Urteilskopf

143 II 57

5. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre Secrétariat d'Etat aux migrations (recours en matière de droit public) 2C_284/2016 du 20 janvier 2017

Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 57

BGE 143 II 57 S. 57

A.

A.a Le 4 avril 2002, X., ressortissante équatorienne née en 1944, a introduit auprès de l'Ambassade suisse à Quito (ci-après: l'Ambassade) une demande tendant à la délivrance d'un visa de séjour
BGE 143 II 57 S. 58

touristique, devant lui permettre de rendre visite à sa famille établie en Suisse. Cette requête a été rejetée le 11 juin 2002. Les 15 et 19 août 2002, l'intéressée a déposé une nouvelle demande de visa auprès de l'Ambassade. La suite de cette démarche est inconnue.
A.b Le 10 janvier 2007, X. a fait l'objet d'un contrôle à l'aéroport de Genève, alors qu'elle s'apprêtait à quitter la Suisse à destination de l'Equateur. Il a ainsi été constaté qu'elle avait séjourné en Suisse démunie de toute autorisation. Par décision du 23 janvier 2007, l'Office fédéral des migrations (devenu entretemps le Secrétariat d'Etat aux migrations; ci-après: le SEM) a prononcé à l'encontre de X. une interdiction d'entrée en Suisse pour "infractions graves aux prescriptions de police des étrangers", valable jusqu'au 22 janvier 2009.
B.

B.a Le 8 décembre 2010, X. a déposé auprès de l'Office cantonal de la population du canton de Genève (devenu entretemps l'Office cantonal de la population et des migrations; ci-après: l'Office cantonal) une demande d'autorisation de séjour fondée sur l'art. 28
SR 142.20 Bundesgesetz vom 16. Dezember 2005 über die Ausländerinnen und Ausländer und über die Integration (Ausländer- und Integrationsgesetz, AIG) - Ausländer- und Integrationsgesetz
AIG Art. 28 Rentnerinnen und Rentner - Ausländerinnen und Ausländer, die nicht mehr erwerbstätig sind, können zugelassen werden, wenn sie:
a  ein vom Bundesrat festgelegtes Mindestalter erreicht haben;
b  besondere persönliche Beziehungen zur Schweiz besitzen; und
c  über die notwendigen finanziellen Mittel verfügen.
LEtr (RS 142.20). Par décision du 28 juin 2012, l'Office cantonal a refusé de délivrer une autorisation de séjour à l'intéressée et a prononcé son renvoi de Suisse.
B.b Le 6 juillet 2012, X. a recouru contre la décision de l'Office cantonal auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI), en invoquant notamment un droit au regroupement familial avec sa belle-fille Y., de nationalité franco-suisse, sous l'angle de l'art. 3 annexe I de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après: l'ALCP ou l'Accord; RS 0.142.112.681). Le 19 septembre 2012, l'Office cantonal a annulé sa décision du 28 juin 2012 et a repris l'instruction de la cause. Par jugement du 27 septembre 2012, le TAPI a rayé du rôle le recours formé par l'intéressée le 6 juillet 2012. Le 11 décembre 2012, l'Office cantonal a informé X. qu'il entendait donner suite à sa requête du 8 décembre 2010, tout en lui indiquant que cette décision demeurait soumise à l'approbation du SEM.
B.c Le 20 avril 2015, le SEM a refusé d'approuver l'octroi d'une autorisation de séjour à l'intéressée et prononcé le renvoi de Suisse de
BGE 143 II 57 S. 59

celle-ci. Par arrêt du 10 février 2016, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours formé par X. contre la décision du SEM du 20 avril 2015. L'instance précédente a retenu, en substance, que la recourante ne pouvait pas se prévaloir du regroupement familial avec sa belle-fille sur la base de l'ALCP. En effet, cette dernière, qui était née en France et était actuellement domiciliée en Suisse, disposait de la double nationalité suisse et française, mais n'avait jamais fait usage de son droit à la libre circulation, de sorte que l'ALCP n'était pas applicable à sa situation.
C. A l'encontre de l'arrêt du 10 février 2016, X. dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt entrepris. Le Tribunal administratif fédéral renonce à se déterminer sur le recours. Le Secrétariat d'Etat aux migrations dépose des observations et conclut au rejet du recours. La recourante a répliqué. Par ordonnance du 7 avril 2016, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif au recours.
Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Le litige porte sur le point de savoir si la recourante peut se prévaloir de l'ALCP pour en tirer un droit au regroupement familial avec sa belle-fille Y., laquelle dispose de la double nationalité suisse et française. A ce sujet, l'intéressée soutient que, contrairement à ce que retient l'arrêt attaqué, l'ALCP serait applicable à sa situation.
3.1 Le Tribunal administratif fédéral a constaté que Y. était née en France et s'était ensuite installée en Suisse, de sorte qu'elle ne s'était pas déplacée "en dehors des Etats dont elle possède la nationalité". L'instance précédente a considéré que, dans ces circonstances, Y. n'avait pas fait usage de son droit à la libre circulation et que l'ALCP ne trouvait donc pas application. Elle a notamment fondé son raisonnement sur un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après: la CJUE) du 5 mai 2011 (arrêt McCarthy, C-434/09).
3.2 Selon l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP, les membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec elle. Cela vaut notamment, à certaines conditions, pour ses ascendants et ceux de son conjoint qui sont à sa charge, quelle que soit leur nationalité (art. 3 par. 2 let. b annexe I ALCP).
BGE 143 II 57 S. 60

La LEtr n'est applicable aux membres de la famille des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne (actuellement: Union européenne) que dans la mesure où l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsque la loi fédérale prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2
SR 142.20 Bundesgesetz vom 16. Dezember 2005 über die Ausländerinnen und Ausländer und über die Integration (Ausländer- und Integrationsgesetz, AIG) - Ausländer- und Integrationsgesetz
AIG Art. 2 Geltungsbereich - 1 Dieses Gesetz gilt für Ausländerinnen und Ausländer, soweit keine anderen Bestimmungen des Bundesrechts oder von der Schweiz abgeschlossene völkerrechtliche Verträge zur Anwendung kommen.
1    Dieses Gesetz gilt für Ausländerinnen und Ausländer, soweit keine anderen Bestimmungen des Bundesrechts oder von der Schweiz abgeschlossene völkerrechtliche Verträge zur Anwendung kommen.
2    Für Staatsangehörige der Mitgliedstaaten der Europäischen Gemeinschaft (EG), ihre Familienangehörigen sowie für in die Schweiz entsandte Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer von Arbeitgebern, die in einem dieser Staaten ihren Wohnsitz oder Sitz haben, gilt dieses Gesetz nur so weit, als das Abkommen vom 21. Juni 19994 zwischen der Schweizerischen Eidgenossenschaft einerseits und der Europäischen Gemeinschaft und ihren Mitgliedstaaten andererseits über die Freizügigkeit keine abweichenden Bestimmungen enthält oder dieses Gesetz günstigere Bestimmungen vorsieht.
3    Für Staatsangehörige der Mitgliedstaaten der Europäischen Freihandelsassoziation (EFTA), ihre Familienangehörigen und für in die Schweiz entsandte Arbeitnehmerinnen und Arbeitnehmer von Arbeitgebern, die in einem dieser Staaten ihren Wohnsitz oder Sitz haben, gilt dieses Gesetz nur so weit, als das Abkommen zur Änderung des Übereinkommens zur Errichtung der Europäischen Freihandelsassoziation vom 21. Juni 20015 keine abweichenden Bestimmungen enthält oder dieses Gesetz günstigere Bestimmungen vorsieht.
4    Die Bestimmungen über das Visumverfahren und über die Ein- und Ausreise gelten nur, sofern die Schengen-Assoziierungsabkommen keine abweichenden Bestimmungen enthalten.6
5    Die Schengen-Assoziierungsabkommen sind in Anhang 1 Ziffer 1 aufgeführt.7
LEtr). Tel n'est pas le cas en l'occurrence, l'art. 42 al. 2
SR 142.20 Bundesgesetz vom 16. Dezember 2005 über die Ausländerinnen und Ausländer und über die Integration (Ausländer- und Integrationsgesetz, AIG) - Ausländer- und Integrationsgesetz
AIG Art. 42 Familienangehörige von Schweizerinnen und Schweizern - 1 Ausländische Ehegatten und ledige Kinder unter 18 Jahren von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie mit diesen zusammenwohnen.
1    Ausländische Ehegatten und ledige Kinder unter 18 Jahren von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie mit diesen zusammenwohnen.
2    Ausländische Familienangehörige von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie im Besitz einer dauerhaften Aufenthaltsbewilligung eines Staates sind, mit dem ein Freizügigkeitsabkommen abgeschlossen wurde. Als Familienangehörige gelten:
a  der Ehegatte und die Verwandten in absteigender Linie, die unter 21 Jahre alt sind oder denen Unterhalt gewährt wird;
b  die eigenen Verwandten und die Verwandten des Ehegatten in aufsteigender Linie, denen Unterhalt gewährt wird.
3    Nach einem ordnungsgemässen und ununterbrochenen Aufenthalt von fünf Jahren haben die Ehegatten Anspruch auf Erteilung der Niederlassungsbewilligung, wenn die Integrationskriterien nach Artikel 58a erfüllt sind.62
4    Kinder unter zwölf Jahren haben Anspruch auf Erteilung der Niederlassungsbewilligung.
LEtr étant moins favorable, en matière de regroupement familial concernant les ascendants des citoyens suisses et de leur conjoint, que l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas. En effet, l'art. 42 al. 2
SR 142.20 Bundesgesetz vom 16. Dezember 2005 über die Ausländerinnen und Ausländer und über die Integration (Ausländer- und Integrationsgesetz, AIG) - Ausländer- und Integrationsgesetz
AIG Art. 42 Familienangehörige von Schweizerinnen und Schweizern - 1 Ausländische Ehegatten und ledige Kinder unter 18 Jahren von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie mit diesen zusammenwohnen.
1    Ausländische Ehegatten und ledige Kinder unter 18 Jahren von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie mit diesen zusammenwohnen.
2    Ausländische Familienangehörige von Schweizerinnen und Schweizern haben Anspruch auf Erteilung und Verlängerung der Aufenthaltsbewilligung, wenn sie im Besitz einer dauerhaften Aufenthaltsbewilligung eines Staates sind, mit dem ein Freizügigkeitsabkommen abgeschlossen wurde. Als Familienangehörige gelten:
a  der Ehegatte und die Verwandten in absteigender Linie, die unter 21 Jahre alt sind oder denen Unterhalt gewährt wird;
b  die eigenen Verwandten und die Verwandten des Ehegatten in aufsteigender Linie, denen Unterhalt gewährt wird.
3    Nach einem ordnungsgemässen und ununterbrochenen Aufenthalt von fünf Jahren haben die Ehegatten Anspruch auf Erteilung der Niederlassungsbewilligung, wenn die Integrationskriterien nach Artikel 58a erfüllt sind.62
4    Kinder unter zwölf Jahren haben Anspruch auf Erteilung der Niederlassungsbewilligung.
LEtr suppose que les intéressés soient titulaires d'une autorisation de séjour durable délivrée par un Etat avec lequel la Suisse a conclu un accord sur la libre circulation des personnes, condition que ne remplit pas la recourante. Partant, son éventuel droit de séjour en Suisse ne peut découler que de l'ALCP.
3.3 Il est donc déterminant de savoir si l'Accord trouve application lorsque la personne qui est à la base du regroupement familial est à la fois ressortissante d'une partie contractante au sens de l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP et citoyenne suisse.
3.4 Le Tribunal fédéral a longtemps laissé ouverte la question de l'application de l'ALCP en cas de double nationalité (ATF 130 II 176 consid. 2.3 p. 179; arrêts 2A.557/2002 du 3 juin 2004 consid. 3.2 et 2A.425/2003 du 5 mars 2004 consid. 3.4). Il y a apporté une réponse positive dans un arrêt du 24 mars 2009 publié aux ATF 135 II 369, dans lequel il a considéré qu'une ressortissante turque dont le gendre possédait la double nationalité suisse et italienne, pouvait se prévaloir de l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP pour demander le renouvellement de son autorisation de séjour. Selon cette jurisprudence, le simple fait de posséder la nationalité d'un Etat membre permet de fonder le regroupement familial en application de l'ALCP (ATF 135 II 369 consid. 2 p. 372; cf. aussi HANSJÖRG SEILER, Einfluss des europäischen Rechts und der europäischen Rechtsprechung auf die schweizerische Rechtspflege, RJB 150/2014 p. 265 ss, 281). Dans les arrêts ultérieurs, le Tribunal fédéral a en principe admis l'applicabilité de l'ALCP à l'égard de ressortissants étrangers demandant le regroupement familial en se prévalant de la double nationalité - suisse et d'un pays de l'Union européenne - d'un membre de leur famille, sans examiner au préalable le point de savoir si les double-nationaux avaient ou non fait usage de leur droit à la libre circulation (ATF 136 II 177 consid. 3.1 p. 182 s.; arrêts 2C_296/2015 du 28 janvier 2016
BGE 143 II 57 S. 61

consid. 1.1; 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 1.2; 2C_958/2012 du 20 juin 2013 consid. 2.5; 2C_766/2011 du 19 juin 2012 consid. 3.1; 2C_902/2011 du 14 mai 2012 consid. 1.2 et 2; 2C_1007/2011 du 12 mars 2012 consid. 1.2.1; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 3.3; 2C_799/2009 du 21 juin 2010 consid. 1.2).
3.5 Dans l'arrêt McCarthy du 5 mai 2011 invoqué par le Tribunal administratif fédéral, la CJUE a retenu qu'un ressortissant jamaïcain ne pouvait pas se prévaloir de la double nationalité de son épouse, ressortissante britannique possédant également la nationalité irlandaise, pour bénéficier au Royaume-Uni d'une autorisation de séjour en application du droit européen. La Cour a notamment considéré que l'art. 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, selon lequel tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ne s'appliquait pas à l'égard d'une citoyenne de l'Union qui n'avait jamais fait usage de son droit à la libre circulation, mais avait toujours séjourné dans un Etat membre dont elle possédait la nationalité, même si elle bénéficiait, par ailleurs, aussi de la nationalité d'un autre Etat membre (arrêt McCarthy précité, par. 56). A ce jour, le Tribunal fédéral n'a pas tranché le point de savoir si cette jurisprudence est applicable dans le domaine de l'ALCP (arrêts 2C_1071/2013 du 6 juin 2014 consid. 3.3 et 2C_195/2011 du 17 octobre 2011 consid. 1.1).
3.6 Aux termes de l'art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l'application de l'Accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement: CJUE) antérieure à la date de sa signature. L'arrêt McCarthy a été rendu en 2011; il est donc postérieur à la date de signature de l'ALCP (le 21 juin 1999). Dans un arrêt de principe du 26 novembre 2015 (ATF 142 II 35), le Tribunal fédéral a toutefois rappelé que, de jurisprudence constante, dans le but d'assurer une situation juridique parallèle entre les Etats membres de la Communauté européenne, d'une part, et entre ceux-ci et la Suisse, d'autre part, il s'inspire des arrêts rendus par la CJUE après la date de signature de l'ALCP, pour autant que des motifs sérieux ne s'y opposent pas (ATF 142 II 35 consid. 3.1 p. 38; cf. ATF 140 II 112 consid. 3.2 p. 117; ATF 139 II 393 consid. 4.1.1 p. 397 s.; ATF 136 II 65 consid. 3.1 p. 70 s., ATF 136 II 5 consid. 3.4 p. 12 s.; arrêts 2C_375/2014 du 4 février 2015 consid. 3.3; 2C_470/2014 du 29 janvier 2015 consid. 3.3; 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 2.1.3)

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.

3.7 L'arrêt McCarthy repose sur l'idée que le binational qui se trouve dans une "situation purement interne" (arrêt McCarthy précité, par. 46) ne peut pas se prévaloir du droit à la libre circulation. A ce sujet, la CJUE a rappelé que "les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l'une quelconque des situations envisagées par le droit de l'Union et dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul Etat membre" (arrêt McCarthy précité, par. 45). C'est sur cette base que la CJUE a jugé que le mari de la recourante McCarthy ne pouvait pas invoquer la nationalité irlandaise de son épouse pour bénéficier au Royaume-Uni d'une autorisation de séjour, car celle-ci avait toujours séjourné au Royaume-Uni et n'avait jamais vécu en Irlande, de sorte qu'elle n'avait pas fait usage de son droit à la libre circulation (arrêt McCarthy précité, par. 57). La prise en compte des principes développés dans l'arrêt McCarthy n'exclut pas qu'un binational puisse se prévaloir de l'ALCP lorsqu'il se trouve dans une situation relevant de la libre circulation, ce qui correspond du reste à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (cf. les nombreux arrêts cités au consid. 3.4 ci-dessus).
3.8 Une autre jurisprudence de la CJUE peut aussi jouer un rôle pour la présente affaire.
3.8.1 Dans un arrêt de 2014, la CJUE a examiné les conditions d'octroi d'un droit de séjour dérivé à un ressortissant d'un Etat tiers, membre de la famille d'un citoyen de l'Union, lorsque ce dernier a séjourné dans un Etat membre dont il ne possède pas la nationalité et est ensuite retourné s'installer dans l'Etat membre dont il est originaire. A ce sujet, la CJUE a notamment retenu ce qui suit (arrêt de la CJUE du 12 mars 2014 C-456/12, par. 54): "Lorsque, à l'occasion d'un séjour effectif du citoyen de l'Union dans l'Etat membre d'accueil, en vertu et dans le respect des conditions de l'article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, une vie de famille s'est développée ou consolidée dans ce dernier Etat membre, l'effet utile des droits que le citoyen de l'Union concerné tire de l'article 21, paragraphe 1, TFUE exige que la vie de famille que ce citoyen a menée dans l'Etat membre d'accueil puisse être poursuivie lors de son retour dans l'Etat membre dont il possède la nationalité, par l'octroi d'un droit de séjour dérivé au membre de la famille concerné, ressortissant d'un Etat tiers. En effet, en l'absence d'un tel droit de séjour dérivé, ce citoyen de l'Union serait dissuadé de quitter l'Etat membre dont il a la nationalité afin d'exercer son
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droit de séjour, en vertu de l'article 21, paragraphe 1, TFUE, dans un autre Etat membre, en raison du fait qu'il n'a pas la certitude de pouvoir poursuivre dans l'Etat membre dont il est originaire une vie de famille avec ses proches parents ainsi développée ou consolidée dans l'Etat membre d'accueil". Selon la jurisprudence de la CJUE, l'existence d'un droit de séjour dérivé, pour les membres de la famille d'un citoyen de l'Union, dans l'Etat dont ce dernier possède la nationalité et dans lequel il désire s'installer, suppose donc que les intéressés aient acquis la qualité de "membres de la famille" lors du séjour de la personne en question dans l'Etat membre d'accueil, ou que leurs liens se soient consolidés lors de ce séjour, c'est-à-dire avant le retour de ladite personne dans son Etat d'origine (arrêt de la CJUE du 12 mars 2014 C-456/12, par. 63; cf. aussi l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes [ci-après: CJCE] du 7 juillet 1992 Singh C-370/90, par. 19 ss et 25, ainsi que l'arrêt de la CJCE du 11 décembre 2007 Eind C-291/05, par. 35 ss).
3.8.2 Il en découle que, pour pouvoir se prévaloir d'un droit de séjour dérivé découlant de l'ALCP, le ressortissant d'un Etat tiers doit avoir créé une vie de famille avec la personne de référence, ou à tout le moins l'avoir consolidée, dans l'Etat d'accueil, avant le retour de celle-ci dans son Etat d'origine. En revanche, lorsque les liens familiaux en question ont pris naissance ou se sont consolidés seulement après ce retour, on est en présence - du point de vue du regroupement familial - d'une situation purement interne, à laquelle l'Accord ne saurait s'appliquer.
3.9 Les conséquences de ces deux arrêts évoquées précédemment ne révèlent aucun motif sérieux s'opposant à ce que le Tribunal fédéral s'inspire des principes résultant des jurisprudences de la CJUE précitées dans l'application de l'ALCP en matière de regroupement familial (cf. supra consid. 3.6).
3.10 La présente cause comporte des différences par rapport aux jurisprudences examinées ci-dessus.
3.10.1 En premier lieu, la situation de Y. ne saurait être comparée à celle qui prévalait dans l'arrêt McCarthy. En effet, alors que Mme McCarthy avait toujours résidé au Royaume-Uni, Y. est née en France en 1966 (art. 105 al. 2
SR 173.110 Bundesgesetz vom 17. Juni 2005 über das Bundesgericht (Bundesgerichtsgesetz, BGG) - Bundesgerichtsgesetz
BGG Art. 105 Massgebender Sachverhalt - 1 Das Bundesgericht legt seinem Urteil den Sachverhalt zugrunde, den die Vorinstanz festgestellt hat.
1    Das Bundesgericht legt seinem Urteil den Sachverhalt zugrunde, den die Vorinstanz festgestellt hat.
2    Es kann die Sachverhaltsfeststellung der Vorinstanz von Amtes wegen berichtigen oder ergänzen, wenn sie offensichtlich unrichtig ist oder auf einer Rechtsverletzung im Sinne von Artikel 95 beruht.
3    Richtet sich die Beschwerde gegen einen Entscheid über die Zusprechung oder Verweigerung von Geldleistungen der Militär- oder Unfallversicherung, so ist das Bundesgericht nicht an die Sachverhaltsfeststellung der Vorinstanz gebunden.95
LTF) et s'est installée en Suisse en 1989, de sorte qu'elle a passé les vingt-trois premières années de sa vie en France avant de se déplacer en Suisse. Les circonstances de la cause
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concernent donc deux Etats et ne sauraient ainsi relever en ce sens d'une "situation purement interne", telle que celle retenue par la CJUE dans l'arrêt McCarthy (arrêt McCarthy précité, par. 46).
3.10.2 Contrairement à la situation retenue dans l'arrêt de la CJUE du 12 mars 2014 précité (C-456/12; cf. supra consid. 3.8.1), la belle-fille de la recourante jouit d'une double nationalité (suisse et française). Cependant, du point de vue de la Suisse, Y. est une ressortissante suisse qui, après avoir séjourné dans un Etat partie à l'ALCP, dont elle a par ailleurs la nationalité (la France), s'est installée en Suisse en 1989. Conformément à la jurisprudence de la CJUE exposée ci-dessus, dont il y a lieu de s'inspirer dans l'application de l'ALCP en matière de regroupement familial (cf. supra consid. 3.9), la recourante ne peut se prévaloir d'un droit de séjour dérivé découlant de l'Accord. En effet, il ressort de l'extrait d'acte de mariage figurant au dossier (art. 105 al. 2
SR 173.110 Bundesgesetz vom 17. Juni 2005 über das Bundesgericht (Bundesgerichtsgesetz, BGG) - Bundesgerichtsgesetz
BGG Art. 105 Massgebender Sachverhalt - 1 Das Bundesgericht legt seinem Urteil den Sachverhalt zugrunde, den die Vorinstanz festgestellt hat.
1    Das Bundesgericht legt seinem Urteil den Sachverhalt zugrunde, den die Vorinstanz festgestellt hat.
2    Es kann die Sachverhaltsfeststellung der Vorinstanz von Amtes wegen berichtigen oder ergänzen, wenn sie offensichtlich unrichtig ist oder auf einer Rechtsverletzung im Sinne von Artikel 95 beruht.
3    Richtet sich die Beschwerde gegen einen Entscheid über die Zusprechung oder Verweigerung von Geldleistungen der Militär- oder Unfallversicherung, so ist das Bundesgericht nicht an die Sachverhaltsfeststellung der Vorinstanz gebunden.95
LTF), que Y. s'est mariée avec le fils de la recourante le 16 août 2008, alors qu'elle était en Suisse, pays dont elle est ressortissante, depuis près de 20 ans. Les liens familiaux qu'elle a créés avec sa belle-mère sont donc postérieurs à son entrée en Suisse, de sorte que la situation, s'agissant du droit au regroupement familial, doit être envisagée comme purement interne.
3.11 Il ressort de ce qui précède qu'en refusant d'examiner la situation de la recourante sous l'angle de l'ALCP, l'instance précédente n'a pas violé le droit conventionnel. (...)
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 143 II 57
Date : 20. Januar 2017
Publié : 20. Mai 2017
Source : Bundesgericht
Statut : 143 II 57
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : Art. 16 Abs. 2 FZA; Art. 3 Abs. 1 Anhang I FZA; Familiennachzug; abgeleitetes Aufenthaltsrecht aus FZA und doppelte Staatsangehörigkeit.


Répertoire des lois
CE: Ac libre circ.: 3  16
LEtr: 2 
SR 142.20 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)
LEI Art. 2 Champ d'application - 1 La présente loi s'applique aux étrangers dans la mesure où leur statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse.
1    La présente loi s'applique aux étrangers dans la mesure où leur statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse.
2    Elle n'est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne (CE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse, et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes5 n'en dispose pas autrement ou lorsque la présente loi prévoit des dispositions plus favorables.
3    Elle n'est applicable aux ressortissants des États membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'accord du 21 juin 2001 amendant la convention instituant l'Association européenne de libre-échange6 n'en dispose pas autrement ou lorsque la présente loi prévoit des dispositions plus favorables.
4    Les dispositions sur la procédure en matière de visa ainsi que sur l'entrée en Suisse et la sortie de Suisse ne s'appliquent que dans la mesure où les accords d'association à Schengen ne contiennent pas de dispositions divergentes.7
5    Les accords d'association à Schengen sont mentionnés à l'annexe 1, ch. 1.8
28 
SR 142.20 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)
LEI Art. 28 Rentiers - Un étranger qui n'exerce plus d'activité lucrative peut être admis aux conditions suivantes:
a  il a l'âge minimum fixé par le Conseil fédéral;
b  il a des liens personnels particuliers avec la Suisse;
c  il dispose des moyens financiers nécessaires.
42
SR 142.20 Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)
LEI Art. 42 Membres étrangers de la famille d'un ressortissant suisse - 1 Le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.
1    Le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.
2    Les membres de la famille d'un ressortissant suisse titulaires d'une autorisation de séjour durable délivrée par un État avec lequel la Suisse a conclu un accord sur la libre circulation des personnes ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa validité. Sont considérés comme membres de sa famille:
a  le conjoint et ses descendants âgés de moins de 21 ans ou dont l'entretien est garanti;
b  les ascendants du ressortissant suisse ou de son conjoint dont l'entretien est garanti.
3    Après un séjour légal ininterrompu de cinq ans, le conjoint a droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement si les critères d'intégration définis à l'art. 58a sont remplis.67
4    Les enfants de moins de douze ans ont droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement.
LTF: 105
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
1    Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2    Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95.
3    Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99
Répertoire ATF
130-II-176 • 135-II-369 • 136-II-177 • 136-II-5 • 136-II-65 • 139-II-393 • 140-II-112 • 142-II-35 • 143-II-57
Weitere Urteile ab 2000
2A.425/2003 • 2A.557/2002 • 2C_1007/2011 • 2C_1071/2013 • 2C_195/2011 • 2C_253/2010 • 2C_284/2016 • 2C_296/2015 • 2C_375/2014 • 2C_470/2014 • 2C_766/2011 • 2C_799/2009 • 2C_822/2013 • 2C_902/2011 • 2C_958/2012 • 6B_196/2012
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
accord sur la libre circulation des personnes • application du droit • ascendant • augmentation • autorisation de séjour • autorisation ou approbation • confédération • cour de justice de l'union européenne • double national • droit communautaire • droit public • décision • effet suspensif • examinateur • garantie de la libre circulation des personnes • gendre • inconnu • information • interdiction d'entrée • loi fédérale sur les étrangers • membre d'une communauté religieuse • membre de la famille • naissance • nationalité suisse • nouvelle demande • office fédéral des migrations • parenté • partie au contrat • police des étrangers • première instance • recours en matière de droit public • regroupement familial • royaume-uni • se déplacer • secrétariat d'état • situation juridique • suisse • touriste • traité sur l'union européenne • tribunal administratif • tribunal administratif fédéral • tribunal fédéral • turquie • ue • viol • vue • à l'intérieur