorités cantonales ayant traité le notaire Bujard comme partie,
celui-ci est recevable à recourir au Tribunal fédéral, car, aux termes de
l'art. 9 JAD, le droit de recours appartient à celui qui est intéressé comme
partie à la décision attaquée.
Mais le droit du notaire de se pourvoir au Tribunal fédéral n'existe que quant
à la forme, il ne peut lui être reconnu quant au fond.
2.- Le Conseil d'Etat aurait dû en effet écarter le pourvoi du notaire Bujard
par le motif que celui-ci n'avait pas, dans le cas particulier, qualité pour
recourir contre la décision du conservateur du registre foncier, étant donné
les raisons du refus d'inscription.
Aux termes de l'art. 103 al. 1er, de l'ordonnance du Conseil fédéral sur le
registre foncier, du 22 février 1910, a lorsque le conservateur écarte une
réquisition (texte allemand: Anmeldung) d'inscription ..., le requérant
(Anmeldende) est en droit de recourir auprès de l'autorité cantonale de
surveillance contre cette décision dans les dix jours de sa communication».
Par requérant, il faut entendre matériellement le propriétaire de l'immeuble
auquel se rapporte l'objet de l'inscription (art. 963 al. 1er
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 963 - 1 Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
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1 | Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
2 | Cette déclaration n'est pas nécessaire, lorsque l'acquéreur se fonde sur la loi, ou qu'il produit un jugement passé en force de chose jugée ou tout autre acte équivalent. |
3 | Les cantons peuvent charger les officiers publics qui ont qualité pour dresser des actes authentiques, de requérir l'inscription des actes reçus par eux. |
marginale du texte français parle de «réquisition», celle du texte allemand
parle de «Anmeldungen»). Conformément à l'alinéa 3 de l'art. 963, «les cantons
peuvent charger les officiers publics qui ont qualité pour dresser des actes
authentiques de requérir (texte allemand: anmelden, texte italien: notificare)
l'inscription des actes reçus par eux». Le Canton de Vaud a fait usage de
cette faculté, l'art. 70 al. 1er, de la loi vaudoise du 24 août 1911 sur le
registre foncier est ainsi conçu: «La réquisition d'inscription (présentation)
des actes authentiques
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a lieu d'office, à la diligence des fonctionnaires ou officiers publics qui
les ont dressés ...» Et l'art. 13 al. 1er, du règlement cantonal sur le
registre foncier, du 16 décembre 1911, statue que «les autorités,
fonctionnaires et officiers publics ont qualité pour requérir l'inscription
des actes dressés ou repus par eux dans l'exercice de leurs fonctions».
De l'ensemble de ces textes, les autorités cantonales ont conclu que le
notaire qui dresse l'acte a non seulement le droit et le devoir de présenter
l'acte au bureau du conservateur du registre foncier en vue de son
inscription, mais encore de recourir aux autorités de surveillance,
conformément à l'art. 103
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 103 - Le Conseil fédéral et les cantons, dans le cadre de leur compétence, édictent les dispositions d'exécution. |
foncier.
Cette manière de voir est en partie erronée. L'art. 963 al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 963 - 1 Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
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1 | Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
2 | Cette déclaration n'est pas nécessaire, lorsque l'acquéreur se fonde sur la loi, ou qu'il produit un jugement passé en force de chose jugée ou tout autre acte équivalent. |
3 | Les cantons peuvent charger les officiers publics qui ont qualité pour dresser des actes authentiques, de requérir l'inscription des actes reçus par eux. |
pas un mandat général au notaire, l'autorisant à requérir l'inscription et à
recourir de son propre chef, quel que soit le motif du rejet de la
réquisition. La loi donne à l'officier public une mission spéciale, nettement
définie: présenter l'acte au conservateur en vue de l'inscription. Cette
présentation implique d'ailleurs la requête d'inscription, et, contrairement à
ce que BLUMENSTEIN a avancé (Monatsschr. für bern. Verwaltgar. u. Notaristsw.,
XIV p. 245), il n'est pas nécessaire que le propriétaire donne des pouvoirs
exprès au notaire (v. GUHL, Monatsschr. X p. 299; OSTERTAG, art. 963, n. 44,
décision du Conseil fédéral du 10 novembre 1916, en la cause Egger, schw.
Zeitschr. f. Beurkund. u. Grundbr. 9 p. 59; ROSSEL et MENTHA, III no 1783).
Dans ce sens on peut parler d'un mandat officiel (art. 33
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 33 - 1 Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons. |
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1 | Le pouvoir d'accomplir des actes juridiques pour autrui, en tant qu'il se fonde sur des rapports de droit public, est réglé par le droit public de la Confédération ou des cantons. |
2 | Lorsque les pouvoirs découlent d'un acte juridique, l'étendue en est déterminée par cet acte même. |
3 | Si les pouvoirs ont été portés par le représenté à la connaissance d'un tiers, leur étendue est déterminée envers ce dernier par les termes de la communication qui lui a été faite. |
s'agit que d'un mandat légal très restreint, qui prend fin aussitôt que la
formalité de la présentation de l'acte pour l'inscription est accomplie. Ce
n'est que dans la mesure où le conservateur refuserait l'inscription par un
motif de forme mettant en cause les fonctions officielles du notaire que
celui-ci serait recevable à recourir à l'autorité de surveillance. Dans ce
cas, en effet, c'est la formalité même
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de la présentation de l'acte qui ferait l'objet du recours, et c'est tout
naturellement au notaire qu'il doit appartenir de faire valoir les moyens
tendant à établir la régularité de la présentation.
Il en est autrement lorsque, comme en l'espèce, le rejet de la demande
d'inscription est basé sur un motif de fond, qui touche au droit du
propriétaire (requérant selon l'art. 963 al. 1er) et qui ne met pas en cause
les attributions officielles du notaire. En ce cas, celui-ci ne peut plus se
prévaloir de l'art. 963 al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 963 - 1 Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
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1 | Les inscriptions s'opèrent sur la déclaration écrite du propriétaire de l'immeuble auquel se rapporte leur objet. |
2 | Cette déclaration n'est pas nécessaire, lorsque l'acquéreur se fonde sur la loi, ou qu'il produit un jugement passé en force de chose jugée ou tout autre acte équivalent. |
3 | Les cantons peuvent charger les officiers publics qui ont qualité pour dresser des actes authentiques, de requérir l'inscription des actes reçus par eux. |
la régularité de la présentation de l'acte reconnue, et c'est le cas en
l'espèce, le mandat officiel est exécuté, le rôle du notaire est terminé. Il
appartient alors aux intéressés eux-mêmes, soit au propriétaire ou à ses
ayants cause, d'agir de la manière qui leur paraît propre à sauvegarder leurs
droits. Autoriser le notaire à agir, sans mandat conventionnel, en leur lieu
et place, c'est sortir du cadre de l'art. 963 al. 3, et c'est faire naître des
difficultés et des inconvénients. Il suffit à cet égard de songer aux frais
des recours aux diverses autorités de surveillance. Qui doit les supporter
lorsque les recours sont rejetés? Est-ce le notaire qui n'est pas
personnellement en cause et dont les intérêts ne sont pas en jeu? Est-ce le
propriétaire qui n'a pas donné mandat pour recourir et qui n'aurait peut-être
pas recouru?
On ne peut tirer argument du fait que le texte français de l'art. 963 al. 3,
permet de charger les notaires de «requérir» l'inscription; les textes
allemand et italien, comme aussi l'art. 70 de la loi vaudoise, montrent qu'il
s'agit de la présentation de l'acte aux fins d'inscription et que le mot de
«requérir» ne doit pas être entendu dans ce sens que le notaire stipulateur
devient d'office le représentant du propriétaire pour toute autre opération.
C'est aussi le point de vue de la doctrine (cf. OSTERTAG, n. 45 sur art. 963:
«zu anderen Erklärungen ist sie (die Urkundsperson) ohne Vollmacht nicht
berechtigt»). Il ne faut pas perdre de vue que l'art. 963 al. 3 introduit une
exception au principe proclamé à l'alinéa 1er du même
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article et que par ce motif déjà la disposition du 3e alinéa ne comporte pas
d'interprétation extensive.
La décision attaquée étant juste dans son dispositif, le présent recours doit
être rejeté.
3.- Voulût-on se placer sur le même terrain que les autorités cantonales, on
n'aboutirait pas à une autre solution.
Le pouvoir officiel du notaire d'accomplir pour le propriétaire de l'immeuble
la formalité de la présentation de l'acte, telle qu'on vient de la définir,
présuppose que le propriétaire qui a assumé l'obligation d'opérer le transfert
du droit réel a le pouvoir et la volonté d'y procéder. Lorsque cette volonté
n'existe pas ou que le droit de disposition a disparu au moment de la
présentation de l'acte au conservateur, le notaire n'a plus qualité pour
demander l'inscription. Toute autre solution sortirait du cadre de la loi et
ne serait pas en harmonie avec le but de l'art. 963 al. 3, qui est de
simplifier et faciliter l'inscription que le propriétaire serait en droit de
requérir, mais non de conférer à l'officier public des droits que ne possède
pas le représenté. On ne vois pas pour quel motif le législateur ordonnerait
l'inscription lorsque, par exemple, les deux parties sont d'accord pour ne pas
donner suite à l'acte dressé par le notaire, où que le propriétaire est fondé
à considérer l'acte comme devenu caduc ou qu'il veut l'attaquer, ou encore
lorsque, dans l'intervalle, le propriétaire a perdu le droit de disposition
parce qu'il est interdit ou tombé en faillite. Procéder à l'inscription dans
ces divers cas serait passer par dessus la volonté des parties intéressées ou
empêcher le propriétaire de contester son obligation de laisser opérer
l'inscription, alors que, dans un canton qui n'a pas fait usage de la faculté
réservée par l'art. 963 al. 3, l'inscription n'aurait pas lieu. Il saute aux
yeux que de pareilles inégalités sont inadmissibles, du point de vue du droit
fédéral, et que les cantons ne peuvent conférer au notaire un mandat
intangible. Ses pouvoirs, bien qu'officiels, sont révocables (art. 34 CG): le
propriétaire doit pouvoir déclarer au notaire ou au
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conservateur que sa volonté présumée de faire procéder à l'inscription
n'existe pas ou n'existe plus, et contre sa volonté l'opération du registre ne
peut avoir lieu. Il n'en est pas autrement lorsque c'est le pouvoir de
disposition qui disparaît entre temps. Aux termes de l'art. 965 CG, «aucune
opération du registre ne peut avoir lieu sans légitimation préalable du
requérant quant à son droit de disposition».
La mort fait tomber le droit de disposition. Ce droit passe aux héritiers du
propriétaire ou à leur représentant (administrateur de la succession,
exécuteur testamentaire, etc.). Dès ce moment, le notaire n'a plus qualité
pour agir au nom du propriétaire défunt; son mandat légal s'éteint sans autre.
puisque «la légitimation quant au droit de disposition» n'est plus possible.
On doit étendre à ce cas, par voie d'analogie, la règle de l'art. 35
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 35 - 1 Les pouvoirs découlant d'un acte juridique s'éteignent par la perte de l'exercice des droits civils, par la faillite, par la mort ou par la déclaration d'absence, soit du représenté, soit du représentant, à moins que le contraire n'ait été ordonné ou ne résulte de la nature de l'affaire.7 |
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1 | Les pouvoirs découlant d'un acte juridique s'éteignent par la perte de l'exercice des droits civils, par la faillite, par la mort ou par la déclaration d'absence, soit du représenté, soit du représentant, à moins que le contraire n'ait été ordonné ou ne résulte de la nature de l'affaire.7 |
2 | Il en est de même lorsqu'une personne morale cesse d'exister, ou lorsqu'une société inscrite au registre du commerce est dissoute. |
3 | Les droits personnels des parties l'une envers l'autre demeurent réservés. |
N'ayant plus qualité pour requérir l'inscription, le notaire n'a pas qualité
non plus pour recourir contre le refus d'inscription...
Le Conseil fédéral s'est prononcé dans le même sens que les autorités
vaudoises (affaire Fischer, 28 mai 1920, Schw. Zeitschr. f. Beurk. u.
Grundbr., 1920 p. 100); il n'y a aucun motif de ne pas se rallier à cette
jurisprudence.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours.