S. 26 / Nr. 5 Doppelbesteuerung (d)

BGE 55 I 26

5. Arrêt du 22 février 1929 dans la cause Société coopérative de consommation
de Porrentruy et environs contre Tribunal administratif du Canton de Berne.

Regeste:
Double imposition (art. 46 Const. féd.).
Lorsqu'un canton admet la défalcation des dettes, la déduction d'une dette
hypothécaire ne peut être refusée par le seul motif que le créancier, n'étant
pas domicilié dans le canton, n'y est point taxé pour sa créance. La
défalcation peut en revanche être refusée si elle est également refusée aux
contribuables domiciliés dans le canton, parce que, par ex., la créance
garantie n'y est pas soumise à l'impôt en raison de sa nature spéciale (crédit
commercial variable); il est alors indifférent que la créance soit imposée par
le canton du domicile du créancier. (Consid. 2.)


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A. - La société recourante a constitué le 4 janvier 1924 en faveur de l'Union
suisse des sociétés de consommation (USC) un droit de gage sur ses immeubles
de Porrentruy, en garantie de marchandises jusqu'à concurrence d'une somme
principale de 200000 fr. L'acte notarié fut dressé en la forme d'une
hypothèque simple, sous la désignation de «crédit avec hypothèque». La
constitution de gage avait pour but l'ouverture d'un crédit de marchandises en
compte courant à la recourante.
Dans la «liste des capitaux et rentes défalcables au 31 décembre 1924» que la
recourante présenta au fisc, elle indiquait comme devant être déduit un
capital de 200000 fr. qu'elle qualifiait d'hypothèque en désignant l'USC, à
Bâle, comme créancière. Dans une annexe à ladite liste elle confirmait, en
outre, le 19 février 1925, l'existence de la dette de 200000 fr. au 31
décembre 1924. Cette valeur fut par conséquent déduite pour l'impôt dû par la
recourante pour 1925.
Au courant de l'année 1926, l'intendance de l'impôt du Canton de Berne eut
connaissance du fait qu'il ne s'agissait pas d'une dette d'un montant fixe et
déterminé mais d'un crédit avec hypothèque contracté par la recourante pour
garantir un compte courant de marchandises. Etant donné que de tels crédits
commerciaux, garantis hypothécairement en tout ou en partie, les crédits de
constructions et autres crédits de ce genre, de même que les créances du chef
de lettre de garantie selon l'art. 955 du code civil bernois et les
hypothèques d'un montant indéterminé ou variable (art. 825 CCS), n'avaient
jamais auparavant été assujettis à l'impôt des capitaux à titre de «capitaux»
au sens de l'art. 1, No 2, et 43 de la loi sur l'impôt des fortunes du 15 mars
1856, ou à titre de créances selon les art. 4, No 3, 6, No 3, 9 et 15 de la
loi du 7 juillet 1918, l'Intendance des impôts jugea injustifiée et illégale
la défalcation de dette indiquée par la recourante en 1925. Conséquemment, se
fondant sur l'art. 40 de la loi, le fisc réclama à la contribuable l'impôt
soustrait

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au montant triple, par 3010 fr. 50. La recourante ayant refusé de payer,
l'Etat de Berne l'actionna devant le Tribunal administratif du Canton de
Berne.
B. - Par jugement du 14 mai 1928, communiqué le 7 novembre, le Tribunal
administratif a admis la demande et condamné la Société coopérative de
consommation à payer à l'Etat de Berne un «impôt répressif» de 3010 fr. 50
avec intérêts à 5% dès le 9 juillet 1925.
Le Tribunal considère en substance ce qui suit:
Il importe peu que la créancière de la recourante, l'USC, soit imposé pour la
créance à Bâle. Les cantons sont libres de régler à leur guise la défalcation
des dettes, notamment sur les immeubles. Le Canton de Berne pouvait dès lors
statuer que ne sont susceptibles de défalcation de l'estimation des immeubles
que les capitaux, garantis par l'immeuble, qui sont, eux-mêmes, passibles de
l'impôt sur la fortune dans le canton (loi d'imp. art. 9). Toute la question
est donc de savoir si la créance de l'USC serait soumise à l'impôt sur la
fortune dans l'hypothèse où la créancière eût son domicile dans le Canton de
Berne. Or tel n'est pas le cas, parce qu'il ne s'agit pas d'un capital
(productif d'intérêt et garanti par l'immeuble) au sens de l'art. 4 ch. 3 l.
c. La loi entend par là une somme fixe et déterminée, et non un crédit
commercial, garanti par hypothèque, et sujet à des fluctuations. L'acte du 11
janvier 1924 appartient indubitablement à cette seconde catégorie. Il qualifie
la convention passée entre la recourante et l'USC de «crédit avec hypothèque»;
si la somme principale garantie y est fixée à 200000 fr., il ressort, d'autre
part, du dossier que la créance subissait constamment des variations, suivant
l'état du compte courant ouvert à la recourante. Dans ces conditions, la
recourante a fait pour 1925 une déclaration inexacte en ce qui concerne la
défalcation des dettes et elle est dés lors passible de l'impôt répressif en
vertu de l'art. 40 l. c.
C. - La Société coopérative de consommation de Porrentruy, a formé un recours
de droit public contre le jugement

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du Tribunal administratif dont elle demande l'annulation. Les motifs allégués
à l'appui du recours sont, en substance, les suivants: L'USC est imposée pour
la créance envers la recourante à son domicile, à Bâle, cette créance
constituant un élément actif de sa fortune. La défense, faite à la recourante,
de défalquer la dette garantie par l'hypothèque, a donc pour effet que la même
valeur est imposée à double, une fois à Bâle chez la créancière, et une
seconde fois chez la débitrice dans le Canton de Berne. Il y a, par
conséquent, double imposition. Le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 9 de la
loi d'imp. bernois était inconstitutionnel, en tant qu'il limite la
défalcation des dettes sur les immeubles aux créances soumises à l'impôt
bernois sur la fortune. La manière de voir du Tribunal administratif, suivant
laquelle la créance de l'USC ne serait pas passible dudit impôt bernois, est
d'ailleurs erronée. Mais l'essentiel n'est pas de savoir si cet impôt serait
dû dans le Canton de Berne, mais s'il est en réalité payé au domicile de la
créancière, ce qui est constant en l'espèce. Il est inexact de qualifier la
créance de crédit variable et non de créance hypothécaire bien établie, bien
que sujette à des variations suivant des relations d'affaires existant entre
parties. En moyenne la dette oscillait autour de 200000 fr. Le jugement
attaqué viole ainsi les art. 46 et 4 Const. féd. Au surplus la recourante se
réfère aux moyens invoqués devant le Tribunal administratif.
Considérant en droit:
1.- Aux termes de l'art. 9 de la loi bernoise d'impôt du 7 juillet 1918,
peuvent être déduits sur les immeubles les capitaux à la garantie hypothécaire
desquels l'immeuble est affecté, s'ils sont passibles de l'impôt sur la
fortune dans le canton. Et à teneur de l'art. 4 ch. 3 sont soumis à l'impôt
sur la fortune les capitaux productifs d'intérêts garantis par des immeubles
imposables. Le Tribunal administratif. conformément à la jurisprudence

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établie, interprète ce dernier texte dans ce sens que seuls les capitaux
hypothécaires, représentant une créance «ferme et déterminée», sont
imposables, et non de simples crédits commerciaux, variables suivant les
relations d'affaires des parties, même quand ils sont garantis par un gage
immobilier. C'est l'à une question d'application du droit cantonal, où le
contrôle du Tribunal fédéral se limite à la recherche de l'arbitraire. La
recourante n'allègue toutefois point que la manière de voir du Tribunal
administratif soit contraire au principe de l'égalité devant la loi. Elle
cite, il est vrai, l'art. 4 Const. féd., mais sans dire, ni explicitement ni
implicitement, en quoi le Tribunal administratif l'aurait violé par son
interprétation de l'art. 4 ch. 3 loi cantonale. Et pour ce qui concerne le
renvoi aux mémoires de la procédure cantonale, le Tribunal fédéral a déclaré à
maintes reprises qu'un pareil renvoi ne saurait tenir lieu de motifs que le
recours de droit public doit énoncer lui-même (art. 178, 3, OJF). Pour des
raisons identiques, est irrecevable la critique, du reste bien vague, que la
recourante adresse à l'appréciation du Tribunal administratif selon laquelle
la créance de l'USC contre la recourante, étant un crédit commercial variable,
bien que garantie par l'immeuble, ne serait pas assujettie à l'impôt sur la
fortune si la créancière était domiciliée dans le canton de Berne.
2.- C'est basé sur cette constatation, qui lie le Tribunal fédéral d'après ce
qui est exposé ci-dessus, et non en raison du domicile hors du canton de la
créancière, que le Tribunal administratif a jugé que la créance en question
n'était pas susceptible de défalcation aux termes de l'art. 91. c. Cela étant,
le moyen tiré de l'interdiction de la double imposition se révèle mal fondé.
Sans doute, le Tribunal fédéral a statué que, sur le terrain de l'art. 9 de la
loi bernoise d'impôt, la défalcation d'une dette ne pouvait être refusé sous
le prétexte que le créancier avait son domicile dans un autre canton et, par
suite, ne payait pas l'impôt pour sa créance dans le Canton de Berne

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(aff. Buser, RO 49 I p. 529 et suiv.). Mais ce motif, on vient de le dire, n'a
Joué aucun rôle en l'espèce. C'est la nature objective de la créance, et non
le domicile du créancier, qui a été décisive pour le refus de la défalcation.
Les cantons déterminent en principe librement la façon dont ils frappent
d'impôts les personnes ou les objets soumis à leur souveraineté fiscale. C'est
notamment le cas pour les immeubles et pour le problème de la défalcation des
dettes sur les immeubles. Le Tribunal fédéral a toutefois déduit de l'art. 46,
combiné avec l'art. 4, Const. féd. qu'un canton, même là où il reste dans les
limites de sa souveraineté fiscale et n'empiète pas sur le domaine fiscal d'un
autre canton, n'a cependant pas le droit de traiter moins favorablement un
contribuable du fait que celui-ci se trouve, de par son domicile, le lieu de
la situation d'un immeuble lui appartenant, ou de toute autre manière, dans un
lien quelconque d'ordre territorial avec un autre canton. C'est pourquoi la
défalcation des dettes, que le droit cantonal admet en principe, ne peut pas
être refusée (sous forme de défalcation proportionnelle) aux propriétaires
d'immeubles habitant hors du canton, et c'est pourquoi aussi une dette
hypothécaire ne peut être exclue de la défalcation par le seul motif que le
créancier, n'étant pas domicilié dans le canton, n'y est point taxé pour sa
créance. Mais la jurisprudence n'a jamais été jusqu'à imposer à un canton le
devoir d'accorder à un contribuable, par rapport aux autres, un traitement non
pas égal, mais plus avantageux, vu l'existence de l'un des liens susindiqués
avec un autre canton, en particulier d'autoriser la défalcation, d'une dette
en raison du domicile extracantonal d'un créancier alors qu'elle la refuse aux
autres contribuables. En effet, une pareille thèse ne saurait s'appuyer sur
les principes constitutionnels cités plus haut; elle va notamment au delà de
ce que commande l'égalité devant la loi, principe dont se réclame
essentiellement la jurisprudence en question. C'est cependant ce que la
recourante exige. Elle a été traitée

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sur le même pied que les autres contribuables pour ce qui concerne la
défalcation de sa dette envers l'USC; mais elle veut qu'une exception soit
faite en sa faveur, parce que la créancière n'habite pas le Canton de Berne et
quelle paie à son domicile l'impôt pour la créance (en tant que celle-ci est
un élément actif de sa fortune), alors qu'une créance de cette nature
échapperait à l'impôt bernois sur la fortune. Il se peut que de cette
situation il résulte une certaine double imposition: la recourante paie
l'impôt sur la fortune pour la valeur de la créance, et cette valeur joue un
rôle dans la taxation de l'USC à Bâle. Mais ce serait là une double imposition
de nature purement objective; la recourante n'est pas frappée à double pour le
même objet; c'est la même valeur chez deux personnes différentes, qui est, en
quelque mesure, assujettie à l'impôt dans deux cantons. La jurisprudence
relative à l'art. 45 Const. féd. s'oppose aussi, dans certaines hypothèses, à
la double imposition objective, malgré la non-identité des contribuables dans
l'un et l'autre canton (RO 49 I p. 533). Mais ce sont plutôt des exceptions,
et dans un cas tel que celui qui se présente en l'espèce cette protection ne
découle pas des principes du droit fédéral en la matière.
3.- La recourante non seulement s'est vu refuser la défalcation de sa dette
envers l'USC, mais elle a été chargée du montant triple de l'impôt à titre
d'amende, cela en application de l'art. 40 loi d'impôt. Cette mesure, qui peut
paraître très rigoureuse, ne fait cependant pas l'objet du recours de droit
public, la recourante ayant omis de l'attaquer comme arbitraire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 55 I 26
Date : 01. Januar 1929
Publié : 22. Februar 1929
Source : Bundesgericht
Statut : 55 I 26
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : Double imposition (art. 46 Const. féd.).Lorsqu'un canton admet la défalcation des dettes, la...


Répertoire ATF
55-I-26
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal administratif • tribunal fédéral • double imposition • impôt sur la fortune • recours de droit public • compte courant • société coopérative de consommation • calcul • souveraineté fiscale • viol • vue • relation d'affaires • salaire • marchandise • membre d'une communauté religieuse • modification • refus de payer • code civil suisse • bâle-ville • décision
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