S. 61 / Nr. 10 Lebensmittelpolizei (f)

BGE 54 I 61

10. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 16 février 1928 dans la cause Roud
contre Ministère public du canton de Vaud


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Regeste:
Loi fédérale sur le commerce des denrées alimentaires. Art. 4 et 13. Seule
l'analyse officielle de la marchandise, opérée par le laboratoire compétent,
fait preuve de l'adultération ou de la falsification. Par conséquent, le
défaut d'analyse officielle vicie en principe toute la procédure. Les
plaignants ou le Ministère public ne sont pas admis à prouver qu'une certaine
analyse privée présenterait en fait des garanties équivalentes à celles d'une
analyse officielle. Les prévenus sont en droit d'ignorer toute analyse privée.

En date du 2 juin 1926, un prélèvement a été opéré à la laiterie de Chesières
sur le lait apporte ce jour-là par dame Roud. Le prélèvement parait avoir été
fait par la recourante elle-même, sur demande et en présence du laitier Jaunin
et d'Adrien Anex, président de la Société de Laiterie.
L'échantillon bouché séance tenante, mais non cacheté ni plombé, fut mis à la
poste à l'adresse de la Fédération laitière du Léman, à Vevey, qui fit
procéder à une analyse du lait dans son laboratoire par les soins de son
propre chimiste, l'ingénieur-agronome Besuchet. L'analyse, contrôlée par
l'expert local de Vevey, le docteur ès-sciences Perriraz, aboutissait à la
conclusion que le lait examiné était additionné d'eau dans la proportion de
1O%.
Une enquête fut ouverte sur dénonciation de la Fédération laitière du Léman.
Renvoyés par ordonnance du Juge de paix d'Ollon devant le Tribunal de police
du district d'Aigle, Adolphe

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et Louise Rond furent condamnés le 4 novembre 1927 chacun à 300 fr. d'amende
et à la moitié des frais de la cause, Adolphe Rond pour avoir mouillé le lait
trait par lui et porté à la laiterie de Chesières, et sa femme pour avoir mis
en circulation du lait additionné d'eau.
Par jugement du 29 novembre 1927, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté un recours formé par les époux Roud et maintenu le
prononcé du Tribunal du district d'Aigle.
En temps utile, Adolphe et Louise Rond se sont pourvus en cassation au
Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation des jugements des instances
cantonales.
Dans sa réponse, le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du
recours.
Les motifs des jugements attaqués et les arguments des parties seront repris
pour autant que de besoin dans les considérants de droit du présent arrêt.
Considérant en droit:
Toute une série des prescriptions légales sur le contrôle des denrées
alimentaires ont été méconnues en l'espèce. Ainsi, le prélèvement du 2 juin
1926 n'a pas été fait par un «fonctionnaire chargé du contrôle» ou par un
autre organe compétent; un seul échantillon a été prélevé, au lieu de deux;
dame Rond n'a pas été rendue attentive à son droit de se faire délivrer un
échantillon (règlement du 29 janvier 1909 art. 5); il n'a pas été établi de
procès-verbal de prélèvement ni de rapport réguliers (règl. art. 12 al. 2 et
15); l'échantillon n'a pas été cacheté ni plombé (art. 13); enfin l'analyse du
lait prélevé n'a été faite ni contrôlée par l'autorité compétente.
L'instance cantonale a admis l'existence de ces informalités, mais elle a
estimé qu'en l'espèce les vices de la procédure ne pouvaient, étant donne les
circonstances de la cause, entraîner la nullité de la procédure pénale et
l'acquittement des recourants.

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Le Tribunal fédéral a jugé à diverses reprises, il est vrai, que des
irrégularités commises lors du prélèvement des échantillons ne pouvaient
motiver sans autre l'annulation de la procédure. Il faut encore, d'après la
jurisprudence, que les informalités de l'enquête administrative soient, au vu
des circonstances, de nature à diminuer la force probante de échantillon, et
que la preuve de la culpabilité du prévenu ne puisse être rapportée par
ailleurs à satisfaction de droit (cf. RO 44 I p. 194; 52 I p. 331 et 348; 53 I
p. 93).
Mais en l'espèce, l'on ne se trouve pas uniquement en présence d'irrégularités
dans les opérations préliminaires du prélèvement des échantillons; la
procédure est entachée en outre d'un vice d'une autre nature qui la rend
radicalement nulle et non avenue, c'est à savoir l'absence de toute analyse
régulièrement faite ou contrôlée par les organes compétents.
Il est constant qu'au moment ou le lait a été examiné, il y avait pour tout le
canton de Vaud un seul laboratoire compétent, institue en application des art.
4 et 13 de la loi fédérale de 1905 sur le commerce des denrées alimentaires,
soit le laboratoire cantonal, à Lausanne. Or, l'échantillon prélevé le 2 juin
1926 n'a pas été expédié au laboratoire officiel, comme il aurait dû l'être en
vertu de l'art. 14 du règlement de 1909; il a été analysé par un employé de la
Fédération laitière du Léman, cliente des recourants, dans le laboratoire
privé de ladite Fédération. Et l'analyse ainsi faite n'a pas été soumise au
contrôle du chimiste cantonal.
Il'agit là sans conteste de la violation d'une règle essentielle de la loi,
édictée pour la sauvegarde des intérêts de l'inculpé, pour donner à celui-ci
la garantie que l'analyse chimique, base de l'accusation et de toute la
procédure, a été faite de manière sérieuse et impartiale.
Certes, l'on peut imaginer des cas ou des circonstances particulières
permettraient au juge de tenir une telle

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irrégularité pour sans importance; il en serait notamment ainsi lorsque le
provenu aurait avoué d'emblée avoir mis une certaine quantité d'eau dans son
lait. Mais en l'espèce, l'on ne saurait se rallier à l'opinion de l'instance
cantonale quand elle déclare que l'absence d'analyse officielle n'est pas in
casu un vice de forme exigeant l'annulation de la poursuite pénale et
l'acquittement des prévenus, parce que d'une part l'analyse privée de la
Fédération laitière présenterait des garanties indéniables d'impartialité et
d'exactitude, et que, d'autre part, les recourants n'en auraient jamais
contesté les résultats.
Dans le système de la loi, seule l'analyse officielle opérée par le
laboratoire compétent fait preuve de l'adultération ou de la falsification;
elle seule est censée offrir les garanties morales d'impartialité que le
législateur a entendu donner aux prévenus. Il est exclu qu'une analyse privée
y puisse suppléer, et que les plaignants ou le Ministère public soient admis à
se prévaloir d'une analyse faite par un tiers, en établissant qu'elle présente
des qualités équivalentes à celles d'un examen officiel de la marchandise. Les
dispositions topiques de la loi ont précisément pour but d'éviter toute
discussion à ce sujet.
Et la circonstance que les recourants n'auraient pas expressément dénié toute
valeur à l'analyse de la Fédération laitière ne saurait être interprétée comme
une reconnaissance formelle de son exactitude. Du moment qu'elle était tout a
fait irrégulière, les époux Roud étaient en droit de l'ignorer. Ils pouvaient
supposer avec raison que les autorités pénales n'en tiendraient aucun compte
et qu'ils n'avaient donc pas à se déterminer sur elle. Au surplus, il résulte
du dossier que les Rond ont proteste énergiquement contre cette procédure
inadmissible, devant la première instance déjà.
Dans ces conditions, c'est certainement à tort que les autorités cantonales
ont cru pouvoir faire état de l'analyse

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en question et la considérer comme faisant preuve des faits pour lesquels les
recourants ont été dénoncés.
Dès l'instant que cette irrégularité grave doit entraîner à elle seule la
nullité de toute la procédure, il est superflu d'examiner si les nombreuses
informalités qui ont été commises lors du prélèvement des échantillons
seraient elles aussi de nature à vicier la poursuite pénale.
Il importe de relever au surplus qu'a supposer même qu'aucune des
irrégularités de la procédure n'eût une importance décisive, le jugement
attaqué n'en devrait pas moins être cassé, pour un autre motif. L'on ne voit
pas en effet sur quoi l'instance cantonale s'est basée pour admettre que Roud
lui-même était coupable d'avoir mouillé son lait. Vu l'absence de toute preuve
sur ce point, le recourant ne pouvait être condamné qu'en tant que
propriétaire de la marchandise, pour avoir mis dans le commerce du lait
mouillé. D'autre part, dans l'hypothèse ou l'adultération serait imputable à
Roud, la femme de celui-ci ne pourrait être punie sans autre pour avoir
apporté le lait mouillé à la laiterie; elle ne pourrait être que comme
complice, s'il était établi qu'elle connaissait l'adultération imputable à son
mari. A cet égard, le dossier ne fournit aucun renseignement précis.
La Cour de cassation pénale prononce:
Le recours est admis; en conséquence, le jugement rendu le 29 novembre 1927
par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois est annule et la
cause renvoyée à l'instance cantonale qui statuera à nouveau.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 54 I 61
Date : 01. Januar 1927
Publié : 16. Februar 1928
Source : Bundesgericht
Statut : 54 I 61
Domaine : BGE - Strafrecht und Strafvollzug
Objet : Loi fédérale sur le commerce des denrées alimentaires. Art. 4 et 13. Seule l'analyse officielle de...


Répertoire ATF
54-I-61
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
cour de cassation pénale • vaud • denrée alimentaire • examinateur • plomb • vue • tribunal fédéral • exactitude • plaignant • tennis • chimiste • tribunal cantonal • acquittement • décision • mise en circulation • vice de forme • jour déterminant • membre d'une communauté religieuse • enquête administrative • défaut de la chose
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