Urteilskopf

126 III 266

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 12 mai 2000 dans la cause P. Grumser S.A. contre Pierre Grumser (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 266

BGE 126 III 266 S. 266

A.- Pierre Grumser (ci-après: le demandeur) est actionnaire minoritaire de P. Grumser S.A. (ci-après: la défenderesse), une société dont le siège est à Lausanne et qui a pour but le commerce de bijouterie, orfèvrerie et horlogerie. Fondée en 1926 par le grand-père
BGE 126 III 266 S. 267

du demandeur, la société n'a jamais quitté les mains de la famille Grumser. A la fin des années 70, le père du demandeur, André Grumser, alors actionnaire majoritaire, a cherché sans succès une solution avec ses trois enfants - Marianne Gallusser-Grumser, Jacques Grumser et le demandeur - en vue d'assurer la poursuite de l'exploitation du commerce de bijouterie sis au numéro 11 de la rue Saint-François, à Lausanne. Par lettre du 30 mai 1979, la défenderesse a résilié le contrat de travail du demandeur avec effet au 30 septembre 1979. Ce dernier s'est alors établi à son propre compte, ouvrant un magasin concurrent au numéro 10 de la rue de Bourg, à Lausanne. Le 4 décembre 1979, la société Grumser S.A., ayant pour actionnaires Marianne Gallusser-Grumser, Jacques Grumser et le demandeur, a été inscrite au registre du commerce; du 1er janvier 1980 au 31 juillet 1991, elle a exploité la bijouterie-horlogerie du numéro 11 de la rue Saint-François. Par la suite, c'est la défenderesse qui a repris l'exploitation de ce commerce. André Grumser est décédé en 1991. Marianne Gallusser-Grumser est alors devenue administratrice unique de la défenderesse, puis présidente de son conseil d'administration en 1994.
B.- Le 19 avril 1996, le demandeur, qui détenait 22% des actions de la société contre 78% à sa soeur, a ouvert action contre la défenderesse, concluant à la dissolution et à la liquidation de celle-ci. Il alléguait, en substance, que le défaut de rentabilité de l'entreprise, dû selon lui à une mauvaise gestion, conduirait tôt ou tard à un surendettement et, finalement, à la faillite. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 6 juillet 1999, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a prononcé la dissolution de la défenderesse, nommé un liquidateur et mis les frais de liquidation à la charge de la société dissoute.
C.- Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse conclut à l'annulation du jugement cantonal et au rejet de l'action en dissolution. Le demandeur propose le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme le jugement attaqué.
Erwägungen

Extrait des considérants:

1. La défenderesse invoque principalement une violation de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO. Selon elle, la dissolution d'une société anonyme, en application de cette disposition, n'entrerait en ligne de compte
BGE 126 III 266 S. 268

que lorsque les actionnaires majoritaires abusent de leur position dominante contrairement à la bonne foi par des violations graves et répétées des droits des actionnaires minoritaires. Or, en l'espèce, le demandeur ne fonderait son action en dissolution que sur la gestion prétendument désastreuse de la défenderesse et son défaut de rentabilité, circonstances qui ne suffiraient en aucun cas à justifier la dissolution de la société. Pour le reste, le jugement attaqué ne révélerait pas le moindre indice d'une violation systématique, par un abus caractérisé de position dominante, des droits patrimoniaux et sociaux de l'actionnaire minoritaire. Une dissolution serait d'autant moins de mise en l'occurrence qu'il n'existe pas, entre les deux actionnaires de la défenderesse, des rapports personnels à ce point étroits qu'ils rendraient impossible la poursuite de l'activité sociale, mais, au contraire, de simples rapports de concurrence. a) Aux termes de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO, la société anonyme est dissoute par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 pour cent au moins du capital-actions requièrent la dissolution pour de justes motifs. En lieu et place, le juge peut adopter une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable pour les intéressés. La disposition citée vise à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Mesure exceptionnelle, la dissolution suppose que l'on ne puisse plus objectivement et raisonnablement imposer le maintien de la société aux actionnaires minoritaires, même en tenant compte des intérêts d'autres catégories de personnes telles que les travailleurs de l'entreprise, et que le demandeur n'ait pas la possibilité d'obtenir le résultat escompté par d'autres moyens moins rigoureux comme l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale ou l'action en responsabilité (ATF 109 II 140 consid. 4 p. 142 s.; ATF 105 II 114 consid. 6 p. 124 ss et les références). S'il est vrai que l'abus persistant de la position dominante de l'actionnaire majoritaire constitue un motif typique de dissolution, le champ d'application de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO ne se limite pas à la protection des actionnaires minoritaires contre le comportement déloyal de l'actionnaire majoritaire (FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schweizerisches Aktienrecht, n. 60 et 82 ad § 55; PHILIPP HABEGGER, Die Auflösung der Aktiengesellschaft aus wichtigen Gründen, thèse Zurich 1996, p. 71 s.; WILFRIED BERTSCH, Die Auflösung der Aktiengesellschaft aus wichtigen Gründen, thèse Zurich 1947, p. 118 et 129 ss). Une interprétation aussi restrictive ne saurait se fonder sur le texte de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO qui subordonne la dissolution judiciaire à l'existence de justes motifs sans préciser ce que recouvre cette
BGE 126 III 266 S. 269

notion. Il est donc tout à fait concevable que le maintien de la société soit intolérable pour l'actionnaire minoritaire en raison de circonstances autres qu'un abus de la position dominante de l'actionnaire majoritaire (cf. HABEGGER, op. cit., p. 93 ss). A cet égard, des aspects personnels - en particulier dans les petites sociétés à caractère familial - peuvent jouer un rôle dans la pesée des intérêts, à tout le moins lorsqu'ils rendent durablement et objectivement insupportable la continuation des rapports sociaux (ATF 105 II 114 consid. 7b p. 128; ATF 84 II 44 consid. 2 p. 50). b) Sur la base du rapport de l'expert judiciaire, la Cour civile retient que la défenderesse a été mal gérée dès 1991, soit à partir du moment où ladite société a repris de Grumser S.A. l'exploitation du commerce de bijouterie. En effet, le chiffre d'affaires a baissé de quelque 40% depuis 1991, par rapport à la décennie précédente, et la défenderesse a enregistré chaque année des pertes d'exploitation. Ces pertes cumulées démontrent, selon la cour cantonale, que le commerce de bijouterie exploité par la défenderesse n'est plus rentable. Sans doute n'est-il pas possible d'évaluer précisément la baisse du chiffre d'affaires due à la conjoncture; en revanche, il est certain que le conseil d'administration de la défenderesse n'a pas anticipé la crise conjoncturelle et n'a pas adapté les structures de la société à la situation économique. Les frais de personnel sont trop élevés et toutes les mesures propres à réduire les charges d'exploitation n'ont pas été prises. Sans un changement dans la gestion de l'entreprise, les réserves et le capital de celle-ci seront ainsi rapidement engloutis. Or, la défenderesse n'a pas démontré, ni même allégué, qu'elle avait modifié sa gestion ou qu'elle entendait le faire; elle n'a pas non plus pris des mesures d'assainissement en vue d'améliorer ses résultats. Au contraire, il ressort de la procédure provisionnelle que son actionnaire majoritaire et présidente du conseil d'administration avait décidé de racheter l'immeuble de la rue Saint-François, propriété de la défenderesse, en en payant le prix par compensation avec ses créances et reprise de la dette hypothécaire. Or, une telle transaction, revenant à priver la société de son principal actif, n'eût fait que précipiter la déconfiture de la défenderesse si elle avait abouti. Les premiers juges y voient dès lors un signe supplémentaire de l'absence de volonté, de la part de l'organe dirigeant de la défenderesse, de prendre des mesures destinées à redresser la situation précaire de celle-ci. Dans ces conditions, il n'est plus possible, à leur avis, de considérer que la défenderesse développe encore une activité compatible avec son but, qui est de faire du profit. Tout porte à croire,
BGE 126 III 266 S. 270

en réalité, qu'elle est condamnée au surendettement, puis à la faillite. Par conséquent, le demandeur, en tant qu'actionnaire minoritaire tenu à l'écart de la direction de la défenderesse, ne dispose pas d'autres moyens efficaces que l'action en dissolution pour éviter la ruine de la société. c) Contrairement à l'opinion de la défenderesse, les circonstances prises en considération par la cour cantonale ne sont pas d'emblée impropres à fonder un juste motif au sens de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO. Comme on l'a déjà souligné plus haut (consid. 1a), pour que la protection des actionnaires minoritaires assurée par la disposition citée soit efficace, il ne faut pas limiter le champ d'application de cette dernière à la seule hypothèse de l'abus de la position dominante de l'actionnaire majoritaire (FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, op. cit., n. 82 ad § 55). Le critère décisif réside bien plutôt dans le point de savoir si le maintien de la société peut être imposé, objectivement et raisonnablement, aux actionnaires minoritaires. Tel ne sera pas le cas, suivant les circonstances, lorsque le but de la société - qu'il s'agisse de l'activité commerciale en tant que telle ou de la réalisation de bénéfices - ne peut plus être atteint (HABEGGER, op. cit., p. 95; BERTSCH, op. cit., p. 132; CHRISTOPH LÜSCHER, Die Auflösung von Handelsgesellschaften aus wichtigen Gründen, thèse Bâle 1992, p. 175). Il pourra en aller de même dans le cas d'une mauvaise gestion durable, entraînant progressivement la ruine de la société (HABEGGER, op. cit., p. 99 s.; BERTSCH, op. cit., p. 140 s.; LÜSCHER, op. cit., p. 128). Dans ces deux hypothèses, en effet, les intérêts économiques dignes de protection des actionnaires minoritaires sont mis en péril. Savoir si, de ce fait, il convient de dissoudre la société ou s'il est possible de prendre des mesures moins drastiques est une question qui doit être résolue en fonction des circonstances du cas concret et sur la base d'une pesée d'intérêts. A cet égard, il importe de prendre également en considération les incidences d'une dissolution sur la situation des tiers, en particulier les actionnaires qui n'ont pas procédé et les employés de la société. La Cour civile n'a ainsi nullement violé le droit fédéral en considérant que l'absence de rentabilité durable et la mauvaise gestion persistante de la défenderesse étaient des circonstances susceptibles de justifier, en principe, la dissolution de la société en application de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO. On ne voit pas, en revanche, ce que la défenderesse entend déduire, dans ce contexte, de l'absence de relations personnelles étroites entre son actionnaire majoritaire et le demandeur.
BGE 126 III 266 S. 271

2. La défenderesse souligne, par ailleurs, que le demandeur n'a jamais formulé un quelconque grief quant à la manière dont la société a été gérée, qu'il n'a pas non plus attaqué les décisions prises par le conseil d'administration ou l'assemblée générale de la défenderesse et qu'il n'a donc pas utilisé l'une ou l'autre des voies de droit prévues par la loi pour assurer la protection des actionnaires. Or, ajoute-t-elle, la dissolution de la société revêt un caractère subsidiaire et ne peut être prononcée qu'en dernière extrémité, lorsque des mesures moins incisives ne permettraient pas d'obtenir le résultat escompté. En s'appuyant, pour l'essentiel, sur les mêmes arguments, la défenderesse reproche aux premiers juges d'avoir violé le principe de la proportionnalité. Elle fait valoir, pour le surplus, que ses pertes correspondent aux risques normaux auxquels s'expose tout actionnaire d'une société de capitaux et que ce n'est pas pour parer à ce genre de risques qu'a été instituée l'action en dissolution. a) La dissolution d'une société anonyme pour de justes motifs, au sens de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO, est une mesure radicale destinée à sauvegarder les intérêts légitimes des actionnaires minoritaires. Pour cette raison, elle n'entre en ligne de compte que si des mesures plus douces ne suffisent pas à assurer la protection de ceux-ci. Dans ce sens, une telle mesure est qualifiée parfois d'"ultima ratio" et il est aussi question de la subsidiarité de l'action en dissolution. Il ne faut cependant pas en déduire que, dans tous les cas, l'actionnaire minoritaire doit tenter de sauvegarder ses intérêts par d'autres moyens de droit tels que l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale ou l'action en responsabilité (ATF 105 II 114 consid. 6d p. 126 s.; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, op. cit., n. 110 ad § 55; STÄUBLI, Commentaire bâlois, n. 20 ad art. 736
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO; BÜRGI, Commentaire zurichois, n. 43 ad art. 736
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO). Ce qui est déterminant, ici aussi, c'est de savoir si l'on peut raisonnablement imposer à l'actionnaire minoritaire de faire valoir ses droits d'une autre manière. Ainsi, le caractère subsidiaire de l'action en dissolution n'est que l'expression du principe de la proportionnalité (ATF 105 II 114 consid. 6a p. 124; TERCIER, La dissolution de la société anonyme pour justes motifs, in Société anonyme suisse 46/1974 p. 67 ss, 73; STÄUBLI, op. cit., n. 22 ad art. 736
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO). Il appartient donc au juge du fait de procéder à la pesée soigneuse des intérêts opposés des différentes personnes concernées avant de décider si le ou les motifs avancés par le demandeur justifient ou non la dissolution de la société. Par conséquent, l'affirmation péremptoire de la défenderesse, selon laquelle semblable mesure ne saurait être ordonnée, en toute hypothèse, qu'après la mise en oeuvre d'autres moyens de droit, est erronée.
BGE 126 III 266 S. 272

b) En l'espèce, la défenderesse ne démontre pas non plus, concrètement, en quoi la Cour civile aurait violé le droit fédéral dans la pesée des intérêts qu'elle a opérée. Il a déjà été relevé qu'une mauvaise gestion durable ou le défaut de rentabilité chronique de l'entreprise peuvent constituer, en principe, de justes motifs au sens de l'art. 736 ch. 4
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
CO, car ils sont de nature à porter atteinte aux intérêts patrimoniaux des actionnaires minoritaires. Aussi ne peut-on exiger de ceux-ci qu'ils attendent que la société soit ruinée avant d'agir en dissolution (ATF 105 II 114 consid. 6a p. 124). Il ressort, par ailleurs, des constatations de fait souveraines de la cour cantonale que la défenderesse enregistre depuis plusieurs années des pertes et qu'il faut en rechercher la cause, du moins en partie, dans sa mauvaise gestion. L'intéressée n'est donc pas recevable à soutenir que ses difficultés financières n'ont qu'un caractère provisoire et ne sont dues qu'à la situation conjoncturelle (art. 63 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
OJ). La même remarque s'impose relativement aux affirmations de la défenderesse voulant que le demandeur ait débauché une partie de son personnel en 1979 et ait utilisé abusivement sa cartothèque. On ne voit pas, au demeurant, quelles mesures efficaces mais moins radicales le demandeur aurait pu solliciter dans le cas particulier, dès lors que la situation financière de la société continuait de se détériorer. La défenderesse n'indique pas non plus comment le demandeur aurait pu influer sur la gestion d'une société dont la présidente du conseil d'administration détient 78% des actions. Il ressort, d'ailleurs, du jugement attaqué qu'il a posé un certain nombre de questions aux organes de la défenderesse en ce qui concerne la marche des affaires, mais qu'il n'a obtenu que des réponses incomplètes. De surcroît, le demandeur s'est vu refuser la consultation des livres et de la correspondance. Il a donc, à tout le moins, mis en question la gestion de l'entreprise. A cela s'ajoute le fait que, selon les constatations définitives de la cour cantonale, la présidente du conseil d'administration et actionnaire majoritaire n'a ni la volonté ni la possibilité de changer son mode de gestion, si bien qu'il n'apparaît pas que des critiques plus appuyées du demandeur auraient pu changer quoi que ce soit à la situation actuelle. La Cour civile observe en outre, avec raison, que des mesures moins rigoureuses, telles que le rachat des actions du demandeur par la défenderesse ou la réduction du capital-actions de la société, sont exclues en l'espèce par les dispositions légales topiques (art. 659
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 659 - 1 La société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d'une part de ses fonds propres équivalant au montant de la valeur d'acquisition.
1    La société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d'une part de ses fonds propres équivalant au montant de la valeur d'acquisition.
2    Elle peut acquérir ses propres actions à concurrence de 10 % du capital-actions inscrit au registre du commerce.
3    Cette limite maximale est portée à 20 % si les propres actions sont acquises en relation avec une restriction à la transmissibilité ou une action en dissolution. La société aliène ou détruit par réduction du capital, dans un délai de deux ans, les actions acquises au-delà du seuil de 10 % du capital-actions.
et 732 al. 5
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 732 - 1 Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux sociétés dont les actions sont cotées en bourse.
1    Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux sociétés dont les actions sont cotées en bourse.
2    Les autres sociétés peuvent prévoir dans leurs statuts que le présent chapitre est applicable en tout ou partie.
CO). La défenderesse ne critique pas cet argument dans son recours en réforme. Elle ne fait pas non plus valoir que l'actionnaire majoritaire aurait offert au demandeur d'acquérir ses participations
BGE 126 III 266 S. 273

pour devenir actionnaire unique de la société. De toute façon, constate la cour cantonale, le demandeur, en tant que petit-fils du fondateur du commerce de bijouterie, agit également pour mettre fin à la déroute de la société et éviter la dilapidation totale du patrimoine familial. Or, cet intérêt individuel, auquel on ne saurait dénier d'emblée toute portée (ATF 105 II 114 consid. 6b p. 125 et 7b p. 128), ne peut pas être suffisamment sauvegardé par la simple sortie de la société de l'actionnaire minoritaire.
Par ailleurs, la cour cantonale constate, s'agissant des tiers, que, au dire de l'expert, la continuation de l'exploitation de la défenderesse impliquerait une réduction importante des charges salariales, soit vraisemblablement des licenciements ou à tout le moins une diminution du temps de travail. Elle en déduit que l'intérêt du personnel à la poursuite de l'exploitation n'est pas déterminant en l'espèce, ajoutant que la défenderesse n'a guère formulé d'allégations au sujet du nombre de ses employés, de leur salaire et de leurs conditions de travail. Quant aux créanciers sociaux, les premiers juges relèvent que leur intérêt à mettre fin immédiatement à la déroute financière de la défenderesse rejoint celui du demandeur à l'admission de son action. La défenderesse laisse intactes ces considérations relatives à l'incidence de la dissolution sur la situation des tiers. Force est de rappeler, enfin, que le juge saisi d'une action en dissolution d'une société anonyme pour de justes motifs doit appliquer les règles du droit et de l'équité (art. 4
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 4 - Le juge applique les règles du droit et de l'équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.
CC; ATF 105 II 114 consid. 6a p. 124 in fine). Or, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise par l'autorité cantonale. Il n'intervient que lorsque celle-ci s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation ou lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération (cf. ATF 123 III 246 consid. 6a p. 255, 274 consid. 1a/cc, ATF 122 III 262 consid. 2a/bb, ATF 121 III 64 consid. 3c). En l'espèce, il n'apparaît pas, sur le vu de ce qui précède, que les premiers juges aient fondé leur décision de dissoudre la défenderesse sur des circonstances qui ne revêtaient aucune importance à cet égard, ni qu'ils aient omis de prendre en considération des éléments de fait déterminants. Il n'y a dès lors pas matière à intervention du Tribunal fédéral.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 126 III 266
Date : 12 mai 2000
Publié : 31 décembre 2000
Source : Tribunal fédéral
Statut : 126 III 266
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Dissolution d'une société anonyme pour de justes motifs (art. 736 ch. 4 CO). L'abus de la position dominante de l'actionnaire


Répertoire des lois
CC: 4
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 4 - Le juge applique les règles du droit et de l'équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.
CO: 659 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 659 - 1 La société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d'une part de ses fonds propres équivalant au montant de la valeur d'acquisition.
1    La société ne peut acquérir ses propres actions que si elle dispose librement d'une part de ses fonds propres équivalant au montant de la valeur d'acquisition.
2    Elle peut acquérir ses propres actions à concurrence de 10 % du capital-actions inscrit au registre du commerce.
3    Cette limite maximale est portée à 20 % si les propres actions sont acquises en relation avec une restriction à la transmissibilité ou une action en dissolution. La société aliène ou détruit par réduction du capital, dans un délai de deux ans, les actions acquises au-delà du seuil de 10 % du capital-actions.
732 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 732 - 1 Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux sociétés dont les actions sont cotées en bourse.
1    Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux sociétés dont les actions sont cotées en bourse.
2    Les autres sociétés peuvent prévoir dans leurs statuts que le présent chapitre est applicable en tout ou partie.
736 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 736 - 1 La société est dissoute:
1    La société est dissoute:
1  en conformité des statuts;
2  par une décision de l'assemblée générale constatée en la forme authentique;
3  par l'ouverture de la faillite;
4  par un jugement, lorsque des actionnaires représentant ensemble 10 % au moins du capital-actions ou des voix requièrent la dissolution pour de justes motifs;
5  pour les autres motifs prévus par la loi.
2    En cas d'action tendant à la dissolution pour justes motifs, le tribunal peut adopter en lieu et place de la dissolution une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable par les intéressés.636
736n
OJ: 63
Répertoire ATF
105-II-114 • 109-II-140 • 121-III-64 • 122-III-262 • 123-III-246 • 126-III-266 • 84-II-44
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
actionnaire minoritaire • actionnaire majoritaire • juste motif • société anonyme • bijouterie • conseil d'administration • position dominante • dissolution de la société • tribunal fédéral • vue • rentabilité • viol • efficac • assemblée générale • lausanne • rejet de la demande • décision • moyen de droit • avis • chiffre d'affaires
... Les montrer tous