6. Arràt de la II° Section civile du 25 février 1925 dans la cause Banque
populäre suisse contre solicit-IM-
Art. 177 al. 3 CCS. La validité de l'obligation assuméc par la femme
envers des tiers depend de l'approbation de l'autorité tutélaire,
lorsqu'il résulte de l'acte lui-meme que cet engagement procure un
avantage au mari.
Tel est (le cas, notamment, lorsque deux époux se constituent cautions
solidaires, entre eux et avec le débiteur, pour la dette d'un tiers.
En revanche, le nantissement de titres effectué par la femme est un acte
de disposition et non une obligation , au sens de l'art. 177 al. 3
CCS. Il n'est donc pas soumis à approhation officielle, meme s'il est
fait dans l'intérèt du mari.
A. Par contrat du 10 mai 1919, les epoux Fischer et l'avocat César
Gérard, tous trois à Genève, se sont associés en vue d'exploiter un
commerce de couture de luxe, sous ]a raison sociale: L. Fischen M. et
MW Fischer faisaient apport de leur experience professionnelle et de
leur clientele ; Gérard procurait à la société l'argent nécessaire à
l'acquisition du commerce qu'elle devait reprendre; il s'engageait,
en outre, à fournir les fonds utiles à l'exploitation. La société ne
fut pas inscrite au registre du commerce.
En janvier 1920, le commerce ayant besoin de capitaux et Gérard ne se
trouvant pas en mesure de les lui procurer, le Homme Morier, clero de
Gérard, fut charge d'entamer des Pourparlers avec la Banque populaire
suisse, en vue d'une ouverture de credit. Il se présenta de la part de
Me Gérard et de la maison Fischer, et mentionna que le premier était
interesse dans l'affaire, sans, toutefois, préciser en quelle qualité. Il
demanda si la Banque seraît disposée à prèter 20 000 francs à la maison
Fischer, moyennant le cautionnement de Me Gérard et de sa femme. Le sous
directeur de la Banque se borna à répondre qu'il ferait une enquète.
Les négociations furent continuées par Gérard luimème, qui dit avoir
exposé les rapports de droit le liant
_ _ ....... ,Familienrecht. N° 6. 25
à la société; il ne produisit cependant pas le contrat d'association.
Par acte du 12 février 1920, la Banque populaire suisse ouvrit à M. Léon
Fischer, tailleur , un credit en compte-eourant de 20 000 fr. Monsieur
César Gérard, avocat, et Madame Marie-Louise Gérard, épouse du susnommé
se eonstituajent cautions conjointes et solidaires entre eux et avec le
debiteur pour l'exécution dudit engagement.
B. En octobre 1922, la Banque ayant demandé des garanties, un avocat de
Genève lui écrivit que dame Gérard faisait election de domicile à sen
étude pour l'affaire Fischer; il priait, en conséquence, la Banque de
lui adresser directement toutes communications relatives à cette affaire.
La Banque populaire se mit, néanmoins, en relations avec le notaire de
Mme Gerard. Le 22 novembre 1922, cet officier ministeriel lui fit tem'r
la lettre suivante, contresignée par Mme Gérard: Monsieur le directeur.
J'ai l'honneur de vous confirmer l'entretien que j'ai eu avec vous au
sujet du cautionnement de Madame Gérard, nee Janin. Je vous fais donc
verser ce jour la somme de 5000 francs suisses, pour etre employee en
un titre de 3 ans de votre établissement, lequel titre restera déposé en
vos caisses en nantissement. Quant aux 30 obligations Crédit national
1919, ces titres ont été récemment acquis par MW Gérard, et elle n'en
possède que le bordereau d'achat; ces titres seront vraisemblablement
en sa possession dans la quinzaine. Je m'engage à les faire remettre
aussitòt que je les posséderai.
La Banque fut mise, au mois de décembre 1922, en possession des valeurs
dont il s'agit. Elle invita vaine-
' ment, par la suite, Mme Gérard à signer un acte de
nautissement des titres, destine à garantir à la Banque le paiement
de toutes sommes que M. Léon Fischer, tailleur, Genève pourrait lui
dev-air. Le mariage
26 . Familienrecht. N° 6.
des époux Gérard fut déclarè dissous par le divorce le 2 juillet 1923.
c. Le 24 juillet 1923, dame Janin " aujourd'hui
dame Benoît-Janin ouvrit action contre la Banque
populaire suisse, en demandant, vu l'art. 177 alinea 3 CCS, l'annulation
de l'acte de cautionnement du 12 février 1920, et la restitution des
titres déposés.
Ces conclusions furent admises par jugement du Tribunal de première
instance de Genève, du 18 décembre 1923, confirmé le 28 noVembre 1924
par la Cour de Justice civile.
L'instance cantonale considère, en substance, que la validitè
des obligations assumées par la femme envers un tiers depend de
leur ratification par l'autorité tutélaire (art. 177 alinéa 3 CCS),
lorsque, en fait, l'engagement a été contracté dans l'intérèt du mari
et que le tiers-contractant en a eu connaissance, mème si le caractère
d'intercession n'apparaît point dans l'acte. Or il est établi que l'argent
prété par la Banque populaire a été employé pour les besoins du commerce
Fischer. Gérard était directement interesse à l'opération, puisqu'il
devait fournir les fonds nécessaires à l'exploitation de l'entreprise. La
Banque ayant été, d'autre part, en mesure de connaître ces circonstances,
le cautionnement doit etre considéré comme Sans valeur, pour défaut
d'approbation de l'autorité tutélaire. Quant à la remise de titres, a
supposer qu'elle constitue un nantissement régulier et volontairement
consenti, il ne serait jamais qu'un accessoire de la dette contractée
par la demanderesse en cautionnant. La Banque ne peut donc conserver les
valeurs appartenant à dame Gérard, qui n'a aucune obligation envers elle.
D. La Banque populaire suisse a forme un reoours en reforme contre
cet arrét. Elle conclut, principalement au déhouté de la demanderesse,
subsidiairement à la validità du gege.Familienrecht. N° 6. 27
Considérant en droit :
1. Aux termes de l'art. 177 alinea 3 CCS, les obligations que la femme
assume envers des tiers dans l'intérét de son mari ne sont valahles que
si elles ont été approuvées par l'autorità. tutélaire.
Le cautionnement donné, le 12 février 1920, par Mme Gérard revèt,
incontestablement, le caractère d'une obligation contractée envers
un tiers au ménage, la Banque populaire suisse. Sa validità depend,
toutefois, de la question de savoir s'il a été assume dans l'intéret
du mari , au sens que donne à ces mots l'art. 177 sainement interprete.
L' instance cantonale a tranche la question par l'affirmativa, en
considérant que Gérard, associé de Fischer, devait fournir les fonds
nécessaires à l'exploitation du commerce et que, des lors, l'ouverture
da credit le déchargeait en une certaine mesure de ses engagements.
Il y a lieu, toutefois, de relever que le pret avait été consenti à
M. Léon Fischer, tailleur, et que, par conséquent, seul Fischer était
débiteur de la Banque. On doit également Observer que la raison sociale
sous laquelle le commerce était exploité ne révélait pas l'existence
d'une société et que celle-ci, contrairement à ce qu'admet l'instance
cantonale, ne pouvait etre qu'une société simple, dont le registre du
commerce ne faisait pas mention.
Sans dente dans un arrèt du 14 juillet 1914, le Tribunal federal n'a point
eru devoir s'arré'oer à l'objection que la dette principale n'était pas,
au point de vue forme], une dette du mari (BO 40 II p. 321), et il a
considéré comme décisif le fait que, toutefois, le cautionnement avait
effectivoment profité à ce dernier. Mais le débiteur était une société
en commandite, portant le nom des époux et composée du mari comme seul
associè indefiniment responsable, et de la femme, commanditaire
28 Familienrecht. N° 6, .
pour une somme insignifiante. Les circonstances particulières de l'espèce
expliquent ainsi une solution trop generelle, dont les dangers éventuels
ne sont apparus qu'ultérieurement et qu'un nouvel examen ne permet plus
de maintenir dans toute son ampleur.
Comme le Tribunal fédéral l'a fait Observer, récemment encore, l'art. 177
est une disposition exceptionnelle, contraire au système général adopté
par la loi, qui ccnsacre, en principe, la capacité juridique de la
femme man'ée; il demande done à etre interprete restrictivement plutòt
qu'extensivement {RO 49 II p. 45). Le fait que le mari se trouve avoir
profité, au point de vue économique, de l'obligation contractée par la
femme, ne doit, dès lors, pas suffire pour entraîner l'application de
l'art. 177 al. 3. Il faut considérer, bien plus la nature de l'opération
que son but final ou ses conséquences éloignées, et admettre que
l'engagement de I'épouse est soumis à approbation officielle lorsqu'il
résulte de l'acte lui-meme que cet engagement procure un avantage au mari,
soit en lui donnant un droit, soit cn le déchargeant d'une obligation.
Aussi bien la doctrine considère-t elle qu'il y a intercession lorsque
l'intereédant entre dans un rapport de droit obligatoire pour autrui,
soit en se substjtuant au débiteur, soit en prenant place à eòté de lui
(DERNBURG, Deutsches Familienrecht I § 55 et II § 83). Le tiers visé
à l'art. 177 al. 3 CCS ne peut etre, par conséquent, qu'un créancier
du mari, soit une personne ayant, en vertu de rapports de' droit, la
possibilité juridique de s'en prendre à celui-ci. _
Toute autre solution pourrait conduire à des couséquences fàcheuses. La
sécurité des transactions et l'intérèt du tiers-eontractant dont il
faut également tenir compte exigent que celui qui traite avec une femme
mariée saisisse la portée de i'acte et se rende compte que sa validité
depend ou ne depend pas de la ratification de l'autorité tutélaire. Il
importe, d'autre
Famifienreeht. N° 6. 29
part, que cette dernière puisse statuer en connaissance de cause, et elle
n'est en mesure de le faire que si l'intereession résulte directement
de l'obligation assumée par la femme.
Or, en l'espèce, Gérard n'apparaissait point comme débiteur de la Banque
populairc suisse. Sans doute était-il tenu envers Fischer des engagements
que celui-ci eontractait pour les affaires de la société (art. 537
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 537 - 1 Si l'un des associés a fait des dépenses ou assumé des obligations pour les affaires de la société, les autres associés en sont tenus envers lui; ils répondent également des pertes qu'il a subies et qui sont la conséquence directe de sa gestion ou des risques inséparables de celle-ci. |
|
1 | Si l'un des associés a fait des dépenses ou assumé des obligations pour les affaires de la société, les autres associés en sont tenus envers lui; ils répondent également des pertes qu'il a subies et qui sont la conséquence directe de sa gestion ou des risques inséparables de celle-ci. |
2 | L'associé qui fait une avance de fonds à la société peut en réclamer les intérêts à compter du jour où il l'a faite. |
3 | Il n'a droit à aucune indemnité pour son travail personnel. |
; la Banque n'en était pas moins dépourvue de tout moyen d'action contre
Gérard. Il n'est, dès lors, pas possible d'admettre qu'en cautionnant la
dette de Fischer, dame Gérard ait assumé une obligation dans l'intérét
de son mari, au sens qu'il convient de donner à cette disposition.
2. Le recours devrait donc ètre admis, en ce qui concerne la validité
du cautionnement, si dame Gérard ne s'était pas obligée vis-à-Vis de la
Banque solidairement avec son mari. On ne se trouve pas en présence d'un
acte juridique entre époux, au sens des alinéas 1 et 2 de l'art. 177,
mais bien d'une obligation contractée envers un tiers, soumise par
conséquent, à la condition prévue par le 3° alinea dudit article 177.
En sa qualité de .caution solidaire de Fischer, l'avocat Gérard était tenu
de l'intégralité de la dette, et il pouvait etre recherche pour celle
ci avant le débiteur principal (498 CO). L'intervention de dame Gérard
comme seconde caution solidaire n'a, il est vrai, pas délié le mari de
cette obligation. En revanche, si Gérard était contraint de s'exécuter,
il se trou vai!: subrogé aux droits du créancier, et pouvait exercer,
de ce fait, un recours contre son arrière caution, la demanderesse an
procès; le cautionnement solidaire de cette dernière a procure ainsi,
en vertu de l'acte lui-meme et des dispositions du CO, un avantage à
M. Gérard. Il faut donc admettre, mais pour d'autres motifs que ceux
retenus par l'instance cantonale, que l'engagement pris par dame Gérard
envers la Banque populaire suisse a bien été contracté dans l'inter-et
du mari et qu'il tombe, par conséquent, sous le coup de
30 Familienrecht N° 6. l'art. 177 al 3CCS. Sa nullità doit, des lors
etre confirmée. 3. .Reste à examiner la valeur du nantissement
de titres, effectué par dame Gérard en maine de la Banque 'populaire
suisse. · En application de l'art. 901 CCS, la constitution du gage
s'est régulièrement opérée par la seule remise des titres au créancier;
l'acte de nantissement que la demanderesse a refusé, après coup,
de signer, apparait, dès lors, comme une formalité superflue pour la
validité de l'engagement. L'intention de constituer le gage résulte
du fait que dame Gérard a contresigné la lettre de son notaire, du 20
nov. 1922. Sans doute, elle avait invite, quelques semaines auparavant,
la Banque à se mettre en rapports avec son conseil, et celui-ci n'avait
pas cache à l'étahlissement qu'il considérait le cautionnement comme
dénué de toute valeur. La demanderesse n'en avait pas moins le droit de
se passer de son avocat et de traiter avec la Banque par l'entremise
d'un autre homme de loi, à ses risques et périls.'Quant à l'exception
de mauvaise foi du créaucier gagiste, elle ne saurait étre opposée en
l'espèce, les titres étant la propriété légitime de dame Gérard et les
conditions d'application de l'art. 884 alinea 2 CCS ne se trouvant;
dès lors, point réalisées. Enfin la constitution d'un droit de gage
dans l'intérét du mari-se qualifie comme un simple aete de disposition,
et non comme une obligation soumis à approbation de l'autorité tutélaire
en vertu de l'.art 177 al. 3 CCS (RO 49 II p. 38 et SUIV.). L'ahsence
d'autorisation officielle ne joue, par conséquent, aucun role à cet
égard. La Cour de Justice a considérè, toutefois, que dame Gérard
n'étant'débitrice de la Banque qu'en raison du cautionnement, le gage
avait pour but d'assurer cette obligation, et qu'il en constituait,
dès lors, un accessoire. Le cautionnement et, par conséquent, la dette
eventuelle qui en résultait, ayant été annulée, le nantissemeut décide
l'instance cantonale -se trouve ainsi dépourvu d'objet.
Familienrecht. N° 6. 31
Cette maniere de voir ne saurait etre partagée. La Banque a reclame des
garanties supplémentaires, non qu'elle eùt des craintes sur l'efficacité
du cautionnement de dame Gérard, mais parce qu'elle doutait de la
solvabilité du mari. Les sùretès réelles étaient donc destinées à
suppléer au cautionnement de l'avocat Gérard et à garantir, au meme
titre, le paiement de la dette principale. D'ailleurs dame Gérard
avait répondu à cette demande de gage en invoquant la nullità de son
propre cautionnement, au regard de l'art. 177 al. 3 CCS. On ne saurait,
dès lors, admettre qu'elle ait voulu constituer ce gege pour assurer et
renforcer l'obligation créée par son cautionnement, obligation dont elle
venait, précisément, de contester la valeur, et l'on doit, au contraire,
decider que l'intention de la demanderesse était de remplacer la garantie
personnelle de l'obligation principale par des sùretés réelles. Le
cautionnement et le gage, appliques tous deux à la dette de Fischer, se
trouvaient ainsi sur le meme pied, et la nullitè du premier ne saurait,
dès lors, affecter le nantissement, qui doit etre declare valable.
Le Tribunal fédéral prononce':
Le recours est partiellement admis et le jugement dont est recours
reforme, en ce sens que le nantissement d' une obligation au porteur
de 5000 fr., de la Banque populaire suisse, et de 30 obligations du
credit national 1919, de 5000 francs francais chacune, effectué par
la demanderesse, dame Benoît, divorcée Gérard, en mains de la Banque
populaire, est declare valable. Le recours est rejetè pour le surplus.