Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour IV
D-7027/2009/
{T 0/2}

Arrêt du 25 octobre 2010

Composition
Gérald Bovier (président du collège),
Emilia Antonioni, Daniel Schmid, juges,
Alain Romy, greffier.

Parties
A._______,
Serbie / Kosovo,
représenté par B._______,
recourant,

contre

Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 12 juin 2009 / N (...).

Faits :

A.
A.a Entré en Suisse légalement le 22 novembre 2007 au moyen d'un visa touristique, l'intéressé a déposé une demande d'asile le 19 décembre 2007.
A.b Sur la feuille de données personnelles qu'il a remplie à cette occasion, il a indiqué être de nationalité, d'ethnie et de langue maternelle serbes.

B.
B.a Entendu sommairement le 9 janvier 2008, puis sur ses motifs d'asile le 1er février 2008, l'intéressé a déclaré qu'il était originaire de C._______, dans la commune de D._______ au Kosovo. En (...), sa famille aurait subi une agression au cours de laquelle (...) aurait été tué et (...) blessées. Suite à cet événement, sa famille se serait installée à E._______, en Serbie. Depuis (...), il aurait vécu seul, (...) étant retournés à C._______, alors que (...) résidaient dans des établissements médicaux en raison de leurs problèmes de santé. En (...), à la fin de ses études techniques, il aurait reçu une convocation pour le service militaire. Ne voulant pas y donner suite, n'ayant plus les moyens de financer son logement, et ayant été racketté par des Roms, il aurait rejoint (...) à C._______. Après environ (...), (...) aurait commencé à subir des pressions et des menaces de la part d'Albanais qui voulaient que le requérant parte. Le (...), celui-ci aurait été personnellement attaqué, des coups de feu étant tirés. Suite à ces pressions et menaces, il aurait quitté le Kosovo le (...) pour se rendre à F._______, en Serbie. Le (...), il aurait pris un avion à destination de la Suisse.
B.b A l'appui de sa demande, il a déposé divers documents, à savoir les copies du certificat de décès de (...) et de deux documents médicaux relatifs à (...), un extrait de presse, un extrait tiré d'internet relatif à l'attaque dont sa famille a été victime en (...), et onze photographies.

C.
C.a Par décision du 12 juin 2009, l'ODM a rejeté la demande d'asile de l'intéressé au motif que ses déclarations ne satisfaisaient pas aux conditions des art. 3 et 7 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31). Il a par ailleurs prononcé son renvoi et ordonné l'exécution de cette mesure.
C.b En matière d'asile, dit office a d'abord considéré que les allégations de l'intéressé relatives aux pressions et menaces qu'il aurait subies à C._______ n'étaient pas vraisemblables. Il a par ailleurs retenu que les moyens de preuve déposés n'étaient pas déterminants, dès lors qu'ils n'étaient pas de nature à prouver qu'il avait personnellement été victime de persécutions de la part d'Albanais. Il a ensuite relevé que le fait de devoir accomplir son service militaire ne constituait pas une persécution au sens de l'art. 3 LAsi. Quant au racket dont il aurait fait l'objet de la part de Roms, il a observé qu'il s'agissait de faits de tiers qui n'impliquaient pas l'État serbe et que rien ne permettait de considérer que l'intéressé n'aurait pas pu obtenir une protection appropriée s'il l'avait requise.
C.c En matière d'exécution du renvoi, l'ODM a relevé que la situation sécuritaire au Kosovo s'était améliorée ou du moins stabilisée ces dernières années, mais que toute menace concrète pour des personnes d'ethnie serbe, en dehors de leurs enclaves, ne pouvait d'une manière générale être encore exclue, raison pour laquelle un retour n'était en règle générale pas raisonnablement exigible, excepté au nord du Kosovo. S'agissant de l'intéressé, il a retenu qu'il venait précisément d'une région où l'on ne pouvait toujours pas exclure une mise en danger concrète en raison de son appartenance ethnique, mais qu'il existait une alternative de domicile au nord du Kosovo, laquelle n'était toutefois pas raisonnablement exigible en l'espèce. Il a cependant souligné qu'il existait aussi, en principe, pour les personnes d'ethnie serbe du Kosovo, une "alternative de domicile" en Serbie en application de la Constitution serbe de 2006. S'agissant du requérant, il a relevé que celui-ci était jeune, en bonne santé et avait vécu pendant (...) ans à E._______, où il avait terminé sa scolarité et obtenu un diplôme en (...). Il a en outre mentionné que des membres de la parenté de l'intéressé résidaient encore dans la région dans des institutions médicales. Il en a déduit qu'une alternative de domicile dans ce dernier État était ainsi raisonnablement exigible. Il a également retenu que l'exécution du renvoi était licite et possible.

D.
D.a Par acte du 27 juillet 2009, l'intéressé a recouru auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal). Il a conclu principalement à l'annulation de la décision de l'ODM et à l'octroi de l'asile, et subsidiairement à l'octroi d'une admission provisoire. Il a par ailleurs requis l'assistance judiciaire partielle. Il a repris pour l'essentiel ses déclarations relatives aux menaces dont il avait été victime au Kosovo et affirmé qu'elles correspondaient à la réalité. Il a par ailleurs sollicité d'être une nouvelle fois entendu si la vraisemblance de ses propos devait être mise en doute. Il a d'autre part contesté l'existence d'une alternative de domicile en Serbie. Il a d'abord relevé à cet égard qu'il ne pourrait compter dans cet État sur aucun membre de sa parenté susceptible de lui venir en aide financièrement, (...) étant totalement prises en charge par l'État serbe en raison de problèmes de santé. Il a par ailleurs fait valoir les difficultés qu'il rencontrerait à son retour en Serbie en tant que déplacé interne pour trouver du travail et un logement. Il a d'autre part affirmé qu'en cas de retour à E._______, il se verrait à nouveau confronté aux Roms qui l'avaient racketté. A ce sujet, il a fait valoir que, contrairement à ce qu'avait retenu l'ODM, il s'était vainement adressé à la police. Enfin, il a rappelé qu'il était un Serbe du Kosovo et non de Serbie, de sorte que les autorités suisses, qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo, devaient le considérer comme un Kosovar et non comme un Serbe. Pour cette raison, il a conclu que l'État serbe ne pouvait pas l'obliger à effectuer son service militaire, ce qui correspondrait à enrôler de force un ressortissant étranger.
A titre de moyens de preuve, il a déposé un document de l'Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) intitulé "Serbia : Final status for Kosovo - towards durable solutions or new displacement ?", un extrait d'une analyse du HCR, datée de mars 2007, relative à la situation des personnes du Kosovo déplacées internes en Serbie, ainsi que les copies de deux décomptes de salaire pour les mois de mai et juin 2009.
D.b Par arrêt du 19 août 2009, le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de l'intéressé pour cause de tardiveté.
D.c Par acte du 18 septembre 2009, ce dernier a demandé la révision dudit arrêt.
D.d Par arrêt du 9 novembre 2009, le Tribunal a admis la révision, annulé l'arrêt du 19 août 2009 et placé la cause en l'état où elle se trouvait juste avant que n'intervienne dit arrêt.

E.
E.a Par décision incidente du 23 novembre 2009, le juge instructeur a rejeté la demande d'assistance judiciaire partielle, constatant que les conditions cumulatives de l'art. 65 al. 1 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) n'étaient pas remplies, et a imparti au recourant un délai au 8 décembre 2009 pour verser un montant de Fr. 600.- à titre d'avance de frais.
E.b Le 30 novembre 2009, le recourant a versé le montant requis.

F.
Les autres faits de la cause seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit.

Droit :

1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF (art. 31 LTAF).

1.2 Il statue de manière définitive sur les recours formés contre les décisions rendues par l'ODM en matière d'asile et de renvoi de Suisse (art. 105 en relation avec l'art. 6a al. 1 LAsi, art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. d ch. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF, RS 173.110] ; ATAF 2007/7 consid. 1.1 p. 57).

1.3 Il examine librement en la matière le droit public fédéral, la constatation des faits et l'opportunité, sans être lié par les arguments invoqués à l'appui du recours (art. 106 al. 1 LAsi et art. 62 al. 4 PA par renvoi de l'art. 6 LAsi et de l'art. 37 LTAF) ni par la motivation retenue par l'autorité de première instance (cf. dans le même sens Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2002 n° 1 consid. 1a p. 5, JICRA 1994 n° 29 consid. 3 p. 206s.). Il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que ceux invoqués devant lui ou rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de l'autorité intimée.

1.4 A l'instar de l'ODM, il s'appuie exclusivement sur la situation prévalant au moment de l'arrêt s'agissant de la crainte de persécutions futures ou de motifs d'empêchement à l'exécution du renvoi, que ceux-ci soient d'ordre juridique ou pratique (ATAF 2008/12 consid. 5.2 p. 154s., ATAF 2008/4 consid. 5.4 p. 38s.). Il prend ainsi en considération l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt de la demande d'asile.

2.
L'intéressé a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA) et son recours, respectant les exigences légales en la matière (art. 108 al. 1 LAsi et art. 52 al. 1 PA), est recevable.

3.
La Suisse accorde l'asile aux réfugiés sur demande, conformément aux dispositions de la loi (art. 2 al. 1 LAsi). L'asile comprend la protection et le statut accordés en Suisse à des personnes en Suisse en raison de leur qualité de réfugié. Il inclut le droit de résider en Suisse (art. 2 al. 2 LAsi).

4.
4.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur État d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 2 LAsi).

4.2 Selon l'art. 7 LAsi relatif à la preuve de la qualité de réfugié, quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (al. 1). La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable (al. 2). Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (al. 3).

4.3 En règle générale, compte tenu du principe de la subsidiarité de la protection internationale, ne peut prétendre au statut de réfugié le requérant d'asile qui a plusieurs nationalités et qui peut se réclamer de la protection d'au moins un des pays dont il a précisément la nationalité (cf. notamment sur ce point Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève, janvier 1992, § 106 et 107, p. 26).

5.
5.1 En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est né le (...) à D._______ (cf. feuille de données personnelles remplie le 19 décembre 2007 et les documents versés au dossier ou en possession du recourant [passeport, carte d'identité et permis de conduire]), de parents d'ethnie serbe, dans une des provinces - le Kosovo - composant alors la République fédérale de Yougoslavie. A sa naissance, il était donc un ressortissant yougoslave d'ethnie serbe. A la suite toutefois du démembrement de la Yougoslavie, il est successivement devenu un ressortissant de Serbie et Monténégro, puis de Serbie, après que le Monténégro se fut formellement déclaré indépendant le 3 juin 2006. Ainsi, jusqu'en février 2008, soit jusqu'à la proclamation de l'indépendance du Kosovo, il était un ressortissant serbe, d'ethnie serbe, vivant dans la province du Kosovo.

5.2 Dans la mesure où le Conseil fédéral a reconnu le 27 février 2008 l'indépendance du Kosovo proclamée le 17 février 2008, le Tribunal est lié par cette déclaration de reconnaissance (cf. art. 184 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst., RS 101] ; arrêt du Tribunal administratif fédéral D-7561/2008 du 15 avril 2010 consid. 6.3 destiné à publication). Dès lors, toute personne qui remplit les conditions posées par la loi sur la nationalité du Kosovo (Loi N° 03/L 034 du 20 février 2008 entrée en vigueur le 15 juin 2008) doit être considérée comme une ressortissante du nouvel État. En outre, en général, une telle personne remplira également les conditions pour l'obtention de la nationalité serbe au sens de la loi sur la nationalité serbe du 21 décembre 2004 (Loi N° 135/04). En effet, la loi sur la nationalité kosovare reconnaît la double nationalité (art. 3 de de dite loi), alors que la loi serbe, bien qu'elle exclue en principe la double nationalité (art. 35 de cette loi), ne reconnaît pas la nationalité kosovare, puisque la Serbie conteste toujours l'indépendance du Kosovo. Du point de vue serbe, les ressortissants du Kosovo sont donc des ressortissants serbes exclusivement (consid. 6.4.2 de l'arrêt précité destiné à publication).

5.3 En l'espèce, dans la mesure où l'intéressé avait la nationalité yougoslave au 1er janvier 1998 et où il avait, à cette date, selon ses dires, son domicile sur le territoire actuel du Kosovo, il remplit les conditions de la loi sur la nationalité kosovare. Ce constat n'est toutefois en soi que d'une portée limitée puisque celui-ci n'a pas été renvoyé au Kosovo par l'autorité intimée, mais en Serbie, l'exécution du renvoi vers le Kosovo étant jugé non raisonnablement exigible par l'ODM.

5.4 Par ailleurs, l'intéressé, qui s'est réclamé de la nationalité serbe au moment du dépôt de sa demande d'asile (cf. feuille de données personnelles remplie le 19 décembre 2007), qui appartient, à l'instar de ses parents, à l'ethnie serbe et qui est de langue maternelle serbe, remplit également les conditions de reconnaissance de la nationalité serbe, nonobstant le fait qu'il se soit par la suite, et très vraisemblablement pour des raisons d'opportunité, réclamé de la seule nationalité kosovare (cf. mémoire de recours, p. 6).

5.5 S'agissant de ses motifs d'asile, l'intéressé a principalement invoqué des persécutions en relation avec le Kosovo. Il a cependant également fait valoir des motifs en lien avec la Serbie tenant à l'accomplissement du service militaire et au racket dont il aurait été la victime.
5.5.1 En ce qui concerne ses motifs en relation avec la Serbie, le Tribunal relève d'abord qu'ils ne reposent que sur les simples affirmations de l'intéressé, lequel ne les a étayées d'aucune façon. Indépendamment de la question de leur vraisemblance, ils ne constituent de toute façon pas des préjudices au sens de l'art. 3 LAsi.
5.5.1.1 Selon ses dires, l'intéressé aurait été victime d'un racket organisé par trois (...) roms. De tels agissements de tiers ne revêtent toutefois un caractère déterminant pour la reconnaissance de la qualité de réfugié selon l'art. 3 LAsi que si l'État n'accorde pas la protection nécessaire, comme il en la capacité et l'obligation. En l'espèce, l'intéressé ne saurait reprocher aux autorités serbes une éventuelle absence de volonté ou de capacité d'assurer sa protection. En effet, il ressort de son recours que suite à sa plainte, des policiers seraient intervenus et auraient emmené les trois (...) roms. Le fait que ceux-ci auraient par la suite été remis en liberté et s'en seraient à nouveau pris à lui n'est pas déterminant en soi. Il sied de relever à cet égard que l'on ne peut exiger des autorités qu'elles soient en tout temps en mesure de protéger un individu contre des agissements illicites de tiers (cf. JICRA 1996 n° 28 consid. 3cbb p. 272). Par ailleurs, l'intéressé ayant renoncé à requérir une nouvelle fois la protection des autorités, il ne peut leur reprocher de n'être plus intervenues.
5.5.1.2 L'intéressé a par ailleurs fait valoir qu'il ne voulait pas effectuer en Serbie son service militaire, auquel il aurait été convoqué à la fin de ses études.
Préliminairement, il convient de relever que l'intéressé remplissant comme on l'a vu manifestement les conditions de reconnaissance de la nationalité serbe, il ne peut pas se soustraire à l'accomplissement de ses obligations militaires en Serbie sous prétexte qu'il n'aurait pas la nationalité de ce pays (cf. mémoire de recours, p. 6).
Cela étant, l'accomplissement du service militaire étant un devoir civique, les éventuelles sanctions pour insoumission ou désertion ne constituent en principe pas une persécution déterminante en matière d'asile. Cela peut cependant être le cas, de manière exceptionnelle, si, pour l'un des motifs énoncés à l'art. 3 LAsi, la personne concernée est exposée à une sanction plus sévère que ne le serait une autre placée dans la même situation ou à une peine d'une sévérité disproportionnée ou - indépendamment de la mesure de la peine - lorsque l'enrôlement de cette personne vise à lui causer de sérieux préjudices au sens de la disposition précitée ou à l'impliquer dans des actions prohibées par le droit international (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1740/2009 du 11 février 2010 consid. 3.2 ; cf. également JICRA 2006 n° 3 consid. 4.2. p. 31s. et JICRA 2004 n° 2 consid. 6b/aa p. 16s.). Or, au vu du dossier et de la situation actuelle en Serbie, rien ne permet d'admettre que ces exceptions seraient réalisées en l'occurrence. Le recourant ne l'a d'ailleurs pas prétendu.
5.5.1.3 Enfin, l'intéressé a déclaré qu'il avait quitté la Serbie également pour des raisons économiques. Pareil motif, auquel s'ajoute l'absence de toute perspective d'avenir, n'est toutefois pas pertinent en la matière. La définition du réfugié, telle qu'exprimée à l'art. 3 al. 1 LAsi, est exhaustive en ce sens qu'elle exclut tous les autres motifs susceptibles de conduire un étranger à abandonner son pays d'origine ou de dernière résidence, comme par exemple les difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un emploi et un logement, revenus insuffisants) ou à la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels, dans le pays concerné, chacun peut être confronté (cf. notamment arrêt du Tribunal administratif fédéral D-4508/2010 du 9 août 2010, D-1572/2010 du 15 avril 2010 et D-1165/2010 du 3 mars 2010).
5.5.2 S'agissant de ses motifs en relation avec le Kosovo, le Tribunal retient également qu'indépendamment de la question de leur vraisemblance, ils ne sont pas déterminants au regard de l'art. 3 LAsi.
En effet, comme relevé ci-dessus, l'intéressé n'a fait valoir aucun motif d'asile pertinent en lien avec la Serbie, pays dont il remplit également les conditions de reconnaissance de la nationalité. En particulier, il n'a pas allégué qu'il était recherché de quelque manière que ce fût par les autorités serbes ou qu'il pouvait avoir une crainte fondée de subir des persécutions de leur part. Il n'a pas non plus allégué qu'il était affilié à un parti ou à un mouvement à caractère politique et qu'il avait exercé, pour ce dernier, des activités susceptibles d'avoir une certaine incidence en la matière. En outre, il n'y a pas d'indications générales selon lesquelles des personnes d'ethnie serbe du Kosovo seraient empêchées par les autorités serbes de s'installer en Serbie et, le cas échéant, renvoyées par dites autorités au Kosovo. L'intéressé n'a d'ailleurs pas invoqué pareil motif, sous l'angle d'une éventuelle inefficacité (cf. sur ce point Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], op. cit., § 107, p. 26), voire d'un manque absolu de protection de la part des autorités serbes, alors qu'il pourrait en bénéficier de par, précisément, la nationalité serbe dont il dispose. Aussi, compte tenu du caractère subsidiaire de la protection internationale par rapport à la protection nationale (sur la notion de subsidiarité de la protection internationale dans le contexte d'une personne bénéficiant d'une double nationalité, cf. art. 1 A ch. 2 al. 2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés [Conv., RS 0.142.30] et JICRA 2000 n° 15 consid. 12a p. 127s.), et indépendamment des motifs allégués en relation avec le Kosovo, il lui est loisible et il lui appartient de solliciter, le cas échéant, celle de la Serbie.
Au surplus, on rappellera que le Conseil fédéral, par décision du 6 mars 2009 avec effet au 1er avril 2009, a désigné la Serbie comme étant un pays exempt de persécutions (safe country) au sens de l'art. 6a al. 2 let. a LAsi.

5.6 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance de la qualité de réfugié et l'octroi de l'asile, doit être rejeté et le dispositif de la décision de l'ODM confirmé sur ces points.

6.
6.1 Lorsqu'il rejette une demande d'asile, l'ODM prononce en règle générale le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi de Suisse ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d'asile est titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou lorsqu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 Cst.

6.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure (cf. dans ce sens JICRA 2001 n° 21 p. 168ss).

7.
7.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est possible, licite et raisonnablement exigible. En cas contraire, l'ODM règle les conditions de résidence conformément aux dispositions de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr, RS 142.20) concernant l'admission provisoire (art. 44 al. 2 LAsi). Les notions de possibilité, de licéité et d'exigibilité sont explicitées à l'art. 83 LEtr.

7.2 L'intéressé n'ayant pas établi l'existence de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi en relation avec la Serbie, et dans la mesure où l'exécution du renvoi vers le Kosovo a été exclue par l'ODM, il ne peut se prévaloir de l'art. 5 al. 1 LAsi qui reprend en droit interne le principe de non-refoulement généralement reconnu en droit international public et énoncé expressément à l'art. 33 Conv.
Il n'a pas non plus établi qu'il risquait d'être soumis, en cas d'exécution du renvoi en Serbie, à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101) ou par l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105), imputable à l'homme. Il faut préciser qu'une simple possibilité de mauvais traitements ne suffit pas et que la personne concernée doit rendre hautement probable ("real risk") qu'elle serait visée directement par des mesures incompatibles avec les dispositions conventionnelles précitées (cf. dans ce sens JICRA 2005 n° 4 consid. 6.2. p. 40, JICRA 2004 n° 6 consid. 7a p. 40, JICRA 2003 n° 10 consid. 10a p. 65s., JICRA 2001 n° 17 consid. 4b p. 130s., JICRA 2001 n° 16 consid. 6a p. 121s., JICRA 1996 n° 18 consid. 14b/ee p. 186s.). Tel n'est pas le cas en l'espèce, pour les même raisons que celles exposées ci-avant.
L'exécution du renvoi ne transgresse ainsi aucun engagement de la Suisse relevant du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et art. 83 al. 3 LEtr).
7.3
7.3.1 Selon l'art. 44 al. 2 LAsi en relation avec l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée ou de nécessité médicale (cf. dans ce sens la jurisprudence rendue en relation avec l'art. 14a al. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers [aLSEE de 1931, RS 1 113], toujours valable pour l'essentiel : ATAF 2007/10 consid. 5.1 p. 111 ; JICRA 2006 n° 11 consid. 6 p. 118, JICRA 2006 n° 10 consid. 5.1. p. 106, JICRA 2005 n° 24 consid. 10.1. p. 215, JICRA 2005 n° 13 consid. 7.2. p. 121, JICRA 2005 n° 4 consid. 7.1. p. 43, JICRA 2003 n° 24 consid. 5a p. 157, JICRA 2003 n° 18 consid. 8c p. 119, JICRA 2003 n° 17 consid. 6a p. 107).
7.3.2 La Serbie, à l'instar du Kosovo qui n'entre toutefois pas en considération dans le cadre de la présente analyse de l'exécution du renvoi, comme relevé ci-dessus (cf. consid. 7.2), ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée sur l'ensemble de son territoire qui permettrait d'emblée de présumer à propos de tous les requérants en provenant l'existence d'une mise en danger concrète au sens des dispositions précitées (cf. notamment arrêt du Tribunal D-7561/2008 précité consid. 8.3.2 et jurisp. cit.). En outre, comme rappelé ci-dessus (consid. 5.5.2), le Conseil fédéral a, par décision du 6 mars 2009 avec effet au 1er avril 2009, désigné la Serbie comme étant un pays exempt de persécutions (safe country) au sens de l'art. 6a al. 2 let. a LAsi.
7.3.3 En principe, les personnes venant du Kosovo qui souhaitent se rendre en Serbie bénéficient sur le territoire de la Serbie des mêmes droits que la population autochtone en matière d'accès à l'infrastructure scolaire et médicale, qu'elles soient considérées formellement comme des déplacés internes (IDP) ou non (cf. consid. 8.3.3.4 de l'arrêt D-7561/2008 du 15 avril 2010 destiné à publication). Dans ce dernier cas, elles bénéficient néanmoins de la liberté générale d'établissement en Serbie (cf. consid. 8.3.3.2 du même arrêt). Pour accéder au système social, il faut cependant qu'elles puissent se faire enregistrer en Serbie, ce qui suppose au préalable, en particulier, qu'elles puissent se faire délivrer une carte d'identité et produire une attestation de domicile (consid. 8.3.3.4 du même arrêt). Pour l'obtention de documents d'état civil, elles peuvent s'adresser à des offices régionaux serbes en Serbie qui suppléent les états civils du Kosovo (sur l'organisation de ces états civils par circonscriptions du Kosovo en Serbie : cf. consid. 8.3.3.5 de l'arrêt D-7561/2008 du 15 avril 2010 destiné à publication). Elles ne sont donc pas contraintes de se rendre au Kosovo pour ces démarches administratives. De façon générale, l'exécution du renvoi vers la Serbie de ressortissants d'ethnie serbe venant du Kosovo apparaît raisonnablement exigible. Il y a toutefois lieu de pondérer les éléments suivants :
- l'assurance d'un minimum vital sur le plan économique : prise en compte des connaissances linguistiques, de la formation scolaire et professionnelle, de l'expérience professionnelle acquise à l'étranger, de même qu'en Suisse. Plus la formation et l'expérience seront poussées, meilleures seront les perspectives du requérant de couvrir ses besoins économiques vitaux en cas de renvoi en Serbie ;
- liens avec la Serbie : l'existence de tels liens favorise la réinstallation économique et sociale du requérant. Ils peuvent exister du fait d'un séjour précédent en Serbie ou d'un emploi exercé dans ce pays avant la venue en Suisse. Seuls toutefois des séjours ou des emplois qui se seront inscrits dans une certaine durée pourront être sérieusement pris en compte. Le temps qui s'est écoulé depuis le départ du pays jouera également un certain rôle. Les relations sociales et familiales entretenues avec des personnes domiciliées en Serbie devront être replacées dans le contexte régional, soit celui d'une solidarité particulièrement étroite pouvant prévaloir entre membres d'une même famille ;
- l'intégration sociale : le sexe, l'état civil, l'âge, la qualité de personne seule ou la présence d'une famille, le nombre et l'âge des enfants, les personnes à charge, les moyens financiers à disposition, la possibilité d'intégration du conjoint et des enfants, la situation médicale et la situation familiale générale devront être soupesés.
Les personnes d'ethnie serbe déjà enregistrées comme déplacés internes (IDP) pourront en général plus facilement se réinsérer en Serbie par rapport à celles qui n'y ont jamais été enregistrées avec ce statut (consid. 8.3.3.6 de l'arrêt précité).
7.3.4 En l'espèce, il appert que l'intéressé était déjà inscrit en Serbie, où il a pu, avant sa fuite, terminer sa scolarité et suivre une formation professionnelle dans une école technique. A cela s'ajoute qu'il est jeune, célibataire et sans charge de famille, qu'il bénéficie d'une formation professionnelle appréciable en (...), qu'il peut se prévaloir d'une expérience professionnelle acquise aussi bien dans son pays qu'en Suisse et qu'il a de la parenté en Serbie, dans la région de E._______. Enfin, il n'a pas allégué ni a fortiori établi qu'il souffrait de problèmes de santé particuliers pour lesquels il ne pourrait pas être soigné en Serbie et qui seraient susceptibles de rendre son renvoi inexécutable. L'ensemble de ces facteurs devraient lui permettre de se réinstaller sans rencontrer d'excessives difficultés. Le fait que les membres de sa famille dans ce pays se trouveraient dans des établissements médicaux ne modifie pas cette appréciation. Il y a lieu de relever que (...) sont, selon ses dires, prises en charge par l'État serbe (cf. mémoire de recours, p. 5), de sorte qu'il n'aura pas à assumer leur entretien. Cela étant, il n'apparaît pas que l'état de santé de ces dernières, en particulier de (...), soit de nature à les empêcher de reprendre contact et de développer des relations familiales.
7.3.5 Par ailleurs, il faut rappeler que les autorités d'asile peuvent exiger en matière d'exécution du renvoi un certain effort de la part de personnes dont l'âge et l'état de santé doivent leur permettre, en cas de retour, de surmonter les difficultés initiales pour se trouver un logement et un travail qui leur assure un minimum vital (cf. notamment arrêt du Tribunal administratif fédéral D-7561/2008 précité consid. 8.3.5 ; cf. également JICRA 1994 n° 18 consid. 4e p. 143).
7.3.6 Enfin, les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un emploi et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir) ou à la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels, dans le pays concerné, chacun peut être confronté, ne sont pas en tant que tels déterminants en la matière (cf. ATAF 2009/52 consid. 10.1 p. 757 ; cf. également arrêt du Tribunal administratif fédéral D-7561/2008 précité consid. 8.3.6 ; JICRA 2005 n° 24 consid. 10.1. p. 215, JICRA 2003 n° 24 consid. 5e p. 159).
7.3.7 En définitive, et après pesée de tous les éléments du cas d'espèce, l'exécution du renvoi s'avère raisonnablement exigible.

7.4 Dite exécution s'avère aussi possible (art. 44 al. 2 LAsi et art. 83 al. 2 LEtr). Il incombe à l'intéressé, dans le cadre de son obligation de collaborer, d'entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir, indépendamment de la carte d'identité, du passeport et du permis de conduire produits en original ou en sa possession, les documents lui permettant de se rendre en Serbie (art. 8 al. 4 LAsi).

8.
Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi, doit être rejeté et le dispositif de la décision entreprise également confirmé sur ce point.

9.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge du recourant. Ils sont compensés avec l'avance de même montant versée le 30 novembre 2009.

3.
Le présent arrêt est adressé :
au mandataire du recourant (par courrier recommandé)
à l'ODM, Division séjour, avec le dossier N (...) (par courrier interne ; en copie)
à la Police des étrangers du canton G._______ (en copie)

Le président du collège : Le greffier :

Gérald Bovier Alain Romy

Expédition :
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : D-7027/2009
Data : 25. ottobre 2010
Pubblicato : 05. novembre 2010
Sorgente : Tribunale amministrativo federale
Stato : Inedito
Ramo giuridico : Asilo
Oggetto : Asile et renvoi (décision de l'ODM du 12 juin 2009) / N 503 902


Registro di legislazione
CEDU: 3
Cost: 121  184
LAsi: 2  3  5  6a  7  8  44  105  106  108
LStr: 83
LTAF: 31  32  33  37
LTF: 83
OAsi 1: 32
PA: 5  48  52  62  63  65
Parole chiave
Elenca secondo la frequenza o in ordine alfabetico
kosovo • etnia • tribunale amministrativo federale • servizio militare • pressione • jugoslavia • alto commissariato • motivo d'asilo • dati personali • mezzo di prova • infrastruttura • consiglio federale • formazione professionale • stato d'origine • guerra civile • calcolo • cedu • titolo • lingua madre • ammissione provvisoria
... Tutti
BVGE
2009/52 • 2008/4 • 2008/12 • 2007/7 • 2007/10
BVGer
D-1165/2010 • D-1572/2010 • D-4508/2010 • D-7027/2009 • D-7561/2008 • E-1740/2009
GICRA
1994/18 S.143 • 1994/29 S.206 • 1996/18 • 1996/28 S.272 • 2000/15 S.127 • 2001/16 S.121 • 2001/17 S.130 • 2001/21 • 2002/1 S.5 • 2003/10 S.65 • 2003/17 S.107 • 2003/18 S.119 • 2003/24 S.157 • 2003/24 S.159 • 2004/2 • 2004/6 S.40 • 2005/13 • 2005/24 • 2005/4 • 2006/10 • 2006/11 S.118 • 2006/3