[ATF 12 I 1, p. 1]

A. STAATSRECHTLlCHE ENTSCHEIDUNGEN / DES CONTESTATIONS DE DROlT PUBLIC
Erster Abschnitt. Première section.

Bundesverfassung. Constitution fédérale.

I. Gleichheit vor dem Gesetze. Egalité devant la loi.

I. Arrêt du 16 Janvier 1886 dans la cause Jaquemot.

Le 21 Juin 1879, le Tribunal civil du canton de Genève a rendu un
jugement portant, qu'il y avait lieu à adoption entre Jean Francois Du
Pan, propriétaire demeurant à Genève, né à New-York le 28 Novembre 1799,
et demoiselle Marie Joliet, demeurant chez le prödit Du Pan, née à la
Tremblade (Charente lnférieure) le 10 Decembre 1847. Ge jugement a été
confirmé le 25 dit par la Cour de Justice civile de Genève, laquelle a
ordonné à. son tour qu'il y avait lieu à l'adoption

ide demoiselle Marie Jollet par J. F. Du Pan.

Cet arret a été rendu public par affichage, conformément

à l'art. 359 code civil, et l'adoption a été inserite le Jler Juillet

suivant sur les registres de l'état civil de la ville de Genève.
Jean Francois Du Pan est décéde le M Avril 1884, laissant un testament
qui porte entre autres ce qui suit: Dans le cas où ma soeur Mlle Du Pan
me survivrait, je lui laisse tout ce dont la loi me permet de disposer
pour

[ATF 12 I 1, p. 2]

qu'elle en jouisse et dispose comme elle le jugera conve nable.

J'institue ma fille adaptive MmeJaquemot, née Marie Joliet, héritiére
de tout le surplus de mes biens meubies et im meubles.

Parini les biens délaissés par le défunt, se trouvait, entre autres, une
propriété sise à Veytay, dans les communes de Myes, Tannay et Chavannes
des Bois au canton de Vaud, propriété qui est taxee au cadastre à. la
valeur de 145 419 fr.

Le 7 Juin 1884, la dame Jaquemot et demojselle Du Pan ont demandé et
obtenn de la Justice de Paix du Cercle de Coppet l'envoi en possession
en leur faveur de la succession de Jean Francois Du Pan.

Min de faire cesser toute indivision en ce qui concerne ces biens, la
demeiselle Du Pan, par aote du 3 Juillet 1884, a fait cession en lieu
de partage à la dame Jaquemot de sa part, soit de la demieindéterminée
des immeubles composant la propriété de Veytay, pour le prix de 75000
francs payés comptant.

Le 18 Septembre suivant, le receveur du district de Nyon a adressé aux
dames Jaquemot et Du Pan une réclamation concernant le droit de mutation
sur la succession de J. F. Du Pan portant sur la. dite propriété,
à savoir:

1° A M113 Du Pan, le 2 0/0 sur sa moitié de la valeur cadasstrale des
immeuhles, soit ....... . Fr. 2184 65

2° A la dame Jaquemot, le 10 0/0 surl'autre moitié de la valeur cadastrale
des dits

immeubles,soit . . .......... 10923 22.

Total, Fr. 13107 87.

Cette somme se décompose comme suit: Dù par Mlle Du Pan : à l'Etat
.......... Fr. 1454 19 à la commune de Myes . . . 724 54 àla commune
de Tannay . . 1 12 à la commune de Chavannes . 4 80 Fr. 2181 65"

Report, Fr. 2184 65

[ATF 12 I 1, p. 3]

Report, Fr. 2184 65 Dù par dame Jaquemot: àl'Etat . . . . . . . . Fr.?2'30
95 à la commune de Myes 3622 67 à la commune de Tannay . . 5 60à la
communede Chavannes . 24 Fr. 10923 22 Total égal, Fr. 13107 87

La demojselle Du Pan a pavé, déjà en date da 27 Septembre 1884, la part
des droits de mutation qui lui était réclamée.

La dame Jaquemot, par lettre adressée au Département des finances du
Canton de Vaud le 12 Septembre 1884, a protesté contre toute réclamation
de la part du fisc, en faisant observer qu'ensuite de son adoption
elle avait rang et position d'enfant née en légitime mariage et qu'à
teneur de l'art. 3 de la loi du 25 Mai 1824 sur la perception du droit
de mutation, elle devait etre exonérée de tout droit de ce genre dn chef
de la succession de son père adoptif.

En date des 15116 Décembre 1884, le fisc a pratique une saisie-otage
et par privilege sur les immeubles composant le domaine de Veytay,
pour parvenir au paiement de la somme de 13107 fr. 87 o. ci-dessus,
conformément à l'art. 1583 da code civil, sons déduction des 2184 fr. 65
c. déjà payés.

Par exploit du 14 Janvier 1885, la dame Jaquemot a fait opposition a la
saisie pratiquée par I'Etat de Vaud, en se fondant sur les deux moyens
suivants:

1° L'opposante est domiciliée a Genève, elle n'a aucun domicile dans
le Canton de Vaud; dès lors, aux termes de l'art. 59 de la constitution
fédérale, et vu son incontestable solvabilité, elle doit étre recherchée
devant le juge de son domicile.

2° L'opposante ne peut etre tenue à payer aucun droit de mutation,
attendo que, par suite de son adoption kalte regulièrement à Genève par
J. F. Du Pan, elle a tous les droits d'un enfant né en légitime mariage.

Le 12 Janvier 1885, une convention était intervenne entre

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l'Etat de Vaud et les héritiers Du Pan, ensuite de laquelle ceux-ci ont
déposé le lendemain ala Banque cantonale vaudoise, sous réserve de tous
leurs droits, divers titres représentant le montant de l'impòt exige,
ce en execution de l'art. 6 de la loi du 6 Juin 1804 établissant un mode
de poursuite sommaire contre les contrihuables en retard.

Le 44 Février suivant, la dame Jaquemot a déposé au Tribunal de Nyon
une demande reproduisant ses moyens d'opposition a la saisie de l'Etat.

Par jugement de ce Tribunal du 9 Juillet 4885, les dites conelusions
ont été repoussées; ce jugement a été confirmé par arrèt du Tribunal
cantonal du 9 Septembre suirant.

Cet arret se fonde, en substance, sur les motifs ci-aprés:

La réclamation de l'Etat a pour objet le paiement d'un droit de mutatiou
; pour cette réclamation, portant sur des immeubles sis dans le canton
de Vaud, l'Etat est an bénéfice du privilege prèvu à l'art. 4583 du
code civil.

Ce droit de mutation ainsi limité est un impòt du par l'immeuble lui-meme
et non per son propriétaire, et il constitue, comme l'impòt foncier,
une véritable servitude au profit de l'Etat sur les immeubles sis dans
sen territoire. Par sa saisie, l'Etat ne formule pas une réclamation
per-sounelle, mais il poursuit le paiement d'une contribution foncière qui
doit etre recherchée au for de la situation de l'immeuble. L'art. 59 de
la constitution federale, qui a trait 'a des reelamations exelusivement
personnelles et mobilières, ne saurait donc étre invoqué.

En ce qui concerne le second moyen, l'Etat ne conteste pas a Marie
Jaquemot sa possession d'état ni sa qualité d'enfant adoptif, mais
seulernent la portée que veut donner la demanderesse à cette situation en
ce qui touche les droits du fise vaudois a l'égard d'un immeuble sis sur
le territoire du canton et astreint comme tel au régime fiscal vaudois.

La loi de 4824 ne libere pas les enfants adoptifs du droit de mutation,
puisque l'institution de l'adoption est inconnue en droit vaudois. En
entre, les dispositions légales sur le droit de famille sont d'ordre
public et la dame Jaquemot ne sau-

[ATF 12 I 1, p. 5]

rait invoquer son Statut personnel pour faire prévaloir un état contraire
aux dispositions légales sur la matière dans le canton de Vaud; elle ne
peut etre assimilée, au point de vue fiscal, a l'enfant descendant de
sang, ni par eonséquent etre exonérée à ce titre du droit de mutation
réclamé.

C'est contre cet arrét que la dame Jaquemot recourt au Tribunal fédéral,
concluant à ce qu'il lui plaise l'annuler et réformer, adjuger ala
recourante les conclusions qu'elle a prises en demande.

A l'appui de cette conclusion, la recourante fait valoir ce qui suit:

&) L'arrèt dont estrecours viele l'art. 59 de la constitution fédérale. Il
s'agit seulement de savoir s'il est du un droit de

' mutation par la dame Jaquemot, ou non; cette question est

de droit personuel et relève du statut personnel, lequel ne peut etre regi
que par les lois du canton de Genève, dont la recourante est originaire
et où elle est domiciliée.

Le droit de mutation est dù non par l'irnmeuble, mais par le propriétaire,
puisque la situation personnelle de l'héritier, c'est-a-dire son degré
de parente, fixe seule le taux du droit de mutatiou a payer. Le droit de
l'Etat consiste seulement. à se faire payer par privilege sur l'immeuble,
lorsque sa, créance contre l'béritler est établie. Or il s'agit justement

'd'établir que l'Etat est créancier de la dame Jaquemot et cette

question dépend de celle de savoir si celle-ci doit etre assimilée à un
enfant né en légitime mariage ; on se trouve done, . en présence d'une
action essentiellement personnelle, reievant des tribunaux genevois.

b) L'arrèt du 9 Septembre 1885 constitue un déni de justice, en de sens
qu'il refuse de reconnaitre à la dame Jaquemotsi une possession d'état
et un droit qui lui appartiennent manifestement, attendu qu'il ne repose
que sur un pur arbitraire.

Les lois concernant l'état et la capacité des personnes. régissent
les ressortissants d'un pays meme a l'étranger: c'est ce que reconnaît
l'art. 2 du code civil vaudois: la situationjuridique de dame Jaquemot,
quant à la possession (l'état, devait done étre examinée ala lumière de
la loi genevoise,

[ATF 12 I 1, p. 6]

qui accorde à l'enfant adoptif, tant au point de vue fiscal qu'au point
de vue des rapports de droit civil, en ce qui concerne la succession de
l'adoptant, les meines droits que ceux qui sont accordés a un enfant
né en légitime mariage, ll ne peut y avoir aucune difference entre la
position de dame Jaquemot a Genève et la position de la darne Jaquemot
dans le canton de Vaud, sans que par le fait meme il soit étahli en sa
faveur ou contre elle un privilege de lieu, ce qui est en opposition
flagrante avec l'art. 4 de la constitntion federale. De plus, si la
législation d'un canton attribue a une personne, de par l'adoption, le
rang d'un enfant né en iégitime mariage, c'est là un acte de souveraineté
qu'il n'appartient pas aux autorités d'un autre canton de discuter ou de
meonnnaitre: en tentant de le faire, elles se mettent en contradiction
avec l'art. 5 de la constitution fédérale.

De plus l'arret attaqué constitue un déni de justice en ce qu'il repose
sur un pur arbitraire; il admet qu'au point de vue des rapports de droit
civil dame Jaquemot est au benefice de la possession d'état qu'elle a
acquise dans le canton de Genève, mais il lni refuse ce bénéiice en ce qui
concerne les droits du fisc vandois; tout en reconnaissaut la valeur de
l'adoption, il refuse d'en admettre toutes les conséquences. En envoyant
la dame Jaqnemot en possession de la moitié des biens délaissés par son
pere adoptif, les autorités vaudoises lui ont reconnu la position d'une
descendante vis-a-vis d'un ascendant; le fisc ne saurait'contester cette
position en se placant a un autre point de vue. Il est contraire à la
logique et au bon ordre qu'une méme personne soit reconnue par l'autorità
vaudoise dessicendan te a Goppet, et déclarée par l'autorité vaudoise
étrangére a Lausanne.

Il y a d'autant plus lieu à assimiler, dans le canton de Vaud, les
enfants adoptifs et les descendants de sang, que la loi federale sur
l'état civil et le mariage non senlement reconnait l'adoption, mais va,
dans son art. 28, jusqu'à interdire le mariage entre parents et enfants
par adoption. L'autorité vaudoise ne saurait dénier, sans arbitraire,
à la personne appelée à hériter de son pere adoptif, les rapports de
filiation qui l'unissent à celui-ci.

[ATF 12 I 1, p. 7]

c) L'arrèt dont est recours méconnaît la disposition de art. 61 de la
constitution federale. ' .

L'adoption de la dame Jaquemot résulte d'un Jugement rendu par le
Tribunal civil de Genève, confirme par la Cour de Justice civile. Ce
jugement a coniéré a la dame Jaquemot, vis-à-vis de la succession
de son pere adoptif, tous les droits d'un descendant vis-à vis d'un"
ascendant. Refuser de reconnaitre ces droits dans le canton de Vaud
implique une Violation de l'art. 61 précité.

Dans sa répouse, l'Etat de Vaud conclut au rejet du recours.

Il s'agit dans l'espèce d'une réclamatton fonciere et ,non personnelle;
c'est dono a tort que la recourante argue d une pretendue violation de
l'art. 59 de la constitution federale. _

Le droit vaudois ne connait pas l'adopticn ; la loi vaudmse de 1824
n'a donc pas pu comprendre les enfants adoptés parmi les descendants
qu'elle exempte du droit de mutation. C'est là ce qu'a reconnu avec
raison l'arrèt du Tribunal cantonal. L'envoi en possession prononcé
par la J ustice de IJaix de Coppet ne eomporte aucune reconnaissance de
prinmpe, aucune interpretation de la loi vaudoise, et l'on ne saurait
par couséquent prétendre que le Tribunal cantonal vaudois ait donné a
cette loi une autre interpretation que la Justice de Paix de Coppet. .

L'argument tiré par la recourante du fait que l'adoption est reconnue
dans la loi federale sur l'état civil est sans aucune portée: l'arrét du
Tribunal cantonal ne conteste nulleinent ?; dame Jaquemot sa qualité de
tille par adoption, mais se home ä'déolarer qu'au point de vue du droit
successoral vaudois cette qualité ne la place pas sur le meme pied qu'une
fille née en mariage.

Le dit arrét reconnaissant à la dame Jaquemot sa qualité de fille adoptée,
reconnaît aussi le jugement d'adoption comme régulier et valable; il
conteste seulement que cette adoption puisse deployer certains effets
dans le canton de Vaud, au regard des lois vaudoises; il n'a, dès lors,
porte aucune atteinte à l'art. Si de la oonstitution federale.

[ATF 12 I 1, p. 8]

Statuant sur ces faits et considérant en droit :

1° La recourante eonclut en première ligne a l'annulation de la
saisie-otage pratiquée à son préjudice par l'Etat de Vaud, par le motif
que ce procede a eu pour effet de saisir des hiens d'un débiteur solvable
hors du canton où il est domicilié, ce en opposition directe avec la
garantie contenue à l'art. 59 de la constitution federale.

Ce grief n'est tontefois point fonde.

a) Le droit de mutation reclame repose sur le fonds; il est percu de
tout propriétaire du fonds, par le fait meme de cette qualité, au meme
titre que l'impòt foncier. A ce point

de vue déjà, la réclamation de i'Etat de Vaud n'apparait pas-

comme une réclamation personnelle dans le sens de l'art. 59 de la
constitution fédérale et pourait dès lors etre poursuivie au for de la
situation de l'immeuble. (Voir arrét du Tribunal fédéral en la cause
Jenny, Recueil VII, pag. 4 et 5 consid. 1 et 2.)

b) En outre, la saisie dont il s'agit a été pratiquée en rue de la
protection d'un droit réel, existant aux termes de l'art. 1583 du code
civil vaudois, lequel confère à l'Etat un privilege Spécial, pour les
droits de mutation échus dans l'année, et pour l'impot foncier des
deux dernières années, sur les immeubles pour lesquels ces droits ou
cet impòt sont dus. Or la jurisprudence fédérale & toujours admis que,
pour la réalisation d'un pareil droit reel, une saisie peut en tout
temps etre instée sur les dits immeubles au lieu de leur situation.

e) Il est a cet egard indifferent qu'une réclamation de ce genre soit
contestée ', comme se rapportant à. une contribution foncière, elle est
en tout cas soumise au forum rei eile-, au meme titre que l'action que
l'Etat de Vaud anrait pu intenter en reconnaissance de son privilege
snr les immeuhles en question, en vertu duquel la saisie otage a eu lieu.

2° C'est avec tout aussi peu de raison que la recourante argue de la
violation, à son préjudice, des art. 4 et 5 de la constitution fédérale.

Ainsi que le Tribunal de céans l'a déjà reconnu (voir arrét Lüti du 2
Juin 1882, VII] pag. 195 et 196 consid. 2), l'art. 5

[ATF 12 I 1, p. 9]

précité se borne à statuer que la Confédération garantit aux cantons
leur territoire, leur souveraineté dans les limites gonstitutionnelles,
leurs constitutions, la liberté et les droits du people, les droits
constitutionnels des citoyens, ainsi que les droits et les attribntions
que le peuple a conférés aux autorités. Get article place ainsi seulernent
les droits susmentionnés sous la garantie de la Confédération, en lui
donnant competence pour intervenir au cas où une atteinte leur serait
por-tee. En revanche, il est evident que cette disposition ne saurait etre
inroquée seule dans un recours, mais qu'il doit etre justifié dans chaque
cas de la violation d'un droit special place sous la garantie federale.

Le moyen tire de la pretendue Violation de l'art. 4 dela meme constitntion
est tout aussi pen fondé; il consiste a dire que la théorie de l'arrèt
attaqué a pour conséquence un traitement different de la dame Jaquemot,
dans les cantone de Vaud et de Genève, au point de rue de la possession
d'etat."

Ce raisonnement n'aurait de valeur que si, dans le domaine du droit privé,
se rapportant à l'état civil des personnes, la dame Jaquemot cut été
soumise a un pareil traitement. Mais tel n'est pas le cas dans l'espéce,
où il s'agit uniquement de la réclamation d'une contribution fiscale
et de l'interprétation de la loi vaudoise de 4824 sur cette matière,
ainsi que de la loi annnelle sur l'impòt de mutation, pour 4884. Cette
interpretation est incontestablement dans les attrihutions du juge
vaudois, aussi longtemps qu'elle ne porte pas atteinte a une garantie
constitutionnelle. En admettant qu'aux termes de cette lei le descendant
de sang seul est exeinpte de la mutation et que le*législateur vaudois,
lequel ne connait pas l'adoption, n'a pu vouloir étendre cette exemption à
l'enfant adoptif, les tribunaux cantonaux n'ont commis aucune Violation de
ce genre. Il n'est point douteux en effet que le légisiateur, meme s'il
eùt admis l'institution de l'adoption, eùt été autorisé à restreindre
aux seuls descendants de sang l'exemption du droit de mutation, aussi
bien qu'il lui était loisible de soumettre à ce droit l'enfant naturel,
ou de l'en exempter et de

[ATF 12 I 1, p. 10]

l'assimiler à cet egard à l'enfant légitime, ainsi qu'il l'a fait
réellement dans la loi d'impòt pour 1884 (art. 12).

La circoustanoe qu'àss Genève l'enfant adoptif se trouve assimilé
entièrement, au point de vue fiscal, au descendant de sang, ne saurait
exercer aucune influence sur les dispositions édictées par le canton de
Vaud en la meme matière. Les cantons sont, en effet, libres de déterminer
l'assiette et les categories de l'impòt et l'art. 4 de la constitution
federale ne saurait etre interprete dans ce seus qu'il ait pour but de
garantir à tous les citoyens suisses l'égalité des contributions qu'ils
sont appelés à payer au fisc de leurs cantons respectifs.

3° La recourante voit en unire un deni de justice dans le fait que
l'arrèt attaqué lui contesterait la qualité de des cendante, alors que
cette qualité lui a été reconnue du fait de son envoi en possession par
la Justice de paix de Coppet.

Il est inexact de prétendre que cet envoi en possession implique une
reconnaissance d'état au point de vue civil. La Justice de Paix, par cet
acte, n'a point entendu ni pu trancher une question pouvant donner lieu
à litige hors de sa competence, mais elle s'est bornée à appliquer à la
dame Jaquemot, sur le vu des pièces, et entre autres de la délivrance
de legs, par elle produites, l'art. 31 de la loi vaudoise de 1824 sur
la perception du droit de mutation, disposant que lorsque dans une
succession ouverte dans l'étranger il y aura des immeubles situés dans
le canton, l'héritier sera tenu de produire, à. la Justice de Paix
du cercle où les im meubles sont situés, les titres et autres actes en
vertu desquels il entre en possession. Get envoi eu possession, acte
de juridiction gracieuse, plutòt de nature administrative, ne saurait
etre considéré comme impliquant une reconnaissance en ce qui touche les
effets civils de l'adoption.

A supposer meme d'ailleurs qu'il en fut autrement, rien n'empéchait,
ainsi qu'il a déjà été dit, le législateur vaudois de trailer i'enfant
adoptif autrement que le descendant de sang, en ce qui concerne la
perception du droit de mutation.

4° Enfin l'arret dont est recours ne se heurte pas davantage contre le
prescrit de l'art. 61 de la constitution fédérale,

[ATF 12 I 1, p. 11]

édictant que les jugements civils definitifs rendus dans un canton sont
exécutoires dans toute la Suisse.

Le jugement des tribunaux genevois prononcant l'adoption de la
demoiselle Jollet apparait effectivement comme un acte de juridiction
non contentieuse, et non comme une sentence tranchant un litige de
droit civil entre parties, dans le sens de l'art. 61 susvisé. L'arret
du Tribunal cantonal ne conteste d'ailleurs nullement l'existence des
rapports d'adoption unissant la demoiselle Jollet Du Pan et le désunt
Jean-Francois Du Pan, mais il se borne à estimer avec raison qu'il n'y a
point lieu, au regard des lois vaudoises, à attribuer à. cette adoption
les meines conséquences qu'à Genève en ce qui concerne la question de
l'exemption des droits de mutation; le jugement genevois n'avait point à
trancher et n'ai effectivement point touché la question, toute de droit
public, des conséquences de l'adoption au regard du fisc du canton de
Vaud, et l'Etat de Vaud ne saurait etre tenu de faire application sur
son territoire, en vertu de l'art. 6t invoque, des dispositious légales
en vignenr à cet égard dans le canton de Genève.

Par ces motifs, Le Tribunal fédéral prononce:

Le recours est écarté.
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : 12 I 1
Data : 31. dicembre 1885
Pubblicato : 30. dicembre 1886
Sorgente : Tribunale federale
Stato : 12 I 1
Ramo giuridico : DTF - Diritto costituzionale
Oggetto : [ATF 12 I 1, p. 1] I. Gleichheit vor dem Gesetze. Egalité devant la loi. Arrêt du 16 Janvier 1886...


Registro DTF
12-I-1
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