106 Ia 389
64. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 14 mars 1980 en la cause Chevalley contre Grand Conseil du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):
- Änderung einer in einer Verfassungsnorm festgelegten Kompetenzordnung durch eine Gesetzesbestimmung; Veräusserung von Werten aus dem Finanzvermögen des Gemeinwesens. Art. 85 lit. a OG, 80 GE-KV.
- Verletzung des Stimmrechts des Bürgers dadurch, dass die Änderung einer Verfassungsnorm statt durch eine Bestimmung auf Verfassungsstufe durch eine solche von Gesetzesrang erfolgt.
Regeste (fr):
- Modification, par une loi ordinaire, de la compétence des autorités fixée par la Constitution. Aliénation du domaine privé de l'Etat. Art. 85 lettre a OJ, 80 Cst. gen.
- La modification d'une disposition constitutionnelle par une loi ordinaire, au lieu d'une loi constitutionnelle, constitue une violation du droit de vote des citoyens.
Regesto (it):
- Modifica, mediante legge ordinaria, della competenza delle autorità, fissata dalla costituzione. Alienazione del patrimonio privato dello Stato. Art. 85 lettera a OG, art. 80 cost. ginevrina.
- La modifica di una disposizione costituzionale, effettuata mediante una legge ordinaria anziché con una legge costituzionale, viola il diritto di voto dei cittadini.
Sachverhalt ab Seite 389
BGE 106 Ia 389 S. 389
Le corps électoral du canton de Genève (dénommé: Conseil général) a accepté en votation du 25 septembre 1977 une initiative populaire non formulée intitulée "Initiative populaire pour favoriser la construction de logements et instituer un contrôle renforcé des loyers", alors que le Grand Conseil avait refusé d'entrer en matière sur cette initiative. Parmi les nombreux objets proposés par les initiants pour atteindre les buts visés, figurait notamment l'interdiction d'aliéner "des immeubles propriétés de l'Etat et des corporations de droit public" à des "personnes morales ou physiques autres que des collectivités publiques".
BGE 106 Ia 389 S. 390
Le 29 septembre 1977, le Grand Conseil a adopté trois lois en application partielle de cette initiative, notamment la "loi générale sur le logement et la protection des locataires", qui comprend 51 articles. L'art. 41, figurant au chapitre V intitulé "Restriction au droit d'aliéner", dispose: "L'aliénation des immeubles qui sont propriété de l'Etat, de collectivités
publiques ou de fondations de droit public à des personnes morales ou physiques autres que des collectivités publiques ou des corporations de droit public est soumise à l'approbation du Grand Conseil.
Restent réservés à la compétence du Conseil d'Etat:
a) l'approbation d'aliénations d'immeubles propriété d'une commune ou d'une fondation communale;
b) les échanges et les transferts effectués dans le
cadre d'opérations de remembrement foncier et d'aménagement du territoire..."
Soumises au vote populaire en application de l'art. 67 al. 2
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 67 Référendum facultatif - 1 Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 2 % des titulaires des droits politiques.10 |
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1 | Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 2 % des titulaires des droits politiques.10 |
2 | Sont également soumises au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques: |
a | les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant; |
b | les lois qui comportent une modification de la législation sur le logement, la protection des locataires et l'habitat, y compris les voies de droit en la matière. |
3 | Les objets visés au présent article sont également soumis au corps électoral si le Grand Conseil le décide à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres. |
Erwägungen
Extrait des motifs:
2. Sur le fond, la recourante fait observer que, selon l'art. 80
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 80 Pouvoir législatif - Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 101 Pouvoir exécutif - Le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif. |
BGE 106 Ia 389 S. 391
telle qu'elle est fixée par la Constitution, alors qu'une telle modification aurait dû se faire par une loi constitutionnelle. a) En ce qui concerne la portée de l'art. 80
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 80 Pouvoir législatif - Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. |
BGE 106 Ia 389 S. 392
quelques indications sur la notion du domaine public qui comprenait essentiellement les chemins, routes et rues, à la charge de l'Etat, les fleuves, rivières, rivages, ports, havres, rades et généralement toutes les portions du territoire qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, ainsi que les biens vacants et sans maître, les fossés, remparts et forteresses, les terrains des fortifications qui ne sont plus places de guerre. En Suisse romande, l'expression "domaine public" a désigné traditionnellement l'ensemble des biens immobiliers qui, soit à raison de leur nature, soit à raison de leur affectation à l'usage direct du public, sont insusceptibles de propriété privée, cette conception s'inspirant de celle des anciens auteurs français, pour qui le domaine public s'identifiait au domaine du "public" (cf. RENÉ MEYER, Du droit de l'Etat sur le domaine public et des utilisations privatives de ce domaine par les particuliers..., thèse Lausanne 1953, p. 11 s.). Selon l'ancienne théorie française, les biens de l'Etat faisaient nécessairement partie soit du domaine privé, soit du domaine public, ce dernier étant la partie des biens de l'Etat protégée par le régime de la domanialité publique comprenant les choses affectées à l'usage direct du public (routes, fleuves, montagnes, glaciers, etc.) (cf. RENÉ MEYER, op.cit., p. 10 s.). Il est donc probable, sinon certain, que pour les auteurs de la Constitution genevoise de 1842, dont quelques-uns étaient d'éminents juristes, l'expression "domaine public" correspondait auxdites conceptions françaises. Autrement dit, il n'est guère vraisemblable qu'ils aient entendu attribuer au Grand Conseil la compétence de décréter les aliénations de la propriété privée de l'Etat. La Commission parlementaire admet d'ailleurs que, dans la pratique, le pouvoir législatif n'a nullement émis de telles prétentions, le Conseil d'Etat ayant librement disposé de ses biens privés, ses immeubles étant du reste inscrits à ce titre au registre foncier (cf. les explications fournies par un membre du gouvernement au Grand Conseil lors des délibérations sur le premier projet de loi constitutionnelle, relative à l'art. 80
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 80 Pouvoir législatif - Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. |
BGE 106 Ia 389 S. 393
loi sur le domaine public (RS, L/1/0.5) qui, remplaçant sur ce point l'ancienne loi générale sur les routes, la voirie et les cours d'eau du 15 juin 1895, a fixé le champ, les conditions et les modalités d'exercice de sa compétence constitutionnelle en la matière. En revanche, aucune réglementation analogue n'a été édictée pour les biens du patrimoine privé de l'Etat. Cette circonstance confirme implicitement que l'administration de ces biens et le pouvoir d'en disposer appartiennent à l'autorité exécutive. Une telle séparation des compétences est la conséquence logique du régime juridique diffèrent auquel chaque catégorie de ces biens est soumise. En effet, le domaine public ne se caractérise nullement par les propriétés physiques des biens qui le composent, mais par son régime juridique que les cantons déterminent dans les limites de leur pouvoir (GRISEL, Droit administratif suisse, p. 279). Le patrimoine administratif, soit l'ensemble des biens dont l'Etat se sert lui-même pour atteindre ses buts, fait partie du domaine public (GRISEL, op.cit., p. 286). En revanche, le domaine privé de l'Etat se compose de tous les biens qui lui appartiennent sans être incorporés au domaine public: espèces, papiers-valeurs, terrains, bâtiments locatifs, exploitations agricoles, forêts, etc. Comme les biens des administrés, le domaine privé étatique est soumis en principe au droit privé (GRISEL, op.cit., p. 283). Il est donc normal d'en confier l'administration, la gestion et l'aliénation éventuelle à l'organe auquel la Constitution attribue l'administration générale du canton. b) L'art. 101
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 101 Pouvoir exécutif - Le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 70 Clause d'urgence - 1 Les lois dont l'entrée en vigueur ne souffre aucun retard peuvent être déclarées urgentes par décision du Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres. Ces lois entrent en vigueur immédiatement. |
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1 | Les lois dont l'entrée en vigueur ne souffre aucun retard peuvent être déclarées urgentes par décision du Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres. Ces lois entrent en vigueur immédiatement. |
2 | Si le référendum est demandé, la loi devient caduque un an après son entrée en vigueur, à moins qu'elle n'ait été dans l'intervalle acceptée par le corps électoral. La loi caduque ne peut être renouvelée selon la procédure d'urgence. |
Il découle de l'ensemble des critères d'appréciation pris en considération que, contrairement à l'argumentation de la
BGE 106 Ia 389 S. 394
Commission parlementaire, l'art. 80
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 80 Pouvoir législatif - Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. |
3. En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, les organes doivent rester dans leur sphère de compétence; ce principe est donc violé par l'évincement d'un organe au profit d'un autre (GRISEL, op.cit., p. 70). a) L'art. 41 de la loi générale sur le logement aboutit nécessairement à un tel résultat, car il a pour effet d'attribuer au Grand Conseil une compétence que la Constitution lui a refusée, l'ayant de ce seul fait réservée au Gouvernement cantonal, qui l'a d'ailleurs exercée durant de nombreuses années avec le consentement, au moins tacite, du Parlement. Le pouvoir législatif dont ce dernier est investi ne lui confère pas celui de s'attribuer des compétences que le constituant lui dénie. Il ne peut le faire que par le moyen d'une modification de la Constitution, selon les voies prévues à cet effet. Or ces voies, consacrées par une pratique constamment observée depuis un siècle et demi, n'ont pas été suivies. La Constitution et la législation d'application opèrent une distinction nette entre les lois dites "ordinaires" et les lois "constitutionnelles". L'art. 179
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 179 Construction de logements - 1 Le plan directeur cantonal prévoit la mise à disposition en suffisance de terrains constructibles et une densification adéquate. |
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1 | Le plan directeur cantonal prévoit la mise à disposition en suffisance de terrains constructibles et une densification adéquate. |
2 | La réglementation en matière de déclassement, de construction, de transformation et de rénovation prévoit des procédures simples permettant la réalisation rapide de projets. |
3 | La recherche de solutions de constructions économes en énergie est encouragée. |
4 | L'État mène une politique active d'acquisition de terrains, notamment en vue d'y construire des logements d'utilité publique par des institutions de droit public ou sans but lucratif, telles que les coopératives d'habitation. |
Il est ensuite porté à la sanction du Conseil général.
La majorité absolue des votants décide de l'acceptation ou du rejet." L'art. 47
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 47 Droit de récolter des signatures - Le droit d'utiliser le domaine public gratuitement afin de récolter des signatures pour des initiatives ou des demandes de référendum est garanti. |
BGE 106 Ia 389 S. 395
Conseil (art. 64 al. 1 de la loi du 9 octobre 1969 portant règlement du Grand Conseil; RS B/1/1). En outre, il découle de ces textes que le projet tendant à la modification d'une disposition constitutionnelle doit clairement exprimer cette volonté, en précisant les changements qui doivent être apportés à la norme visée. Enfin, il est nécessaire de limiter le projet à son objet spécifique. Un projet qui ne respecte pas ces critères ne saurait être assimilé aux actes évoqués par les art. 47
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 47 Droit de récolter des signatures - Le droit d'utiliser le domaine public gratuitement afin de récolter des signatures pour des initiatives ou des demandes de référendum est garanti. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 179 Construction de logements - 1 Le plan directeur cantonal prévoit la mise à disposition en suffisance de terrains constructibles et une densification adéquate. |
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1 | Le plan directeur cantonal prévoit la mise à disposition en suffisance de terrains constructibles et une densification adéquate. |
2 | La réglementation en matière de déclassement, de construction, de transformation et de rénovation prévoit des procédures simples permettant la réalisation rapide de projets. |
3 | La recherche de solutions de constructions économes en énergie est encouragée. |
4 | L'État mène une politique active d'acquisition de terrains, notamment en vue d'y construire des logements d'utilité publique par des institutions de droit public ou sans but lucratif, telles que les coopératives d'habitation. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 67 Référendum facultatif - 1 Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 2 % des titulaires des droits politiques.10 |
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1 | Les lois, ainsi que les autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses, sont soumis au corps électoral si le référendum est demandé par 2 % des titulaires des droits politiques.10 |
2 | Sont également soumises au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques: |
a | les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant; |
b | les lois qui comportent une modification de la législation sur le logement, la protection des locataires et l'habitat, y compris les voies de droit en la matière. |
3 | Les objets visés au présent article sont également soumis au corps électoral si le Grand Conseil le décide à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 80 Pouvoir législatif - Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. |
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet partiellement le recours en ce sens que l'art. 41 al. 1 de la loi est annulé dans la mesure où il vise les immeubles qui sont propriété privée de l'Etat.