107 Ia 206
42. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 2 décembre 1981 dans la cause D. c. Chambre d'accusation du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):
- Art. 4 BV; Willkür.
- Die Einziehung der im Hinblick auf eine vorläufige Freilassung geleisteten Sicherheiten ist unzulässig, wenn sie nach Beginn des Strafvollzuges erfolgt (E. 2).
- Kein treuwidriges Handeln des Verurteilten, wenn er die Freigabe der Kaution verlangt, nachdem er im Laufe des Strafvollzuges die Flucht ergriffen hat (E. 3).
Regeste (fr):
- Art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
- La contrainte de sûretés déposées en vue d'une mise en liberté provisoire est illégale lorsqu'elle intervient après le début de l'exécution de la peine (consid. 2).
- N'agit pas de manière contraire à la bonne foi le condamné qui, après avoir pris la fuite en cours d'exécution de sa peine, réclame la libération de sa caution (consid. 3).
Regesto (it):
- Art. 4 Cost.; arbitrio.
- La riscossione di una cauzione prestata in relazione con la concessione della libertà provvisoria è illegittima ove intervenga dopo l'inizio dell'esecuzione della pena (consid. 1).
- Non agisce in modo contrario alla buona fede il condannato che, dopo essere fuggito durante l'esecuzione della pena, reclama lo svincolo della cauzione (consid. 3).
Sachverhalt ab Seite 206
BGE 107 Ia 206 S. 206
Détenu préventivement à Genève sous l'inculpation de diverses infractions contre le patrimoine, le Français D. a été mis en liberté provisoire le 30 octobre 1979, moyennant versement d'une caution de 100'000 fr. Le 21 octobre 1980, la Cour d'assises du canton de Genève l'a condamné, pour escroquerie par métier, à 5 ans de réclusion, 1'000 fr. d'amende et 10 ans d'expulsion du territoire suisse. D. se trouvait alors à nouveau en détention préventive depuis près d'un mois, pour les besoins d'une seconde instruction ouverte contre lui. Le 4 novembre 1980, sa détention préventive a pris fin et il a alors commencé formellement à exécuter la peine prononcée contre lui par la Cour d'assises. Profitant d'un congé, D. a quitté la Suisse le 11 janvier 1981; il n'a pas réintégré l'établissement pénitentiaire depuis lors. Le 14 janvier 1981, le procureur général du canton de Genève a ordonné la contrainte des sûretés déposées le 30 octobre 1979 - lesquelles, frappées d'un séquestre au sens des art. 271 ss
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 271 - 1 Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:480 |
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1 | Le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse:480 |
1 | lorsque le débiteur n'a pas de domicile fixe; |
2 | lorsque le débiteur, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite; |
3 | lorsque le débiteur est de passage ou rentre dans la catégorie des personnes qui fréquentent les foires et les marchés, si la créance est immédiatement exigible en raison de sa nature; |
4 | lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82, al. 1; |
5 | lorsque le créancier possède contre le débiteur un acte de défaut de biens provisoire ou définitif; |
6 | lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive. |
2 | Dans les cas énoncés aux ch. 1 et 2, le séquestre peut être requis pour une dette non échue; il rend la créance exigible à l'égard du débiteur. |
3 | Dans les cas énoncés à l'al. 1, ch. 6, qui concernent un jugement rendu dans un État étranger auquel s'applique la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale485, le juge statue aussi sur la constatation de la force exécutoire.486 |
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D. a recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève. Cette dernière a, par ordonnance du 2 juillet 1981, rejeté le recours. Laissant ouverte la question de savoir s'il était admissible, au regard de la loi, de ne pas restituer les sûretés au condamné qui a commencé à exécuter sa peine, elle a considéré qu'en l'occurrence, la mauvaise foi de D. justifiait une telle solution. Agissant par la voie du recours de droit public, D. demande au Tribunal fédéral principalement d'annuler l'ordonnance précitée et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau, subsidiairement d'annuler la décision du procureur général du 14 janvier 1981 et de dire que la caution est dégagée depuis le 22 septembre 1980. Il invoque une violation de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
Erwägungen
Considérant en droit:
1. a) En tant qu'il est dirigé principalement contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation, le recours est recevable. En revanche, dans la mesure où il tend subsidiairement à l'annulation de la décision du procureur général, il est irrecevable, étant donné que l'autorité cantonale de recours a statué avec un plein pouvoir d'examen (ATF 106 Ia 55 consid. 2; ATF 104 Ia 83 consid. 2b, 136 consid. 2a, 204 consid. 1b et arrêts cités). b) En outre, sous réserve d'exceptions dont les conditions ne sont pas réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 106 Ia 54 consid. 1; ATF 105 Ia 28 consid. 1; ATF 104 Ia 32 consid. 1 et renvois). Les conclusions du recourant qui sortent de ce cadre, notamment celles qui tendent à ce que le Tribunal fédéral donne des injonctions positives à l'autorité cantonale, sont ainsi irrecevables.
2. Il convient de relever préliminairement que les sûretés déposées par le recourant pour sa mise en liberté provisoire n'ont pas été dégagées lorsque celui-ci a commencé à exécuter sa peine, comme elles doivent
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normalement l'être d'office. Il est toutefois sans intérêt pour la présente procédure de s'interroger sur les raisons pour lesquelles tel n'a pas été le cas. On retiendra seulement ici que cette circonstance a permis au procureur général d'ordonner la contrainte desdites sûretés en cours d'exécution de la peine. On remarquera à ce propos que l'autorité cantonale ne se prononce pas sur la légalité de cette mesure dans une telle hypothèse et qu'elle laisse la question ouverte. La Cour de céans doit toutefois examiner en premier lieu si les conditions posées par la loi pour contraindre les sûretés sont remplies dans le cas particulier.
a) Les dispositions qui définissent le but et la nature des sûretés en droit genevois figurent au titre deuxième du Code de procédure pénale du 29 septembre 1977 (CPP gen.), qui traite de la "Recherche des infractions et de leurs auteurs". Elles sont comprises dans le chapitre III de ce titre consacré à l'instruction préparatoire, et dans sa section 6 intitulée "Mise en liberté". Ainsi, selon l'art. 155, la mise en liberté provisoire peut être accordée à un inculpé détenu préventivement moyennant sûretés ou obligations; l'art. 156 al. 1 précise pour sa part que les sûretés ont pour but de garantir la présence de l'inculpé aux actes de la procédure et sa soumission au jugement. Il ressort du texte même de ces dispositions et de l'emplacement qu'elles occupent dans la systématique de la loi que la mise en liberté sous caution est une institution spécifiquement liée à la détention préventive. Considérée comme un succédané de cette dernière, elle constitue un cas d'application du principe de la proportionnalité, en vertu duquel le maintien en détention pour les besoins de l'instruction représente l'ultima ratio. Bien qu'il puisse entraîner des inégalités de traitement entre prévenus selon leur situation économique, le principe même des sûretés destinées à garantir la comparution ultérieure de l'inculpé devant l'autorité de jugement est largement admis dans la doctrine et la jurisprudence (voir ATF 105 Ia 187 consid. 4; arrêt de la Cour européenne Wemhoff du 27 juin 1968, in Annuaire 1968, p. 807 par. 15; avis de la Commission européenne du 5 décembre 1979, in SJ 1980 p. 586; G. ZIRILLI, Problèmes relatifs à la détention préventive, thèse Lausanne 1975 p. 29; CHRISTIAN NILS ROBERT, La détention préventive en Suisse romande et notamment à Genève, p. 84 ss). b) Il découle de sa nature de succédané de la détention préventive que la caution ne peut être exigée que si et aussi longtemps qu'il existe
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un motif de détention préventive (ATF 95 I 204; SJ 1976 p. 186). Par conséquent, elle doit être libérée dès qu'elle n'a plus sa raison d'être, c'est-à-dire lorsque les actes de procédure dont elle devait assurer le déroulement ont été exécutés et que le risque qu'elle avait pour but de prévenir a ainsi disparu (cf. FRANÇOIS CLERC, Initiation à la justice pénale en Suisse, p. 174). Les dispositions régissant la libération et l'exécution des sûretés font directement suite, dans le Code de procédure genevois, à celles dont il a été question ci-dessus. L'art. 161, en particulier, prescrit que les sûretés sont dégagées si la liberté provisoire prend fin, ou en cas de classement, de non-lieu, d'acquittement, d'absolution, de décès, ou lorsque l'inculpé s'est présenté aux actes de procédure pour l'exécution du jugement. Cette règle trouve son équivalent notamment à l'art. 57
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
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l'a fait dans la présente espèce, à la libération de la caution après le début de l'exécution de la peine. C'est à tort, notamment, que dans ses observations sur le recours de droit public, ce dernier fait appel au texte de l'art. 162 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 162 Définition - On entend par témoin toute personne qui n'a pas participé à l'infraction, qui est susceptible de faire des déclarations utiles à l'élucidation des faits et qui n'est pas entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 156 Mesures visant à protéger des personnes en dehors de la procédure - La Confédération et les cantons peuvent prévoir des mesures visant à protéger des personnes en dehors de la procédure. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 161 Examen de la situation personnelle dans le cadre de la procédure préliminaire - Le ministère public n'interroge le prévenu sur sa situation personnelle que lorsqu'un acte d'accusation ou une ordonnance pénale sont prévisibles ou si cela est nécessaire pour d'autres motifs. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 162 Définition - On entend par témoin toute personne qui n'a pas participé à l'infraction, qui est susceptible de faire des déclarations utiles à l'élucidation des faits et qui n'est pas entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements. |
3. Il reste cependant à voir si, comme le retient l'autorité cantonale, la libération des sûretés que réclame le recourant se heurte, en l'espèce, au principe de la bonne foi. Selon l'ordonnance déférée, en effet, le recourant, en voulant s'opposer à la décision du procureur général alors même qu'il se trouve en fuite et se soustrait ainsi systématiquement à l'exécution de sa peine, commettrait un abus de droit. a) Il convient tout d'abord de relever que l'autorité cantonale, lorsqu'elle reproche au recourant son comportement abusif, se réfère au moment où ce dernier a pris la fuite, soit postérieurement à la date de sa seconde mise en liberté provisoire, destinée à lui permettre de subir sa peine. En revanche, elle n'affirme nulle part qu'il aurait manifesté une attitude contraire à la bonne foi déjà au moment du début de l'exécution de la peine, lorsque la libération des sûretés aurait dû normalement avoir lieu. Or, à ce moment-là, ainsi qu'il a été dit plus haut, les obligations que la caution était destinée à garantir, conformément à l'art. 156
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 156 Mesures visant à protéger des personnes en dehors de la procédure - La Confédération et les cantons peuvent prévoir des mesures visant à protéger des personnes en dehors de la procédure. |
BGE 107 Ia 206 S. 211
caution n'est pas destinée à garantir l'accomplissement. Le principe de la bonne foi ancré à l'art. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. |
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1 | Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. |
2 | L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 2 - 1 Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. |
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1 | Chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. |
2 | L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. |
BGE 107 Ia 206 S. 212
foi ne saurait en aucun cas servir à vider la loi de sa substance et à réaliser des objectifs que le législateur, conscient des divers intérêts qu'il avait à prendre en considération, n'a pas voulu atteindre. c) Dès lors que le dépôt des sûretés n'a pas pour but de garantir l'exécution de la peine, mais uniquement d'assurer la participation du prévenu à l'instruction et à l'audience de même que son incarcération en cas de condamnation à une peine ferme, l'autorité cantonale ne pouvait, au regard des principes rappelés ci-dessus, s'appuyer sur le comportement jugé contraire à la bonne foi du recourant en cours d'exécution de la peine pour contraindre les sûretés. Elle était d'autant moins fondée à le faire que celles-ci auraient dû être antérieurement libérées. Sa décision est ainsi entachée d'arbitraire. Le recours de droit public doit donc être admis et la décision attaquée annulée, les droits des créanciers quant à la réalisation du séquestre sur le plan civil étant au demeurant réservés.
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours dans la mesure où il est recevable et annule la décision attaquée.