Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C 216/2023
Arrêt du 22 juin 2023
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter.
Greffier : M. Rastorfer.
Participants à la procédure
A.________,
actuellement détenu au Centre de détention administrative de U.________,
représenté par Me Imed Abdelli, avocat,
recourant,
contre
Commissaire de police du canton de Genève, boulevard Carl-Vogt 17-19, 1211 Genève 8,
intimé.
Objet
Détention administrative en vue du renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de
la République et canton de Genève, Chambre administrative, en section, du 16 mars 2023 (ATA/264/2023).
Faits :
A.
A.________, ressortissant libanais né en 1979, a déposé en 2000 une demande d'asile en Suisse, qui a été rejetée. En 2002, l'intéressé a été condamné à une peine de réclusion de cinq ans pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants notamment et a été renvoyé au Liban en 2004. En 2014, il a formé une nouvelle demande d'asile en Suisse, qui a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière. Le transfert de l'intéressé vers l'Etat Dublin responsable n'a pas pu être exécuté en raison de sa disparition dans la clandestinité.
Par décision du 22 mai 2019, l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève a ordonné le renvoi de Suisse de A.________ dans un délai échéant le 19 juin 2019. Cette décision a été confirmée en dernière instance cantonale par arrêt du 23 juin 2020 de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Il est toutefois resté dans ce pays après cette date, malgré une décision d'interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 22 février 2024.
Entre 2014 et 2021, A.________ a été condamné à quatre nouvelles reprises pour contravention à la loi sur les stupéfiants, séjour illégal et violation des règles de la circulation notamment. Le 8 février 2023, il a été condamné à une peine privative de liberté de 120 jours pour vol et infraction à la loi sur les stupéfiants notamment (art. 105 al. 2
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B.
Le 16 février 2023, le Commissaire de police du canton de Genève (ci-après: le Commissaire de police) a émis un ordre de mise en détention administrative en vue du renvoi d'A.________ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 mai 2023 inclus. Entendu, ce dernier a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Liban. L'ordre de mise en détention a été confirmé sur recours par jugement du 20 février 2023 du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif), puis par arrêt du 16 mars 2023 de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice).
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle subsidiaire, du recours constitutionnel, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, outre l'effet suspensif et l'assistance judiciaire, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 16 mars 2023 et le jugement du Tribunal administratif du 20 février 2023, ainsi que d'ordonner sa libération immédiate; subsidiairement, d'annuler les décisions précitées, d'ordonner sa libération immédiate avec obligation de se présenter régulièrement à un poste de police et, au besoin, d'ordonner une mesure de substitution à sa détention. Il conclut aussi à la constatation de la violation de ses droits constitutionnels.
Le recourant a déposé un complément de recours dans le délai légal, sans modifier ses conclusions.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la Présidente de la II e Cour de droit public a rejeté les requêtes de libération immédiate et d'effet suspensif et a indiqué que la demande d'assistance judiciaire et de nomination d'un défenseur d'office serait traitée avec la décision sur le fond.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Commissaire de police et le Secrétariat d'Etat aux migrations se déterminent et concluent au rejet du recours. Le recourant dépose des observations finales.
Par jugement du 10 mai 2023 du Tribunal administratif, la détention administrative du recourant a été prolongée jusqu'au 15 août 2023 (art. 105 al. 2
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Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1
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1.1. Le recours constitutionnel subsidiaire n'étant recevable que si la voie du recours ordinaire est exclue (art. 113
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1.2. Le recours en matière de droit public est en principe ouvert dans une cause portant sur des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (art. 82 ss
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1.3. En matière de mesures de contrainte administrative à l'égard des étrangers, lorsque la décision de détention dont il est fait recours est levée ou est remplacée par une nouvelle décision de prolongation de la détention, le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel au recours (cf. art. 89 al. 1
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En l'espèce, l'arrêt attaqué a confirmé la détention en vue du renvoi du recourant jusqu'au 15 mai 2023 inclus. L'intéressé se trouve toutefois toujours en détention en vue du renvoi, ceci sur la base d'une nouvelle décision, confirmée en dernier lieu par arrêt du 2 juin 2023 de la Cour de justice, qui a remplacé la première et prolongé la détention jusqu'au 15 août 2023. Ainsi, bien que le recours déposé à l'encontre de l'arrêt attaqué a, a priori, perdu son intérêt actuel, il se justifie de renoncer à l'exigence de celui-ci, car le recourant invoque de manière défendable que sa détention viole l'art. 5
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1.4. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies (cf. art. 42
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1.5. En raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès de la Cour de justice (ATF 136 II 539 consid. 1.2), la conclusion tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif du 20 février 2023 est irrecevable. Quant à celle visant à faire constater la violation des droits constitutionnels du recourant, il s'agit d'une conclusion constatatoire qui, formée parallèlement à celle concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué, est également irrecevable (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7).
2.
2.1. Saisi d'un recours en matiere de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a
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2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
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En l'occurrence, dans la mesure où le recourant présente librement sa propre version des faits, en complétant celle de l'arrêt attaqué, comme il le ferait devant une juridiction d'appel, ce que la Cour de céans n'est pas (arrêt 2C 703/2021 du 29 mars 2020 consid. 2.2), il n'en sera pas tenu compte. Par ailleurs, en tant qu'il évoque à diverses reprises dans son mémoire une constatation manifestement inexacte des faits en lien avec sa détention et son renvoi au Liban, en reprochant en substance à la Cour de justice de ne pas avoir correctement apprécié les risques qu'il courrait en cas de retour dans ce pays, force est de constater qu'il ne s'en prend pas à l'établissement des faits en tant que tel, mais bien plutôt à leur appréciation juridique, ce qui relève de l'application du droit que le Tribunal fédéral examinera ci-après (cf. infra consid. 6). Pour le surplus, si le refus du recourant d'embarquer le 3 mai 2023 dans un vol de retour au Liban constitue certes un fait nouveau, il n'apparaît toutefois pas comme un élément en faveur de l'intéressé survenu depuis la décision contestée, de sorte qu'il ne saurait faire partie des faits nouveaux dont le Tribunal fédéral pourrait exceptionnellement tenir compte (cf. ATF 147 II 49
consid. 3.3; 130 II 56 consid. 4.2.1; arrêt 2C 468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 2.2).
Le Tribunal fédéral statuera donc sur la base des seuls faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
3.
Le litige porte sur la confirmation par la Cour de justice de la mise en détention administrative du recourant en vue de son renvoi pour une durée de trois mois, qui a été prolongée par le Tribunal administratif pour trois mois supplémentaires, soit jusqu'au 15 août 2023.
4.
Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a en substance retenu que la détention administrative du recourant, qui faisait l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire, pouvait se justifier tant sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1
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5.
Dans un premier grief, le recourant, qui ne conteste à juste titre pas faire l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire, se plaint que les motifs justifiant sa mise en détention en vue de son renvoi selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3
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5.1. L'art. 76 al. 1 let. b
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5.2. En l'espèce, en tant que le recourant fait grand cas, sur plusieurs pages, de son absence de dangerosité, on lui rappellera que ce critère relève de l'art. 75 al. 1 let. g
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penser que le mariage aurait lieu dans un délai raisonnable, faute pour l'intéressé de démontrer que des démarches concrètes en vue du mariage auraient été accomplies. Pour le reste, l'argumentation du recourant, qui consiste à opposer sa propre appréciation des moyens de preuve à celle de la Cour de justice et à présenter sa propre version des faits, dont certains ne ressortent au demeurant pas de l'arrêt attaqué, est appellatoire et, donc, irrecevable.
5.3. Les conditions posées à la détention administrative fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3
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6.
Le recourant, citant en particulier les art. 80 al. 6
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6.1. Dans une procédure de détention, il n'y a en principe pas lieu de statuer sur l'exécution du renvoi; celle-ci relève de la compétence des autorités du droit des étrangers. Toutefois, dès lors que la détention est levée lorsque l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou factuelles (art. 80 al. 6 let. a
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l'exécution d'un ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (cf. ATF 125 II 127 consid. 2; arrêts 2C 936/2019 précité consid. 3.1; 2C 672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et l'arrêt cité).
6.2. En l'occurrence, le recourant soutient qu'il court, en cas de retour au Liban, un danger "alarmant et inquiétant" d'être la victime de "fortes intimidations et de harcèlement" par des milices qui menaceraient de le "dépouill[er] de tous ses avoirs", soit deux immeubles dont il serait le propriétaire, et de l'emprisonner pour des "affaires truquées contre lui". Au vu de ces menaces et du climat d'insécurité au Liban depuis 2019, il serait ainsi "évident" qu'un renvoi dans ce pays le soumettrait à des traitements inhumains et dégradants et porterait gravement atteinte à sa vie.
6.3. Il ressort de l'arrêt attaqué que les motifs invoqués par l'intéressé, ainsi que les pièces déposées à l'appui de son argumentation, ont déjà été soulevés - et examinés - dans le cadre de la procédure de renvoi, qui a donné lieu à une décision définitive et exécutoire confirmée en dernier lieu par arrêt de la Cour de justice du 23 juin 2020. Le recourant ne prétend pas que la situation au Liban se serait modifiée de façon notable depuis le prononcé de l'arrêt précité, et il n'apparaît pas d'emblée que ce dernier serait manifestement inadmissible.
Quoi qu'il en soit, l'autorité précédente a considéré que la situation au Liban, bien que très difficile pour la population, ne correspondait pas à une situation de guerre ou de violence généralisée telle qu'elle mettrait concrètement en danger le recourant, et que les risques exposés par ce dernier n'étaient pas suffisamment vraisemblables pour s'opposer à l'exécution du renvoi. Or, l'intéressé ne soutient ni ne démontre en quoi cette appréciation procéderait de l'arbitraire. En tout état de cause, les dangers qu'il évoque, qui n'ont jamais dépassé le stade des menaces et des intimidations, n'apparaissent pas atteindre le seuil de gravité suffisant pour constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3
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6.4. Pour le reste, il n'apparaît nullement que le renvoi du recourant au Liban serait matériellement impossible, et celui-ci ne le démontre pas non plus. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué, sans que l'intéressé ne s'en plaigne de manière circonstanciée, qu'il a été reconnu comme un ressortissant libanais par les autorités de ce pays, et que des vols à destination de Beyrouth ont déjà pu être organisés à plusieurs reprises par l'autorité intimée. Il ressort de plus des observations du Secrétariat d'Etat du 11 mai 2023, dont le recourant ne fait valoir aucun motif qui justifierait de les remettre en doute, que le laisser-passer valable jusqu'au 24 mai 2023 dont il disposait pouvait être prolongé en tout temps. Enfin, un accord entre la Suisse et le Liban relatif à la réadmission de personnes en situation irrégulière est entré en vigueur le 15 février 2006 (RS 0.142.114.899).
En résumé, aucun élément ne permet de retenir que le renvoi ne pourrait pas être exécuté dans un délai prévisible ou raisonnable avec une probabilité suffisante.
6.5. Les griefs de violation des art. 80 al. 6
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7.
Le recourant, citant l'art. 36
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7.1. En l'espèce, au regard de la véhémence de l'intéressé à s'opposer à son renvoi, on ne saurait faire grief aux juges précédents de ne pas avoir remplacé la détention en vue du renvoi par une mesure moins incisive, notamment une assignation d'un lieu de résidence selon l'art. 74
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7.2. Dans ces circonstances, la détention administrative en vue du renvoi du recourant respecte le principe de proportionnalité.
8.
Le recourant se prévaut enfin d'une violation des art. 8
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8.1. Selon la jurisprudence, les projets de mariage ne s'opposent en principe pas à la détention en vue du renvoi. Ce n'est que lorsque tous les documents nécessaires au mariage sont déjà disponibles, qu'une date concrète de mariage a été fixée et que l'on peut manifestement s'attendre à l'octroi prochain d'une autorisation de séjour, que la détention peut s'avérer disproportionnée (cf. arrêt 2C 418/2017 du 15 décembre 2017 consid. 2.3 et 4 et les arrêts cités). Dans le cas contraire, la détention en vue du renvoi ne viole pas les droits garantis par les art. 8
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8.2. En l'espèce, les conditions précitées ne sont manifestement pas réunies, et le recourant ne prétend pas le contraire.
Celui-ci ne saurait quoi qu'il en soit pas se prévaloir valablement de l'art. 8
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Quant au droit à séjourner en Suisse en vue du mariage tiré de l'art. 12
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8.3. Pour peu que recevables, les griefs relatifs aux art. 8
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9.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Ce dernier étant d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Le recours constitutionnel est irrecevable.
3.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Commissaire de police du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, en section, et au Secrétariat d'Etat aux migrations.
Lausanne, le 22 juin 2023
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : H. Rastorfer