Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour V

E-6071/2014

Arrêt du 20 février 2015

William Waeber (président du collège),

Composition Martin Zoller, Sylvie Cossy, juges,

Camilla Mariéthoz Wyssen, greffière.

A._______,né le (...),

son épouse, B._______,née le (...),

et leurs enfants,

C._______,née le (...),

D._______,née le (...),
Parties
E._______,né le (...),

Syrie,

représentés par Me Jean Lob, avocat,

(...),

recourants,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations

(SEM; anciennement Office fédéral des migrations, ODM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Visa pour raisons humanitaires (asile);
Objet
décision de l'ODM du 26 septembre 2014 / (...).

Faits :

A.
Par courrier daté du 27 avril 2014 adressé à l'Ambassade de Suisse à Beyrouth (ci-après: l'ambassade), F._______, naturalisée en Suisse, et son époux, G._______, ressortissant suisse, tous deux résidant dans le canton de H._______, ont exposé vouloir déposer des demandes de visas humanitaires pour onze membres de leur famille domiciliés dans le quartier I._______, à Homs, dont A._______, son épouse, B._______, et leurs trois enfants, C._______, D._______, et E._______, (les demandes de visas concernant les six autres personnes font l'objet des procédures E-6056/2014 et E-6062/2014).

F._______ et G._______ont en substance allégué que A._______ et sa famille se trouvaient en danger à Homs, en raison de la situation sécuritaire tendue et instable qui y régnait, en particulier depuis avril 2014. Les habitants du quartier I._______ étaient selon eux régulièrement victimes d'arrestations arbitraires, d'enlèvements et de tirs, notamment de mortiers. Un obus serait d'ailleurs tombé devant la maison familiale, le (...) 2014, blessant grièvement le beau-frère du recourant (cf. procédure E-6062/2014). La tension au sein de la population aurait fortement augmenté et la peur d'arrestations (par les différents services de renseignement et les milices) lors de passages des barrages de sécurité aurait été grandissante également. Largement impliqués dans l'aide humanitaire à Homs, A._______ et sa famille auraient constitué des cibles pour le régime. Enfin, l'important engagement public de F._______ en faveur de la révolution syrienne en Suisse, en particulier depuis (...), était de nature à mettre en danger les membres de sa famille en Syrie.

Au courrier du 27 avril 2014 étaient joints divers documents, dont des copies de leurs cartes d'identité, des pièces attestant de leurs revenus, un extrait du registre de l'état civil syrien concernant A._______ et sa famille (traduit en anglais), des copies des passeports de celui-ci et de son épouse ainsi qu'un écrit de six pages détaillant leur situation en Syrie. Il ressort en particulier de ce dernier document que le recouranttravaillerait actuellement pour (...) et que son épouse, ainsi que leurs deux filles, oeuvreraient comme bénévoles dans l'aide humanitaire, notamment en faveur de (...) et (...). A._______ et son épouse auraient participé, entre le 7 et le 13 février 2014, à une opération d'évacuation de civils dans le centre de Homs. En outre, la famille se serait, depuis le début du conflit armé en Syrie, rendue à plusieurs manifestations et enterrements de martyrs. Trois membres de la famille élargie des recourants auraient été tués (de manière ciblée) entre janvier 2012 et janvier 2014. D'autres proches auraient fait l'objet d'arrestations arbitraires, entre 2011 et 2013, ou auraient été contraints de fuir le pays.

Le 17 juillet 2014, A._______ et sa famille ont remis à l'ambassade le formulaire de demande de visa ("Application for a long stay visa"), dûment rempli. Ils ont spécifié vouloir se rendre en Suisse pour des raisons humanitaires et sur invitation de F._______ et G._______.

B.
Le 4 août 2014, l'ambassade a refusé la délivrance des visas, au motif que l'objet et les conditions du séjour envisagé n'avaient pas été justifiés (motif du formulaire n° 2), que la preuve des moyens financiers suffisants pour la durée du séjour en Suisse ou le retour dans le pays de provenance n'avait pas été apportée (motif du formulaire n° 3) et que la volonté de quitter l'espace Schengen avant l'expiration du visa n'était pas établie (motif du formulaire n° 9). Elle a exposé la procédure à suivre, en particulier la possibilité de faire opposition auprès de l'ODM (actuellement et ci-après le SEM) dans les 30 jours dès la notification du refus.

C.
Par acte du 27 août 2014, les recourants ont formé opposition auprès du SEM contre la décision de l'ambassade, par l'entremise de leur mandataire en Suisse. Ils se sont référés aux pièces déposées à l'appui de leur demande de visas et ont joint des documents supplémentaires relatifs à la situation dans la ville de Homs. Ils ont en outre exposé que leur soeur, respectivement belle-soeur et tante en Suisse, F._______, et la famille de celle-ci, s'engageaient à subvenir à leur entretien pendant six mois et feraient en sorte qu'ils soient logés en Suisse. Ils ont ajouté que s'ils ne pouvaient certes pas garantir qu'ils retourneraient en Syrie à l'expiration de leurs visas, au vu de la situation sécuritaire régnant dans ce pays, ils devraient être en mesure de subvenir à leurs besoins en Suisse, dans la mesure où ils disposaient de bonnes qualifications professionnelles (le recourant est [...] et la recourante [...]) et d'une expérience internationale. Finalement, ils ont souligné que leur situation devait être différenciée de celle de leurs compatriotes, notamment au vu du fait qu'ils étaient actifs dans l'aide humanitaire, activité susceptible de mettre leur vie ou leur intégrité physique en danger.

D.
Par décision du 26 septembre 2014, notifiée quatre jours plus tard, le SEM a rejeté l'opposition précitée et a confirmé le refus d'autorisation d'entrée dans l'espace Schengen. Il a considéré qu'au vu de l'ensemble des éléments au dossier, notamment de la situation personnelle des requérants ainsi que de la situation socio-économique prévalant dans leur pays d'origine, la sortie de l'espace Schengen au terme du séjour envisagé ne pouvait être considérée comme suffisamment garantie, de sorte qu'un visa Schengen C uniforme ne pouvait leur être accordé. Par ailleurs, il a retenu que les éléments au dossier ne permettaient pas de considérer que la vie ou l'intégrité physique des intéressés étaient directement, sérieusement et concrètement menacées du fait de leurs activités au sein d'organisations humanitaires. Il a en outre ajouté que s'il pouvait certes être retenu que les requérants faisaient sans doute l'objet d'une surveillance accrue de la part des autorités syriennes, ils n'avaient toutefois pas apporté la preuve qu'ils se trouvaient dans une situation de détresse particulière rendant indispensable l'intervention des autorités suisses et que, par conséquent, un visa à territorialité limitée ne pouvait pas non plus leur être octroyé. Le SEM a finalement relevé que son appréciation se voyait confortée par le fait que le neveu des intéressés, J._______, n'avait pas, dans le cadre de sa propre demande d'autorisation de séjour pour pouvoir étudier en Suisse (initiée en parallèle à la présente procédure), fait mention des problèmes auxquels était confrontée sa famille en Syrie, alors qu'il aurait pourtant lui-même fait l'objet d'une arrestation.

E.
Par acte du 20 octobre 2014, A._______, son épouse, B._______, et leurs trois enfants, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal) contre la décision du 26 septembre 2014. Ils ont maintenu leurs arguments et conclu à ce que leur soient délivrés des visas humanitaires leur permettant d'entrer en Suisse.

F.
Dans sa réponse du 27 novembre 2014, communiquée aux recourants le 3 décembre suivant, le SEM a proposé le rejet du recours.

Droit :

1.

1.1 Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF, sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF.

En particulier, les décisions sur opposition en matière de visa Schengen prononcées par le SEM, lequel constitue une unité de l'administration fédérale au sens de l'art. 33 let. d LTAF, n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 32 LTAF et sont susceptibles de recours au Tribunal, qui statue définitivement (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. c ch. 1 LTF).

1.2 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF, applicable par renvoi de l'art. 112 al. 1 LEtr).

2.
Les recourants ont pris part à la procédure d'opposition devant l'autorité inférieure, sont spécialement atteints par la décision attaquée et ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, conformément à l'art. 48 al. 1 PA ; ils ont donc qualité pour recourir. Le recours, présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 50 al. 1 PA) prescrits par la loi, est recevable.

3.
Le recourant peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA).

4.

4.1 La législation suisse sur les étrangers ne garantit aucun droit ni quant à l'entrée en Suisse, ni quant à l'octroi d'un visa. Comme tous les autres Etats, la Suisse n'est en principe pas tenue d'autoriser l'entrée de ressortissants étrangers sur son territoire. Sous réserve des obligations découlant du droit international, il s'agit d'une décision autonome (cf. Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, spéc. 3531 ; voir également ATF 135 II 1 consid. 1.1 et les ATAF 2011/48 consid. 4.1 et 2009/27 consid. 3 et la jurisprudence citée).

4.2 Les dispositions sur la procédure en matière de visa ainsi que sur l'entrée en Suisse et la sortie de ce pays ne s'appliquent que dans la mesure où les accords d'association à Schengen, qui sont mentionnés à l'annexe 1, ch. 1 de la loi sur les étrangers (LEtr, RS 142.20), ne contiennent pas de dispositions divergentes (cf. art. 2 al. 4 et 5 LEtr).

4.3 S'agissant des conditions d'entrée en Suisse pour un séjour n'excédant pas nonante jours, l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance du 22 octobre 2008 sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204) renvoie au règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen [JO L 105 du 13 avril 2006 p.1-32]), dont l'art. 5 a été modifié par l'art. 1er du règlement (UE) no 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant le règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), la convention d'application de l'accord de Schengen, les règlements (CE) no 1683/95 et (CE) no 539/2001 du Conseil et les règlements (CE) no 767/2008 et (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil (JO L 182 du 29 juin 2013). Les conditions d'entrée ainsi prévues correspondent, pour l'essentiel, à celles posées par l'art. 5 LEtr.

Cela est d'ailleurs corroboré par le règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas [JO L 243 du 15 septembre 2009], modifié par l'art. 6 du règlement (UE) no 610/2013 cité plus haut), aux termes duquel il appartient au demandeur de visa de fournir des informations permettant d'apprécier sa volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l'expiration du visa demandé (cf. art. 14 par. 1 let. d du code des visas) et une attention particulière est accordée à la volonté du demandeur de visa de quitter le territoire des Etats membres avant la date d'expiration du visa demandé (cf. art. 21 par. 1 du code des visas).

5.

5.1 Selon une pratique constante des autorités, une autorisation d'entrée en Suisse ne peut ainsi être délivrée à des étrangers dont le retour dans le pays où ils résident n'est pas assuré, soit en raison de la situation politique ou économique prévalant dans celui-ci, soit en raison de leur situation personnelle.

5.2 Lorsque l'autorité examine si l'étranger désirant se rendre en Suisse présente les garanties nécessaires en vue d'une sortie de Suisse dans les délais impartis (au sens de l'art. 5 al. 2 LEtr), elle ne peut le faire que, d'une part, sur la base d'indices fondés sur la situation personnelle, familiale ou professionnelle de cet étranger et, d'autre part, sur une évaluation de son comportement une fois arrivé en Suisse, compte tenu des prémisses précitées. On ne saurait donc reprocher à l'autorité de prendre une décision contraire à la loi lorsque dite autorité se base sur les indices et l'évaluation susmentionnés pour appliquer l'article précité.

5.3 Ces éléments d'appréciation doivent être examinés dans le contexte de la situation générale prévalant dans le pays de résidence de la personne invitée, dans la mesure où il ne peut d'emblée être exclu qu'une situation politiquement, socialement ou économiquement moins favorisée que celle que connaît la Suisse puisse influencer le comportement de la personne intéressée (cf. l'arrêt du Tribunal du 4 juillet 2013 C-1625/2012 consid. 5.3 et références citées).

5.4 En l'espèce, les recourants ne contestent pas que les conditions générales pour l'octroi de visas Schengen uniformes ne sont pas remplies. Ils allèguent certes que F._______ et G._______ sont disposés à les loger et à subvenir à leur entretien pendant six mois s'ils devaient être autorisés à entrer en Suisse. Toutefois, ils reconnaissent expressément ne pas pouvoir garantir qu'ils quitteront le territoire suisse à l'échéance du visa octroyé, l'évolution de la crise en Syrie demeurant pour l'instant incertaine. C'est donc à juste titre que le SEM a refusé de leur octroyer un visa Schengen de type C (cf. art. 14 par. 1 let. b et d et art. 21 par. 1 du code des visas, en relation avec l'art. 5 al. 2 LEtr).

6.

6.1 Il reste à examiner si les conditions d'octroi d'un visa à validité territoriale limitée pour des motifs humanitaires sont remplies en l'espèce.

6.2 En effet, si les conditions pour l'octroi d'un visa uniforme pour l'espace Schengen ne sont pas remplies, un Etat membre peut, à titre exceptionnel, délivrer un visa à validité territoriale limitée notamment pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales (cf. art. 2 al. 4 et art. 12 al. 4 OEV, art. 25 par. 1 let. a du code des visas et art. 5 par. 4 let. c du code frontières Schengen).

6.3 L'abrogation, le 29 septembre 2012, de l'ancien art. 20 LAsi, qui autorisait le dépôt d'une demande d'asile à l'étranger, a amené le Conseil fédéral à édicter l'art. 2 al. 4 OEV susmentionné, entré en vigueur le 1er octobre 2012. Cette disposition permet ainsi d'octroyer un visa d'entrée pour raisons humanitaires, en dérogation aux conditions générales prévues dans le droit Schengen concernant la délivrance de visas.

6.4 Le visa humanitaire peut être délivré si, dans un cas d'espèce, il y a lieu d'estimer que la vie ou l'intégrité physique d'une personne sont directement, sérieusement et concrètement menacées dans son pays d'origine ou de provenance. L'intéressé doit se trouver dans une situation de détresse particulière qui rend indispensable l'intervention des autorités, d'où la nécessité de lui accorder un visa d'entrée en Suisse. Tel peut être le cas, par exemple, dans les situations de conflit armé particulièrement aiguës ou pour échapper à une menace personnelle, réelle et imminente. Il est alors impératif d'examiner attentivement les spécificités de la demande de visa. Si l'intéressé se trouve déjà dans un Etat tiers, on peut considérer en règle générale qu'il n'est plus menacé (cf. Message du Conseil fédéral du 26 mai 2010 concernant la modification de la loi sur l'asile, FF 2010 4035, spéc. 4048, 4052 et 4070 s. ; cf. aussi ch. 2 de la directive de l'ODM du 25 février 2014 concernant les demandes de visa pour motifs humanitaires).

6.5 La procédure d'octroi de visa humanitaire, telle que décrite dans la directive précitée, ne prévoit pas, contrairement à l'ancienne procédure de demande d'asile à l'étranger, une audition de l'intéressé. Selon le ch. 3.1 de la directive, la représentation ne procède pas à des clarifications approfondies; une première appréciation du cas suffit. Elle ne procède pas non plus à une audition en matière d'asile. Le demandeur est tenu de collaborer à la constatation des faits (cf. ch. 3.1 de la directive du 25 février 2014).

6.6 Saisi sur opposition, le SEM examine si les motifs invoqués par le demandeur sont des motifs humanitaires au sens du ch. 2 de la directive; l'inobservation d'autres conditions d'entrée, telles que la présentation d'un document de voyage valide ou la preuve de l'existence de moyens financiers suffisants, est sans incidence (cf. ch. 3.1 et 3.2 de la directive du 25 février 2014).

7.

7.1 Les recourants, qui vivent actuellement à Homs, prétendent craindre pour leur vie et leur intégrité physique, en raison de la situation sécuritaire tendue et instable régnant dans cette ville, de leur implication dans l'aide humanitaire et de l'engagement public de la soeur de A._______, qui vit en Suisse, en faveur de la révolution syrienne. Ils invoquent donc indéniablement des motifs d'ordre humanitaire susceptibles de tomber sous le coup de la directive du 25 février 2014. Pour étayer leurs dires, ils fournissent un extrait de registre d'état civil syrien les concernant, des copies de passeports ainsi qu'un écrit de six pages détaillant leur situation en Syrie. Les faits, exposés par les intéressés de manière circonstanciée dans ce document, n'ont pas été mis en doute par le SEM dans le cadre de la procédure d'opposition. Celui-ci a d'ailleurs lui-même retenu dans la décision querellée que les recourants faisaient "sans doute l'objet d'une surveillance accrue de la part des autorités syriennes" (cf. page 4 de la décision du 26 septembre 2014). Le Tribunal ne voit également aucune raison de mettre en doute les faits exposés par les intéressés, étant rappelé qu'en matière d'octroi de visa humanitaire, une première appréciation du cas suffit, l'autorité ne procédant pas à des clarifications approfondies (cf. consid. 7.5). Reste dès lors à déterminer s'il y a lieu d'estimer que la vie ou l'intégrité physique des recourants à Homs sont directement, sérieusement et concrètement menacées.

7.2 La ville de Homs a longtemps été considérée par les opposants au régime syrien comme étant la "capitale de la révolution". Elle a été, en mars 2011, le théâtre des premières et des plus importantes manifestations populaires du pays, rassemblements violemment réprimés par le régime de Bachar el-Assad. Les opposants de Homs font partie des premiers Syriens à s'être armés contre le régime en place et la ville est la première du pays à avoir été bombardée par l'armée à l'artillerie lourde (cf. The New York Times, Homs Emerges as Turning Point in Shaping Syria's Future, 22.04.14, , consulté le 15.01.15). Le 4 février 2012, les forces régulières syriennes ont lancé une opération tendant à éliminer tout mouvement de résistance à Homs. Le quartier de Baba Amr, bastion de la rébellion, a alors fait l'objet de nombreux bombardements à l'arme lourde. En mai 2012, entre 15 et 20% de la ville étaient considérés comme étant sous le contrôle de l'opposition. En janvier 2014, seule la vieille ville était encore contrôlée par l'opposition. On estime à près de 3000 le nombre de personnes alors piégées dans la vieille ville, sans accès à de la nourriture, à de l'eau potable et à des médicaments. Une trêve humanitaire, négociée entre le gouverneur de Homs, Tala al-Barazi et le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie, Yacoub El Hillo, a permis, en février 2014, l'évacuation par l'ONU et le CRAS de plus d'un millier de civils se trouvant encore dans la zone assiégée. En outre, l'acheminement de l'aide humanitaire a été autorisé (du moins dans une certaine mesure) pour les personnes ayant fait le choix de rester dans la vieille ville (cf. British Broadcasting Corporation [BBC], Homs: Syrian revolution's fallen capital, 07.05.14, , consulté le 15.01.15; Le Temps, Evacuation controversée à Homs, 14.02.14, disponible sur le site , consulté le 15.01.15). Celle-ci est finalement tombée sous le contrôle des troupes gouvernementales, en mai 2014, marquant la fin de trois ans de résistance dans la ville de Homs (cf. BBC, Timeline: How the Syria conflict has spread, 21.08.14, , consulté le 16.01.15). Début 2015, la situation sécuritaire dans la ville demeure instable. En effet, même si l'entier des quartiers de la cité (excepté le quartier d'al-Waer) est désormais sous le contrôle de l'armée régulière, de vastes zones dans les proches alentours demeurent en mains des rebelles, des affrontements armés y ayant actuellement encore lieu (Almonitor, Battles continue in Homs countryside, 04.01.15,
, consulté le 16.01.15).

Depuis le conflit qui a éclaté en Syrie, la situation humanitaire n'a cessé de se détériorer. La population subit non seulement les graves conséquences d'incessants affrontements armés, des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, mais peine aussi à se procurer de l'eau potable, de la nourriture et des soins primaires (cf. Département fédéral des affaires étrangères [DFAE], Direction du développement et de la coopération [DDC], Factsheet Crise syrienne, octobre 2014, disponible sur le site www.eda.admin.ch>, consulté le 16.01.15). La situation dans le pays a mené à la politisation de l'aide humanitaire. Selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU, les personnes actives dans l'aide humanitaire en Syrie sont fréquemment ciblées, harcelées ou attaquées (cf. UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs [OCHA], Under-Secretary-General for Humanitarian Affairs and Emergency Relief Coordinator Valerie Amos Statement on Syria, 25.05.14, , consulté le 16.01.15 ; cf. également U.S. Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2013, Syria, , consulté le 16.01.15). Des bénévoles et des convois du CRAS, le partenaire du CICR en Syrie, sont volontairement pris pour cible par les combattants des deux parties. Plusieurs bénévoles ont déjà été mis en prison ou tués (cf. Reuters, Syria's humanitarian crisis worsening rapidly: Red Cross, 04.04.13, , consulté le 16.01.15).

7.3 En l'occurrence, il ressort de l'opposition du 27 août 2014 tout comme du pourvoi du 20 octobre 2014 que les intéressés se trouvent actuellement dans le quartier I._______, à (...) Homs. Ils vivent donc dans une partie du territoire syrien particulièrement touchée par le conflit armé qui sévit dans le pays (cf. consid. 8.2). La situation y demeure instable. Depuis le retrait des rebelles de la vieille ville en avril 2014 (date de l'écrit "demande de visas humanitaires" adressée par F._______ à l'ambassade au nom de ses proches), la population vit sous le contrôle strict des autorités, qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter la naissance d'un nouveau mouvement contestataire au sein de la population civile. Selon les informations transmises par les recourants, les habitants du quartier I._______ seraient régulièrement victimes d'arrestations arbitraires, d'enlèvements et de tirs. Les intéressés, qui sont donc contraints de vivre dans un environnement particulièrement hostile, allèguent également avoir peur d'être ciblés en raison de leurs activités dans l'aide humanitaire. Le recourant travaille pour (...), tandis que son épouse, tout comme leurs deux filles adolescentes, oeuvrent comme bénévoles notamment pour (...). Les craintes des intéressés ne sont pas infondées, les membres de groupements comme (...) ayant fait, comme déjà exposé, fréquemment l'objet d'attaques depuis le début du conflit syrien. Le 13 août 2014, le frère de K._______ (cf. la procédure
E-6062/2014), beau-frère du recourant, aurait d'ailleurs été arrêté en raison de son activité de travailleur humanitaire. Le Tribunal tient en outre pour crédible que l'engagement affiché des recourants dans l'aide humanitaire (notamment lors de l'évacuation de civils dans le centre de Homs), est susceptible d'éveiller sur eux des soupçons. Selon un rapport récent du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le fait d'être perçu comme étant opposé au régime peut suffire pour courir un risque de persécution au sens de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ([RS 0.142.30] ; cf. UN High Commissionner for Refugees [UNHCR], International Protection Considerations with regard to people fleeing the Syrian Arab Republic, Update II, 27.10.14, p. 14,
8.
Compte tenu des éléments qui précèdent, le Tribunal est amené à considérer que c'est à tort que l'autorité de première instance a refusé la délivrance de visas humanitaires aux recourants.

9.
Le recours doit donc être admis et la décision sur opposition du 26 septembre 2014 annulée, le SEM étant invité à octroyer aux recourants des visas à validité territoriale limitée pour motifs humanitaires et à autoriser leur entrée en Suisse.

10.

10.1 Les recourants ayant obtenu gain de cause, il n'y a pas lieu de percevoir de frais de procédure (cf. art. 63 al. 1 PA).

10.2 Les intéressés ont par ailleurs droit à des dépens (cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Au vu des activités essentielles menées par le mandataire dans le cas d'espèce (qui a déposé un seul mémoire de recours de 5 pages pour les trois causes E-6056/2014, E-6062/2014 et
E-6071/2014) et en l'absence de décompte de prestations de sa part, le montant de l'indemnité due à ce titre est arrêté, ex aequo et bono, à 350 francs.

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis.

2.
La décision sur opposition du 26 septembre 2014 est annulée.

3.
Le SEM est invité à octroyer aux recourants des visas à validité territoriale limitée pour motifs humanitaires et à autoriser leur entrée en Suisse.

4.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

5.
Le SEM versera aux recourants la somme de 350 francs à titre de dépens.

6.
Le présent arrêt est adressé aux recourants, au SEM et à l'Ambassade de Suisse à Beyrouth.

Le président du collège : La greffière :

William Waeber Camilla Mariéthoz Wyssen
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : E-6071/2014
Data : 20. febbraio 2015
Pubblicato : 04. giugno 2015
Sorgente : Tribunale amministrativo federale
Stato : Inedito
Ramo giuridico : Cittadinanza e diritto degli stranieri
Oggetto : Visa pour raisons humanitaires (asile); décision de l'ODM du 26 septembre 2014


Registro di legislazione
LAsi: 5  20  25
LStr: 2  5  14  21  112
LTAF: 1  31  32  33  37
LTF: 83
OEV: 2  12
PA: 5  48  49  50  52  63  64
TS-TAF: 7
Registro DTF
135-II-1
Parole chiave
Elenca secondo la frequenza o in ordine alfabetico
siria • aiuto umanitario • esaminatore • parlamento europeo • tribunale amministrativo federale • dubbio • onu • consiglio federale • decisione su opposizione • conflitto armato • cognato • ue • calcolo • autorizzazione d'entrata • titolo • acqua potabile • tomba • menzione • mese • autorità inferiore • stato d'origine • decisione • dfae • registro dello stato civile • accertamento dei fatti • ufficio federale della migrazione • violazione del diritto • direzione dello sviluppo e della cooperazione • alto commissariato • partecipazione o collaborazione • accesso • prima istanza • autorizzazione o approvazione • potere d'apprezzamento • parte alla procedura • effetto • membro di una comunità religiosa • informazione • legge federale sugli stranieri • fratelli e sorelle • documento di legittimazione • direttiva • interesse degno di protezione • cittadinanza svizzera • svizzera • permesso di dissodamento • potere legislativo • parlamento • coniuge • fine • opposizione • misura di protezione • coordinazione • nullità • sostanza • condizioni generali del contratto • aumento • nipote • entrata in vigore • futuro • documento di viaggio • legge sull'asilo • autorità cantonale • servizio informazioni • procedura incidentale • campo d'applicazione • membro della famiglia • segreteria di stato • conteggio delle prestazioni • autorità di ricorso • legittimazione ricorsuale • nascita • qualificazione professionale • dipartimento federale • artiglieria • inglese • politica sociale • autorità svizzera • permesso di dimora • cicr • casa monofamiliare • manifesto • restituzione in pristino • movimento di resistenza • estratto del registro
... Non tutti
BVGE
2011/48
BVGer
C-1625/2012 • E-6056/2014 • E-6062/2014 • E-6071/2014
FF
2002/3469 • 2010/4035
EU Verordnung
1683/1995 • 562/2006 • 610/2013 • 767/2008 • 810/2009