Urteilskopf

100 IV 230

59. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 4 juillet 1974, dans la cause Procureur général du canton de Genève contre I.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 231

BGE 100 IV 230 S. 231

A.- I., né le 20 février 1948, de nationalité italienne, a entretenu des relations sexuelles complètes à deux reprises dans la nuit du 26 au 27 mai 1973 à son domicile avec une compatriote, née le 15 août 1961, la jeune C., qui était vierge et consentante. I. était donc âgé de 25 ans, alors que C. avait 11 ans et 9 mois, mais elle en paraissait 16 ou 17 et il a cru qu'elle avait plus de 16 ans. I. avait fait la connaissance de C. huit mois auparavant dans un bar, l'avait attendue plusieurs fois à la sortie des classes à proximité de son école. Il a toutefois affirmé qu'il ignorait le système scolaire genevois et qu'il ne s'était pas rendu compte du développement psychique de l'enfant. Il a précisé cependant qu'au début de sa fréquentation avec la jeune C., cette dernière lui avait dit être âgée de 18 ans, que, par la suite, elle avait rectifié en disant qu'elle n'avait que 11 ans, mais qu'il ne l'avait pas crue. I. est aide-maçon, marié, séparé et père d'un enfant. Il s'agit d'un individu assez simple qui, selon sa mère, aurait des raisonnements d'adolescent.
B.- Le 31 janvier 1974 la Cour correctionnelle de Genève, siégeant sans le concours du jury, a prononcé l'acquittement de I., qui était renvoyé devant elle sous l'inculpation de l'art. 191 ch. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP. La Cour de cassation genevoise, par arrêt du 6 mai 1974, a rejeté un recours du Procureur général contre l'arrêt de la Cour correctionnelle.
C.- Le Procureur général du canton de Genève se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à la cassation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la Cour de cassation cantonale pour qu'elle saisisse à nouveau la 1re instance aux fins de condamner I. du chef d'attentat à la pudeur des enfants (art. 191 ch. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
et 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP). I. conclut au rejet du pourvoi.

BGE 100 IV 230 S. 232

Erwägungen

Considérant en droit:

1. L'intimé a entretenu des relations sexuelles avec une enfant en admettant par erreur qu'elle était âgée de plus de 16 ans. Il ne serait dès lors punissable que si, en usant des précautions voulues, il avait pu éviter l'erreur (art. 191 ch. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP); autrement, il doit être liberé en application de l'art. 19 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 19 - 1 L'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
1    L'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
2    Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
3    Les mesures prévues aux art. 59 à 61, 63, 64, 67, 67b et 67e peuvent cependant être ordonnées.15
4    Si l'auteur pouvait éviter l'irresponsabilité ou la responsabilité restreinte et prévoir l'acte commis en cet état, les al. 1 à 3 ne sont pas applicables.
CP. L'erreur n'est donc punissable que si l'auteur l'a commise par une imprévoyance coupable, c'est-à-dire s'il n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 18 al. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 18 - 1 Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
1    Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
2    L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
CP).
Pour déterminer si l'erreur était évitable, le juge doit apprécier si, d'après les circonstances et sa situation personnelle, l'auteur ne pouvait être sûr que l'enfant fût âgé de 16 ans au moins et s'il devait, au contraire, compter sur l'éventualité que celui-ci fût encore sous protection légale (RO 85 IV 76). Savoir si l'erreur sur l'âge de la victime était inévitable et si l'auteur a usé des précautions voulues pour l'éviter est une question de droit.
2. Le seul fait que la jeune fille paraissait avoir 16-17 ans, c'est-à-dire l'âge limite, devait inciter à une prudence particulière. La première des précautions à prendre était de se renseigner sur son âge (cf. RO 84 IV 102, 85 IV 76). Certes on ne saurait faire de l'obligation de se renseigner une règle trop absolue; elle dépend des circonstances et l'on peut en faire abstraction si des faits précis permettent à l'auteur de croire sérieusement que la jeune fille avec laquelle il envisage d'entretenir des relations sexuelles a plus de 16 ans (cf. les différents cas cités par GIRARDIN, RPS 1970, p. 205 ss.). Mais en l'espèce, il n'existe aucun de ces faits précis touchant à la situation de la jeune fille qui auraient permis de dispenser l'intimé de se renseigner sur son âge. Bien au contraire, le fait que la jeune fille ait prétendu avoir 18 ans avant de dire qu'elle n'en avait que 1 l'devait éveiller les soupçons de l'intimé. En outre, le fait qu'il allait la chercher à la sortie des classes - où il devait nécessairement voir des enfants de tous âges scolaires et en tout cas de 11 ans - devait lui inspirer des doutes sérieux quant à son âge réel. Les précautions que l'on pouvait attendre de l'intimé ne présentaient pour lui guère de difficultés, puisqu'il a courtisé la jeune fille huit mois avant d'entretenir avec elle des relations sexuelles. Il a donc eu tout
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le temps de se renseigner. Enfin, âgé de 25 ans, marié, séparé et père d'un enfant, l'intimé connaissait suffisamment la vie pour que, aussi simple qu'il soit en tant qu'individu, on puisse attendre de lui qu'il ne se fiât pas aveuglément à la seule apparence d'une jeune fille, à défaut de tous autres éléments pouvant corroborer ce que cette apparence avait de trompeur. C'est donc à tort que la Cour cantonale a admis que l'intimé avait usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle. La cause doit donc lui être renvoyée pour qu'elle condamne l'intimé en application de l'art. 191 ch. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP.
3. L'intimé a demandé à benéficier de l'assistance judiciaire, mais il n'a ni établi, ni même allégué de faits permettant d'admettre qu'il serait dans le besoin. L'une au moins des deux conditions posées à l'art. 152
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
OJ n'est ainsi pas réalisée.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la Cour cantonale pour nouvelle décision.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 100 IV 230
Date : 04 juillet 1974
Publié : 31 décembre 1975
Source : Tribunal fédéral
Statut : 100 IV 230
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : Art. 191 ch. 3 et art. 19 CP: 1. L'erreur mentionnée à l'art. 191 ch. 3 CP n'est pas différente de celle qui est prévue


Répertoire des lois
CP: 18 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 18 - 1 Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
1    Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
2    L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
19 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 19 - 1 L'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
1    L'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
2    Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
3    Les mesures prévues aux art. 59 à 61, 63, 64, 67, 67b et 67e peuvent cependant être ordonnées.15
4    Si l'auteur pouvait éviter l'irresponsabilité ou la responsabilité restreinte et prévoir l'acte commis en cet état, les al. 1 à 3 ne sont pas applicables.
191 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 191 - Quiconque profite du fait qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance pour lui faire commettre ou subir l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
191n
OJ: 152
Répertoire ATF
100-IV-230 • 84-IV-102 • 85-IV-76
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
abstraction • acquittement • adolescent • allaitement • assistance judiciaire • calcul • cour de cassation pénale • diligence • doute • décision • décision de renvoi • enfant • membre d'une communauté religieuse • mois • nuit • quant • question de droit • tribunal fédéral