101 V 68
12. Arrêt du 10 avril 1975 dans la cause Société vaudoise et romande de secours mutuels contre Centrale d'encaissement des hôpitaux vaudois et Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud
Regeste (de):
- Über den Leistungsanspruch bei Hospitalisation.
- - Wahl der Heilanstalt und Wirkung auf den Leistungsumfang (Art. 19bis und 23 KUVG).
- - Schutz des guten Glaubens des Versicherten, wenn sich ein Anstaltswechsel aus ökonomischen Gründen rechtfertigt.
Regeste (fr):
- Du droit aux prestations en cas d'hospitalisation.
- - Choix de l'hôpital et incidence sur l'étendue des prestations (art. 19bis
et 23
LAMA).
- - Protection de la bonne foi de l'assuré lorsqu'un changement d'établissement devient justifié pour des raisons d'économie.
Regesto (it):
- Del diritto alla cura in ospedale.
- - Scelta dello stabilimento di cura e incidenza sull'importo delle prestazioni (art. 19bis e 23 LAMI).
- - Protezione della buona fede dell'assicurato se un cambiamento del luogo di degenza diventa giustificato per ragioni d'economia.
Sachverhalt ab Seite 69
BGE 101 V 68 S. 69
A.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels (SVRSM), société coopérative ayant son siège à Lausanne, est une caisse-maladie reconnue. La Centrale d'encaissement des hôpitaux du canton de Vaud, à Lausanne également, est une association chargée d'encaisser auprès des caisses-maladie les factures des établissements hospitaliers qu'elle compte au nombre de ses membres et de répartir ce qui revient à chacun d'entre eux. Le traitement des assurés hospitalisés en salle commune dans la plupart des hôpitaux vaudois a fait l'objet au cours de ces dernières années d'une série de conventions. Celle du 13 novembre 1969, en sa version valable en 1970, liait: 1) l'Etat de Vaud pour l'Hôpital cantonal; 2) la Société vaudoise de médecine, association professionnelle de médecins; 3) le Groupement des hôpitaux régionaux vaudois; 4) les caisses membres de la Fédération vaudoise des caisses-maladie, dont la SVRSM. Elle présentait cette particularité que le prix de la journée d'hôpital incombant aux caisses était fixé à 50 fr., tandis que les hôpitaux recevaient, les uns, une somme inférieure, les autres, une somme supérieure. La Centrale d'encaissement exécutait, avec l'aide de subsides du canton, la péréquation nécessaire entre établissements. Les accords antérieurs à 1970 ne contenaient rien sur la question de l'indication de l'hospitalisation. Le 22 janvier 1970, une convention d'un nouveau genre vit le jour. Valable en 1970, elle concernait les assurés qualifiés de "malades de type C", c'est-à-dire des patients dont l'état ne peut être amélioré mais nécessite des soins hospitaliers ou paramédicaux continus, impossibles à domicile, par opposition aux "patients de type A", hospitalisés pour diagnostic et soins intensifs. L'hospitalisation du type A revêt un caractère médical et technique; du type C, médical et social. La convention du 22 janvier 1970 liait: 1) l'Etat de Vaud pour l'infirmerie Comtesse à Romainmôtier; 2) les maisons membres de l'Association vaudoise des établissements médico-sociaux (AVDEMS); 3) le Groupement des hôpitaux régionaux vaudois, pour l'Etoile du Matin à Jongny; 4) les caisses membres de la Fédération vaudoise des caisses-maladie, dont la SVRSM. Elle fixait à 17 fr. par jour la somme forfaitaire due par les caisses pour leurs assurés du type C.
BGE 101 V 68 S. 70
B.- Partant de l'idée que seuls les patients de type A bénéficiaient de la convention du 13 novembre 1969, la SVRSM entreprit au cours de la première moitié de 1970 de vérifier l'indication de l'hospitalisation de plusieurs de ses assurés âgés. Elle conclut de son enquête que des patients de type C séjournaient dans les hôpitaux de Saint-Loup, Payerne, Rolle et au Pavillon de La Côte. Elle écrivit à ces établissements qu'elle n'était plus en mesure d'appliquer à ces assurés le tarif forfaitaire de 50 fr. par jour, et contesta partiellement les factures - du montant total de 84'357 fr. - que la Centrale d'encaissement lui présenta pour ces cas, ne reconnaissant d'avoir que 1503 jours à 17 fr. (par analogie avec le régime de la convention du 22 janvier 1970), 152 jours à 50 fr. et 57 fr. à titre de prestations spéciales, donc 33'208 fr. en tout.
C.- Le 3 mars 1972, la Centrale d'encaissement demanda la constitution du Tribunal arbitral prévu par l'art. 25
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D.- La SVRSM a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement arbitral. Elle conclut,
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avec suite de frais et de dépens, à l'annulation de la décision attaquée et: a) principalement, à ce qu'il soit constaté que la recourante ne doit, dans tous les cas litigieux, que la prestation forfaitaire prévue pour un établissement du type C, donc 17 fr. par jour, ou b) subsidiairement, au renvoi de la cause aux premiers juges, afin qu'ils examinent si le séjour dans un établissement A n'était effectivement plus justifié dans les cas litigieux et si, par conséquent, le retrait de la garantie était admissible, au regard de l'art. 23
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Erwägungen
Droit:
1. La recourante ne conteste plus que l'intimée ait qualité pour agir en justice afin de recouvrer les factures que les hôpitaux la chargent d'encaisser. A juste titre, comme le jugement le démontre en son considérant IV. La décision attaquée concerne l'octroi d'une prestation d'assurance, puisqu'elle oblige la SVRSM à payer 50 fr. (au lieu de 17 fr.) par jour d'hospitalisation. Le Tribunal fédéral des assurances jouit donc du pouvoir d'examen accru que lui confère l'art. 132
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2. Bien que la loi ne précise pas cette évidence, il n'est pas inutile de rappeler que, comme toute institution d'assurance, les caisses-maladie reconnues n'ont à verser leurs prestations que si le risque assuré se réalise. Une caisse a donc toujours le droit, et même le devoir si elle éprouve des doutes sérieux de contester jusqu'à plus ample informé qu'un assuré qui se dit ou qu'on déclare malade le soit véritablement. Au vrai, la notion légale de maladie, vu la multitude des phénomènes nocifs possibles, se prête difficilement à une définition stricte (RO 97 V 2). Pourtant, on ne peut parler de maladie qu'en cas de troubles dus à des phénomènes pathologiques (ATFA 1968, p. 235). Les problèmes que pose à l'assurance-maladie l'hospitalisation de vieillards impotents ont été traités
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par le Tribunal fédéral des assurances dans les arrêts de principe ATFA 1969, p. 14 (consid. 3) et p. 69 (consid. 3 et 4), confirmés récemment dans l'arrêt Danthe du 9 septembre 1974 (RJAM 1974, p. 135). Il en ressort que les caisses-maladie répondent de toute hospitalisation rendue indispensable par l'état maladif qui cause l'impotence sénile, lorsque cet état nécessite, non pas forcément un traitement médical, mais simplement un séjour en milieu hospitalier. Quoique la loi ne le précise pas non plus, la caisse a aussi le droit de refuser de prendre en charge des mesures thérapeutiques inutiles ou qui pourraient être remplacées par des mesures moins coûteuses; ce droit de la caisse résulte indirectement de l'art. 23
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3. Il arrive qu'un patient entre dans un hôpital, un service ou une division dont le coût dépasse les limites assurées,
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et qu'il y entre non par choix mais par nécessité. Par exemple s'il doit absolument être hospitalisé et qu'aucun lit ne soit disponible dans les établissements, les services ou la division qui, tout en convenant au traitement de son affection, provoqueraient moins de frais. Dans ces circonstances, la caisse doit-elle payer plus que la loi, les conditions d'assurance ou les conventions ne l'y obligent ou l'excédent de dépense incombe-t-il à l'assuré? Le Tribunal fédéral des assurances a répondu implicitement à la question, en n'accordant en pareil cas que les prestations légales ou statutaires (RJAM 1972, p. 237, consid. 5 et 6 et 252 consid. 2 et 3, RO 98 V 150). Le système de l'art. 19bis
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4. Les statuts et les conditions d'assurance des caisses-maladie, d'une part, et les conventions qu'elles concluent avec les assurés ou des tiers, d'autre part, peuvent déroger sur certains points aux règles générales rappelées ci-dessus. Tel n'était pas le cas des conditions d'assurance de la SVRSM, en vigueur en 1970. Quant à la convention d'hospitalisation du 13 novembre 1969, elle contient entre autres les dispositions suivantes: a) Selon l'art. 2 lettre A, les assurés choisissent librement l'hôpital où ils entreront; ils ne doivent être l'objet d'aucune pression, ni directe, ni indirecte; ce choix ne doit entraîner pour eux aucune inégalité dans leurs charges financières. Il est évident que, comme l'art. 19bis al. 1
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(annexe I), les hôpitaux de zone (annexe II) et les hôpitaux régionaux (annexe III), de 65 fr. 50 pour les hôpitaux psychiatriques (annexe IV), de 26 fr. 70 pour les établissements médico-sociaux (annexe V) et de 72 fr. 30 pour les hôpitaux spécialisés (annexe VI). Il faut donc se demander si les parties à la convention de 1969/1970 ont entendu étendre le forfait de 50 fr. à tous les assurés dont l'état nécessitait une hospitalisation et qui étaient en fait hospitalisés dans un établissement conventionné, quel que fût non seulement la durée mais encore l'intensité du traitement - comme l'estiment l'intimée, les premiers juges et l'Office fédéral des assurances sociales -, ou si elles ont entendu excepter dudit forfait les assurés hospitalisés dans un établissement conventionné alors que normalement ils auraient dû recevoir ailleurs, dans un établissement médico-social meilleur marché, les soins personnels et les contrôles médicaux de routine seuls nécessités par leur état - comme l'estime la recourante. En 1970, les caisses-maladie payaient 17 fr. par jour d'hospitalisation aux établissements médico-sociaux, en vertu de la convention du 22 janvier 1970, qui est distincte et indépendante de celle du 13 novembre 1969. En 1975, dans une convention commune à tous les établissements hospitaliers, ce forfait a passé - on vient de le voir - à 26 fr. 70. De ce que la convention du 13 novembre 1969 ignore les notions de lits et de malades A (soins intensifs), d'une part, et C (nursering), d'autre part, on ne saurait conclure qu'en 1970 les assurés qui étaient en fait des malades C avaient le droit de choisir aux frais de l'assurance d'entrer dans un hôpital aux frais plus élevés, dont la vocation était le traitement intensif, et non dans un établissement médico-social, par destination adapté à leur cas. Le placement à l'hôpital du premier type apparaît bien plutôt comme une mesure contraire à l'esprit d'économie qui a inspiré l'art. 23
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BGE 101 V 68 S. 75
procès-verbal de la séance que la sous-commission de la Commission paritaire d'application de la convention d'hospitalisation a consacré, le 11 février 1971, à l'examen du conflit qui fait l'objet du présent litige, on constate que le représentant de l'Etat, soit le chef du Service de prévoyance sociale et d'assistance publique, et l'un des représentants du Groupement des hôpitaux régionaux vaudois, directeur de l'hôpital de Saint-Loup, étaient sensibles à l'anomalie que constituait le placement de "malades C" dans des hôpitaux.
5. Toutefois, à l'époque où la convention de 1969/1970 a été négociée et signée, la recourante ne pouvait pas ignorer l'anomalie à laquelle elle a tenté de mettre fin après la conclusion de l'accord, au printemps 1970. La présence de "patients C" dans certains hôpitaux était notoire dans les milieux qui s'occupaient d'hospitalisation ou de gériatrie. La recourante a donc toléré, avant novembre 1969 et quelques mois après, de fournir des prestations auxquelles ne l'obligeaient ni la loi, ni ses statuts, ni la convention d'hospitalisation. En ce faisant, elle a confirmé les assurés et les hôpitaux dans la conviction qu'il était possible de recevoir l'indemnité forfaitaire de 50 fr. par jour pour les cas d'hospitalisés du niveau C, et les a amenés les uns et les autres à instituer ou à prolonger une hospitalisation dont ils n'ont pas la faculté d'effacer les conséquences financières. Le respect du principe de la bonne foi, qui régit les rapports entre administration et administrés (GRISEL, Droit administratif suisse, p. 187 et 188) aurait donc dû détourner la recourante de refuser ses prestations avec effet rétroactif. Les pièces du dossier montrent en effet que la recourante a refusé de payer l'indemnité forfaitaire de 50 fr. à partir de dates antérieures à l'avis par lequel elle a déclaré à l'hôpital n'être plus en mesure de prendre en charge le séjour de l'assuré sur la base convenue pour les hospitalisations ordinaires, par opposition aux hospitalisations dans un établissement médico-social. Il eût importé, au contraire, de donner aux assurés et aux hôpitaux un délai pour s'accommoder de la situation nouvelle. Un préavis d'un mois pour la fin du mois suivant aurait été convenable.
6. En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont condamné sans réserves la SVRSM à payer la prestation forfaitaire prévue par la convention du 13 novembre 1969 pour
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les assurés du type C hospitalisés dans l'un ou l'autre des hôpitaux conventionnés et qu'ils ont fixé aux parties un délai d'un mois pour apurer leurs comptes. La situation est en réalité plus complexe. Il reste à déterminer quels assurés, parmi les cas litigieux, avaient besoin de soins intensifs et lesquels n'avaient vraiment besoin que des soins courants et d'une surveillance médicale de routine. La question n'est pas toujours clairement résolue. Pour les premiers, l'indemnité de 50 fr. sera due. Pour les seconds, elle est due jusqu'à la fin du mois suivant celui où la recourante a communiqué sa décision de ne plus la payer; elle fait place ensuite à l'indemnité de 17 fr. offerte par la recourante, non pas en application de la convention du 22 janvier 1970 mais de l'art. 19bis
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Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours est admis partiellement. Le jugement attaqué est réformé dans ce sens que: a) La SVRSM, recourante, doit la prestation forfaitaire de 50 fr. par jour prévue par la convention d'hospitalisation du 13 novembre 1969, pour les assurés "de type C" hospitalisés en 1969/1970 dans l'un ou l'autre des hôpitaux conventionnés, jusqu'à la fin du mois suivant celui où elle a notifié qu'elle ne la payerait plus, après quoi elle ne doit plus que 17 fr. par jour; le tout, dans la limite de durée fixée par l'art. 12 al. 4
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