149 III 258
32. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.A. contre C. (recours en matière civile) 5A_816/2022 du 29 mars 2023
Regeste (de):
- Art. 80 Abs. 1 und Art. 81 Abs. 1 SchKG; definitive Rechtsöffnung und Leistungsurteil auf Bezahlung eines Bruttolohns; Rechtsöffnungstitel; befreiende Einwendung.
- Definitive Rechtsöffnung im Fall, dass der betriebene Arbeitgeber zur Zahlung eines Bruttolohns unter Abzug der Sozialabgaben verurteilt wurde. Als definitiver Rechtsöffnungstitel geltendes Urteil. Befreiende Einwendung des Arbeitgebers bezüglich seiner Verpflichtung zur Bezahlung der Sozialabgaben (E. 6).
Regeste (fr):
- Art. 80 al. 1 et art. 81 al. 1 LP; mainlevée définitive de l'opposition et jugement condamnatoire en paiement d'un salaire brut; titre de mainlevée; moyen libératoire.
- Mainlevée définitive de l'opposition lorsque l'employeur poursuivi a été condamné à payer un salaire brut, sous déduction des charges sociales. Jugement valant titre de mainlevée définitive. Moyen libératoire de l'employeur portant sur son obligation de payer les charges sociales (consid. 6).
Regesto (it):
- Art. 80 cpv. 1 e art. 81 cpv. 1 LEF; rigetto definitivo dell'opposizione e decisione di condanna al pagamento di un salario lordo; titolo di rigetto; eccezione liberatoria.
- Rigetto definitivo dell'opposizione nel caso in cui il datore di lavoro escusso è stato condannato a pagare un salario lordo, dedotti gli oneri sociali. Decisione che vale quale titolo di rigetto definitivo. Eccezione liberatoria del datore di lavoro fondata sul suo obbligo di pagare gli oneri sociali (consid. 6).
Sachverhalt ab Seite 259
BGE 149 III 258 S. 259
A.
A.a Par jugement du 8 février 2016, le Tribunal des prud'hommes de Genève a condamné A.A. et B.A., conjointement et solidairement, à payer à C. la somme brute de 52'640 fr. 10, plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er février 2006, et la somme brute de 22'107 fr. 40, plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er septembre 2002 (ch. 2 du dispositif), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
Par arrêt du 6 janvier 2017, exécutoire, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: chambre des prud'hommes) a annulé le chiffre 2 du dispositif précité et l'a réformé en ce sens qu'elle a condamné A.A. et B.A. à verser à C. le montant (brut) de 52'640 fr. 10 plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er février 2006, le montant brut de 22'107 fr. 40 plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er septembre 2008 et le montant brut de 85'951 fr. 80 plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 31 août 2008, sous déduction du montant (net) de 20'400 fr. Elle a confirmé pour le surplus le jugement entrepris et débouté les parties de toutes autres conclusions. Il ressort des considérants de cet arrêt que le montant net de 20'400 fr. est un montant versé au titre de salaires, vacances et heures supplémentaires, non contesté par l'employée. En outre, les débiteurs ont versé 23'759 fr. 85 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC du 1er avril 2003 au 31 décembre 2007, part de l'employeur comprise, soit 208 fr. 40 par mois sur le salaire brut de l'employée, et l'impôt à la source de 523 fr. 80 pour 2004, 845 fr. 06 pour 2005, 832 fr. 26 pour 2006, 1'557 fr. 72 pour 2007, 711 fr. 20 pour 2008.
A.b
A.b.a Le 25 juin 2019, C. a obtenu du Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal) le séquestre des biens de A.A. pour la "créance de droit du travail constatée par arrêt de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du 6 janvier 2017 CAPH/3/2017".
BGE 149 III 258 S. 260
A.b.b Le 3 février 2022, l'Office des poursuites de Genève a fait notifier à A.A. un commandement de payer, poursuite n° x, portant sur notamment 52'640 fr. 10 plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er février 2006 (poste 1), le montant brut de 22'107 fr. 40 plus intérêts moratoires moyens à 5 % l'an dès le 1er septembre 2008 (poste 2) et le montant brut de 85'951 fr. 80 (poste 3) plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 31 août 2008, dérivant de l'arrêt précité. Le poursuivi a formé opposition.
B.
B.a
B.a.a Le 24 février 2022, la poursuivante a requis du tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition susmentionnée, avec suite de frais et dépens. Le poursuivi a conclu à ce que la mainlevée soit accordée pour les postes 1 et 2 et s'agissant du poste 3, à concurrence de 55'290 fr. 65 plus intérêts moratoires à 5 % l'an, sous déduction du montant net de 20'400 fr., dépens compensés. Il a fait valoir qu'il convenait de déduire du montant dû de 85'951 fr. 40 les cotisations sociales dont il était établi, à teneur des considérants de l'arrêt susmentionné, qu'elles avaient été payées par lui selon un montant résultant desdits considérants.
B.a.b Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° x (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 750 fr. (ch. 2), mis à la charge de A.A., condamné en conséquence à verser 750 fr. à l'Etat de Genève, et 770 fr. à C. à titre de dépens (ch. 3 et 4).
B.b
B.b.a Par acte du 3 juin 2022, le poursuivi a formé recours auprès de la cour de justice contre la décision précitée. Il a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° x, à concurrence de 52'640 fr. 10 plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er février 2006, 22'107 fr. 40 plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 1er septembre 2008, 55'290 fr. 65 plus intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 31 août 2008, sous déduction de 20'400 fr. nets, les frais et dépens étant répartis équitablement selon le sort de la cause.
BGE 149 III 258 S. 261
B.b.b Par arrêt du 9 septembre 2022, la cour de justice a annulé le jugement du 20 mai 2022 et, statuant à nouveau, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° x, sous déduction de 20'400 fr. Elle a débouté les parties de toutes autres conclusions.
C. Par arrêt du 29 mars 2023, le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par A.A. contre cet arrêt, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. (résumé)
Extrait des considérants:
Erwägungen
6. La question qui se pose est de savoir si, sur la base d'un jugement condamnant l'employeur à verser un salaire brut, le juge de la mainlevée doit accorder la mainlevée définitive et, le cas échéant, pour le salaire net ou le salaire brut.
6.1
6.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Le juge doit vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). Pour constituer un titre de mainlevée définitive, ce document doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2; ATF 135 III 315 consid. 3.2; arrêt 5A_891/2019 du 5 juin 2020 consid. 4.2). A cet égard, le juge de la mainlevée doit uniquement décider si une telle obligation de payer ressort clairement du jugement exécutoire produit. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement, ni de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important (ATF 124 III 501 consid. 3a). Si le jugement n'est pas clair ou incomplet, il incombe au juge du fond de l'interpréter (ATF 148 III 225 consid. 4.1.2.2 et les références). En effet, le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) n'a pas pour but de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire, le juge de la mainlevée ne se prononçant que sur la force probante du titre produit (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références). Le
BGE 149 III 258 S. 262
prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3).
6.1.2 Le juge ordonne la mainlevée de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP). Cette disposition n'énumère pas exhaustivement les moyens de défense que le débiteur peut opposer à un jugement exécutoire, même si ceux-ci sont limités, le juge de la mainlevée n'ayant ni à revoir ni à interpréter le titre de mainlevée qui est produit, ni à examiner les moyens de droit matériel que le débiteur pouvait faire valoir dans le procès qui a abouti au jugement exécutoire (ATF 140 III 180 consid. 5.2.1). Il incombe au poursuivi d'établir par titre, non seulement la cause de l'extinction, mais encore le montant exact à concurrence duquel la dette en poursuite est éteinte (ATF 124 III 501 consid. 3b). Il ne peut se contenter de rendre vraisemblable sa libération (totale ou partielle) - contrairement à ce qui est le cas pour la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP; ATF 120 Ia 82 consid. 6c) -, mais doit en apporter la preuve stricte (ATF 136 III 624 consid. 4.2.1 et les références). Le poursuivi ne peut se prévaloir que de l'extinction de la dette survenue "postérieurement au jugement valant titre de mainlevée"; celle qui est intervenue avant ou durant la procédure au fond ne peut être prise en considération, sauf à attribuer au juge de la mainlevée la compétence d'examiner matériellement l'obligation de payer, qui n'appartient qu'au juge du fond (ATF 138 III 583 consid. 6.1.2 et les références; arrêt 5A_877/2018 du 25 octobre 2019 consid. 2.1, in SJ 2020 I p. 92). A l'inverse, si le juge du fond réserve dans son dispositif des montants déjà versés, il n'appartient pas au poursuivi de démontrer ceux-ci. Le jugement ne constitue un titre de mainlevée que si la quotité de la dette est déterminable sur la base des considérants du jugement ou par le rapprochement d'autres pièces du dossier propres à établir avec exactitude le montant dû. Si tel n'est pas le cas, ce jugement ne vaut pas titre de mainlevée, faute d'une obligation de payer claire (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1; ATF 135 III 315 consid. 2.3).
BGE 149 III 258 S. 263
6.2
6.2.1 Les pratiques cantonales ne sont pas uniformes (GEISER/MÜLLER/PÄRLI, Arbeitsrecht in der Schweiz, 4e éd. 2019, n. 94a), mais le Tribunal fédéral a jugé dans un arrêt non publié que le salaire alloué judiciairement au travailleur est en principe un salaire brut. Deux solutions s'offrent alors au juge: ou bien il alloue un montant brut et opère le calcul des cotisations d'assurances sociales à déduire; ou bien il alloue un montant brut et, sans en opérer le calcul, mentionne expressément que ce montant sera réduit des cotisations d'assurances sociales du travailleur (arrêt 4C.319/1995 du 8 avril 1997 consid. 2b/aa).
6.2.2 Le Tribunal fédéral a admis la qualité de titre de mainlevée définitive d'un jugement emportant condamnation à payer un montant brut sous déduction des cotisations sociales (arrêt 5P.364/2002 du 16 décembre 2002 consid. 2.1.2; contra: BACHMANN, in Fachhandbuch Arbeitsrecht, 2018, n. 18.137 [en matière de mainlevée provisoire];BERSIER, Salaire brut ou salaire net? La mention des cotisations d'assurances sociales dans les prétentions issues du droit du travail, RSJ 1982 p. 299 ss [302: cet auteur conçoit néanmoins que le travailleur puisse déterminer le montant des cotisations sociales à déduire pour établir sa réquisition de poursuite];GEISER/MÜLLER/PÄRLI, op. cit., n. 94a; dubitatif: SENTI, Arbeitsrecht und SchKG: Die Rechtsöffnung, ZZZ 2007 p. 219 ss [229]). Cette solution se justifie au regarddu fait que l'employeur poursuivi n'a, au moment où le jugement au fond est rendu, pas déjà payé ces cotisations. Or, si le juge du fond accorde un salaire brut au travailleur, en se contentant de réserver les cotisations sociales et légales qui n'ont toutefois pas été payées, le juge de la mainlevée ne peut pas modifier le montant de la créance. Par ailleurs, économiquement, la cotisation constitue une partie du salaire qu'elle grève (BERSIER, op. cit., loc. cit.; GEISER/MÜLLER/PÄRLI, op. cit., loc. cit.); sauf circonstances de fait exceptionnelles dans lesquelles le travailleur aurait été fondé à croire à l'existence d'un salaire net, le salaire brut fait partie du salaire convenu au sens de l'art. 322 al. 1 CO (arrêt 4C.136/2002 du 20 juin 2003 consid. 2.4). La possibilité de requérir du juge d'accorder la mainlevée à hauteur du salaire net n'entre dès lors en considération qu'à titre d'exception au sens de l'art. 81 al. 1 LP (arrêt de la Ière cour civile de l'Obergericht du canton de Zurich, du 9 octobre 2018, consid. 3.2 et 3.3, in ZR 117/2018 p. 257). Cette solution prend du reste en compte que le travailleur salarié n'est pas toujours en
BGE 149 III 258 S. 264
mesure de chiffrer son salaire net, notamment lorsqu'il s'agit de prétentions salariales particulières (VON KAENEL, in Fachhandbuch Arbeitsrecht, 2018, n. 23.13). Ainsi, si, pour l'AVS/AI/APG/AC, le taux de cotisation est fixé en pourcentage du salaire déterminant pour le salarié (art. 5 al. 2 LAVS), selon un taux indiqué dans la loi (art. 5 al. 1 LAVS; art. 3 LAI; art. 36 du règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain [RS 834.11; RAPG]; art. 3 al. 2 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité [RS 837.0; LACI]), pourl'assurance-accident en revanche, ce sont les assureurs qui fixent les primes en pour-mille du gain assuré (art. 92 LAA et art. 22 de l'ordonnance du 21 février 2018 sur l'administration de l'armée [RS 510.301;OAA]; prime nette et différents suppléments de prime). En matière de prévoyance professionnelle, la loi détermine des taux de bonification de vieillesse minimaux (art. 16 LPP) en pourcentage du salaire coordonné (art. 7 s . LPP), mais les taux de cotisations peuvent varier d'une caisse de pension à l'autre, dans leur règlement, et selon le mode de financement choisi. Il n'y a pas d'exception à faire au principe précité, imposant à l'employeur la preuve de l'exception (art. 81 al. 1 LP), pour les cotisations mises légalement à la charge du travailleur (contra: WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 238 s., et aussi DANTHE, in Commentaire du contrat de travail, 2e éd. 2013, n° 33 ad art. 322 CO; DIETSCHY, Les conflits de travail en procédure civile suisse, 2011, n. 822; NOVIER, Les conclusions dans les procès de droit du travail - Questions choisies, in Les procédures en droit du travail, 2020, p. 31 ss [42])ou lorsque le montant des cotisations est aisément déterminable (contra: ABBET, in La mainlevée de l'opposition, 2e éd. 2022, n° 33 ad art. 80 LP). En effet, si le juge du fond accorde un salaire brut, alors que ni le droit matériel ni le droit procédural ne lui interdisent de condamner au paiement d'un salaire net si les parties y concluent, il n'appartient pas au juge de la mainlevée de modifier la nature de cette créance. Au demeurant, une distinction entre les différents types d'assurances sociales va à l'encontre du rôle assigné à la procédure de mainlevée et compliquerait inutilement celle-ci, d'autant que des questions de fond relatives aux taux applicables ainsi qu'aux rémunérations soumises à cotisations peuvent se poser (dans le sens d'une preuve sans distinction à la charge du travailleur: REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, Einleitung und Kommentar zu den Art. 319-330b OR, 2010, n° 14 ad art. 322 CO;
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SENTI, op. cit., p. 229; STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 3e éd. 2021, n° 43 ad art. 80 LP; VOCK/AEPLI, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs SchKG, 4e éd. 2017, n° 22 ad art. 80 LP).
6.2.3 En l'espèce, le recourant ne peut pas être suivi dans son argument selon lequel l'intimée n'est pas la créancière du salaire brut. Son argumentation revient en effet à ce que le juge de la mainlevée revoie le fond de la cause prudhommale, ce qui n'est pas admissible. Au demeurant, le tribunal des prud'hommes n'est pas autorisé à condamner l'employeur à verser, parallèlement au salaire qui serait déterminé selon la valeur nette, les charges sociales et fiscales aux institutions concernées puisque que celles-ci ne sont pas parties à la procédure prudhommale (DIETSCHY, op. cit., n. 822). Le grief de violation de l'art. 80 al. 1 LP doit être rejeté.
6.3 Il reste donc à trancher la question de savoir si l'employeur poursuivi qui a été condamné à payer un salaire brut est en droit de faire valoir, à titre d'exception au sens de l'art. 81 al. 1 LP, qu'il ne doit que le salaire net à son employé et, le cas échéant, s'il doit démontrer le paiement effectif ou seulement l'étendue de son obligation de payer le montant des cotisations sociales et légales.
6.3.1
6.3.1.1 Par salaire brut, on entend le montant dû sans déduction de la part due par l'employé aux assurances sociales légales (AVS; AI; APG; AC; LAA; LPP; éventuelles cotisations sociales cantonales) et conventionnelles (p. ex. assurance perte de gain maladie, assurance-accidents complémentaires, prévoyance professionnelle surobligatoire). Les travailleurs sans permis d'établissement qui ont leur domicile fiscal en Suisse sont en outre soumis à l'imposition à la source (BORTOLANI/SCHERER, in Arbeitsvertrag, 2021, nos 22 ss ad art. 322 CO; DANTHE, op. cit., n° 30 ad art. 322 CO).
6.3.1.2 En matière de cotisations (ou de primes) dues aux assurances sociales légales précitées, l'employeur est le débiteur de la totalité des charges sociales à l'égard de l'institution en cause, soit, lorsque le système est paritaire, de sa propre part et de celle du salarié. Ce n'est en général qu'à lui que l'institution peut s'adresser en vue du paiement. La loi consacre en conséquence une autorisation de l'employeur de déduire la part de cotisations à charge de l'employé du salaire de celui-ci (art. 14 al. 1 LAVS en lien avec l'art. 3 al. 2 LAI; art. 27 LAPG [RS 834.1] et art. 6 LACI [RS 837.0]; art. 91 al. 3 LAA;
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art. 66 al. 3 LPP et ATF 148 II 73 consid. 5.2; ATF 142 V 118 consid. 5.3 et 5.4). L'employeur ne peut pas objecter n'avoir pas reçu les cotisations du salarié. Il déduit la part de cotisation du salarié et verse celle-ci à l'institution. Par sa nature, l'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 137 V 51 consid. 3.2). Pour l'AVS/AI/APG/AC, l'employeur procède à la déduction lors de chaque paye (art. 14 al. 1 LAVS; art. 3 al. 2 LAI; art. 5 al. 1 LACI; art. 27 al. 3 LAPG; Directives sur la perception des cotisations dans l'AVS, AI et APG, valables dès le 1er janvier 2021 [état au 1er janvier 2023; ci-après: DP] nos 1007, 2014, 2017, 2029 ss, 3017; pour la LAA, la déduction ne peut être opérée, pour une période de salaire, que sur le salaire de cette période ou de la période qui suit immédiatement, cf. art. 91 al. 3 LAA et KIESER/SCHEIWILLER, in CASS UVG, 2018, n° 6 ad art. 91 LAA), puis l'employeur verse la cotisation en même temps que sa propre part à des périodes et dans des délais fixés légalement (art. 34 RAVS; 93 al. 3 LAA). En matière de LPP, la déduction et le versement se fait en principe d'après le règlement de la caisse ou un accord particulier (art. 66 al. 2 LPP; BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, in CASS, LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 31 s., 34 ad art. 66 LPP). Le système est similaire pour l'impôt à la source, sans l'aspect paritaire. Le contribuable est le travailleur (art. 83 LIFD), mais le débiteur de la prestation imposable est l'employeur. Ce dernier a l'obligation de retenir l'impôt et de le verser périodiquement à l'autorité fiscale compétente. C'est lui qui est responsable du paiement de l'impôt à la source (cf. art. 88 LIFD; arrêt 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 6.1, in RDAF 2021 II p. 552).
6.3.2 Au vu du système sus-exposé, l'employeur poursuivi en paiement d'une créance de salaire brut peut opposer, à titre de moyen libératoire au sens de l'art. 81 al. 1 LP, son obligation de payer les cotisations sociales aux institutions concernées, dont il est le seul débiteur (ABBET, op. cit., n° 33 ad art. 80 LP; REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., n° 14 ad art. 322 CO; SENTI, op. cit., p. 229; STAEHELIN, op. cit., n° 43 ad art. 80 LP; VOCK/AEPLI, op. cit., n° 22 ad art. 80 LP; cf. aussi: arrêt de la Ière cour civile de l'Obergericht du canton de Zurich, du 9 octobre 2018, consid. 3.2 et 3.3, in ZR 117/2018 p. 257). Quant à l'objet de ce moyen libératoire, la preuve par titre de la seule étendue de l'obligation de s'acquitter des cotisations sociales,
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et non du paiement effectif des cotisations avant celui du salaire net, suffit. En effet, l'employeur endosse la responsabilité de la dette. Par ailleurs, l'échéance de la cotisation sociale peut être concomitante, voire même postérieure à celle du salaire (ABBET, op. cit., loc. cit.; DANTHE, op. cit., n° 33 ad art. 322 CO; STAEHELIN, op. cit., n° 43 ad art. 80 LP; WYLER/HEINZER, op. cit., p. 238 s.; contra: REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., loc. cit.; SENTI, op. cit., loc. cit.). Il est vrai, comme le souligne l'intimée, que cette solution expose l'employé qui a obtenu une condamnation au paiement d'un salaire brut, comprenant une part aux cotisations, au risque que son employeur ne s'acquitte pas spontanément de celle-ci. On l'a dit, le tribunal des prud'hommes ne peut pas condamner l'employeur à verser des cotisations sociales à un tiers (cf. supra consid. 6.2.3.). Il est seulement compétent, dans une action en exécution du contrat de travail, pour trancher d'éventuelles contestations au sujet de la quotité des retenues opérées sur le salaire brut et, en conséquence, déterminer s'il subsiste une créance de salaire impayée (arrêt 4P.79/2006 du 30 mai 2006 consid. 3). Cela étant, cette solution conduit à replacer l'employé dans la situation qui aurait été la sienne si l'employeur avait exécuté le contrat de travail, sans qu'il ait à ouvrir une action en paiement à son encontre. En outre, si l'employeur ne paye pas les cotisations dues, il ne subit en principe pas de dommage pour ses prestations futures du premier pilier (cf. art. 30ter al. 2 LAVS; 68 LAA). Pour la prévoyance professionnelle, le salarié dispose de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP contre son employeur pour qu'il satisfasse à son obligation de cotiser (ATF 135 V 23 consid. 3.5) ou en cas de litige sur l'obligation de l'employeur de déduire du salaire la part de cotisation de l'employé et de la verser à l'institution de prévoyance (arrêt B 44/03 du 27 août 2003 consid. 3).
6.3.3 Ainsi, le jugement définitif et exécutoire qui condamne un employeur à payer un salaire brut à son employé, sous déduction des charges sociales à la charge de ce dernier, constitue un titre de mainlevée au sens de l'art. 80 al. 1 LP. L'employeur peut toutefois soulever à titre d'exception au sens de l'art. 81 al. 1 LP son obligation de verser ces cotisations. Il lui incombe alors de prouver par titre l'étendue de son obligation, sans qu'il ait toutefois à se prévaloir d'un paiement effectif. A défaut, le juge de la mainlevée lève l'opposition à concurrence du salaire brut; il ne lui appartient pas de revoir le fond du jugement en déterminant lui-même le salaire net.
BGE 149 III 258 S. 268
6.3.4 Il suit de là que le grief de violation de l'art. 81 al. 1 LP doit être admis, l'autorité cantonale ayant à tort rejeté le grief du recourant au motif qu'il n'avait pas démontré son paiement effectif des cotisations sociales et légales. Il lui appartiendra de juger si le recourant a démontré devant elle l'étendue de son obligation de payer de telles cotisations et, le cas échéant, les montants déductibles.