S. 1 / Nr. 1 Familienrecht (f)

BGE 54 II 1

1. Extrait de l'arrêt de la II e Section civile du 17 février 1928 dans la
cause Henny-Mettral contre Henny.


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Regeste:
Divorce. - Il est de principe que nul ne peut se prévaloir de ses propres
torts. - En conséquence, lorsqu'une cause de divorce est établie, mais contre
l'époux demandeur, l'action doit être rejetée, a moins que le conjoint n'ait
pris, de son coté, des conclusions formelles tendant au divorce.

Auguste Henny, employé aux Tramways lausannois, et Blanche Mettral,
blanchisseuse, se sont mariés le 26 mai 1904 devant l'officier d'état civil de
l'arrondissement de Romanel. Deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont nés de
cette union.
Henny avait acheté, au cours de l'année 1917, une maison à Prilly. En 1925 il
prit comme locataires les époux Ponnaz-Reymond. Une intimité suspecte ne tarda
pas à s'établir entre dame Ponnaz et Auguste Henny. Dès l'été 1926, ils
entretinrent des relations charnelles. Sur plainte des conjoints offensés, une
enquête pénale fut instruite et les coupables condamnés, le 26 novembre 1926,
à 10 francs d'amende et aux frais; pour adultère et complicité d'adultère.
Ponnaz ayant, d'autre part, ouvert action en divorce, celui-ci fut prononcé;
le 13 juin 1927, aux torts de dame Ponnaz, vu les rapports de cette dernière
avec sieur Henny.
Au mois d'août 1926, dame Henny avait, de son coté, requis des mesures
protectrices de l'union conjugale. Mais, par exploit du 7 septembre 1926, son
époux prit les devants et conclut à ce que le divorce soit prononcé, aux torts
de la femme, en application de l'art. 138, subsidiairement de l'art. 142 CCS.
A l'audience de mesures

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provisionnelles du 24 septembre 1926, une convention fut conclue, aux termes
de laquelle dame Henny quitterait le domicile commun avec un certain nombre de
meubles, et recevrait de son mari, pour la durée de la litispendance, une
contribution mensuelle de 100 francs. Aussitôt dame Ponnaz vint habiter chez
le demandeur. Le jugement dont est recours constate qu'en octobre 1927, elle
vivait encore maritalement avec lui.
Par réponse du 22 décembre 1926, dame Henny s'est opposée au divorce.
Subsidiairement seulement, elle a pris des conclusions reconventionnelles
tendant, à la séparation de corps et de biens, plus subsidiairement encore au
divorce.
Par jugement du 14 novembre 1927, le Tribunal civil du district de Lausanne a
prononcé le divorce des époux Henny, aux torts du demandeur, en application de
l'art. 137 CCS.- Dame Henny a recouru au Tribunal fédéral, en concluant, cette
fois, à la séparation de corps et de biens.
Considérant en droit:
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CCS, le juge est tenu de prononcer le divorce
ou la séparation de corps lorsqu'une cause de divorce est établie. L'action
tend-elle au divorce - dit l'al. 3 - la séparation de corps ne peut être
prononcée que si la réconciliation des époux paraît probable. Cette
réconciliation étant exclue, le Tribunal de district a considéré, dès lors,
que l'adultère flagrant du demandeur justifiait, en l'espèce, le divorce.
L'instance cantonale a perdu de vue, ce faisant, les principes généraux posés
par le législateur en matière de divorce et de séparation de corps. Nul ne
peut, en effet, se prévaloir de ses propres torts. C'est pourquoi l'action
basée sur la rupture irrémédiable du lien conjugal n'est recevable que de la
part de l'époux auquel la responsabilité principale de la désunion ne saurait
être imputée (art. 142 al. 2 CCS). C'est pourquoi aussi, les

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art. 137 et suivants CCS donnent à chacun des époux le droit de demander le
divorce - ou la séparation de corps - pour cause d'adultère, de sévices, de
conduite déshonorante, etc., de la part de son conjoint (et de ce conjoint
seulement). L'art. 146 al. 1 précité ne revêt, à cet égard, aucune valeur
propre. Il n'institue pas de motif nouveau et indépendant de divorce, et se
réfère simplement aux causes légales de dissolution du mariage, prévues par
les art. 137 et suivants. Si donc le juge doit prononcer le divorce ou la
séparation de corps, lorsqu'une des causes légales est établie (art. 146 al.
1), encore faut-il que l'époux offensé se soit prévalu de la faute de son
conjoint, et qu'il ait pris des conclusions formelles dans ce sens. Les
alinéas 2 et 3 de l'art. 146 ne sauraient, dès lors, viser, également, qu'une
action reconnue fondée, à teneur du droit matériel (v. RO 40 II p. 443 et 41
II p. 201).
L'instance cantonale a considéré la demande de sieur Henny comme dépourvue de
base légale, les faits allégués à la charge de la défenderesse ne constituant,
ni des injures graves, ni des éléments de l'atteinte portée au lien conjugal.
Le divorce devait, dès lors, être refusé, à moins que, par voie
reconventionnelle, dame Henny n'eût, de son coté, requis le divorce ou la
séparation de corps. Or, guidée par des motifs que l'autorité judiciaire n'a
pas à apprécier, la défenderesse a déclaré s'opposer, tant à la séparation de
corps qu'au divorce. Le juge, dans cette situation, ne doit pas faire
prévaloir des conceptions personnelles, déjà émises, d'ailleurs, sans succès,
lors de l'élaboration du CCS, sur la volonté contraire du législateur,
exprimée aux art. 142 al. 2 et 146 al. 2 CCS. Il est tenu d'appliquer le
texte, clair et net, qui le lie, et ne peut que faire droit aux conclusions de
l'époux innocent. Ces conclusions tendant, en l'espèce, principalement à
libération de la demande, et subsidiairement seulement à la séparation de
corps ou au divorce (pour l'éventualité où l'action de sieur Henny

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serait fondée - ce qui n'est pas le cas -), le Tribunal du district de
Lausanne devait, dans l'état de l'affaire, débouter purement et simplement le
demandeur. Le jugement dont est recours ne saurait, par conséquent, être
maintenu sur ce point. Mais, devant le Tribunal fédéral, dame Henny a admis et
proposé elle-même la séparation de corps. Son action, étant fondée, doit donc
être accueillie et la séparation de corps prononcée pour une durée
indéterminée, en application des art. 137 et 146 al. 1 et 2 CCS, de même que
la séparation de biens (art. 155 al. 2 CCS).
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 54 II 1
Date : 01 janvier 1927
Publié : 17 février 1928
Source : Tribunal fédéral
Statut : 54 II 1
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Divorce. - Il est de principe que nul ne peut se prévaloir de ses propres torts. - En conséquence...


Répertoire ATF
54-II-1
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
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