Tribunal federal
{T 0/2}
4P.171/2003 /ech
Arrêt du 13 novembre 2003
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Alain Droz,
contre
X.________ AG,
intimée, représentée par Me Pascal Marti,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
arbitraire; appréciation des preuves,
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 16 juin 2003.
Faits:
A.
Le 29 mai 1980, A.________ a passé avec la SI Y.________ un contrat de bail portant sur un appartement de 3 pièces dans l'immeuble sis F.________ à Genève. Le bail a été renouvelé tacitement jusqu'à sa résiliation le 28 juillet 1999 pour défaut de paiement du loyer. Le 26 août 1999, la propriétaire a convoqué le locataire pour un état des lieux de sortie fixé au 6 septembre 1999, par des courriers envoyés aux deux adresses de ce dernier, G.________ et F.________.
Sur requête de la SI Y.________, A.________ a été condamné à évacuer l'appartement en application de l'art. 257d
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 257d - 1 Lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail. Ce délai sera de dix jours au moins et, pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux, de 30 jours au moins. |
|
1 | Lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail. Ce délai sera de dix jours au moins et, pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux, de 30 jours au moins. |
2 | Faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois. |
Le 12 octobre 2000, le Procureur général de Genève a ordonné l'exécution forcée dudit jugement d'évacuation. Les 16 et 24 octobre 2000, A.________ a demandé au Procureur général de le reconvoquer, ce que le magistrat a refusé au motif que le locataire ne s'était jamais présenté devant les autorités judiciaires et de police.
Le 22 novembre 2000, la porte d'entrée de l'appartement a été ouverte en présence de l'huissier judiciaire mis en oeuvre, et les 8, 11, 12 et 13 décembre 2000, les objets le meublant ont été déménagés par l'entreprise chargée de cette exécution forcée.
B.
Le 26 avril 2001, X.________ AG, nouveau propriétaire (ci-après: X.________), a poursuivi A.________ pour les frais de l'évacuation susmentionnée et un mois d'occupation illicite du logement. Devant la carence de son débiteur, X.________ a déposé devant l'autorité de conciliation une demande en paiement pour la somme totale de 6'114 fr.05 avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 2001, qui a été portée en temps utile devant le Tribunal des baux et loyers de Genève. Par jugement du 31 mai 2002, cette juridiction a entièrement fait droit à la demande de X.________. En temps utile A.________ a saisi la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de la Cour de justice de Genève.
Par arrêt du 16 juin 2003, notifié le 21 juin, la cour cantonale a rejeté l'appel. Elle a retenu que le Tribunal des baux et loyers n'avait pas violé le droit à la preuve en refusant d'ouvrir des enquêtes relatives à cette évacuation. Au demeurant, seule eût été pertinente l'audition d'un fonctionnaire de police, le témoin B.________, pour établir que le locataire avait convenu avec le service des évacuations de la police de libérer le logement à fin décembre 2000. Toutefois, comme le Procureur général avait ordonné l'exécution forcée le 12 octobre 2000, le service de la police ne pouvait plus octroyer de délai, de sorte que l'audition du témoin B.________ était inutile.
C.
Agissant le 21 août 2003 par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre d'appel et d'ordonner des mesures probatoires, notamment des enquêtes. Invoquant l'art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
L'intimée conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a statué sur une demande pécuniaire, au fond, par une décision qui n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, s'agissant du grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 84 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
Le recourant est personnellement touché par la décision entreprise, qui le déboute entièrement de ses conclusions libératoires, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir (art. 88
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
1.3 Le recourant reproche à la cour cantonale une interprétation arbitraire de l'art. 435 al. 2 de la loi de procédure civile genevoise du 10 avril 1987 (LPC/GE), dont le contenu matériel est pratiquement identique à celui de l'art. 274d al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
2.
Le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas sanctionné l'appréciation anticipée arbitraire des preuves par le Tribunal des baux et loyers, lorsque celui-ci a refusé l'audition de témoins susceptibles d'établir qu'il disposait d'un délai suffisant pour procéder au déménagement des locaux, en tout cas postérieur au 22 novembre 2000.
2.1 Selon la règle des art. 274d al. 3
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
23 avril 1996, consid. 2a, traduit in: CdB 1996 p. 112). Au surplus, la maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt 4P.297/2001 du 26 mars 2002, consid. 2a; David Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, note de pied 61, p. 99).
L'art. 436 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
2.2 Dans le cas particulier, la Chambre d'appel a considéré que seule l'audition du témoin B.________ aurait pu être déterminante pour élucider la fixation du délai imparti au locataire évacué, mais qu'elle perdait toute sa signification en raison de l'ordonnance d'exécution forcée du 12 octobre 2000 rendant caduques les dispositions prises antérieurement. Or, le recourant ne pouvait ignorer cette décision d'exécution forcée prise par le Procureur général, ce qui ressort de la correspondance échangée avec celui-ci, singulièrement de la lettre du 24 octobre 2000, dans laquelle le recourant mentionne, comme étant son adresse F.________. Se sachant engagé dans une procédure d'évacuation depuis janvier 2000, le recourant devait prendre les mesures nécessaires à l'acheminement de son courrier (ATF 116 Ia 90 consid. 2a). D'ailleurs, selon l'état de fait retenu par la cour cantonale, se fondant sur les propres déclarations du recourant, celui-ci passait une fois par semaine pour relever le courrier à sa deuxième adresse, objet de la procédure d'évacuation, de sorte qu'il a pu être atteint par les divers actes relatifs à l'exécution du jugement d'évacuation. C'est donc sans arbitraire que la cour cantonale a estimé qu'il était
inexplicable que le recourant n'ait pas reçu certains actes judiciaires de la procédure d'évacuation, sauf à considérer qu'il n'ait pas retiré les plis recommandés, ou qu'il soit demeuré volontairement inactif. Comme la décision d'exécution forcée prise par le Procureur général ne pouvait être ignorée du recourant, et qu'elle rendait obsolètes les indications données par le fonctionnaire de police dont l'audition comme témoin était requise, le tribunal pouvait y renoncer sans verser dans l'arbitraire.
2.3 Enfin, le recourant ne démontre pas en quoi le refus d'entendre comme témoin l'huissier judiciaire et l'entrepreneur de déménagement serait arbitraire (sur la notion de l'arbitraire: ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités), ce qui entraîne l'irrecevabilité du moyen pour défaut de motivation (cf. consid. 1.2 ci-dessus).
3.
Vu l'issue du litige, un émolument sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
Lausanne, le 13 novembre 2003
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: