298 . Obligationenrecht . N° 52 .

52. Arrét de la Ire Section civile du 20 septembre 1927 dans la cause
Ds X. contre dame Y.

Responsabilité du médecin (diagnostic posé; traitement suivi; omission
de consulter un spécialiste).

Le Dr X. pratique la médecinc générale. Vers le milieu de décembre 1922,
il reeut la visite de dame Y., qu'il avait déjà soignée et qui lui
der-lara souffrir depuis quelques jours d'un oeil. Le Dr X. constata,
ce qui était exact, que la patiente était atteinte de syphilis. Il
diagnostiqua, d'autie part, une affection syphilitique aigue de
l'oeil gauche, et entreprit séance tenante un traitement général par
injections. L'état de l'oeil ne 5 'améliora nullement, toutefois. Les
parties sont en désaccord sur le point de savoir si, comme il l'affirme,
le défendeur a engagé sa cliente à se faire soigner à la clinique
dermatologique ou, du moins, à consulter un spécialiste

Quoi qu'il en soit, le 24 février 1923, dame Y. fut examinée, à la
demande du DI' X., par le chef de Clinique du service ophtalmologique de
l'Hòpital cantonal. Celuici diagnostiqua une affection grave de l'oeil
gauche et il conseilla, dès lors, à la malade d'entrer à l'Hòpital.
Dame Y. préféra néanmoins s'adresser à un spécialiste, le Dr Z Celui-ci
constata la présence d' un glaucome. Le nerf optique était déjà mort et
toute tentative de sauvetage vouée à un échec.

Estimant que la perte de son oeil était imputable à une erreur de
diagnostic du premier médecin et au traitement qu'il lui avait fait subir,
dame Y. a, par exploit du 3 janvier 1924, assigné le Ds X. en paiement
de 5000 fr., à titre de dommages-intéréts.

Par jugement du 6 juillet 1925, basé, notamment sinon principalement,
sur les declarations du Dr Z le Tribunal a condamné le défendeur à payer
à dame Y. une indemnité de 4000 francs.

Sur appel du Dr X., la Cour d'appel a ordonné uneObligationenrecht. N°
52. 299

expertise. Le rapport des experts sera analyse, pour antani: que de
besoin, dans la partie droit du present arrét.

Statuant le 7 juin 1927, l'instance cantonale a confirmé la decision
attaquée, mais réduit les dommages intérets à 2000 fr. Le jugement est
motiVé comme Suit :

En ne reconnaissant pas la présence d'un glaucome, le DI" X. a commis
une erreur de diagnostic. Mais la doctrine et la jurisprudence admettent
qu'une telle erreur n'entraîne pas, à elle seule, la responsahilité
du médecin. Le défendeur s'est, toutefois, rendu coupable d'une autre
faute, dont il doit etre tenu pour responsahle : Il n'a, en effet,
traité que la syphilis, affection générale, mais non l'oeil gauche
atteint de glaucome. Il a également eu tort de soigner seul, pendant
plus de deux mois, une maladie de nature particulière, au lieu de
s'adresser immédiatement à un spécialiste. Sans doute le traitement
antisyphilitique n'a pas nui à l'état général de dame Y., mais il est
restési sans effet sur l'affection oculaire, qui s'est, au contraire,
aggravée. Un Specialiste, consulté à temps, aurait évidemment procede
à une opération, qui s'imposait. 011 ne saurait dire de facon certaine
quel eùt été le résul'cat de cette opération, mais on est, cependant,
fonde a admettre que l'oeil de dame X. serait aujourd'hui en meilleur état
qu'il ne l'est et que la perception lumineuse ne serait point complètement
abolie. La responsahilité du defendeur se trouve donc engagée. Toutefois,
il semble équitable de réduire les dommages-intéréts a 2000 fr., pour
tenir compte du fait que, dans l'hypothèse vers laquelle inclinent les
experts, l'opération aurait, en mettant les choses au mieux, ramene
seulement un peu de vision.

Le Dr X. a recouru en reforme au Tribunal fédéral, dans le sens du rejet
des conclusions de la demande.

Conside'rant en droit :

1. Les experts ont déclaré et les premiers juges ont admis en fait qu'au
moment où, vers le milieu de

300 , ()bligaiionenrecht. N° 52.

décembre 1922, dame Y. s'est présentée chez le Dlr X. elle était atteinte
de syphilis acquise et d'un glaucome de l'oeil gauche. Le Dr X. a reconnu
l'existence de la syphilis, mais il a, d'autre part, diagnostiqué une
affection syphilitique de l'oeil, en quoi il s'est eertainement trompe.

Toutefois, comme l'instance cantonale l'a rappelé, l'erreur de diagnostic
ne suffit pas, à elle seule, pour engager la responsabilité du médecin
(RO 34 II p. 36 c. 3). L'expérience humaine, l'art medical en particulier,
ne sont point infaillibles. L'examen le plus consciencieux, effectué
par un praticien hautement competent, peut, cepcndant, conduire à
une méprise. Selon le mot d'un maître de la science, le diagnostic
n'est qu'une hypothèse, que l'on doit s'efforcer de choisir parmi les
meilleures.

Le médecin a donc le devoir et c'est ce que l'on peut exiger de lui
. d'examiner son malade selon les régles de l'art, avec tout le temps et
l'attention que comporte cette recherche. S'il pose consciencieusement
son diagnostic, s'il ordonne, ensuite, le traitement que commande
ce diagnostic, et s'il le fait exécuter conformément aux principes
généralement admis, il échappe au reproche d'imprndence ou de négligence
et ne saurait, dès lors, etre inquiété. En consssultant, le malade court
le risque de voir le médecin ou le chirurgien se tromper, malgré toute
leur clairvoyasince et leur bon sens. Le seul fait que le diagnostic
est crroné, lc traitement on l'opération discutahles, n'engage pas la
responsabilité du praticien. Il faut encore pour cela que les faits
reprochés se compliquent de légèrcté ou d'ignorancc des choses qui se
doivent nécessairement savoir.

2. Tel n'est le cas, en l'espèce, ni en ce qui a trait à l'examen de la
patiente, ni en ce qui concerne les soins donnés.

a) Le. Dr X. a diagnostiqué très justement une syphilis, que dame Y. n'a
cessé de nier, mais dont les experts et le jugement cantonal constatent
l'existence, tant auObligationenrecht. N° 52. 301

mois de décembre 1922 qu'en cours de procès. Or les manifestations de la
syphilis sont multiples et diverses ; elles atteignent de nombreux organes
et ne sont point encore toutes connues dans leurs details. D'autre part,
comme l'a declare le chef de Clinique ophtalmologique, le glaucome peut
etre en relation avec plusieurs autres maladies. L'erreur du recourant
n'est donc point, comme on l'a prétendu, d'avoir négligé l'affection
locale, mais bien d'avoir vu un rapport entre cette dernière et l'état
général de la cliente. Il n'est pas sansintéret de remarquer, à ce propos,
que, le 24 février 1923, l'oeil droif de la patiente était tenu pour
normal par la Clinique ophtalmologssique, alors que, deux jours plus tard,
il apparaissait au Dr Z. comme suspect, lui aussi, de glaueome et que,
selon les experts, il est effectivement atteint, aujourd'hui, de cette
maladie. On doit également Signaler, dans le meme ordre d'idées, que le
dernier médecin traitant, abusé par le résultat négatif d'une reaction
de Wassermann, s'est mépris, à son tour, sur l'existence de la syphilis
chez dame Y. Tout bien considéré, le Tribunal fédéral ne peut donc aller
jusqu'à dire que l'examen du Dr X. n'ait pas été consciencieux et que
le diagnostic erroné soit le fruit d'une négligence.

13) Les experts estiment que, dans l'état de dame Y., il n'y avait
plus, en décembre 1922, qu'à tenter uneintervention chirurgicale. Dans
l'hypothèse qu'ils inclinent à admettre, le succès, meme partie],
de l'opération était douteux. Cet élément devra ètre retenu lorsqu'il
s'agira de déterminer la relation de cause a effet entre le traitement
ordonné et le dommage suhi. ll n'en restc pas moins qu'en décembre 1922
l'intervention s'imposait et qu'elle

_était praticable , sous réserve du résultat.

Le fait de ne point avoir opéré dame Y. ne constitue, cependant, pas
en soi une faute. Il découle directement de l'erreur commise lors de
l'examen de la malade, et l'on ne saurait, sans contradiction, admettre
que le médecin est responsable pour avoir preserit le traite-

302 Obligationenrecht. N° 52.

ment que commandait un diagnostic faux, mais consciencieusement
posé. Ayant conclu à une affection syphilitique de l'oeil (et cette
opinion n'est, comme il a été dit, pas le résultat d'une faute), le
Dr X. a tire les conséquenoes logiques de ces prémisses et il s'est
home le fait est regrettable, mais naturel __ à entreprendre une cure
antisyphilitique. Aussi bien les experts constatent ils que ce traitement
a été institué avec raison, vu l'état. général de la malade, qu'il a été
judicieusement appliqué, en lui-mème, et qu'il a été efficace. Le chef de
clinique de l'l-lòpital va jusqu'à soutenir que, dans le doute, on peut,
en cas de glaucome, ordonner un traitement antisyphilitique ; c'est,
ajoute t il, ce que conseillent les traités classiques. Le fait de n'avoir
pas recouru d'emhlée à une opération et de s'étre borné à des piqùres,
ne constitue donc pas une faute engageant la responsahilité du défeudeur.

6) On peut se demander, par contre, si, voyant l'état de l'oeil
s'aggraver, le Br X. n'aurait cependant pas du, plus tard, renvoyer sa
cliente à un spécialiste. Sans deute n'était il point tenu de recourir
personnellement à l'un de ses confrères : non convert, lui-meme, de ses
débours, on ne pouvait lui demander dese porter fort pour sa cliente
et d'exposer, ainsi, des frais dont il serait demeuré responsahle. Tout
autre est la question de savoir si le défendeur n'avait pas, à un certain
moment, l'obligation de conseiller à la malade le récours à un spécialiste
ou à l'Hòpital cantonal, sous menace de lui'refuser ses soins.

Le DT X. a prétendu, devant les instances cantonales, qu'il avait engagé
maintes fois dame Y. è. entrer en Clinique. Dame Y. conteste cette
declaration et soutient, au contraire, que le défendeur l'a dissuadée,
sous les plus sombres présages, de s'adresser à un autre médecin. La Cour
d'appel n'a point tenu ce dernier fait comme constant, mais elle n'a
pas admis, non plus, que le reconrant ait den-untre l'exactitude de son
affirmatiou. Point n'est besoin de rechercher s'il n'eùt pas appartenu
plutòtObligationenrecht. N° 52. 303

à la demanderesse d'établir les faits c'est à dire les divers éléments
de la faute du médecin qu'elle alleguait pour en déduire son droit
à des dommages intérèts (art. 9 CCS ; cf. RO 34 II p. 36 et arrèt du
T. F. du 7 novembre 1913, Sem. jud. 1914, p. 164), et si, dès lors,
la constatation negative du jugement dont est recours ne repose pas sur
une notion erronée du kardeau de la preuve.

On ne saurait, en effet, ériger en principe que le médecin doive renvoyer
à un confrère les patients atteints d'affections pour lesquelles il y
9. des spécialistes. Cette obligation peut exister dans des cas tout à
fait exceptionnels, à raison de la nature et de la gravité de la maladie.
Mais il est impossible d'admettre que le praticien reconnu capable
d'exercer toutes les branches de l'art medical en soit réduit à aiguiller
purement et simplement ses clients vers des confrères. Dans certaines
affections, un bon médecin général pourra se montrer plus habile qu'un
spécialiste de force moyenne. C'est, d'ailleurs, en première ligne au
patient qu'il appartient de choisir judicieusement son médecin, selon
la qualification que celui-ci s'attribue et la confiance qu'il inspire.

Or, en l'espèce, dame Y., souffrant de l'oeil gauche, s'est adressée
de propos delibere à un docteur qu'elle savait pratiquer la médecine
générale et qui ne s'était jamais donné pour oculiste. Elle a donc, dans
une certaine mesure, assumé les risques qu'elle courait, ce faisant, et
elle n'a point non plus, selon l'instance cantonale, été influencée dans
son libre choix au cours du traitement. Il faut avouer, d'autre part,
que dame Y. ne semble pas avoir été une malade particulièrement docile:
elle n'a, en effet, pas suivi les conseils que l'Hòpital lui a donnés,
et elle est meme, d'après les experts, restée parfois quatre à cinq mois
sans se faire examiner par son nouveau médecin. Si l'on considère, enfin,
que l'intervention tardive, il est,vrai __ de la Clinique ophtalmologique
a été provoquée par le défendeur lui meme,

304 _ Obligationenrecht. N° 52.

on ne peut, en definitive, aller jusqu'à imputer à une négligence
inexcusable le fait, assurément très malheureux, que la demanderesse est
restée, deux mois durant, privée des soins d'un spécialiste. Aussi bien
les experts ne se sont-il pas prononcés formellement, à cet égard, sur
la responsabilité du Dr X. Ils se sont bornes à dire que la eonsultation
d'un oculiste était indiquée, mais ils ont ajouté que cet avis, émanant
de spécialistes, pourrait ne point étre partagé par leurs confrères
pratiquant la médecine générale,

3. A supposer que la kaute du defendeur dat etre admise, il resterait à
examiner si cette faute se trouve dans un rapport de causalité adequate
avec le dommage dont réparation est demandée. C'est la un problème
essentiellement technique, qui doit etre tranche avant tout sur la base
de'l'expertise.

Les experts déclarent excessivernent difficile de determiner exactement
l'affection dont dame Y. était atteinte en décembre 1922. Ils hésitent
entre deux solutions : glaucome aigu atteignant brusquement uu Geil
jusque là parfaitement sain, ou crise aiguè d'un Geil déjà malade de
glaucome chronique. Dans le premier eas, disent ils, l'opération precoce
a beaucoup de chances de faire disParaÎtre les phénomènes infiammatoires
et de rendre la vue, parfois intégralement, ou presque ; cependant,
meme dans cette hypothèse, on ne peut affirmer que l'intervention aurait
immanquablement sauvé l'oeil. Sans se prononcer formellement, mais fondés,
entre autres, sur l'évolution actuelle de l'autre oeil, les experts se
declarent portes à admettre qu'en décembre 1922 darne Y. souffrait d'une
crise de glaucome aigu greffé sur un glaucome chronique. Or, dans ce cas,
l'operation pouvait tout au plus calmer les douleurs et, en mettani
les choses au mieux, ramener un peu de Vision.

Ainsi donc, si meme la demanderesse se trouvait dans l'état le plus
favorable à une intervention, celle-ci n'aurait pas procure sùrement
une amélioration. Et,Obligationemeeht. N° 53. 305

dans l'hypothèse que les experts considèrent comme la plus vraisemblable,
le résultat Optimum de l'opération eùt été de ramener un peu de
vision. Or rien n'autorise a croire que l'état de l'organe malade
permettait ce résultat. En effet, les experts ont Signale que le glaucome
chronique évolue lentement, progressivement, parfois sans ou presque
sans douleur ni rougeur, jusqn'au jour où une crise aigue décèle le
mal. Et les divers praticiens entendus ne se sont pas mis d'accord pour
determiner le stade auquel se trouvait Ie glaucome, en décembre 1922. Le
Dr X. croit pouvoir dire qu'à ce moment il datait déjà de deux ou trois
ans. Mais le chef de Clinique eonfesse, lui, qu'il est très difficile de
juger de l'àge d'un glaucome ; et les experts se rallient implicitement
à cet avis. Le lien de cause à effet entre le préjudice souffert et
l'acte incriminé apparaît, dès lors, trop ténu pour fender une action en
dommages-intéréts. Dans ces conditions et par tous les motifs indiqués
sous chiffres 2 et 3, il convient d'admettre que le jugement cantonal
est basé sur une fausse appreciation de la portée juridique des kalt-s
constatéssi et qu'il ne peut, en conséquence, etre maintenu. Le Tribunal
fédéral prononce :

Le reeours est admis et le jugement cantonal reforme dans le sens du
rejet de la demande de darne Y.

53. Arrét de la1M Section civile du 27 septembre 1927 dans la cause
Miney & Cie contre Marti. C'est à celui qui achète en bourse des actions
nominatives

dont le transfert est soumis à l'agrément de la Société qu'il incombe
de se faire agréer.

A. En avril 1924, Fred. Marti, agent de banque, à Genève, a charge
Miney & Cie, agents de change, en dite ville, de lui procurer 20 actions
nominatives de la Société
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 53 II 298
Date : 20. September 1927
Published : 31. Dezember 1927
Source : Bundesgericht
Status : 53 II 298
Subject area : BGE - Zivilrecht
Subject : 298 . Obligationenrecht . N° 52 . 52. Arrét de la Ire Section civile du 20 septembre


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