RR.2012.70
Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal
Numéro de dossier: RR.2012.70
Arrêt du 24 octobre 2012 Cour des plaintes
Composition
Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Cornelia Cova et Patrick Robert-Nicoud, le greffier Aurélien Stettler
Parties
A., représenté par Me Philippe Pasquier, avocat, recourant
contre
Ministère public de la Confédération, partie adverse
Objet
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Tunisie
Remise de moyens de preuve (art. 74

Faits:
A. Les autorités de poursuite pénale tunisiennes dirigent plusieurs enquêtes destinées à établir les faits qui se sont déroulés durant les années passées au pouvoir par l'ex-président Zine El-Abidine Ben Ali (ci-après: l'ex-président Ben Ali). Lesdites enquêtes visent non seulement ce dernier personnellement mais également de nombreuses personnes l'ayant entouré, et soupçonnées d'avoir participé à des actes assimilables, en droit suisse, à de la gestion déloyale des intérêts publics, concussion, corruption, blanchiment d'argent ou encore participation à une organisation criminelle.
B. Le 10 septembre 2011, les autorités tunisiennes, par le Doyen des Juges d'instruction du Tribunal de première instance de Tunis, ont adressé aux autorités suisses une demande d'entraide internationale tendant notamment à la production de la documentation bancaire afférente à plusieurs comptes ouverts auprès de banques suisses (act. 1.3).
C. En date du 4 octobre 2011, l'Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ) a délégué au Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) la compétence de traiter cette demande. Le MPC est entré en matière par ordonnance du 17 octobre 2011 (act. 1.4).
D. Par décision incidente du 28 octobre 2011 notifiée à l'établissement bancaire B., à Genève, le MPC a notamment requis de ce dernier "d'identifier toutes les relations d'affaires (comptes, dépôts-titres, comptes métal, dépôts fiduciaires, safes ou autres avoirs) ouvertes auprès de son établissement, existantes ou clôturées, dont la personne suivante est titulaire, ayant droit économique, au bénéfice d'un pouvoir de signature, settlor ou bénéficiaire économique d'un trust:
· A., né en Tunisie, de nationalité tunisienne, domicilié à Z., TN- Tunis, dont notamment les comptes no 1 et 2;
· […]". (act. 1.5).
E. Par ordonnance de clôture partielle du 8 mars 2012, le MPC a décidé de transmettre à l'autorité requérante, sous réserve de la spécialité, les documents en relation avec les comptes nos 1 et 2 ouverts auprès de la banque B. (act. 1.2, p. 3). Le chiffre 2 du dispositif de la décision en question mentionne que "la transmission des documents est subordonnée à l'obtention des garanties que pourrait requérir l'Office fédéral de la justice" (act. 1.2, p. 4).
F. Par mémoire du 10 avril 2012, A. (ci-après: le recourant) forme recours contre la décision de clôture du 8 mars 2012, et prend les conclusions suivantes:
"A la forme
Recevoir le présent recours dirigé contre la décision de clôture partielle rendue par le Ministère public de la Confédération le 8 mars 2012 dans la procédure No RH.11.0112.
Au fond
Annuler la décision de clôture partielle rendue par le Ministère Public de la Confédération le 8 mars 2012 dans la procédure No RH.11.0112.
Rejeter la requête d'entraide du 10 septembre 2011 soumise par l'autorité tunisienne ayant abouti à la décision entreprise.
Si mieux n'aime la IIe Cour des plaintes
Renvoyer la cause au Ministère public de la Confédération pour qu'il soit obtenu des garanties diplomatiques préalablement à une nouvelle décision de clôture.
Dans tous les cas
[…] Débouter tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions.
[…] Allouer au recourant une indemnité à titre de dépens." (act. 1, p. 4).
Appelé à répondre, le MPC a, par écriture du 23 mai 2012, conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, le tout sous suite de frais (act. 8). Egalement invité à répondre, l'OFJ a, par envoi du 6 juin 2012, adressé à la Cour des observations au recours. Ces dernières, bien que ne contenant pas de conclusions formelles, tendent au rejet du recours (act. 10).
Le recourant a répliqué en date du 21 juin 2012 (act. 12). Le MPC et l'OFJ ont indiqué à la Cour qu'ils renonçaient à déposer une duplique (act. 14 et 15).
Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.
La Cour considère en droit:
1. La Suisse n'est liée à la Tunisie par aucun traité d'entraide judiciaire. Aussi est-ce sous le seul angle du droit interne qu'il convient d'examiner le bien-fondé de la requête. C'est donc la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11) qui trouvent application en l'espèce.
1.1 En vertu de l’art. 37 al. 2 let. a



1.2 Le délai de recours contre la décision de clôture est de 30 jours dès la communication écrite de celle-ci (art. 80k

1.3 Aux termes de l’art. 80h let. b


Le recours est partant recevable en la forme.
2. Par un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu sous l'angle du droit de s’exprimer avant le prononcé de la décision de clôture.
2.1 Le droit du particulier de s’exprimer avant qu’une décision le concernant ne soit prise découle de son droit d’être entendu (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.294 du 7 octobre 2009, consid. 3.1.1). Il en va de même du droit du particulier de recevoir la décision qui le concerne (ATF 124 II 124 consid. 2a; 107 Ib 170 consid. 3, et les arrêts cités). En application de ce principe et en vertu de l’art. 80m




2.2 En pareille hypothèse – soit celle dans laquelle le détenteur des documents saisis en exécution d’une demande d’entraide n’a pas élu domicile en Suisse –, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel l’autorité d’exécution n’a pas à impartir de délai audit détenteur pour faire part de ses éventuelles observations avant que ne soit rendue la décision de clôture (arrêt du Tribunal fédéral 1A.107/2006 du 10 août 2006, consid. 2.5 in fine). En d’autres termes, l’autorité d’exécution n’a pas l’obligation d’interpeller dans ce sens l’établissement bancaire abritant le compte visé par la mesure d’entraide – et dont le titulaire n’a pas élu de domicile en Suisse – avant de notifier sa décision de clôture audit établissement (v. supra, consid. 2.1).
2.3 En l'espèce, l'autorité d'exécution a, par décision incidente du 18 octobre 2011 notifiée à l'établissement bancaire abritant les comptes du recourant, notamment invité "les ayants droit à faire parvenir au Ministère public de la Confédération, d'ici au 30 novembre 2011, leurs déterminations sur la demande d'entraide et sur la remise aux autorités tunisiennes de la documentation visée sous ch. 2 [notamment les comptes du recourant] […]" (act. 8.2, p. 3). En impartissant expressément un délai au recourant – n'ayant pas élu de domicile en Suisse – pour se manifester, l'autorité d'exécution est en l'occurrence allée plus loin que ce à quoi l'oblige la jurisprudence susmentionnée. Le droit d'être entendu de ce dernier n'a aucunement été violé. Le fait qu'il était potentiellement déjà détenu à cette date ne saurait en rien changer le constat qui précède, dans la mesure où, comme déjà indiqué, c'est à l'établissement bancaire abritant les comptes concernés qu'il appartient d'informer son client.
3. Dans un deuxième grief, le recourant fait valoir que le contenu de la demande d'entraide tunisienne ne satisferait pas aux exigences légales en la matière, et ne permettrait en particulier pas d'apprécier la réalisation de la double incrimination (act. 1, p. 10 s.).
3.1 Selon les exigences prévues à l'art. 28 al. 2 let. c


La remise de documents bancaires est une mesure de contrainte au sens de l’art. 63 al. 2 let. c


3.2
3.2.1 En l'espèce, la demande d'entraide a été présentée pour la répression des chefs suivants (act. 8.1, p. 1):
- "Formation et adhésion à une association de malfaiteurs dans le but de commettre un attentat contre les personnes ou les propriétés" au sens des art. 131


- "détournement par un fonctionnaire public ou assimilé de deniers publics ou privés qu'il détenait à raison de sa fonction et complicité dans l'accomplissement de cette infraction" au sens des art. 99


- "abus de qualité par un fonctionnaire public ou assimilé, chargé de par sa fonction de la vente, l'achat, la fabrication, l'administration ou la garde de biens quelconques, pour se procurer à lui-même ou à un tiers un avantage injustifié ou causer un préjudice à l'administration ou contrevenir aux règlements régissant ces opérations, en vue de la réalisation de l'avantage ou des préjudices précités et complicité dans l'accomplissement de cette infraction" au sens des art. 96


- "abus par un fonctionnaire public ou assimilé de son influence ou de ses liens réels ou fictifs auprès d'un fonctionnaire public ou assimilé en vue de l'obtention directement ou indirectement des droits ou des avantages au profit d'autrui, même justes et complicité dans l'accomplissement de cette infraction" au sens des art. 87


- "blanchiment d'argent aggravé par l'usage de la fonction et l'activité professionnelle et sociale et par sa commission dans le cadre d'un groupe organisé et complicité dans l'accomplissement de cette infraction" au sens des art. 62, 63 et 64 de la loi 2003-75 du 10 décembre 2003 relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d'argent.
3.2.2 L'autorité requérante expose que le régime mis en place par l'ex-président Ben Ali tenait de la "cleptocratie". Ce dernier et ses proches y sont décrits comme "la famille régnante" et une "bande de voleurs" au préjudice du peuple tunisien. Il ressort de la demande d'entraide tunisienne que le système mis en place "[…] a fini par instaurer un climat de terreur et imposer […] Ben Ali en tant que maître absolu du pays disposant des pleins pouvoirs qu'il ne tarda pas à exploiter pleinement pour mettre en place un système de pillage en règle des ressources de l'Etat à son profit personnel et celui de sa femme C. et des membres de leurs familles".
L'autorité requérante enquête ainsi notamment sur des actes de gestion déloyale des intérêts publics.
3.2.3 Se rend coupable de gestion déloyale des intérêts publics, selon le droit suisse, le membre d'une autorité qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura lésé dans un acte juridique les intérêts publics qu'il avait mission de défendre (art. 314

En l'espèce, les faits tels qu'exposés dans la demande d'entraide et relatés en partie au considérant précédent, tomberaient – s'ils étaient transposés en droit suisse – sous le coup de l'art. 314

3.3 Il s'ensuit que la condition de la double incrimination est remplie en l'espèce et que le contenu de la demande tunisienne satisfait aux exigences de l'art. 28

Il n'est au surplus pas nécessaire de vérifier si l'exposé des faits de la demande réalise également les éléments constitutifs d'autres infractions pénales selon le droit suisse. En effet, à l'inverse de ce qui prévaut en matière d'extradition, la réunion des éléments constitutifs d'une seule infraction suffit pour l'octroi de la "petite" entraide judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_138/2007 du 17 juillet 2007, consid. 2.3.2 et les références citées).
4. Le recourant considère plus loin que la décision querellée violerait le principe de la proportionnalité. Il reproche à l’autorité d’exécution de ne pas avoir procédé au tri des pièces saisies, d'une part, et d'être allée au-delà des requêtes formulées dans la demande d'entraide tunisienne, d'autre part (act. 1, p. 11 ss).
4.1 La question de savoir si, au vu du principe de la proportionnalité, les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l’appréciation des autorités de poursuite de l’Etat requérant. L’Etat requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l’opportunité de l’administration des preuves acquises au cours de l’instruction étrangère, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de l’instruction. La coopération ne peut dès lors être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport ("offensichtlich irrelevant") avec l’infraction poursuivie et impropres à faire progresser l’enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.33-36 du 25 juin 2009, consid. 3.1 et la jurisprudence citée). Le principe de la proportionnalité interdit en outre à l’autorité suisse d’aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d’accorder à l’Etat requérant plus que ce qu’il n'a demandé. Cela n’empêche pas d’interpréter la demande selon le sens que l’on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s’il est établi que toutes les conditions à l’octroi de l’entraide sont remplies; ce mode de procéder permet d’éviter aussi d’éventuelles demandes complémentaires (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.94 du 13 octobre 2008, consid. 3.1 et la jurisprudence citée). L’utilité de la documentation bancaire peut découler du fait que l’autorité requérante peut vouloir vérifier si les agissements qu’elle connaît déjà n’ont pas été précédés ou suivis d’autres actes du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1A.259/2006 du 26 janvier 2007, consid. 2.2; 1A.75/2006 du 20 juin 2006, consid. 3.2; 1A.79/2005 du 27 avril 2005, consid. 4.2; 1A.59/2005 du 26 avril 2005, consid. 6.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2008.219 du 4 mai 2009, consid. 3.2; RR.2007.180-181 du 8 mai 2008, consid. 4.3 et la jurisprudence citée). Cela justifie la production de l’ensemble de la documentation bancaire, sur une période relativement étendue (cf. arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2009.142-147 du 5 août 2009, consid. 2.3 et RR.2008.287
du 9 avril 2009, consid. 2.2.4). Dans un tel cas, il se justifie en principe de transmettre les pièces, à moins qu’il ne soit établi, d’emblée et de manière indiscutable, que certaines ne présentent aucun lien, de quelque sorte que ce soit, avec les faits décrits dans la demande (cf. arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2008.8 du 23 juillet 2008, consid. 3.2; RR.2007.180-181 du 8 mai 2008, consid. 4.3).
Dans le cadre de la procédure d’entraide, la personne touchée par la saisie est tenue, à peine de forclusion, d’indiquer à l’autorité quels documents ne devraient pas, selon elle, être transmis et pour quels motifs. Le tri des pièces n’est ainsi pas l’affaire exclusive de l’autorité; à cet égard, un véritable devoir de collaboration incombe au détenteur (arrêt du Tribunal fédéral 1A.216/2001 du 21 mars 2002, consid. 3.1; ATF 130 II 14 consid. 4.3).
4.2
4.2.1 En l’espèce, la demande d’entraide tend notamment à "[i]dentifier et saisir les documents d'ouverture, y compris ceux identifiant les titulaires, l'ayant(s) droit économique et le(s) fondé(s) de procuration, toute correspondance, relevés, avis de débit/crédit avec indication des bénéficiaires de transferts ultérieurs à des tiers, swifts et tous autres documents utiles à l'instruction de la procédure en cours en Tunisie relatifs à: […] Tout(s) compte(s) de A. auprès de la banque D. dont notamment les comptes 1 et 2 […]" (act. 1.3, p. 15).
4.2.2 Tel que mentionné plus haut en lien avec la question de la double incrimination, l’autorité requérante enquête sur les agissements de l'ex-président Ben Ali et de certains de ses proches, soupçonnés d'avoir notamment fait main basse sur des valeurs appartenant à l'Etat tunisien.
Dans ce contexte, l’autorité requérante a des raisons de soupçonner qu'au moins deux comptes ouverts au nom du recourant auprès d'un établissement bancaire suisse ont pu servir à réceptionner, respectivement faire transiter des montants détournés au préjudice de l'Etat tunisien. L'Etat requérant mentionne précisément dans sa demande deux numéros de comptes dont elle a pris connaissance en consultant la documentation saisie sur le recourant lors de son arrestation en janvier 2011, alors qu'il s'apprêtait à fuir la Tunisie. Dans ces conditions, en tant que l'autorité d'exécution a ordonné la remise de la documentation bancaire relative à ces deux comptes, force est d’admettre qu'elle n'est pas allée au-delà de ce qui était requis. A cet égard, le fait que la demande mentionne de manière erronée la banque D. comme l'établissement bancaire abritant lesdits comptes en lieu et place de la banque B., et que l'autorité d'exécution ait spontanément cherché à localiser – avec succès – ces derniers, ne saurait aucunement conduire à la conclusion que l'autorité d'exécution serait allée au-delà de la demande initiale. Loin s'en faut.
S'agissant de la documentation saisie, l'autorité requérante doit pouvoir prendre connaissance tant de la documentation d’ouverture desdits comptes que des notes internes, des procurations, des relevés bancaires y relatifs ainsi que de tout élément d’information sur les personnes physiques y intervenant. Lorsque la demande d’entraide vise à éclaircir le cheminement de fonds dont on soupçonne qu'ils ont été – comme en l'espèce – détournés, il convient d’informer l’Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom du titulaire et par le biais des comptes impliqués dans l’affaire, même sur une période relativement étendue. S’agissant de comptes susceptibles, comme en l’espèce, d’avoir reçu des valeurs s'inscrivant dans un mécanisme de détournement de fonds étatiques, l’autorité requérante a un intérêt manifeste à prendre connaissance de l’ensemble de leur gestion, afin, le cas échéant, de pouvoir reconstituer le parcours de l’intégralité des fonds en cause, et découvrir, le cas échéant, d’autres participants au mécanisme mis en place. Il se justifie en pareilles circonstances d’autoriser la production de toute la documentation bancaire, même sur une période relativement étendue. L’autorité requérante dispose en effet d’un intérêt a priori prépondérant à pouvoir vérifier, dans un tel cas, le mode de gestion des comptes concernés et analyser l’origine et la destination des flux financiers y ayant transité. Il convient en outre de rappeler que l’entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (ATF 129 II 462 consid. 5.5; arrêts du Tribunal fédéral 1A.182/2006 du 9 août 2007, consid. 2.3 et 3.2; 1A.52/2007 du 20 juillet 2007, consid. 2.1.3; 1A.227/2006 du 22 février 2007, consid. 3.2; 1A.79/2005 du 27 avril 2005, consid. 4.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2007.180-181 du 8 mai 2008, consid. 4.2 et jurisprudence citée). Vu la relation suffisante entre les mesures d'entraide requises et l'objet de la procédure pénale en Tunisie (ATF 129 II 462 consid. 5.3; 125 II 65 consid. 6b/aa; 122 II 367 consid. 2c), il doit être possible au juge étranger du fond d'évaluer le lien de connexité entre la documentation bancaire saisie et les faits poursuivis à l'étranger. Il est en tout cas évident que l'autorité requérante ne procède pas à une recherche indéterminée de
moyens de preuve, et ce d’autant moins que la demande d'entraide mentionne – sous réserve de l'erreur de dénomination de la banque récipiendaire signalée plus haut – de manière précise les coordonnées des deux relations bancaires dont est titulaire le recourant. Il s’ensuit que la demande d'entraide ne constitue pas une fishing expedition et la transmission de la documentation litigieuse – laquelle correspond à ce qui figure dans la demande d’entraide – ne viole ni le principe de l'utilité potentielle ni celui de la proportionnalité.
4.2.3 S'agissant du grief tiré de la soi-disante remise "en vrac" des pièces à l'autorité requérante, il se révèle mal fondé. Les documents dont la transmission a été ordonnée par l'autorité d'exécution concernent très précisément – et uniquement – les deux comptes bancaires (2 et 1) visés par la demande tunisienne. La documentation bancaire, constituée des documents d'ouverture, relevés de compte et des évaluations de portefeuille, est rassemblée dans trois classeurs fédéraux. L'un est consacré au premier compte, alors que les deux autres le sont au second. Ladite documentation correspond précisément à ce que l'autorité requérante a requis dans sa demande d'entraide (v. supra consid. 4.2.1). La présente ne s'apparente par conséquent pas à une remise "en vrac", contrairement à ce que soutient le recourant.
S'agissant du procédé tendant à verser au dossier d'entraide la documentation initialement saisie dans le cadre d'une procédure nationale tel que cela a été le cas en l'espèce, il n'est aucunement critiquable en soi. L'attention de l'autorité d'exécution est néanmoins attirée sur le fait que la décision formelle de verser les actes d'une procédure à l'autre aurait dû être rendue avant le prononcé de l'ordonnance entreprise, et non plus d'un mois après, comme en l'espèce (act. 8.5). Cette mégarde ne porte toutefois pas à conséquence en l'espèce, et ce dans la mesure où, d'une part, le conseil du recourant, malgré les reproches formulés à l'autorité d'exécution (act. 1, p. 12), n'allègue pas avoir en fin de compte été dans l'impossibilité de consulter la documentation en question lors de son passage à l'antenne lausannoise du MPC, et que, d'autre part, l'eût-il été qu'il aurait en tout état de cause pu le faire durant la présente procédure de recours (v. TPF 2008 172 consid. 2.3).
Le grief tiré d’une prétendue violation du principe de la proportionnalité se révèle ainsi mal fondé.
5. Le recourant invoque encore une violation des art. 2




5.1 Selon la jurisprudence constante, seules les personnes physiques sont habilitées à invoquer l'art. 2

5.1.1 L’art. 2




concrètement exposé au risque de mauvais traitements ou de violation de ses droits de procédure. En revanche, n'est pas recevable à se plaindre de la violation de l'art. 2

5.1.2 En l'espèce, le recourant est détenu sur le territoire tunisien. Il fait partie des nombreux prévenus à l'encontre desquels la justice tunisienne diligente une instruction pour avoir profité du système mis en place par l'ex-président Ben Ali. Il est donc habilité à invoquer l'art. 2

5.1.3 Si les conditions de l'art. 2 let. a sont remplies, la demande d'entraide doit être déclarée irrecevable et la coopération ne peut être accordée à l'Etat requérant (TPF 2010 56 consid. 6.3.2). Il existe néanmoins des cas de figure dans lesquels la situation des droits de l'homme, de même que le respect des garanties procédurales dans l'Etat requérant peuvent prêter le flanc à la critique sans pour autant que cela conduise à un refus pur et simple de la coopération internationale. Il est en effet constant que l'obtention de garanties diplomatiques tendant au respect de l'art. 6

Dans ce cadre, la jurisprudence fédérale développée en matière d'extradition – et applicable également en "petite" entraide (TPF 2010 56 consid. 6.3.2 p. 62 s.) – retient qu'il convient d'examiner l'Etat destinataire de l'entraide requise. Si l’Etat requérant appartient à la catégorie des pays à tradition démocratique (en particulier les pays occidentaux) qui ne présentent aucun problème sous l’angle de l’art. 3

5.2 En l'espèce, la Tunisie a, moyennant certaines réserves, ratifié le Pacte ONU II. Elle n'est en revanche pas partie à la CEDH. Dans un arrêt déjà ancien – antérieur au régime déchu de l'ex-président Ben Ali – rendu en lien avec une décision d'extradition à la Tunisie, le Tribunal fédéral avait constaté que l'entraide à un Etat non lié à la Suisse par un traité d'entraide internationale en matière pénale (Etat "non conventionnel") ne pouvait être admise que si l'Etat requérant assure que la procédure appliquée sera conforme aux principes fondamentaux posés notamment à l'art. 2

5.2.1 Dans sa prise de position sur le présent recours, l'OFJ indique "considére[r] que le recourant ne peut invoquer l'art. 2

Pareil point de vue ne saurait être suivi. Il est en effet notoire que la Tunisie a subi ces derniers mois des changements politiques majeurs, le régime de l'ex-président Ben Ali ayant été renversé au début 2011. A ce jour, et bien que les travaux soient en cours, la Tunisie ne s'est pas encore dotée d'une Constitution. Elle se trouve encore dans une phase politique de transition que l'on peut qualifier de "post-révolutionnaire". Il n'est pas possible, à ce stade, d'évaluer, en connaissance de cause, le fonctionnement de l'appareil judiciaire tunisien et le respect des principes procéduraux fixés par l'art. 2

Ces garanties sont les suivantes (v. arrêt du Tribunal fédéral 1A.214/2004 du 28 décembre 2004, let. C):
"a) le détenu ne sera soumis à aucun traitement portant atteinte à son intégrité physique et psychique (art. 7



b) aucun tribunal d'exception ne pourra être saisi des actes délictueux qui lui sont imputés;
c) la peine de mort ne sera ni requise, ni prononcée, ni appliquée à l'égard du prévenu.
d) le prévenu disposera du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense (art. 14


e) la présomption d'innocence sera respectée (art. 14

f) il aura le droit d'être jugé publiquement, dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (art. 14

g) la représentation diplomatique de la Suisse pourra en tout temps s'enquérir de l'état d'avancement de la procédure pénale, assister aux débats lors du jugement sur le fond et obtenir un exemplaire de la décision mettant fin au procès; elle pourra rendre visite, en tout temps et sans surveillance, au prévenu; celui-ci pourra s'adresser à elle en tout temps, que ce soit au stade de l'instruction ou lors de l'exécution d'une peine privative de liberté qui serait infligée."
5.2.2 Après le prononcé du présent arrêt, l'OFJ communiquera ces conditions à l'Etat requérant, selon les modalités adéquates, en lui impartissent un délai approprié pour déclarer s'il les accepte ou les refuse (art. 80p al. 2



6. Au vu de ce qui précède, le recours se révèle fondé en tant qu'il a trait à la problématique des garanties diplomatiques. Il est admis sur ce point et rejeté pour le surplus.
7. En règle générale, les frais de procédure comprenant l’émolument d’arrêt, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1




En application de ces principes, et au vu du fait que le recourant obtient partiellement gain de cause, un émolument réduit sera mis à sa charge. Ledit émolument sera fixé à CHF 2'500.--. La caisse du Tribunal pénal fé-déral restituera au recourant le solde de l'avance de frais déjà versée, à savoir CHF 2'500.--.
8. L’autorité de recours peut allouer, d’office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (art. 64 al. 1


En l’espèce, le conseil du recourant n’a pas produit de liste des opérations effectuées. Vu l’ampleur et la difficulté relatives de la cause, et dans les limites admises par le Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens, et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF; RS 173.713.162), l’indemnité est fixée ex aequo et bono à CHF 1'000.-- (TVA comprise), à la charge de la partie adverse.
Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:
1. Le recours est partiellement admis dans le sens des considérants 5.2.1 et 5.2.2.
2. L'octroi de l'entraide à la Tunisie est soumis à la condition que l’autorité compétente de l’Etat requérant donne les garanties diplomatiques mentionnées au considérant 5.2.1 du présent arrêt.
3. Un émolument de CHF 2'500.--, couvert par l'avance de frais acquittée, est mis à la charge du recourant. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera au recourant le solde par CHF 2'500.--.
4. Une indemnité de CHF 1'000.-- (TVA comprise) est allouée au recourant, à charge de la partie adverse.
Bellinzone, le 25 octobre 2012
Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: Le greffier:
Distribution
- Me Philippe Pasquier, avocat
- Ministère public de la Confédération
- Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire
Indication des voies de recours
Le recours contre une décision en matière d’entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1


Le recours n’est recevable contre une décision rendue en matière d’entraide pénale internationale que s’il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d’objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s’il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1


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