Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour VI

F-4049/2019

Arrêt du 19 août 2019

Yannick Antoniazza-Hafner, juge unique,
Composition
avec l'approbation de David R. Wenger, juge ;

Cendrine Barré, greffière.

A._______,

représenté parFabienne Lang, Caritas Suisse,

Parties Centre fédéral asile Boudry,

Rue de l'Hôpital 60, 2017 Boudry,

recourant,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi; décision du SEM du 5 août 2019.

Vu

la demande d'asile déposée en Suisse en date du 20 juillet 2019 par A._______,

le résultat de la comparaison avec la base de données européenne d'empreintes digitales « Eurodac », dont il ressort que l'intéressé avait déposé des demandes d'asile successives aux Pays-Bas, le 14 mai 2019, et en Allemagne, le 12 juillet 2019,

la requête aux fins de reprise en charge, adressée par le SEM aux autorités néerlandaises le 24 juillet 2019 et fondée sur l'art. 18 par. 1 point b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte; JO L 180/31 du 29.6.2013 [ci-après : règlement Dublin III]),

le mandat de représentation signé par A._______, le 30 juillet 2019, en faveur de Caritas Suisse (art. 102f ss LAsi [RS 142.31] et art. 52a de l'ordonnance I du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure [OA 1, RS 142.311]),

l'entretien individuel intervenu le 30 juillet 2019 en application de l'art. 5 par. 1 du règlement Dublin III, dans le cadre duquel le requérant a notamment été invité à se déterminer sur son état de santé et sur l'éventuelle compétence des Pays-Bas pour l'examen de sa demande d'asile,

le procès-verbal de l'audition sur ses données personnelles du 31 juillet 2019 (art. 26 al. 3 LAsi),

la décision du 5 août 2019 (notifiée le 5 août 2019), par laquelle le SEM, se fondant sur l'art. 31a al. 1 let. b LAsi (RS 142.31), n'est pas entré en matière sur cette demande d'asile, a prononcé le transfert de l'intéressé vers les Pays-Bas et a ordonné l'exécution de cette mesure, constatant l'absence d'effet suspensif à un éventuel recours,

le recours, que A._______, agissant par l'entremise de Caritas Suisse, a interjeté auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF), par acte du 12 août 2019, contre cette décision et au terme duquel l'intéressé a conclu, principalement à ce que dite décision fût annulée et à ce qu'il fût entré en matière sur sa demande d'asile, subsidiairement à ce que la décision précitée fût annulée et à ce que la cause fût renvoyée à l'autorité intimée pour instruction complémentaire,

l'argumentation invoquée à l'appui du recours, selon laquelle il est reproché essentiellement au SEM de ne pas avoir suffisamment investigué l'état de santé psychique de l'intéressé, au regard duquel l'établissement notamment d'un diagnostic médical s'imposait,

les demandes d'assistance judiciaire partielle, d'exemption du versement d'une avance de frais, de mesures provisionnelles urgentes et d'octroi de l'effet suspensif dont le recours est assorti,

les mesures superprovisionnelles ordonnées le 13 août 2019 par le Tribunal en application de l'art. 56 PA, suspendant provisoirement l'exécution du transfert,

la réception du dossier de première instance par le Tribunal, le 13 août 2019,

et considérant

que le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF,

qu'en particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 33 let. d LTAF, applicable par renvoi de l'art. 105 LAsi, en relation avec l'art. 6a al. 1 LAsi et l'art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l'espèce,

que la présente demande d'asile, dont le requérant a effectué le dépôt auprès des autorités suisses le 20 juillet 2019, est soumise aux dispositions de la LAsi et de l'OA 1 dans leur teneur en vigueur depuis le 1er mars 2019 (cf. ordonnance portant dernière mise en vigueur de la modification du 25 septembre 2015 de la loi sur l'asile du 8 juin 2018 [RO 2018 2855] et modification du 8 juin 2018 de l'OA 1 [RO 2018 2857]),

que, pour autant que la LAsi n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA, la LTAF et la LTF (cf. art. 6 LAsi et
art. 37 LTAF),

que l'intéressé a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA, applicable par renvoi de l'art. 37 LTAF),

que le recours, interjeté dans la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 108 al. 3 LAsi) prescrits par la loi, est recevable,

qu'à l'encontre d'une décision de non-entrée en matière et de transfert, le recourant peut invoquer, en vertu de l'art. 106 al. 1 LAsi, la violation du droit fédéral, notamment pour abus ou excès dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (let. a), et l'établissement inexact ou incomplet de l'état de fait pertinent (let. b),

que, dans son recours, le requérant reproche au SEM une violation de la maxime inquisitoire, estimant que dite autorité n'aurait pas suffisamment instruit la cause sur le plan médical et violé par là-même l'art. 106 al. 1 let. b LAsi,

que l'établissement des faits est considéré comme incomplet au sens de l'art. 106 al. 1 let. b LAsi lorsque toutes les circonstances de fait et les moyens de preuve déterminants pour la décision n'ont pas été pris en compte par l'autorité inférieure (cf. notamment ATAF 2014/2 consid. 5.1, 2012/21 consid. 5.1; 2007/37 consid. 2.3),

qu'en l'occurrence, le recourant avait indiqué avoir des problèmes de sommeil le 20 juillet 2019, quand il s'est enregistré au Centre fédéral pour requérants d'asile (CFA) de Bâle,

que, dans le cadre de l'entretien individuel du 30 juillet 2019, le recourant a indiqué qu'il avait subi des tortures de la part des autorités (...) ; que, à X._______, il avait été suivi par un psychiatre durant 2 ans et mis au bénéfice d'un traitement médical quotidiennement pendant 6 ans comprenant 2 antidépresseurs (Lyrica 300 et Rivotrin) et un somnifère ; il a relevé qu'il était très stressé, qu'il avait la phobie des gens et une forme de dépression suite à tout ce qu'il avait vécu ; l'infirmière du centre aurait refusé de l'envoyer chez un psychiatre avant 10 jours ou plus par manque de disponibilité ; il aurait besoin de médicaments car il serait sous traitement depuis 6 ans ; il ne suivrait plus de traitement médical depuis son arrivée en Suisse, ce qui le rendait nerveux ; de ce fait il se serait bagarré avec d'autres requérants ; il présenterait des bleus au niveau du visage (yeux, nez) suite à une bagarre ; pour sa part, la représentation juridique de l'intéressé a notamment souligné que, au vu des allégations de stress, de phobies importantes, peur de « péter les plombs » et agressivité à l'égard des autres personnes, elle demandait au SEM de fixer de manière urgente un rendez-vous chez un psychiatre afin que le requérant puisse suivre son traitement médical ; ceci afin qu'il se sente mieux et ne représente pas un danger pour les autres personnes ; elle s'opposait au transfert de ce centre car il n'y avait aucun médecin conventionné dans un autre centre,

que le requérant a été transféré le 2 août 2019 au CFA de Chevrilles, sans qu'il ait pu consulter un psychiatre au CFA de Boudry (pce TAF 1 p. 5),

que celui-ci aurait dès lors consulté l'infirmerie du CFA de Chevrilles pour demander un traitement médical,

que, toutefois, aucun document médical n'a été transmis à la représentation juridique de l'intéressé concernant cette consultation (cf. pce TAF 1 annexe 4),

que, dans son mémoire de recours, l'intéressé affirme s'être présenté plusieurs fois aux infirmeries de Boudry et de Chevrilles pour demander une médication,

que, conformément au « concept sanitaire » mis en place par le SEM au niveau des procédures accélérées, dans les cas où il n'y a pas d'urgence médicale ni de maladie contagieuse, une première consultation à l'infirmerie - qui dépend elle-même de l'ORS, soit le service d'encadrement mandaté par la Confédération, en charge notamment des soins de santé - procède à un « triage », avant de fixer, en cas de problématique médicale, un rendez-vous avec un médecin partenaire ou de référence, afin que le requérant puisse bénéficier d'une consultation médicale,

que, dans le cadre de ce processus de prise en charge médicale, les structures ayant signé une convention avec le SEM et les médecins partenaires sont tenus - tant dans les cas bénins que dans ceux qui présentent une problématique médicale - de faire parvenir, par courrier électronique, un formulaire de clarification médicale ou bref rapport médical (« F2 ») à l'ORS (infirmerie du centre), ainsi qu'à la représentation juridique, cette dernière étant chargée de transmettre rapidement les informations médicales jugées pertinentes pour la procédure d'asile au SEM et de proposer, si besoin, une offre de preuve sous la forme d'un examen ou d'une expertise complémentaire (cf. arrêts du TAF E-3262/2019 du 4 juillet 2019 ;
D-1954/2019 du 13 mai 2019),

que, dans la mesure où le requérant a l'obligation de collaborer à l'établissement des faits et qu'il incombe à sa représentante de défendre ses intérêts, l'absence de la transmission des informations médicales pertinentes au SEM lui est alors imputée,

que, l'autorité inférieure ayant rendu et notifié sa décision le 5 août 2019, il n'a logiquement pas été possible à l'intéressé, par l'entremise de sa représentante, de lui transmettre les moyens de preuve correspondants, soit en particulier le formulaire « F2 »,

qu'il ressort de la copie du courriel daté du 6 août 2019, adressé à l'infirmerie par sa représentante (cf. pce TAF 1 annexe 4), que cette dernière, après avoir été informée de la décision de non-entrée en matière, a effectué les démarches nécessaires afin d'obtenir la production du formulaire « F2 » et qu'en date du 12 août 2018, la représentante juridique était encore en attente dudit document, celui-ci n'ayant apparemment toujours pas été délivré,

que dès lors, le requérant ayant été empêché de collaborer à l'établissement des faits et sa représentante juridique n'ayant pas pu satisfaire à son devoir de défendre les intérêts de ce dernier, l'absence de transmission des informations médicales pertinentes au SEM ne peut lui être imputée,

que l'examen des pièces du dossier constitué par le SEM révèle qu'aucune information médicale ne figure dans les pièces dudit dossier transmises au Tribunal à la suite du dépôt du recours, ni davantage dans la liste des pièces du dossier électronique y relatif contenu dans le Système d'information central sur la migration (SYMIC),

qu'il apparaît ainsi que le SEM s'est déterminé sur la base d'un dossier incomplet lorsqu'il s'est prononcé par décision du 5 août 2019, en retenant que les ennuis de santé invoqués n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils s'opposaient à un transfert vers les Pays-Bas,

que, par voie de conséquence, l'état de santé réel du recourant n'est, en l'état du dossier se trouvant en la possession du Tribunal, pas susceptible d'être actuellement déterminé de manière précise, en sorte qu'il ne peut être statué en toute connaissance de cause sur la question de savoir si les problèmes médicaux dont se prévaut l'intéressé sont de nature à former obstacle à son transfert vers les Pays-Bas en regard de l'art. 3 CEDH,

qu'il incombera dès lors au SEM de procéder à des mesures d'instruction visant à clarifier de manière exacte et complète la situation médicale du recourant, les mesures d'instruction à entreprendre dépassant en l'espèce l'ampleur et la nature de celles incombant au Tribunal,

qu'au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler la décision attaquée du 5 août 2019 pour constatation incomplète des faits pertinents (art. 106 al. 1 let. b LAsi) et de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour complément d'instruction afin qu'elle obtienne la production du formulaire « F2 », en complément des pièces complémentaires produites par le recourant à l'appui de son recours, qu'elle instruise encore, si nécessaire, la cause au vu des nouvelles pièces à sa disposition, et rende une nouvelle décision sur la demande d'asile de l'intéressé (art. 61 al. 1 PA),

que, dans ces conditions, les autres griefs soulevés dans le recours, n'ont pas à être examinés,

que, s'avérant manifestement fondé, le recours est admis au sens des considérants, dans une procédure à juge unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e LAsi),

qu'il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt n'étant motivé que sommairement (art. 111a al. 1 et 2 LAsi),

que lorsque l'affaire est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision, dont l'issue reste ouverte, la partie recourante est considérée comme ayant obtenu gain de cause, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 141 V 281 consid. 11.1; 137 V 210 consid. 7.1),

que, partant, il n'est pas perçu de frais de procédure (art. 63 al. 1 et 2 PA),

que les demandes de dispense d'avance de frais et d'assistance judiciaire partielle, déposées simultanément au recours, sont devenues ainsi sans objet,

qu'il n'y a pas lieu non plus d'allouer de dépens au recourant (art. 64
al. 1 PA a contrario),

qu'en effet, celui-ci est assisté par la représentante juridique qui lui a été attribuée par le prestataire mandaté par le SEM, conformément à
l'art. 102f LAsi (cf. notamment arrêt du TAF E-3262/2019 précité),

que, sous un autre angle, il n'a pas été démontré que la procédure de recours ait causé à l'intéressé des frais relativement élevés au sens de l'art. 64 al. 1 PA,

(dispositif page suivante)

le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis.

2.
La décision du SEM du 5 août 2019 est annulée et la cause lui est renvoyée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

Le juge unique : La greffière :

Yannick Antoniazza-Hafner Cendrine Barré

Expédition :
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : F-4049/2019
Date : 19 août 2019
Publié : 23 septembre 2019
Source : Tribunal administratif fédéral
Statut : Non publié
Domaine : Renvoi Dublin (art. 107a LAsi)
Objet : Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi; décision du SEM du 5 août 2019


Répertoire des lois
CEDH: 3
LAsi: 6a  26  31a  102f  105  106  108  111  111a
LTAF: 31  33  37
LTF: 83
OA 1: 52a
PA: 5  48  52  56  61  63  64
Répertoire ATF
137-V-210 • 141-V-281
Weitere Urteile ab 2000
L_180/31
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
pays-bas • vue • tribunal administratif fédéral • autorité inférieure • juge unique • incombance • communication • ue • assistance judiciaire • mesure d'instruction • effet suspensif • avance de frais • moyen de preuve • règlement dublin • bagarre • décision • loi sur l'asile • pouvoir d'appréciation • violation du droit • devoir de collaborer • e-mail • information • mesure préprovisionnelle • dossier • demandeur d'asile • forme et contenu • bâle-ville • empêchement • directive • calcul • conjoint • bénéfice • envoi postal • contrôle médical • nouvelles • titre • plan sectoriel • médecin conventionné • maxime inquisitoire • provisoire • procédure d'asile • cedh • base de données • données personnelles • plomb • autorité suisse • rapport médical • cas bénin • tribunal fédéral • secrétariat d'état • mesure provisionnelle • procédure accélérée • première instance • qualité pour recourir • viol • autorité cantonale • empreinte digitale • procès-verbal • examinateur • parlement européen • offre de preuve • construction annexe • urgence • sous-traitant
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BVGE
2014/2
BVGer
D-1954/2019 • E-3262/2019 • F-4049/2019
AS
AS 2018/2855 • AS 2018/2857
EU Verordnung
604/2013