Urteilskopf

117 III 76

23. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 20 août 1991 dans la cause C. R. contre L. SA (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Erwägungen ab Seite 77

BGE 117 III 76 S. 77

Extrait des considérants:

5. (Est laissée indécise la question de savoir si le bénéficiaire de la garantie bancaire, dont la créance à l'égard de la banque émettrice est séquestrée à la requête du donneur d'ordre, doit intenter l'action en contestation du cas de séquestre (art. 279
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 279 - 1 Le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.
1    Le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.
2    Si le débiteur forme opposition, le créancier doit requérir la mainlevée de celle-ci ou intenter action en reconnaissance de la dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si la requête de mainlevée est rejetée, le créancier doit intenter action dans les dix jours à compter de la notification de cette décision.496
3    Si le débiteur n'a pas formé opposition, le créancier doit requérir la continuation de la poursuite dans les vingt jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si l'opposition a été écartée, le délai commence à courir à l'entrée en force de la décision écartant l'opposition. La poursuite est continuée par voie de saisie ou de faillite, suivant la qualité du débiteur.497
4    Si le créancier a intenté l'action en reconnaissance de dette sans poursuite préalable, il doit requérir la poursuite dans les dix jours à compter de la notification du jugement.
5    Les délais prévus par le présent article ne courent pas:
1  pendant la procédure d'opposition ni pendant la procédure de recours contre la décision sur opposition;
2  pendant la procédure de constatation de la force exécutoire relevant de la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale498 ni pendant la procédure de recours contre la constatation de la force exécutoire.499
LP), ou procéder par la voie de la plainte aux autorités de surveillance (art. 17 ss
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 17 - 1 Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
1    Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
2    La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure.
3    Il peut de même être porté plainte en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié.
4    En cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S'il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l'autorité de surveillance.27
LP) au lieu de celle du recours de droit public.)
6. a) La banque émettrice s'est engagée en l'espèce, "au sens de l'acceptation d'une assignation", à verser à la recourante le montant de la garantie. Dans un arrêt Banca A. contre C.-Bank du 22 mars 1977 (cité par NOBEL, Praxis zum öffentlichen und privaten Bankenrecht der Schweiz, p. 387 ss), le Tribunal fédéral a qualifié d'assignation acceptée au sens de l'art. 468 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 468 - 1 L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
1    L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
2    Si l'assigné est débiteur de l'assignant, il est tenu de payer l'assignataire jusqu'à concurrence du montant de sa dette, lorsque ce paiement n'est pas plus onéreux pour lui que celui qu'il ferait à l'assignant.
3    Même dans ce cas, il n'est pas obligé de déclarer son acceptation antérieurement au paiement, si le contraire n'a pas été convenu entre lui et l'assignant.
CO une garantie bancaire, bien que la doctrine soit, dans l'ensemble, plutôt opposée à une telle assimilation (cf. DOHM, Les garanties bancaires dans le commerce international, p. 65 No 93; GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 2e éd., p. 178/179; KLEINER, Bankgarantie, 4e éd., p. 115 ss; SCYBOZ, Le contrat de garantie et le cautionnement, in Traité de droit privé suisse, t. VII/2, p. 29; cf. toutefois SCHÖNLE, Missbrauch von Akkreditiven und Bankgarantien, in RSJ 79/1983 p. 57). L'opinion soutenue dans cet arrêt doit être rapprochée de la jurisprudence qui qualifie l'accréditif comme une combinaison de l'assignation et du mandat (ATF 114 II 48 let. a et les références). Dans la relation d'assignation, à la base de l'accréditif (ATF 115 II 69), la banque qui ouvre l'accréditif accepte une assignation au sens de l'art. 468 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 468 - 1 L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
1    L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
2    Si l'assigné est débiteur de l'assignant, il est tenu de payer l'assignataire jusqu'à concurrence du montant de sa dette, lorsque ce paiement n'est pas plus onéreux pour lui que celui qu'il ferait à l'assignant.
3    Même dans ce cas, il n'est pas obligé de déclarer son acceptation antérieurement au paiement, si le contraire n'a pas été convenu entre lui et l'assignant.
CO (KLEINER, Die Zahlungspflicht der Bank bei Garantien und unwiderruflichen Akkreditiven,
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in RSJ 72/1976 p. 353; NOBEL, op.cit., p. 409; cf. ATF 114 II 49 let. b). Les termes utilisés dans le texte de la garantie bancaire émise le 27 août 1990 ne portent pas à conséquence; la doctrine soumet en effet l'admissibilité des mesures conservatoires aux mêmes conditions, tant pour la garantie bancaire que pour l'accréditif (cf. DOHM, op.cit., p. 150 No 329). b) Selon la recourante, les parties seraient convenues d'une garantie indépendante du rapport de base, dont le paiement ne pouvait se heurter à aucune exception ou objection. L'intimée soutient en revanche que tel ne serait pas le cas; la garantie bancaire aurait été émise à seule fin de débloquer son matériel retenu en Espagne. Les parties n'auraient ainsi pas entendu convenir d'une garantie abstraite. Il importe d'examiner la nature de l'engagement assumé par la banque garante. En effet, si la garantie n'est pas indépendante, mais au contraire accessoire, la doctrine affirme qu'il ne saurait y avoir d'abus à requérir des mesures conservatoires portant sur le montant de la sûreté, car la garantie dépend alors du rapport de base (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 191 let. c; idem, Die Verträge der schweizerischen Bankpraxis, 3e éd., p. 161 ab initio). La garantie accessoire se confond ici avec le cautionnement au sens des art. 492 ss
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 492 - 1 Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur.
1    Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur.
2    Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. Une obligation future ou conditionnelle peut être garantie pour l'éventualité où elle sortirait effet.
3    Quiconque déclare garantir la dette résultant d'un contrat qui, par suite d'erreur ou d'incapacité, n'oblige pas le débiteur, en répond aux conditions et d'après les principes applicables en matière de cautionnement s'il connaissait, au moment où il s'est engagé, le vice dont le contrat était entaché. La même règle s'applique à celui qui s'engage à garantir l'exécution d'une dette prescrite pour le débiteur.
4    À moins que le contraire ne ressorte de la loi, la caution ne peut pas renoncer d'avance aux droits qui lui sont conférés dans le présent titre.
CO (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 174 ch. 5). Pour qualifier l'engagement en cause de garantie indépendante ou de cautionnement, il faut l'interpréter (ATF ATF 113 II 437 let. c, ATF 111 II 279 let. b), sauf si son texte est parfaitement clair (ATF 111 II 287), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il faut remarquer d'emblée que la garantie a été émise par une banque, ce qui constitue un indice en faveur d'un engagement autonome (ATF 113 II 438 consid. 2c). Le texte de la garantie se réfère "à l'exécution des travaux de réhabilitation du chantier d'Alicante". Cette référence au contrat de base ne permet toutefois pas à lui seul de conclure toujours à l'existence d'un engagement accessoire (DOHM, op.cit., p. 60 No 77). Comme le relève GUGGENHEIM (op.cit., 2e éd., p. 179), même la garantie indépendante n'est jamais totalement "dégagée" du contrat de base. Quant à l'expression selon laquelle le garant s'est engagé "irrévocablement", elle n'est pas non plus déterminante. KLEINER (op.cit., p. 51/52) remarque qu'il s'agit là d'une formule usuelle de la pratique bancaire et qu'elle ne saurait toujours être comprise dans le sens d'une renonciation à opposer les exceptions ou objections découlant du rapport de base. Le fait que la banque garante se soit engagée à payer
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"à première réquisition" ne constitue, en soi, qu'un indice en faveur de l'existence d'une garantie indépendante, qui doit être renforcé par d'autres éléments (VASSEUR, Garantie indépendante, in Recueil Dalloz Sirey 1991, Somm. p. 191; cf. également KLEINER, op.cit., p. 46 ss). Si la renonciation du garant à opposer "une quelconque exception ou objection" ne constitue pas nécessairement, selon la jurisprudence (ATF 113 II 440 let. d), une raison d'opter en faveur d'une garantie indépendante, la doctrine lui attribue au contraire une portée décisive (DOHM, op.cit., p. 60 No 79; KLEINER, op.cit., p. 48/49; VASSEUR, op.cit., p. 191). Il faut toutefois relever que la banque garante s'est engagée en l'espèce "au sens de l'acceptation d'une assignation". En vertu du caractère abstrait du rapport d'assignation (cf. pour l'accréditif ATF 115 II 71 let. a, ATF 100 II 145 consid 4a), l'acceptation au sens de l'art. 468 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 468 - 1 L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
1    L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
2    Si l'assigné est débiteur de l'assignant, il est tenu de payer l'assignataire jusqu'à concurrence du montant de sa dette, lorsque ce paiement n'est pas plus onéreux pour lui que celui qu'il ferait à l'assignant.
3    Même dans ce cas, il n'est pas obligé de déclarer son acceptation antérieurement au paiement, si le contraire n'a pas été convenu entre lui et l'assignant.
CO a pour effet de créer une dette nouvelle abstraite à la charge de l'assigné (ATF 92 II 338 consid. 3). Dans le cas présent, la banque garante s'obligerait donc à payer sans pouvoir opposer les exceptions ou objections fondées sur le rapport contractuel de base. Enfin, les sûretés fournies dans le cadre d'un contrat international, comme en l'espèce, relèvent en principe du contrat de garantie et non du cautionnement (ATF 113 II 438 consid. 2c). Pris isolément, aucun des éléments de la garantie litigieuse ne permet de conclure à l'existence d'un engagement indépendant. Mais leur réunion permet de l'admettre, du moins prima facie.
7. La faculté pour le donneur d'ordre de requérir le séquestre de la créance du bénéficiaire en paiement du montant de la garantie indépendante à l'égard de la banque émettrice est controversée. a) La doctrine se prononce dans sa majorité, bien qu'avec diverses nuances, contre l'admissibilité d'une requête de séquestre de la part du donneur d'ordre. Elle considère qu'en convenant d'une telle garantie bancaire, ou d'un paiement par accréditif irrévocable, les parties au contrat de base sont liées par un pactum de non petendo, interdisant d'entraver de quelque manière que ce soit le paiement en faveur du bénéficiaire. La requête de séquestre du donneur d'ordre constitue ainsi un venire contra factum proprium, autrement dit un abus de droit (DALLÈVES, Exécution forcée dans les opérations d'accréditif, in SAS 57/1985 p. 22; DOHM, op.cit., p. 153 No 340; HARTMANN, Der Akkreditiv-Eröffnungsauftrag, thèse Zurich 1974, p. 124; ROSSI, La garantie bancaire à première demande, thèse Fribourg 1989, p. 140; SCHÖNLE, op.cit.,
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p. 77; EGGER, Probleme des einstweiligen Rechtsschutzes bei auf erstes Verlangen zahlbaren Bankgarantien, in RSDA 1990 p. 19 ch. 2.1). KLEINER (op.cit., p. 223 ss et 238 ss), pour qui le recours à un pactum de non petendo n'est pas nécessaire, parvient au même résultat, en prenant pour point de départ le but et la nature abstraite de la garantie bancaire (pour une démarche analogue, cf. GAUTSCHI, Berner Kommentar, n. 20a ad art. 407
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 407 - 1 Est soumise aux règles du mandat et de l'assignation, la lettre de crédit par laquelle le destinataire est chargé de remettre, avec ou sans fixation d'un maximum, à une personne déterminée les valeurs dont celle-ci fera la demande.
1    Est soumise aux règles du mandat et de l'assignation, la lettre de crédit par laquelle le destinataire est chargé de remettre, avec ou sans fixation d'un maximum, à une personne déterminée les valeurs dont celle-ci fera la demande.
2    Si aucun maximum n'est fixé et que le crédité fasse des demandes en disproportion évidente avec la position des intéressés, le destinataire doit prévenir son correspondant et, jusqu'à ce qu'il en ait reçu des instructions, surseoir au paiement.
3    Le mandat conféré par une lettre de crédit n'est réputé accepté que si l'acceptation a été faite pour une somme déterminée.
CO, pour qui la requête de séquestre équivaut à la révocation de l'ordre irrévocable donné à la banque; NOBEL, op.cit., p. 410 ch. 4). Mais, parmi ces auteurs, certains admettent une telle requête lorsque le donneur d'ordre fait valoir une créance qui n'a pas sa cause dans le rapport contractuel de base que la garantie a pour but d'assurer (DOHM, op.cit., p. 152 No 335; ROSSI, op.cit., p. 139/140; pour l'accréditif: DALLÈVES, op.cit., p. 22/23; HARTMANN, op.cit., p. 124; contra KLEINER, op.cit., p. 240 ch. 22.25; EGGER, op.cit., p. 19 ch. 2.1). La rigueur de l'inadmissibilité des mesures conservatoires requises par le donneur d'ordre est cependant tempérée. En vertu du principe fraus omnia corrumpit, le donneur d'ordre n'est plus lié par une éventuelle renonciation préalable à requérir de telles mesures, lorsque le bénéficiaire abuse manifestement de la position juridique que lui confère la garantie (DOHM, op.cit., p. 151 No 330; cf. également DALLÈVES, op.cit., p. 22). Le Tribunal fédéral n'a pas rendu, à ce jour, un arrêt de principe sur cette question. Dans l'arrêt Finagrain du 27 février 1984, la Chambre des poursuites et des faillites a considéré que l'attitude de l'acheteur qui, après avoir émis un accréditif et fait déposer les documents à la banque confirmatrice, ferait séquestrer le montant que cette dernière doit verser au vendeur, irait à l'encontre de l'ordre irrévocable de payer qu'il a donné (ATF 110 III 40 ab initio). Elle s'est référée sur ce point aux opinions de GAUTSCHI (ibid.) et de KLEINER (op.cit., RSJ 72/1976 p. 354). Dans l'arrêt Union de Banques Suisses contre Finagrain du 24 mars 1986 (SJ 108/1986, p. 529 ss), la Ire Cour civile a d'abord considéré que le caractère abstrait de l'accréditif ne prive pas les parties de la faculté de faire valoir entre elles des créances fondées sur d'autres causes juridiques (p. 532 consid. 2) ni de requérir un séquestre sur la chose vendue ou les titres représentatifs de marchandises acquis contre remise du montant de l'accréditif en se fondant sur les créances qui en découlent (p. 533 s. let. e). Elle a ensuite affirmé que l'on ne saurait raisonnablement présumer que, dans une vente internationale (au comptant ou avec paiement par accréditif), le
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vendeur se montre d'emblée disposé à renoncer à la possibilité d'obtenir un séquestre portant sur la chose vendue pour le cas où il aurait une raison de le requérir. Cette considération empêche d'admettre l'existence d'un accord tacite à ce sujet (p. 534). Il paraît douteux de prétendre, comme TEVINI DU PASQUIER (Le crédit documentaire en droit suisse, thèse Genève, Bâle 1990, p. 309/310), que le Tribunal fédéral ait entendu limiter la portée de cette dernière affirmation au cas où la créance à raison de laquelle le séquestre est requis dérive d'un autre rapport juridique que celui qui fonde la créance séquestrée. En effet, un éventuel pactum de non petendo ne peut se rapporter qu'à la relation juridique qui a donné lieu à l'émission de la garantie ou à l'ouverture de l'accréditif; il ne concerne pas les prétentions que le donneur d'ordre pourrait déduire d'autres causes (dans ce sens: DALLÈVES, op.cit., p. 22/23; DOHM, op.cit., p. 152 No 335). Plusieurs auteurs s'opposent toutefois à l'opinion de la doctrine dominante et admettent la possibilité d'un séquestre requis par le donneur d'ordre sur le montant de la garantie, même à raison d'une créance découlant du contrat de base (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 195 ss et 3e éd., p. 166 ss; GANI, La saisissabilité des droits patrimoniaux en matière d'accréditif documentaire, thèse Lausanne 1987, p. 229 ss, spéc. 234 ss; TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 289 ss, spéc. 307 ss). Ces auteurs contestent le principe même d'un pactum de non petendo, qui ne pourrait résulter ni de la volonté hypothétique des parties ni d'une manifestation de volonté tacite du donneur d'ordre (TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 308 s. et n. 390) ou qui serait contraire à l'art. 27 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 27 - 1 Nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils.
1    Nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils.
2    Nul ne peut aliéner sa liberté, ni s'en interdire l'usage dans une mesure contraire aux lois ou aux moeurs.
CC (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 196 et 3e éd., p. 166; GANI, op.cit., p. 234). On ne peut admettre en effet que les parties aient entendu exclure à l'avance tout séquestre, alors que le donneur d'ordre n'est pas en état de connaître les créances dont il pourrait être ultérieurement titulaire à l'égard du bénéficiaire. Du reste la créance invoquée par le donneur d'ordre à l'appui de sa requête, notamment une créance en dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de base, n'existe pas en principe au moment de la conclusion de ce dernier, ni même lors de l'émission de la garantie bancaire ou de l'ouverture de l'accréditif. En admettant même l'existence d'un tel pacte, un séquestre sera pratiquement autorisé et exécuté, faute pour le débiteur de pouvoir s'en prévaloir devant l'autorité de séquestre et pour cette dernière d'en avoir connaissance (GANI, op.cit., 235). Ces auteurs contestent également que
BGE 117 III 76 S. 82

le donneur d'ordre commette un abus de droit en requérant un séquestre. Il faut d'abord examiner quel intérêt, du donneur d'ordre ou du bénéficiaire est, dans le cas particulier, le plus digne de protection. S'agissant d'une question d'appréciation, il n'est pas possible d'affirmer, d'une manière générale, que le donneur d'ordre commet systématiquement un abus de droit en recourant à cette mesure conservatoire (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 197 et 3e éd., p. 167; GANI, op.cit., p. 237). Celle-ci n'équivaut pas à une révocation de l'ordre donné à la banque, dont la nature de l'engagement n'est pas modifié (GUGGENHEIM, op.cit., 2e éd., p. 197 et 3e éd., p. 168; TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 307 et 310). Le caractère abstrait de la garantie bancaire ou de l'accréditif n'a en effet de portée que sur la situation juridique de la banque, non sur celle du donneur d'ordre (GANI, op.cit., p. 238). A supposer que le rapport de base soit mal exécuté et qu'il en dérive de ce chef une créance exigible de ce dernier à l'égard du bénéficiaire, celui-là ne pourrait demander à la banque de ne pas honorer son engagement. Mais ceci n'implique pas que, dans ses rapports avec le bénéficiaire, le donneur d'ordre ne puisse s'en prendre à une créance qui appartient à ce dernier pour garantir une poursuite future (TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 310). Au demeurant, le caractère abstrait de ces opérations doit procurer au bénéficiaire une sécurité accrue quant au paiement de sa prestation, en le mettant à l'abri des aléas financiers de son cocontractant ou d'une rupture abusive du contrat; elles n'ont pas pour but de lui assurer l'impunité en cas de manoeuvres frauduleuses ou de mauvaise exécution du contrat de base (GANI, op.cit., p. 239). Aucune des conditions de saisissabilité n'a trait à la personne du créancier; un droit patrimonial ne peut donc pas a priori être soustrait à l'exécution forcée sur le patrimoine de son titulaire en fonction de la personnalité du créancier séquestrant (GANI, op.cit., p. 237/238). Du point de vue de l'exécution forcée, il n'y a donc aucune raison de restreindre l'admissibilité d'un séquestre au seul cas de fraude du bénéficiaire et d'exclure ainsi les créances nées de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat de base (GANI, op.cit., p. 240; cf. également TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 311/312). b) Dans sa requête de séquestre, l'intimée a allégué que deux représentants de la recourante s'étaient rendus à son siège le 20 février 1991. Un accord verbal aurait alors été conclu, aux termes duquel la recourante renonçait à appeler la garantie. Le jour suivant, les deux représentants en question se sont pourtant
BGE 117 III 76 S. 83

rendus au siège de la banque garante pour percevoir le montant de la sûreté. Dans son mémoire au Tribunal fédéral, l'intimée qualifie ce comportement de frauduleux. Elle ne fait toutefois pas valoir une créance en dommages-intérêts du chef d'un appel abusif de la garantie, mais bien pour l'inexécution du contrat d'entreprise et le blocage de ses matières premières en Espagne. Ses prétentions dérivent bien du contrat de base. Il est vrai que certains auteurs soutiennent que le bénéficiaire qui appelle abusivement la garantie n'a aucun droit à faire valoir contre la banque garante et que, dans ce cas, le donneur d'ordre requiert le séquestre d'une créance inexistante (DOHM, op.cit., p. 153/154 No 341; SCHÖNLE, op.cit., p. 76/77; TEVINI DU PASQUIER, op.cit., p. 299). Mais cet argument pour le moins subtil est contesté (GANI, op.cit., p. 230 n. 2; ROSSI, op.cit., p. 141 n. 22); au reste le donneur d'ordre, qui invoque à l'appui de sa demande de séquestre une créance découlant du contrat de base pour demeure du bénéficiaire, inexécution ou mauvaise exécution, requiert des mesures conservatoires pour empêcher précisément que son cocontractant n'appelle la garantie, alors qu'il a eu une attitude contraire à ses devoirs contractuels.
c) Selon la jurisprudence, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale apparaît concevable ou même préférable (ATF 116 Ia 104 consid. 4a, ATF 115 III 130, ATF 114 Ia 27 consid. 3b, ATF 114 III 70 consid. 3). Cette seule considération suffit en l'espèce pour rejeter le grief de la recourante. L'ordonnance attaquée, qui peut se réclamer de l'avis de "quelques bons auteurs" (AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II, p. 662 No 1846), n'est pas insoutenable. Elle n'est pas non plus arbitraire du seul fait qu'elle s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral (AUBERT, ibid.), dans la mesure où l'on voudrait déduire de l'arrêt Finagrain (ATF 110 III 40 ab initio) une affirmation de principe contre l'admissibilité du séquestre requis par le donneur d'ordre.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 117 III 76
Date : 20 août 1991
Publié : 31 décembre 1992
Source : Tribunal fédéral
Statut : 117 III 76
Domaine : ATF - Droit des poursuites et de la faillite
Objet : Art. 271 ss LP; séquestre d'une garantie bancaire. 1. Critères de distinction entre garantie indépendante et accessoire


Répertoire des lois
CC: 27
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 27 - 1 Nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils.
1    Nul ne peut, même partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils.
2    Nul ne peut aliéner sa liberté, ni s'en interdire l'usage dans une mesure contraire aux lois ou aux moeurs.
CO: 407 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 407 - 1 Est soumise aux règles du mandat et de l'assignation, la lettre de crédit par laquelle le destinataire est chargé de remettre, avec ou sans fixation d'un maximum, à une personne déterminée les valeurs dont celle-ci fera la demande.
1    Est soumise aux règles du mandat et de l'assignation, la lettre de crédit par laquelle le destinataire est chargé de remettre, avec ou sans fixation d'un maximum, à une personne déterminée les valeurs dont celle-ci fera la demande.
2    Si aucun maximum n'est fixé et que le crédité fasse des demandes en disproportion évidente avec la position des intéressés, le destinataire doit prévenir son correspondant et, jusqu'à ce qu'il en ait reçu des instructions, surseoir au paiement.
3    Le mandat conféré par une lettre de crédit n'est réputé accepté que si l'acceptation a été faite pour une somme déterminée.
468 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 468 - 1 L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
1    L'assigné qui a notifié son acceptation à l'assignataire sans faire de réserves, est tenu de le payer et ne peut lui opposer que les exceptions résultant de leurs rapports personnels ou du contenu de l'assignation, à l'exclusion de celles qui dérivent de ses relations avec l'assignant.
2    Si l'assigné est débiteur de l'assignant, il est tenu de payer l'assignataire jusqu'à concurrence du montant de sa dette, lorsque ce paiement n'est pas plus onéreux pour lui que celui qu'il ferait à l'assignant.
3    Même dans ce cas, il n'est pas obligé de déclarer son acceptation antérieurement au paiement, si le contraire n'a pas été convenu entre lui et l'assignant.
492
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 492 - 1 Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur.
1    Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur.
2    Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. Une obligation future ou conditionnelle peut être garantie pour l'éventualité où elle sortirait effet.
3    Quiconque déclare garantir la dette résultant d'un contrat qui, par suite d'erreur ou d'incapacité, n'oblige pas le débiteur, en répond aux conditions et d'après les principes applicables en matière de cautionnement s'il connaissait, au moment où il s'est engagé, le vice dont le contrat était entaché. La même règle s'applique à celui qui s'engage à garantir l'exécution d'une dette prescrite pour le débiteur.
4    À moins que le contraire ne ressorte de la loi, la caution ne peut pas renoncer d'avance aux droits qui lui sont conférés dans le présent titre.
LP: 17 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 17 - 1 Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
1    Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
2    La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure.
3    Il peut de même être porté plainte en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié.
4    En cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S'il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l'autorité de surveillance.27
271 
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 271 - 1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1    Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:479
1  lorsque le débiteur n'a pas de domicile fixe;
2  lorsque le débiteur, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite;
3  lorsque le débiteur est de passage ou rentre dans la catégorie des personnes qui fréquentent les foires et les marchés, si la créance est immédiatement exigible en raison de sa nature;
4  lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82, al. 1;
5  lorsque le créancier possède contre le débiteur un acte de défaut de biens provisoire ou définitif;
6  lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive.
2    Dans les cas énoncés aux ch. 1 et 2, le séquestre peut être requis pour une dette non échue; il rend la créance exigible à l'égard du débiteur.
3    Dans les cas énoncés à l'al. 1, ch. 6, qui concernent un jugement rendu dans un État étranger auquel s'applique la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale484, le juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.485
279
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 279 - 1 Le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.
1    Le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite ou action préalable doit requérir la poursuite ou intenter action dans les dix jours à compter de la réception du procès-verbal.
2    Si le débiteur forme opposition, le créancier doit requérir la mainlevée de celle-ci ou intenter action en reconnaissance de la dette dans les dix jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si la requête de mainlevée est rejetée, le créancier doit intenter action dans les dix jours à compter de la notification de cette décision.496
3    Si le débiteur n'a pas formé opposition, le créancier doit requérir la continuation de la poursuite dans les vingt jours à compter de la date à laquelle le double du commandement de payer lui a été notifié. Si l'opposition a été écartée, le délai commence à courir à l'entrée en force de la décision écartant l'opposition. La poursuite est continuée par voie de saisie ou de faillite, suivant la qualité du débiteur.497
4    Si le créancier a intenté l'action en reconnaissance de dette sans poursuite préalable, il doit requérir la poursuite dans les dix jours à compter de la notification du jugement.
5    Les délais prévus par le présent article ne courent pas:
1  pendant la procédure d'opposition ni pendant la procédure de recours contre la décision sur opposition;
2  pendant la procédure de constatation de la force exécutoire relevant de la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale498 ni pendant la procédure de recours contre la constatation de la force exécutoire.499
Répertoire ATF
100-II-145 • 110-III-40 • 111-II-276 • 111-II-284 • 113-II-434 • 114-IA-25 • 114-II-45 • 114-III-67 • 115-II-67 • 115-III-130 • 116-IA-102 • 117-III-76 • 92-II-335
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
garantie bancaire • garantie indépendante • doctrine • rapport de base • tribunal fédéral • exécution forcée • abus de droit • banque émettrice • crédit documentaire • exécution de l'obligation • recours de droit public • partie au contrat • espagne • droits patrimoniaux • commettant • quant • examinateur • dommages-intérêts • stipulant • réquisition de séquestre
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