Urteilskopf

148 V 138

12. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause A. contre Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) (recours en matière de droit public) 8C_421/2021 du 27 janvier 2022

Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 139

BGE 148 V 138 S. 139

A. Le 1er septembre 2014, alors qu'il circulait à vélo à Genève, A., né en 1980, a chuté après que sa roue avant se fut bloquée dans les rails du tram. L'accident a causé, parmi d'autres lésions, plusieurs fractures au niveau du bassin. Le 14 décembre 2016, alors qu'il avait repris une activité de coursier à vélo à temps partiel, A. a été victime d'une nouvelle chute lors de laquelle il s'est blessé au poignet gauche. Par lettre du 5 février 2018, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), qui avait pris en charge les deux accidents, a informé l'assuré qu'elle mettrait un terme au 28 février 2018 au paiement des indemnités journalières ainsi qu'aux soins médicaux, sous réserve d'un traitement symptomatique en cas de besoin. Par décision du 23 avril 2018, elle lui a reconnu le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 14 % à compter du 1er mars 2018 - calculée sur la base d'un gain annuel assuré de 16'779 fr. - et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 30 %. Saisie d'une opposition, elle l'a partiellement admise par décision du 15 avril 2019, en ce sens qu'elle a fixé le gain assuré à 46'814 fr. et le taux d'atteinte à l'intégrité à 40 %. Pour le reste, elle a considéré que les troubles psychiques dont souffrait l'assuré n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec les deux accidents, de sorte qu'elle n'entendait pas mettre en oeuvre d'autres mesures d'instruction afin de départager les avis divergents des médecins psychiatres.
B. Par jugement du 30 avril 2021, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition, considérant notamment qu'il n'y avait pas de lien de causalité adéquate entre les accidents et les troubles psychiques de l'assuré.
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C. Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours interjeté par A. (résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

5.

5.1

5.1.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière (ATF 142 V 435 consid. 1; ATF 129 V 177 consid. 3.1). Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 144 IV 285 consid. 2.8.2; ATF 139 V 176 consid. 8.4.2; ATF 129 V 177 précité consid. 3.2). En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Il y a lieu, d'une part, d'opérer une classification des accidents en fonction de leur degré de gravité et, d'autre part, de prendre en considération un certain nombre d'autres critères déterminants (cf. ATF 129 V 402 consid. 4.4.1; ATF 115 V 133 consid. 6c/aa, ATF 115 V 403 consid. 5c/aa).
5.1.2 Dans un arrêt du 17 février 2021, publié aux ATF 147 V 207, le Tribunal fédéral a rappelé que dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat. Il n'est en revanche pas admissible reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante. D'une part, un tel procédé est contraire à

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la logique du système. En effet, le droit à des prestations découlant d'un accident suppose tout d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Ainsi, on ne peut pas retenir qu'un accident est propre, sous l'angle juridique, à provoquer des troubles psychiques éventuellement incapacitants sans disposer de renseignements médicaux fiables sur l'existence de tels troubles, leurs répercussions sur la capacité de travail et leur lien de causalité avec cet accident. D'autre part, la reconnaissance préalable d'un lien de causalité adéquate est un élément de nature à influencer, consciemment ou non, le médecin psychiatre dans son appréciation du cas, et donc le résultat d'une expertise psychiatrique réalisée après coup s'en trouverait biaisé (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).
5.2

5.2.1 En l'espèce, la cour cantonale, tout comme l'intimée, a procédé à l'examen du caractère adéquat du lien de causalité entre les troubles psychiques et les accidents subis, laissant ouverte la question du lien de causalité naturelle. Elle a écarté l'existence du lien de causalité adéquate, classant l'accident du 14 décembre 2016 dans la catégorie des accidents insignifiants et celui du 1er septembre 2014 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. A ce dernier propos, elle a considéré que seuls deux des critères posés par la jurisprudence en la matière pouvaient être retenus, soit les critères relatifs aux complications médicales et à la persistance des douleurs. Cela ne suffisait pas, dès lors qu'en présence d'un accident de gravité moyenne, il fallait un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante, hypothèses en l'occurrence non réalisées.
5.2.2 De son côté, le recourant soutient, au regard de l'accident du 1er septembre 2014, que cinq critères seraient réunis, à savoir, en sus des critères retenus par la cour cantonale, la durée anormalement longue du traitement médical, la nature particulière des lésions physiques, ainsi que le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.
5.3

5.3.1 S'agissant du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, l'aspect temporel n'est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3). La prise de
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médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations, même pendant une certaine durée, ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_804/2014 du 16 novembre 2015 consid. 5.2.2 et la référence). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d'un assuré ayant subi quatre interventions chirurgicales entre juillet 2010 et juillet 2015, au motif notamment que les hospitalisations avaient été de courte durée et que mises à part lesdites interventions, l'essentiel du traitement médical avait consisté en des mesures conservatrices (arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3). En revanche, elle l'a admis dans le cas d'un assuré qui, hospitalisé du 15 décembre 2011 au 5 janvier 2012, avait subi trois interventions chirurgicales du coude gauche, puis une ablation du fixateur externe le 7 février 2012, une ablation du matériel d'ostéosynthèse et arthrolyse du coude le 19 novembre 2013 nécessitant une hospitalisation jusqu'au 19 décembre suivant et enfin une opération de neurolyses des nerfs ulnaire et médian au coude et poignet gauches le 10 février 2015; l'assuré avait en outre séjourné à la Clinique de réadaptation D. pendant un peu plus d'un mois pour une évaluation multidisciplinaire et professionnelle (arrêt 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 6.3.2). Le critère a également été admis dans le cas d'une longue et pénible convalescence sur une période de 21 mois impliquant trois interventions chirurgicales ayant tenu l'assuré loin de chez lui pendant près de cinq mois à compter de l'accident, puis deux autres opérations pratiquées par la suite pour enlever le matériel d'ostéosynthèse et nécessitant encore deux semaines de rééducation intensive (arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2).
5.3.2 En l'espèce, hormis les traitements médicamenteux ou non invasifs, tels que les séances de physiothérapie, le recourant a été hospitalisé pendant sept mois ensuite de l'accident du 1er septembre 2014 (du 1er septembre 2014 au 1er avril 2015), dont deux mois de transferts "lit-fauteuil" pour garantir l'absence de charge sur les deux membres inférieurs. Il s'est soumis à deux opérations chirurgicales d'ostéosynthèse au niveau du bassin le 8 septembre 2014, à une opération d'ablation du matériel d'ostéosynthèse le 15 septembre 2015, suivie de trois semaines d'hospitalisation, puis à une nouvelle hospitalisation de près d'un mois (du 24 mai au 21 juin 2017) en raison de l'exacerbation des douleurs au niveau du bassin et enfin à une évaluation multidisciplinaire du 26 février au 12 mars 2019. Au titre d'interventions figurent également une urétrographie-cystoscopie sous
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narcose le 30 avril 2018 et des perfusions de xylocaïne et de kétamine fin 2018-début 2019. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le critère afférent à la durée et à l'intensité du traitement médical doit ainsi être considéré comme rempli.
5.4 Avec les deux autres critères admis par la juridiction précédente, cela suffirait en principe à reconnaître le caractère adéquat des troubles psychiques du recourant, étant rappelé que l'accident du 1er septembre 2014 a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, pour lesquels il faut un cumul de trois critères sur sept, ou au moins que l'un des critères se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 4.3 in fine et les arrêts cités). A ce stade, il est toutefois prématuré d'examiner si la cour cantonale était fondée à retenir les critères relatifs aux complications médicales et aux douleurs persistantes ou si les autres critères encore invoqués par le recourant sont bel et bien réalisés. En effet, en tout état de cause, il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées (cf. consid. 5.1.2 supra).
Il convient par conséquent de renvoyer la cause à l'intimée pour qu'elle instruise ces questions - d'ailleurs en partie controversées dans le cas d'espèce - au moyen d'une expertise psychiatrique concluante (cf. ATF 141 V 574 s'agissant de l'évaluation du caractère invalidant des troubles psychiques). Puis elle se prononcera définitivement sur le droit du recourant à des prestations pour ses troubles psychiques, en procédant, au besoin, à un nouvel examen circonstancié du lien de causalité adéquate.
5.5 Ce qui précède vaut également pour les autorités de recours de première instance qui se retrouveraient dans la même constellation, à savoir saisies d'un examen du lien de causalité adéquate à l'égard de troubles psychiques alors que la question de la causalité naturelle a été laissée ouverte. Dans ce cas, si le juge parvient à la conclusion que l'appréciation de l'assureur-accidents est erronée sur un ou plusieurs critères et que l'admission du lien du causalité adéquate pourrait entrer en considération, il doit, avant de statuer définitivement sur ce dernier point, instruire ou faire instruire par l'assureur-accidents les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle.
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 148 V 138
Datum : 27. Januar 2022
Publiziert : 08. Juni 2022
Quelle : Bundesgericht
Status : 148 V 138
Sachgebiet : BGE - Sozialversicherungsrecht (bis 2006: EVG)
Gegenstand : Art. 6 UVG; Art. 4 ATSG; Beurteilung des adäquaten Kausalzusammenhangs zwischen einem Unfall und psychischen Beschwerden,


Gesetzesregister
ATSG: 4
SR 830.1 Bundesgesetz vom 6. Oktober 2000 über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG)
ATSG Art. 4 Unfall - Unfall ist die plötzliche, nicht beabsichtigte schädigende Einwirkung eines ungewöhnlichen äusseren Faktors auf den menschlichen Körper, die eine Beeinträchtigung der körperlichen, geistigen oder psychischen Gesundheit oder den Tod zur Folge hat.
UVG: 6
SR 832.20 Bundesgesetz vom 20. März 1981 über die Unfallversicherung (UVG)
UVG Art. 6 Allgemeines - 1 Soweit dieses Gesetz nichts anderes bestimmt, werden die Versicherungsleistungen bei Berufsunfällen, Nichtberufsunfällen und Berufskrankheiten gewährt.
1    Soweit dieses Gesetz nichts anderes bestimmt, werden die Versicherungsleistungen bei Berufsunfällen, Nichtberufsunfällen und Berufskrankheiten gewährt.
2    Die Versicherung erbringt ihre Leistungen auch bei folgenden Körperschädigungen, sofern sie nicht vorwiegend auf Abnützung oder Erkrankung zurückzuführen sind:
a  Knochenbrüche;
b  Verrenkungen von Gelenken;
c  Meniskusrisse;
d  Muskelrisse;
e  Muskelzerrungen;
f  Sehnenrisse;
g  Bandläsionen;
h  Trommelfellverletzungen.21
3    Die Versicherung erbringt ihre Leistungen ausserdem für Schädigungen, die dem Verunfallten bei der Heilbehandlung zugefügt werden (Art. 10).
BGE Register
115-V-133 • 115-V-403 • 129-V-177 • 129-V-402 • 139-V-176 • 141-V-574 • 142-V-435 • 144-IV-285 • 147-V-207 • 148-V-138
Weitere Urteile ab 2000
8C_249/2018 • 8C_421/2021 • 8C_766/2017 • 8C_804/2014 • 8C_818/2015 • 8C_96/2017
Stichwortregister
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