Cour européenne des droits de l'homme
Corte europea dei diritti dell'uomo
European Court of Human Rights
[TRADUCTION]
(...)
EN FAIT
Le requérant, Hans Ulrich Hertel, de nationalité suisse, est diplômé en sciences techniques de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Retraité, il réside à Wattenwil (canton de Berne). Devant la Cour, il est représenté par Me R. Schaller, avocat au barreau de Genève.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
1. La requête no 25181/94 et l'arrêt rendu par la Cour le 25 août 1998
En collaboration avec un conseiller technique à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, le requérant réalisa une étude des effets sur l'homme de l'ingestion d'aliments préparés au four à micro-ondes. Dans un rapport de recherche daté de juin 1991 et intitulé « Etude comparative de l'influence sur l'homme d'aliments préparés de manière conventionnelle et au four à micro- ondes », il conclut comme suit :
« Les conséquences mesurables chez l'homme induites par des aliments traités aux micro-ondes présentent, au contraire de ceux qui n'ont pas subi ce traitement, des modifications du sang qui semblent indiquer le stade initial d'un processus pathologique tel qu'il se présente lors du déclenchement d'un état cancéreux. »
Par la suite, le trimestriel Journal Franz Weber, dans lequel le requérant était cité comme un membre de la rédaction, publia dans son numéro 19 (janvier, février et mars 1992) un article de M. René d'Ombresson intitulé « Four à micro-ondes : danger pour la santé. Des preuves scientifiques irréfutables ». En couverture figurait une image de la Faucheuse tendant une main vers un four à micro-ondes, et le chapeau de l'article était ainsi rédigé :
« A la casse, au ruclon, les fours à micro-ondes ! Le traitement qu'ils font subir aux aliments est à ce point pervertissant qu'il provoque une altération de la formule sanguine de qui s'en nourrit, conduisant à l'anémie et à la précancérose. Telles sont les conclusions d'une étude rigoureuse conduite par un professeur de l'EPFL [Ecole polytechnique fédérale de Lausanne] et un chercheur indépendant, déterminés à répondre une fois pour toutes à la question cruciale : les fours à micro-ondes sont-ils nocifs ou non ? Voici un résumé vulgarisé de cette étude puis l'étude elle-même, pour ceux que les chiffres et les démonstrations scientifiques ne rebutent pas. Nous avons tenu à cette double publication, au risque de redites, afin que le public le plus large puisse accéder à ces conclusions. »
Le 7 août 1992, l'Association suisse des fabricants et fournisseurs d'appareils électrodomestiques (« FAE ») déposa devant le tribunal de commerce (Handelsgericht) du canton de Berne une demande d'injonction fondée sur la loi fédérale contre la concurrence déloyale (Bundesgesetz über den unlauteren Wettbewerb - « LCD ») et tendant à ce qu'il soit fait interdiction à M. Hertel, sous peine de sanctions, d'affirmer que les aliments préparés dans les fours à micro-ondes sont dangereux pour la santé et provoquent dans le sang de ceux qui les consomment des altérations traduisant un trouble pathologique et donnant une image qui pourrait passer pour le début d'un processus cancérigène. Par un jugement du 19 mars 1993, le tribunal de commerce accueillit la requête. L'injonction fut confirmée par le Tribunal fédéral (Bundesgericht) dans un arrêt du 25 février 1994, exposant les conclusions suivantes :
« On ne peut non plus parler d'une utilisation de la LCD contraire à la Constitution fédérale ou à la Convention européenne. La loi doit notamment fixer les limites respectives des droits fondamentaux et d'autres devoirs, opposés, de l'Etat de manière à prendre le plus possible en considération ces deux objets du droit constitutionnel (...) Il faut garantir au mieux le bon fonctionnement de la concurrence ainsi que la liberté économique, d'expression, scientifique et de la presse, mais aussi les limiter pour que les différents objectifs constitutionnels puissent se concilier en pratique. (...) Celui qui revendique la liberté scientifique est donc totalement libre d'exposer ses connaissances dans le cadre universitaire mais, dans le domaine de la concurrence, il ne peut se réclamer de la véracité lorsque l'opinion qu'il expose est contestée. Une opinion non confirmée scientifiquement ne doit en particulier pas être utilisée pour faire de la publicité occulte, positive ou négative, pour ses propres prestations ou celles d'autrui. En l'occurrence, cela est d'autant plus vrai que le tribunal de commerce a expressément laissé à l'appelant la liberté d'étayer sa thèse sur de nouvelles découvertes scientifiques. Il échet donc de rejeter le recours (...) »
Le 13 septembre 1994, le requérant présenta à la Commission des Droits de l'Homme la requête no 25181/94, dans laquelle il se plaignait que l'interdiction que lui avait imposée les juridictions suisses en vertu de la LCD avait emporté violation de l'article 10 de la Convention. Il présenta également des griefs sous l'angle des articles 6 § 1 et 8 de la Convention. La Commission retint la requête le 27 novembre 1996. Dans son rapport du 9 avril 1997, elle conclut qu'il y avait eu violation de l'article 10 et qu'aucune question distincte ne se posait sous l'angle des articles 6 § 1 et 8 de la Convention.
L'affaire fut déférée à la Cour, laquelle, dans un arrêt du 25 août 1998, estima que la mesure était « prévue par la loi » et poursuivait un but légitime, conformément à l'article 10 § 2. Quant à savoir si la mesure était « nécessaire dans une société démocratique » au sens de cette disposition, la Cour déclara notamment :
« 48. La Cour observe que le requérant s'est borné à transmettre une copie de son rapport d'étude au Journal Franz Weber : il n'a participé ni à la rédaction du numéro 19 dudit périodique ni au choix de son illustration, et n'en a eu connaissance qu'après sa parution. Cela ressort de la déclaration de M. Weber du 14 avril 1992 (paragraphe 18 ci-dessus) et ne fut mis en cause ni par le tribunal de commerce du canton de Berne ni par le Tribunal fédéral : selon les deux juridictions, la responsabilité du requérant trouvait sa source dans le fait qu'en communiquant son rapport au Journal Franz Weber, il se serait accommodé d'une exploitation simpliste et outrancière de celui-ci - laquelle aurait été prévisible eu égard au périodique dont il s'agit - et que, par la suite, il aurait repris à son compte l'article litigieux (...)
Du texte dudit numéro 19 se rapportant aux fours à micro-ondes, le requérant n'est ainsi l'auteur ou le coauteur ni de l'intitulé de la page de couverture (...), ni de l'éditorial (celui-ci est signé Franz Weber...), ni des pages 3 à 10 (elles sont signées René d'Ombresson...). Seules peuvent lui être attribuées, à l'exclusion des titres et sous-titres qui y figurent, les pages 5 à 10 qui contiennent un extrait du rapport dont il est question (...). Or la Cour constate qu'il n'y est nulle part expressément proposé que les fours à micro-ondes fussent interdits, détruits ou boycottés et que le requérant n'y reprend pas les propos qu'il avait tenus en 1989 et qui avaient été publiés dans le numéro 8 (avril, mai et juin 1989) du Journal Franz Weber. En outre et surtout, la thèse du requérant relative aux effets nocifs sur la santé humaine de l'ingestion d'aliments préparés au four à micro-ondes y est exposée d'une manière bien plus nuancée que le Gouvernement ne le laisse entendre ; cela tient notamment à l'usage répété du mode conditionnel et au choix de formules non affirmatives. A cet égard, les dernières lignes dudit extrait, qui synthétisent les conclusions que le requérant tire de ses expériences, sont particulièrement parlantes : s'il est écrit que les résultats obtenus « montrent des altérations qui témoignent de troubles pathogènes », il est précisé quant à d'éventuels effets cancéreux que lesdits résultats donnent une image qui « pourrait » correspondre au début d'une évolution cancéreuse et qui « mérite attention » ; de la même manière il n'est pas affirmé que l'ingestion d'aliments irradiés est nocive pour l'homme du fait de l'induction d'un rayonnement indirect par le biais des aliments, mais suggéré qu'il « pourrait » en aller de la sorte (...).
(...)
50. Il ressort de ce qui précède que M. Hertel n'a pas participé au choix de l'illustration du numéro 19 du Journal Franz Weber, que les propos qui lui sont véritablement imputables sont plutôt nuancés et qu'aucun élément ne permet de conclure à un impact substantiel desdits propos sur les intérêts des membres de la FAE. En dépit de ceci, les juridictions suisses ont fait interdiction au requérant d'affirmer que les aliments préparés dans les fours à micro-ondes sont dangereux pour la santé et provoquent dans le sang de ceux qui les consomment des altérations traduisant un trouble pathologique et donnant une image qui pourrait indiquer le début d'une évolution cancérigène, et d'utiliser l'image de la mort en association avec les fours à micro-ondes.
On ne peut que relever un décalage entre cette mesure et le comportement auquel elle se propose de répondre. Il en ressort une impression de déséquilibre que concrétise l'ampleur de l'interdiction dont il s'agit. A cet égard, s'il est vrai que celle-ci porte uniquement sur des affirmations bien précises, il n'en reste pas moins que lesdites affirmations ont trait à la substance même de la thèse défendue par le requérant. La mesure en cause a ainsi pour effet de censurer partiellement les travaux de ce dernier et de limiter grandement son aptitude à exposer publiquement une thèse qui a sa place dans un débat public dont l'existence ne peut être niée. Peu importe que l'opinion dont il s'agit est minoritaire et qu'elle peut sembler dénuée de fondement : dans un domaine où la certitude est improbable, il serait particulièrement excessif de limiter la liberté d'expression à l'exposé des seules idées généralement admises.
La circonstance que les juridictions suisses ont expressément réservé la liberté de M. Hertel de poursuivre ses recherches n'enlève rien à ce constat. Quant à la possibilité dont il disposerait d'en présenter les résultats en dehors de la « sphère économique », elle ne transparaît pas avec évidence des décisions litigieuses ; le cas échéant, la large portée de la LCD empêcherait d'y voir une atténuation marquée de l'importance de l'ingérence dont il est question.
Au surplus, en cas de non-respect de l'interdiction, le requérant encourt une sanction pouvant aller jusqu'à une privation de liberté.
51. Eu égard à ce qui précède la mesure litigieuse ne saurait passer pour « nécessaire » « dans une société démocratique ». Partant, il y a eu violation de l'article 10 » (Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, pp. 2330-2332).
La Cour jugea inutile d'examiner les griefs tirés des articles 6 § 1 et 8 de la Convention. Elle déclara également que le gouvernement suisse devait verser au requérant 40 000 francs suisses (CHF) au titre des frais et dépens.
2. L'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 2 mars 1999
Le 20 octobre 1998, le requérant saisit le Tribunal fédéral d'une demande de révision dans laquelle il réclamait l'annulation de l'arrêt du 25 février 1994 ainsi que le remboursement par la FAE de ses frais et dépens. Dans son arrêt du 2 mars 1999 (signifié le 1er avril 1999), le Tribunal fédéral déclara que :
« 2. L'appelant invoque l'article 139a de la loi fédérale d'organisation judiciaire (Bundesgesetz über die Organisation des Bundesrechtspflege). Selon cette disposition, la demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral ou d'une autorité inférieure est recevable lorsque la Cour européenne des Droits de l'Homme ou le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a constaté une violation de la Convention européenne des Droits de l'Homme, et que réparation ne peut être obtenue que par la voie de la révision. La première condition est manifestement respectée. Reste à examiner la deuxième. Elle peut être considérée comme remplie si et dans la mesure où l'arrêt de la Cour européenne et la réparation octroyée ne suffisent pas à redresser la situation relevant de la Convention (Arrêts du Tribunal fédéral suisse [ATF] 123 I 283, § 3 p. 286 et suiv.).
3. En application de l'article 50 de la Convention, la Cour européenne a octroyé à l'appelant un montant de 40 000 CHF au titre des frais et dépens exposés dans la procédure devant le tribunal de commerce, le Tribunal fédéral, la Commission des Droits de l'Homme et la Cour européenne. L'appelant n'a plus la possibilité de présenter d'autres demandes en réparation relativement à la même procédure (ATF 123 I 283, § 3b/bb p. 287 et suiv.). Au contraire, le montant octroyé par la Cour constitue une réparation suffisante. En conséquence, les motifs exposés à l'article 139a ne sont de toute évidence pas applicables. Les demandes de l'appelant visant à obtenir le remboursement des frais de procédure et des honoraires de ses avocats et conseils afférents aux procédures antérieures doivent être rejetés.
4. Toutefois, l'appelant recherche en premier lieu la levée des restrictions qui lui avaient été imposées. Il s'agit ici de déterminer si et dans quelle mesure une modification de l'arrêt rendu le 25 février 1994 par le Tribunal fédéral est nécessaire en ce qui concerne les réparations correspondant à des violations de la Convention.
a) Aux termes de l'article 10 de la Convention, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit ne peut être soumis à des restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, tournées vers un but légitime et nécessaires dans une société démocratique (article 10 § 2 de la Convention). La Cour européenne a estimé que la loi sur la concurrence déloyale (...) constituait une base légale suffisante pour la restriction imposée à l'appelant. Elle a également considéré que cette restriction visait sans aucun doute la protection du droit d'autrui, et servait ainsi un but légitime. Mais elle a conclu que la liberté d'expression de l'appelant avait été limitée dans une mesure plus importante qu'il n'était nécessaire dans une société démocratique. A cet égard, la Cour s'est livrée à un examen approfondi du contenu du numéro 19 du Journal Franz Weber. Selon elle, l'appelant n'était responsable, en tant qu'auteur ou coauteur, ni de l'intitulé de la page de couverture, ni de l'éditorial de Franz Weber, ni de l'article de René d'Ombresson figurant aux pages 3 à 10. L'appelant n'a pas davantage participé au choix des illustrations. Seules lui peuvent être attribuées, à l'exclusion des titres et sous-titres qui y figurent, les pages 5 à 10 qui contiennent un extrait de son rapport de recherche. Or, il n'y est nulle part expressément proposé que les fours à micro-ondes fussent interdits, détruits ou boycottés. En particulier, la thèse de l'appelant relative aux effets nocifs sur la santé humaine de l'ingestion d'aliments préparés au four à misro-ondes y est exposée d'une manière bien plus nuancée que les autorités suisses ne l'ont laissé entendre ; cela tient notamment à l'usage répété du mode conditionnel et au choix de formules non affirmatives. A cet égard, les dernières lignes dudit extrait, qui synthétisent les conclusions de l'intéressé, sont particulièrement parlantes : s'il est écrit que le résultat obtenu « montre des altérations qui témoignent de troubles pathogènes », il est précisé que lesdits résultats donnent une image qui « pourrait » correspondre au début d'une évolution cancéreuse et qui « mérite attention ». De la même manière, il n'est pas affirmé que l'ingestion d'aliments irradiés est nocive pour l'homme du fait de l'induction d'un rayonnement indirect par le biais des aliments, mais suggéré qu'il « pourrait » en aller de la sorte. En outre, la Cour européenne n'a vu aucun élément démontrant que les déclarations de l'appelant publiées dans le numéro 19 du Journal Franz Weber avait causé un préjudice important aux intérêts des membres de la défenderesse.
Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la Cour européenne conclut que l'ampleur des restrictions imposées par les juridictions suisses est disproportionnée par rapport au comportement auquel elles se proposaient de répondre. Les restrictions ont eu pour effet de censurer partiellement les travaux de l'appelant et de limiter grandement son aptitude à exposer publiquement une thèse qui a sa place dans le débat actuel. Peu importe que l'opinion dont il s'agit est minoritaire et qu'elle peut sembler dénuée de fondement : dans un domaine où la certitude est improbable, il serait particulièrement excessif de limiter la liberté d'expression à l'exposé des seules idées généralement admises.
b) L'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme peut donner satisfaction à l'appelant et, par l'octroi de 40 000 CHF, peut lui offrir une réparation financière pour les frais de procédure. Toutefois, il ne lève pas les restrictions imposées à l'appelant par le tribunal de commerce et confirmées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 février 1994. Ces restrictions ne peuvent être maintenues que si elles respectent la nécessité telle que la définit la Cour européenne. Ces restrictions ne pouvant être levées ou limitées que par un recours présenté au Tribunal fédéral, la condition posée par l'article 139a de la loi d'organisation judiciaire est remplie.
Il reste toutefois à déterminer de quelle manière et dans quelle mesure les restrictions doivent être limitées pour être conforme à l'article 10 de la Convention. A cet égard, il faut tout d'abord relever que la Cour européenne a jugé les restrictions disproportionnées uniquement dans la mesure où elles étaient censées constituer une réponse au rapport de recherche publié dans le numéro 19 du journal Franz Weber, lequel a été considéré par la Cour comme suffisamment nuancé et dont l'impact sur les membres de la défenderesse était selon elle insuffisamment démontré. Dans son appréciation des circonstances de la cause, la Cour européenne a également émis l'avis que seul le texte du rapport de recherche pouvait être attribué à l'appelant, et que celui-ci ne pouvait être tenu pour responsable des titres, des sous-titres ou des textes par d'autres auteurs contenus dans le périodique, ni du choix des illustrations. Il s'ensuit que l'interdiction faite à l'appelant de publier des textes présentant une modération comparable au rapport de recherche susmentionné, même pour des motifs liés à la concurrence, porte atteinte à l'article 10 de la Convention.
En revanche, selon l'interprétation que fait la Cour européenne de la législation applicable, l'on peut supposer que le fait d'interdire à l'appelant de déclarer, dans le cadre de la concurrence que les effets nuisibles pour la santé des aliments préparés au four à micro-ondes sont scientifiquement prouvés sans mentionner les actuelles divergences d'opinions à cet égard ne peut être compatible avec l'article 10 de la Convention que si des éléments concrets indiquent que pareilles déclarations vont être effectivement faites et sont de nature à porter grandement atteinte à la position des membres de la défenderesse au regard de la concurrence (ATF 116 II 357, § 2a, p. 359, avec d'autres références). Toutefois, ces exigences sont satisfaites : dans sa décision du 19 mars 1993, le tribunal de commerce a estimé quant aux faits que l'appelant n'avait jamais désavoué ce qui avait été publié dans le numéro 19 du journal Franz Weber, mais avait simplement déclaré devant le tribunal qu'il n'était pas d'accord à 100% avec l'introduction et les conclusions de René d'Ombresson ; il avait dit qu'il aimait bien l'image de la Faucheuse ; il ne démordait pas de ses conclusions et avait l'intention de continuer à chercher à ce qu'elles soient débattues dans les médias ; derrière sa position scientifique, on devinait une attitude idéologique ; au procès, il a maintenu ses déclarations antérieures et a affirmé : « Ces fours à micro-ondes provoquent le cancer, il n'y plus aucun doute là-dessus. » et « je poursuivrai mon chemin scientifique ». Ces termes démontrent effectivement qu'il y a des raisons de craindre que l'appelant formulera des déclarations contraires à une concurrence loyale, diffusant ainsi des conclusions prétendument scientifiquement prouvées selon lesquelles les fours micro-ondes sont nuisibles pour la santé ; eu égard à l'approbation avouée de l'appelant pour l'image de la Faucheuse, il existe également un risque d'utilisation de cette image ou d'un autre symbole de mort pour illustrer ce type de déclarations. De toute évidence, celles-ci, adressées à un public plus large, seraient de nature à causer un préjudice important à la position des membres de la défenderesse au regard de la concurrence. Tel serait d'autant plus le cas si pareilles déclarations étaient de nouveau illustrées par des symboles de mort. En vertu de l'article 9 § 1 a) de la loi sur la concurrence déloyale, la défenderesse est en droit d'être protégée par des restrictions appropriées comme toute atteinte illégale à la concurrence.
c) Dès lors, une levée complète des restrictions imposées à l'appelant n'est ni nécessaire ni appropriée. Il faut dire clairement qu'il est seulement fait interdiction à l'intéressé de formuler des déclarations destinées au grand public dans lesquelles sont présentées comme scientifiquement prouvés les effets dangereux pour la santé des aliments préparés au four à micro-ondes sans mentionner les actuelles divergences d'opinions en la matière. L'interdiction d'utiliser dans des publications ou lectures publiques l'image de la Faucheuse ou un autre symbole de mort similaire doit être maintenue sur la base des motifs exposés de manière détaillée dans l'arrêt du 25 février 1994. Enfin, les prétentions de la défenderesse ne se fondent pas sur une violation effective mais sur la menace de violations (article 9 § 1 a) de la loi sur la concurrence déloyale). Eu égard au comportement et aux déclarations de l'appelant, il ne fait aucun doute qu'une telle menace existe bel et bien.
Rien n'empêche par ailleurs l'appelant de prendre part au débat en cours concernant les effets sur la santé des aliments préparés au four à micro- ondes. Il est libre d'exprimer ses idées, sous réserve qu'il ne le fasse pas sous la forme de déclarations destinées au grand public exprimées de telle sorte qu'elles donneraient la fausse impression de traduire des conclusions scientifiquement prouvées. Il n'est pas question de censurer les travaux de l'appelant, mais de prévenir des déclarations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes, et donc déloyales, de nature à exercer une influence sur la concurrence et à porter atteinte à la position des membres de la défenderesse au regard de la concurrence (articles 2 et 3 a) de la loi sur la concurrence déloyale).
5. Le recours de l'appelant n'est que partiellement accueilli. Il permet de clarifier la portée des restrictions imposées par le tribunal de commerce et confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 février 1994, mais il n'aboutit pas ni en ce qui concerne la demande de rejet du grief ni s'agissant de sa demande de remboursement des frais et dépens afférents à la procédure antérieure. Ce résultat justifie un fractionnement proportionnel des frais de procédure et des frais exposés par les parties au cours de la procédure de recours (...) Sur les frais de procédure de 5 000 francs suisses, 3 500 CHF sont affectés à l'appelant et 1 500 CHF à la défenderesse ; l'appelant se verra également invité à payer à la défenderesse une réparation de 2 500 CHF.
La modification matérielle de l'arrêt sur les faits du 25 février 1994, qui vaut acceptation partielle du recours, se limite à la clarification de la portée des restrictions imposées à l'appelant. Le droit à la protection de la défenderesse n'en est pas affecté. Cela étant, rien ne justifie de revoir la répartition des frais de procédure et des frais exposés par les parties dans le cadre de l'action devant le tribunal de commerce et de la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, d'autant que la Cour européenne des Droits de l'Homme a déjà octroyé à l'appelant une réparation en vertu de l'article 50 de la Convention pour les frais afférents à ces instances (paragraphe 3 ci- dessus).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral conclut que :
1. La demande de révision est partiellement accueillie, en ce que le paragraphe 1 de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 25 février 1994 est annulé et remplacé par les termes suivants :
« 1. Le recours, pour autant qu'il est recevable, est partiellement accueilli, et le paragraphe 1 du jugement rendu le 19 mars 1993 par le tribunal de commerce de Berne est ainsi modifié :
1. Il est fait interdiction au défendeur, sous peine des sanctions prévues à l'article 292 du code de procédure pénale et à l'article 403 du code de procédure civile (emprisonnement ou amende allant jusqu'à 5 000 CHF, détention ou, dans des cas graves, emprisonnement allant jusqu'à un an), d'affirmer dans des déclarations à l'attention du grand public, sans invoquer les actuelles divergences d'opinions en la matière, qu'il est scientifiquement prouvé que les aliments préparés au four à micro-ondes (verboten, in Verlautbarungen, die an weitere Bevölkerungskreise gerichtet sind, ohne Hinweis auf den herrschenden Meinungsstreit als wissenschaftlich gesichert darzustellen, dass im Mikrowellenherd zubereitete Speisen...), sont dangereux pour la santé et provoquent dans le sang de ceux qui les consomment des altérations traduisant un trouble pathologique et donnant une image qui pourrait indiquer le début d'une évolution cancérigène. »
Le jugement du tribunal de commerce est confirmé pour le surplus.
2. les autres demandes de révision sont rejetées.
3. Les frais de procédure, d'un montant de 5 000 CHF, sont répartis à hauteur de 3 500 CHF pour l'appelant et de 1 500 CHF pour la défenderesse.
4. L'appelant doit verser à la défenderesse une indemnité de 2 500 CHF.
5. Le présent arrêt sera communiqué par écrit aux partis et au tribunal de commerce de Berne. »
3. La résolution du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe du 2 octobre 2000
Le 2 octobre 2000, le Comité des Ministres adopta lors de la 721e réunion des Délégués des Ministres la résolution suivante :
« Résolution ResDH(2000)122 relative à l'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme du 25 août 1998 dans l'affaire Hertel contre la Suisse
Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 54 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée « la Convention »),
Vu l'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme rendu le 25 août 1998 dans l'affaire Hertel et transmis à la même date au Comité des Ministres ;
Rappelant qu'à l'origine de cette affaire se trouve une requête (no 25181/94) dirigée contre la Suisse, introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 13 septembre 1994 en vertu de l'article 25 de la Convention, par M. Hans Ulrich Hertel, ressortissant suisse, et que la Commission a déclaré recevables les griefs du requérant tirés des articles 10, 8 et 6, paragraphe 1 de la Convention, griefs relatifs à l'interdiction faite au requérant de publier les résultats de ses recherches sur la nocivité pour la santé humaine des fours à micro-ondes ;
Rappelant que l'affaire a été portée devant la Cour par le requérant le 29 mai 1997, puis les 3 juin et 15 juillet 1997 respectivement par la Commission et le Gouvernement de la Suisse ;
Considérant que, dans son arrêt du 25 août 1998, la Cour :
- a dit, par six voix contre trois, qu'il y avait eu violation de l'article 10 de la Convention ;
- a dit, à l'unanimité, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les griefs tirés des articles 6, paragraphe 1, et 8 de la Convention ;
- a dit, par huit voix contre une, que le Gouvernement de l'Etat défendeur devait verser au requérant, dans les trois mois, 40 000 francs suisses au titre des frais et dépens et que ce montant serait à majorer d'un intérêt simple de 5% l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement ;
- a rejeté, à l'unanimité, les prétentions du requérant pour le surplus ;
Vu les Règles adoptées par le Comité des Ministres relatives à l'application de l'article 54 de la Convention ;
Ayant invité le Gouvernement de l'Etat défendeur à l'informer des mesures prises à la suite de l'arrêt du 25 août 1998, eu égard à l'obligation qu'a la Suisse de s'y conformer selon l'article 53 de la Convention ;
Considérant que lors de l'examen de cette affaire par le Comité des Ministres, le Gouvernement de l'Etat défendeur a donné à celui-ci des informations sur les mesures prises permettant d'éviter de nouvelles violations semblables à celle constatée dans le présent arrêt (ces informations sont résumées dans l'annexe à la présente résolution) ;
S'étant assuré que le 20 octobre 1998, dans le délai imparti, le Gouvernement de l'Etat défendeur a versé au requérant la somme prévue dans l'arrêt du 25 août 1998 ;
Ayant noté que le requérant a saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme d'une nouvelle requête (no 53440/99) au sujet des restrictions encore applicables après l'arrêt en révision du Tribunal Fédéral du 2 mars 1999 (voir, notamment, les informations fournies par le Gouvernement ci-dessous) et que la Cour reste compétente pour en évaluer la compatibilité avec la Convention ;
Considère qu'il n'est pas nécessaire, dans les circonstances de cette affaire, que le Comité des Ministres poursuive l'examen de cette dernière question dans le cadre de la présente procédure de contrôle d'exécution,
Déclare, au vu de ces considérations et ayant pris connaissance des informations fournies par le Gouvernement de la Suisse, qu'il a rempli ses fonctions en vertu de l'article 54 de la Convention dans la présente affaire.
Annexe à la Résolution ResDH(2000)122
Informations fournies par le Gouvernement de la Suisse lors de l'examen de l'affaire Hertel par le Comité des Ministres
L'arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Hertel a été porté à l'attention du Tribunal Fédéral et des extraits ont été publiés notamment dans le Journal des Tribunaux - Droit européen (no 52, octobre 1998, pages 188-190).
Afin de faire effacer les conséquences de la violation constatée par la Cour européenne des Droits de l'Homme, le requérant a introduit devant le Tribunal fédéral suisse une demande en révision sur la base de l'article 139.a.1 de la loi fédérale suisse d'organisation judiciaire, qui prévoit la possibilité de révision pour donner effet aux arrêts de la Cour de Strasbourg. Dans son arrêt du 2 mars 1999, le Tribunal fédéral a pris note de la violation de la liberté d'expression du requérant constatée par la Cour européenne des Droits de l'Homme et a, par conséquent, modifié la décision attaquée en précisant le contenu et en atténuant la portée des restrictions à l'encontre de M. Hertel.
Ainsi, il est désormais précisé que les restrictions à la liberté du requérant de s'exprimer sur la nocivité des fours à micro-ondes ne s'appliquent que dans l'hypothèse où le requérant s'adresserait au grand public, sans se référer au caractère controversé de la question et en présentant la nocivité des fours à micro-ondes pour la santé humaine comme étant scientifiquement prouvée. Le Gouvernement de la Suisse considère que l'arrêt du Tribunal Fédéral a remédié à la violation de l'article 10, en ce qui concerne la situation du requérant.
Le Gouvernement estime également que ces mesures préviennent pour le futur le risque de nouvelles violations semblables à celle constatée dans la présente affaire et que, par conséquent, la Suisse a rempli ses obligations en vertu de l'article 53 dans la présente affaire. »
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. La loi fédérale contre la concurrence déloyale
La loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) dispose en ses articles 1, 2 et 3 a) que :
Article premier
« La présente loi vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale qui ne soit pas faussée. »
Article 2
« Est déloyal et illicite tout comportement [Verhalten] ou pratique commercial [e] [Geschäftsgebaren] qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. »
Article 3
« Agit de façon déloyale celui qui, notamment :
a. Dénigre autrui, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes ;
(...) »
2. La loi fédérale d'organisation judiciaire
Les articles 136 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire portent notamment sur la révision des arrêts. L'article 139a, intitulé « Violation de la Convention européenne des droits de l'homme », se lit ainsi :
« 1. La demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral ou d'une décision d'une autorité inférieure est recevable lorsque la Cour européenne des droits de l'homme ou le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a admis le bien- fondé d'une requête individuelle pour violation de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, du 4 novembre 1950, ou de ses protocoles et que réparation ne peut être obtenue que par la voie de la révision.
2. Si le Tribunal fédéral constate qu'une révision s'impose mais qu'elle est de la compétence d'une autorité inférieure, il renvoie l'affaire à cette dernière pour qu'elle mette en oeuvre la procédure de révision.
3. L'autorité cantonale est tenue d'entrer en matière sur la demande de révision même si le droit cantonal ne prévoit pas ce motif de révision. »
GRIEFS
1. Le requérant se plaint sous l'angle des articles 8 et 10 de la Convention de l'interdiction qui restreint sa liberté d'information, en particulier du fait qu'il n'est pas autorisé à « affirmer dans des déclarations à l'attention du grand public, sans invoquer les actuelles divergences d'opinions en la matière, que [les dangers des micro-ondes sont] scientifiquement prouvés ». il se plaint également de l'interdiction qui lui est faite d'utiliser le symbole de la Faucheuse, tout en rappelant, comme la Cour l'a dit au paragraphe 48 de son arrêt susmentionné, qu'il ne pouvait être tenu pour responsable de l'usage qui en a été fait dans le numéro 19 du Journal Franz Weber.
Le requérant réitère les griefs qu'il a soulevés dans sa requête no 25181/94, en particulier que l'interdiction n'a ni base légale ni but légitime, et qu'elle était disproportionnée. A son sens, on ne saurait attacher à une restriction à la liberté d'information en vertu de la liberté d'information garantie par l'article 10 de la Convention la condition que les publications en question soient « adressées au grand public ». En outre, ce serait tourner en ridicule l'arrêt précédent de la Cour que de l'obliger à invoquer désormais, dans ses publications, les « actuelles divergences d'opinions en la matière ».
2. Sur le terrain de l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir eu la possibilité de commenter la modification apportée à l'interdiction, telle qu'exprimée dans l'arrêt rendu le 2 mars 1999 par le Tribunal fédéral, lequel, par ailleurs, n'a pas tenu d'audience.
EN DROIT
1. Invoquant l'article 10, le requérant se plaint de l'interdiction dont le Tribunal fédéral l'a frappé dans son arrêt du 2 mars 1999. Aux termes de l'article 10 :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
La Cour relève qu'il est fait interdiction au requérant, sous peine de sanctions, d'affirmer dans des déclarations à l'attention du grand public que les dangers des fours à micro-ondes sont scientifiquement prouvés sans invoquer les actuelles divergences d'opinions en la matière, ainsi que de se servir du symbole de la Faucheuse. De l'avis de la Cour, l'injonction constitue une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice des droits que l'article 10 § 1 de la Convention reconnaît au requérant. La Cour est donc appelée à examiner si cette ingérence se justifie au regard de l'article 10 § 2.
La Cour rappelle qu'elle a estimé dans son précédent arrêt que l'interdiction litigieuse, qui se fondait sur les articles 2
SR 241 Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD) LCD Art. 2 Principe - Est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commerciale qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. |
SR 241 Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD) LCD Art. 3 Méthodes déloyales de publicité et de vente et autres comportements illicites - 1 Agit de façon déloyale celui qui, notamment: |
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1 | Agit de façon déloyale celui qui, notamment: |
a | dénigre autrui, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations, ses prix ou ses affaires par des allégations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes; |
b | donne des indications inexactes ou fallacieuses sur lui-même, son entreprise, sa raison de commerce, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations, ses prix, ses stocks, ses méthodes de vente ou ses affaires ou qui, par de telles allégations, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents; |
c | porte ou utilise des titres ou des dénominations professionnelles inexacts, qui sont de nature à faire croire à des distinctions ou capacités particulières; |
d | prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les oeuvres, les prestations ou les affaires d'autrui; |
e | compare, de façon inexacte, fallacieuse, inutilement blessante ou parasitaire sa personne, ses marchandises, ses oeuvres, ses prestations ou ses prix avec celles ou ceux d'un concurrent ou qui, par de telles comparaisons, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents; |
f | offre, de façon réitérée, au-dessous de leur prix coûtant, un choix de marchandises, d'oeuvres ou de prestations et met cette offre particulièrement en valeur dans sa publicité, trompant ainsi la clientèle sur ses propres capacités ou celles de ses concurrents; la tromperie est présumée lorsque le prix de vente est inférieur au prix coûtant pour des achats comparables de marchandises, d'oeuvres ou de prestations de même nature; si le défendeur peut établir le prix coûtant effectif, celui-ci est déterminant pour le jugement; |
g | trompe, par des primes, la clientèle sur la valeur effective de son offre; |
h | entrave la liberté de décision de la clientèle en usant de méthodes de vente particulièrement agressives; |
i | trompe la clientèle en faisant illusion sur la qualité, la quantité, les possibilités d'utilisation, l'utilité de marchandises, d'oeuvres ou de prestations ou en taisant les dangers qu'elles présentent; |
k | omet, dans des annonces publiques en matière de crédit à la consommation, de désigner nettement sa raison de commerce, ou de donner des indications claires sur le montant net du crédit, le coût total du crédit et le taux annuel effectif global; |
l | omet, dans des annonces publiques en matière de crédit à la consommation portant sur des marchandises ou des services, de désigner nettement sa raison de commerce, ou de donner des indications claires sur le prix de vente au comptant, le prix de vente résultant du contrat de crédit et le taux annuel effectif global; |
m | offre ou conclut, dans le cadre d'une activité professionnelle, un contrat de crédit à la consommation en utilisant des formules de contrat qui contiennent des indications incomplètes ou inexactes sur l'objet du contrat, le prix, les conditions de paiement, la durée du contrat, le droit de révocation ou de dénonciation du client ou le droit qu'a celui-ci de payer le solde par anticipation; |
n | omet dans des annonces publiques en matière de crédit à la consommation (let. k) ou en matière de crédit à la consommation portant sur des marchandises ou des services (let. l) de signaler que l'octroi d'un crédit est interdit s'il occasionne le surendettement du consommateur; |
o | envoie ou fait envoyer, par voie de télécommunication, de la publicité de masse n'ayant aucun lien direct avec une information demandée et omet de requérir préalablement le consentement des clients, de mentionner correctement l'émetteur ou de les informer de leur droit à s'y opposer gratuitement et facilement; celui qui a obtenu les coordonnées de ses clients lors de la vente de marchandises, d'oeuvres ou de prestations et leur a indiqué qu'ils pouvaient s'opposer à l'envoi de publicité de masse par voie de télécommunication n'agit pas de façon déloyale s'il leur adresse une telle publicité sans leur consentement, pour autant que cette publicité concerne des marchandises, oeuvres et prestations propres analogues; |
p | fait de la publicité par le biais de formulaires d'offre, de propositions de correction ou d'autres moyens, pour l'inscription dans des répertoires de toute nature ou pour la publication d'annonces, ou propose directement cette inscription ou cette publication, sans faire mention des éléments suivants en grands caractères, à un endroit bien visible et dans un langage compréhensible: |
p1 | le caractère onéreux et privé de l'offre, |
p2 | la durée du contrat, |
p3 | le prix total pour la durée du contrat, |
p4 | la diffusion géographique, la forme, le tirage minimum et la date limite de la publication du répertoire ou de l'annonce; |
q | envoie des factures pour une inscription dans des répertoires de toute nature ou la publication d'annonces sans en avoir reçu le mandat; |
r | subordonne la livraison de marchandises, la distribution de primes ou l'octroi d'autres prestations à des conditions dont l'avantage pour l'acquéreur dépend principalement du recrutement d'autres personnes plutôt que de la vente ou de l'utilisation de marchandises ou de prestations (système de la boule de neige, de l'avalanche ou de la pyramide); |
s | propose des marchandises, des oeuvres ou des prestations au moyen du commerce électronique sans remplir les conditions suivantes: |
s1 | indiquer de manière claire et complète son identité et son adresse de contact, y compris pour le courrier électronique, |
s2 | indiquer les différentes étapes techniques conduisant à la conclusion d'un contrat, |
s3 | fournir les outils techniques appropriés permettant de détecter et de corriger les erreurs de saisie avant l'envoi d'une commande, |
s4 | confirmer sans délai la commande du client par courrier électronique; |
t | dans le cadre d'un concours ou d'un tirage au sort, promet un gain dont la validation est liée au recours à un numéro payant de service à valeur ajoutée, au versement d'une indemnité pour frais, à l'achat d'une marchandise ou d'un service, à la participation à une manifestation commerciale ou à un voyage publicitaire ou à la participation à un autre tirage au sort; |
u | ne respecte pas la mention contenue dans l'annuaire indiquant qu'un client ne souhaite pas recevoir de messages publicitaires de personnes avec lesquelles il n'entretient aucune relation commerciale, et que les données le concernant ne peuvent pas être communiquées à des fins de prospection publicitaire directe; les clients qui ne sont pas inscrits dans l'annuaire doivent être traités de la même manière que ceux qui y figurent avec la mention; |
v | procède à des appels publicitaires sans que soit affiché un numéro d'appel inscrit dans l'annuaire et pour lequel il possède un droit d'utilisation; |
w | se fonde sur des informations obtenues par suite d'une infraction relevant des let. u ou v. |
2 | L'al. 1, let. s, ne s'applique pas à la téléphonie vocale et aux contrats conclus uniquement par l'échange de courriers électroniques ou de moyens de communication analogues.18 |
Reste à déterminer si l'ingérence était « nécessaire, dans une société démocratique », au sens de l'article 10 § 2 de la Convention. A cet égard, la Cour a exposé dans son précédent arrêt les principes suivants :
i. La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique ». Telle que la consacre l'article 10, elle est assortie d'exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante.
ii. L'adjectif « nécessaire », au sens de l'article 10 § 2, implique un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un tel besoin, mais elle se double d'un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, même quand elles émanent d'une juridiction indépendante. La Cour a donc compétence pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une « restriction » se concilie avec la liberté d'expression que protège l'article 10.
iii. La Cour n'a point pour tâche, lorsqu'elle exerce son contrôle, de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l'angle de l'article 10 les décisions qu'elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d'appréciation. Il ne s'ensuit pas qu'elle doive se borner à rechercher si l'Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l'ingérence litigieuse à la lumière de l'ensemble de l'affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l'article 10 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents.
Quant à la marge d'appréciation des autorités, elle est particulièrement indispensable en matière commerciale. Il y a toutefois lieu de relativiser l'ampleur de celle-ci lorsque, comme en l'espèce, est en jeu non le discours strictement commercial de tel individu mais sa participation à un débat touchant à l'intérêt général. A cet égard, la Cour a estimé dans son arrêt précédent que les autorités suisses disposaient d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un « besoin social impérieux » de faire au requérant l'interdiction en question (ibidem, pp. 2329-2330).
Afin d'examiner si, en l'espèce, les mesures litigieuses étaient proportionnées au but poursuivi, il revient à la Cour de mettre en balance les exigences de la protection des droits des membres de la FAE par rapport à la liberté d'expression du requérant.
Pour peser les intérêts en présence, la Cour doit tout d'abord déterminer la gravité de l'atteinte aux droits du requérant. Elle rappelle que l'intéressé a précédemment fait l'objet d'une interdiction générale de publier ses idées, sauf dans les milieux de recherche scientifique. Dans son arrêt, la Cour a estimé qu'une telle mesure avait trait « à la substance même de la thèse défendue par le requérant. La mesure en cause a ainsi pour effet de censurer partiellement les travaux de ce dernier et de limiter grandement son aptitude à exposer publiquement une thèse qui a sa place dans un débat public dont l'existence ne peut être niée » (ibidem, p. 2332, § 50).
La présente affaire se distingue en ce que l'interdiction litigieuse, qui résulte de l'arrêt du 2 mars 1999 du Tribunal fédéral, n'impose plus au requérant une interdiction générale de diffuser ses idées. Au contraire, il jouit d'une totale liberté de formuler des déclarations sur les effets dangereux de l'usage des fours à micro-ondes. La seule restriction est qu'il lui est interdit, lorsqu'il tient de tels propos à l'attention du grand public, d'invoquer des résultats scientifiquement prouvés sans également faire référence aux « actuelles divergences d'opinions ».
De l'avis de la Cour, cette restriction imposée aux droits du requérant au regard de l'article 10 de la Convention reste mineure et ne porte plus atteinte de manière importante à son aptitude à exposer publiquement ses idées.
Certes, le requérant ne peut toujours pas, en vertu de l'interdiction litigieuse, se servir du symbole de la Faucheuse. Toutefois, la Cour relève que le requérant lui-même a fait valoir devant la Cour, en invoquant le paragraphe 48 du précédent arrêt de celle-ci, qu'il n'était en fait pas responsable de l'utilisation de ce symbole dans le numéro 19 du Journal Franz Weber. Dès lors, la restriction aux droits du requérant au regard de l'article 10 demeure mineure de ce point de vue également.
La Cour en vient à examiner les intérêts de la FAE. Elle estime que l'association a un intérêt légitime à maintenir une situation de concurrence loyale. Dès lors, il n'apparaît pas abusif de déclarer, comme l'a fait le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 mars 1999, que l'obligation d'invoquer les « actuelles divergences d'opinions » permet d'éviter des déclarations inexactes, fallacieuses ou inutilement blessantes, et donc déloyales, touchant à la position de la FAE au regard de la concurrence.
Eu égard aux restrictions comparativement mineures apportées aux droits garantis au requérant par l'article 10 de la Convention, à la marge d'appréciation laissée aux autorités internes en pareil cas et au soin avec lequel le Tribunal fédéral a pesé les intérêts en jeu dans son arrêt du 2 mars 1999, la Cour estime que l'ingérence dans l'exercice par le requérant de ses droits au regard de l'article 10 de la Convention était proportionnée aux buts légitimes poursuivis et pouvait donc raisonnablement être tenue pour « nécessaire dans une société démocratique » au sens du paragraphe 2 de cette disposition.
Pour autant que le requérant invoque également l'article 8 en ce qui concerne ces griefs, la Cour considère qu'aucune question ne se pose sous l'angle de cette disposition.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit donc être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint en outre de l'iniquité de la procédure devant le Tribunal fédéral. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, dont le passage pertinent est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. (...)
La Cour n'est pas appelée à examiner si cette disposition était applicable à la procédure litigieuse, les griefs étant quoi qu'il en soit irrecevables pour les raisons suivantes.
Pour autant que le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une audience devant le Tribunal fédéral, la Cour relève que l'intéressé n'a pas présenté une telle requête dans la demande en révision dont il a saisi le Tribunal fédéral le 20 octobre 1998. On peut donc considérer qu'il a renoncé sans équivoque à son droit à une audience publique devant cette juridiction.
Quant au grief du requérant selon lequel il n'a pas eu la possibilité de formuler des observations sur la nouvelle interdiction prononcée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 mars 1999, la Cour rappelle que le droit à une procédure contradictoire implique en principe la faculté pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, et de la discuter (arrêts Lobo Machado c. Portugal et Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 206, § 31 et p. 234, § 33 respectivement). En l'espèce, la Cour est convaincue que le requérant a eu la possibilité, dans sa demande en révision présentée le 20 octobre 1998, de discuter tous les aspects de l'affaire, en particulier toutes les incidences de l'arrêt rendu le 25 août 1998 sur l'interdiction qui lui a été imposée.
Il s'ensuit que la requête, pour le surplus, est également manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Vincent BergerGeorg Ress GreffierPrésident