Tribunal federal
{T 0/2}
7B.29/2003 /frs
Arrêt du 31 mars 2003
Chambre des poursuites et des faillites
Composition
Mmes et M. les Juges Escher, présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.
Parties
A. et B.B.________,
recourants, représentés par Me Urs Saal, avocat, Etude Budin et Associés, rue Sénebier 20, 1211 Genève 12,
contre
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
sursis concordataire; faillite; comptabilisation de rentes AI et d'allocations familiales,
recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance, du 21 janvier 2003.
Faits:
A.
En raison du surendettement de son exploitation agricole, A.B.________ a été mis au bénéfice d'un sursis provisoire le 12 mai 1997, puis d'un sursis concordataire le 24 juin de la même année, sursis qui a été prolongé jusqu'au 24 décembre 1998. Le 23 février 1999, il a été déclaré en faillite.
Durant la procédure de sursis, le débiteur a continué l'exploitation de son domaine sous la surveillance du commissaire, désigné en la personne du préposé de l'Office des poursuites et faillites d'Yverdon. Selon le débiteur, un montant de 4'204 fr. 30, représentant sa rente AI (2'952 fr.) et les allocations familiales pour ses trois enfants (1'252 fr. 30), aurait alors été comptabilisé dans les revenus de l'exploitation à la demande du préposé, qui ne l'aurait pas informé du caractère insaisissable de ces prestations.
Après le prononcé de faillite, le débiteur a été maintenu comme exploitant du domaine agricole par décision du préposé, confirmée par les assemblées des créanciers. Il aurait continué à comptabiliser sa rente AI et les allocations familiales, soit 4'140 fr. 05 par mois, dans les comptes de l'exploitation, ce jusqu'au 31 mars 2000.
B.
Par lettres des 8 et 31 mai 2001, le failli a demandé au préposé le remboursement immédiat des rentes et allocations familiales en cause pour les années 1997 à 2000, soit un montant total de 128'245 fr. 60. L'administration de la faillite a rejeté cette demande par décision du 8 juin 2001, en relevant notamment que "si tous les revenus n'avaient pas été pris en compte, l'activité du débiteur aurait immédiatement cessé", le but visé par le maintien de l'activité ayant été de "trouver une solution permettant au failli de rester sur son domaine". L'administration de la faillite précisait par ailleurs que "aucun créancier n'a perçu le moindre centime des revenus".
La plainte que le failli et son épouse B.B.________ ont déposée contre cette décision a été rejetée par le Président du Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, autorité cantonale inférieure de surveillance, en bref pour les motifs suivants: le failli avait accepté de son plein gré que sa rente AI et les allocations familiales soient comptabilisées dans les comptes de l'exploitation dans le but de démontrer que le domaine était rentable; il avait disposé librement de ses revenus, y compris la rente AI et les allocations familiales, dont aucun créancier n'avait bénéficié; après le prononcé de sa faillite, il aurait pu invoquer l'insaisissabilité des montants en question lorsqu'il a été appelé à se déterminer sur l'inventaire (art. 228
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 228 - 1 L'office soumet l'inventaire au failli et l'invite à déclarer s'il le reconnaît exact et complet. |
|
1 | L'office soumet l'inventaire au failli et l'invite à déclarer s'il le reconnaît exact et complet. |
2 | Sa réponse est transcrite dans l'inventaire et signée par lui. |
Saisie d'un recours du failli et de son épouse, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté et a maintenu le prononcé de l'autorité inférieure de surveillance par arrêt du 21 janvier 2003.
C.
Contre cet arrêt, qu'ils ont reçu le 23 janvier 2003, les plaignants ont recouru le (lundi) 3 février 2003 à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral en concluant à son annulation et au renvoi de l'affaire à la cour cantonale pour qu'elle complète au besoin le dossier et statue à nouveau dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, ils requièrent le Tribunal fédéral de constater que les rentes AI et allocations litigieuses "sont des créances de la masse et qu'en conséquence, ces montants qui cumulés s'élèvent à CHF 124'850 sont susceptibles d'un remboursement immédiat par la masse".
Les créanciers X.________ et Y.________ ont déclaré soit se rapporter à justice, soit n'avoir pas d'observation particulière à formuler. L'office a renoncé à se déterminer.
Les recourants ont par ailleurs sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
La Chambre considère en droit:
1.
L'affirmation de l'autorité inférieure de surveillance selon laquelle le failli a disposé librement de ses revenus, y compris les rentes AI et les allocations familiales, dont aucun créancier n'a bénéficié, a semblé à la cour cantonale difficilement conciliable a priori avec l'exigence, formulée en décembre 1998, selon laquelle tous les montants reçus par le recourant devaient être déposés sur un compte, aucun retrait ne pouvant intervenir sans l'accord du commissaire. A cet égard, la cour cantonale s'est posé la question de savoir si le commissaire était habilité à prendre de telles mesures, sachant qu'il ne résultait pas du dossier que le juge du concordat aurait fait usage de la faculté offerte par l'art. 298 al. 1er
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 298 - 1 Le débiteur peut poursuivre son activité sous la surveillance du commissaire. Le juge du concordat peut cependant prescrire que certains actes ne pourront être valablement accomplis qu'avec le concours du commissaire, ou autoriser le commissaire à poursuivre l'activité de l'entreprise à la place du débiteur. |
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1 | Le débiteur peut poursuivre son activité sous la surveillance du commissaire. Le juge du concordat peut cependant prescrire que certains actes ne pourront être valablement accomplis qu'avec le concours du commissaire, ou autoriser le commissaire à poursuivre l'activité de l'entreprise à la place du débiteur. |
2 | Sauf autorisation du juge du concordat ou de la commission des créanciers, il est interdit, sous peine de nullité, d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de se porter caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis. |
3 | Les droits des tiers de bonne foi sont réservés. |
4 | Si le débiteur contrevient à cette disposition ou aux injonctions du commissaire, le juge du concordat peut, sur le rapport de celui-ci, retirer au débiteur le pouvoir de disposer de ses biens ou ouvrir d'office la faillite. |
de la cour cantonale; elle ne permettait notamment pas de trancher entre les deux versions des faits contradictoires relatives à l'affectation des rentes et allocations à l'exploitation du recourant. Cette insuffisance dans l'établissement des faits pertinents aurait justifié, en principe, l'annulation du prononcé attaqué et le renvoi de la cause au premier juge pour qu'il instruise sur les points soulevés. En outre, à première analyse, il semblait que les rentes et allocations litigieuses auraient dû échapper à l'exécution forcée. La cour cantonale a toutefois renoncé à à trancher cette question et à annuler le prononcé attaqué pour la raison suivante: les conclusions prises par les plaignants tendaient à faire reconnaître qu'ils étaient titulaires, contre la masse en faillite, d'une créance en remboursement des rentes AI et allocations familiales affectées à l'exploitation agricole pendant le sursis concordataire et la faillite, jusqu'en mars 2000; or, selon la jurisprudence (ATF 125 III 293; 113 III 148), il n'appartenait pas aux autorités de surveillance de trancher les litiges relatifs à la qualification d'une dette comme créance de la masse ou du failli, cette question relevant de l'autorité compétente pour statuer sur le
fond de la prétention en cause, soit le juge civil ou administratif. En conclusion, a estimé la cour cantonale, la voie de la plainte n'était pas ouverte pour traiter des conclusions prises par les recourants et l'autorité inférieure de surveillance aurait dû se borner à déclarer la plainte irrecevable.
Les recourants contestent avec raison ce point de vue. En effet, la jurisprudence invoquée vise les prétentions de tiers créanciers dont il faut décider si elles sont dirigées contre le failli, auquel cas elles sont soumises à la collocation, ou contre la masse, auquel cas elles sont payées en priorité. En l'espèce, il ne s'agit pas de cela, mais de savoir si des revenus du débiteur et failli rentrent dans la masse active et doivent être affectés au désintéressement des créanciers. Cette question de la délimitation ou composition de la masse active et de son estimation relève de la compétence du commissaire (art. 299 al. 1
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 299 - 1 Aussitôt après sa désignation, le commissaire dresse l'inventaire des biens du débiteur et procède à leur estimation. |
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1 | Aussitôt après sa désignation, le commissaire dresse l'inventaire des biens du débiteur et procède à leur estimation. |
2 | Le commissaire tient à la disposition des créanciers la décision relative à l'estimation des gages; il la communique par écrit, avant l'assemblée des créanciers, aux créanciers gagistes et au débiteur. |
3 | Tout intéressé peut demander au juge du concordat, dans les dix jours et moyennant avance des frais, qu'il procède à une nouvelle estimation des gages. Lorsque la nouvelle estimation a été demandée par un créancier, celui-ci ne pourra réclamer au débiteur le remboursement des frais que si la première estimation a été notablement modifiée. |
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 197 - 1 Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
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1 | Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
2 | Les biens qui échoient au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse. |
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 221 - 1 Dès que l'office a reçu communication de l'ouverture de la faillite, il procède à l'inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation. |
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1 | Dès que l'office a reçu communication de l'ouverture de la faillite, il procède à l'inventaire des biens du failli et prend les mesures nécessaires pour leur conservation. |
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SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 299 - 1 Aussitôt après sa désignation, le commissaire dresse l'inventaire des biens du débiteur et procède à leur estimation. |
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1 | Aussitôt après sa désignation, le commissaire dresse l'inventaire des biens du débiteur et procède à leur estimation. |
2 | Le commissaire tient à la disposition des créanciers la décision relative à l'estimation des gages; il la communique par écrit, avant l'assemblée des créanciers, aux créanciers gagistes et au débiteur. |
3 | Tout intéressé peut demander au juge du concordat, dans les dix jours et moyennant avance des frais, qu'il procède à une nouvelle estimation des gages. Lorsque la nouvelle estimation a été demandée par un créancier, celui-ci ne pourra réclamer au débiteur le remboursement des frais que si la première estimation a été notablement modifiée. |
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 197 - 1 Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
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1 | Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
2 | Les biens qui échoient au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse. |
Konkurs, n. 102 ad art. 197
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 197 - 1 Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
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1 | Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers. |
2 | Les biens qui échoient au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse. |
Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, la voie de la plainte était donc bel et bien ouverte pour traiter des conclusions prises par les recourants. Partant, le grief de violation de l'art. 17
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 17 - 1 Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait. |
|
1 | Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait. |
2 | La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure. |
3 | Il peut de même être porté plainte en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié. |
4 | En cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S'il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l'autorité de surveillance.27 |
2.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle fasse procéder aux opérations complémentaires indiquées au considérant II (p. 7 ss) de sa décision.
3.
En vertu de l'art. 61 al. 2 let. a
SR 281.35 Ordonnance du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP) OELP Art. 61 Émoluments - 1 La juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC29) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance. 30 |
|
1 | La juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC29) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance. 30 |
2 | Sont gratuites: |
a | la procédure de plainte devant l'autorité de surveillance et le recours contre une décision sur la plainte (art. 17 à 19 LP); |
b | dans les procédures de sursis, de faillite et de concordat concernant les banques, la procédure de recours devant le juge du sursis, le juge de la faillite et le juge du concordat. |
Il se justifie d'accorder aux recourants, qui la demandent, une assistance judiciaire au sens de l'art. 152 al. 2
SR 281.35 Ordonnance du 23 septembre 1996 sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP) OELP Art. 61 Émoluments - 1 La juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC29) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance. 30 |
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1 | La juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC29) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance. 30 |
2 | Sont gratuites: |
a | la procédure de plainte devant l'autorité de surveillance et le recours contre une décision sur la plainte (art. 17 à 19 LP); |
b | dans les procédures de sursis, de faillite et de concordat concernant les banques, la procédure de recours devant le juge du sursis, le juge de la faillite et le juge du concordat. |
Par ces motifs, la Chambre prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale supérieure de surveillance pour complément d'instruction et nouvelle décision.
2.
La demande d'assistance judiciaire des recourants est admise, Me Urs Saal, avocat à Genève, étant désigné comme leur avocat d'office pour la procédure fédérale.
3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Urs Saal une indemnité de 800 fr. à titre d'honoraires.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, à Y.________, à X.________, à l'Office des poursuites et faillites d'Yverdon-Orbe et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance.
Lausanne, le 31 mars 2003
Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier: