Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour IV

D-3561/2017

Arrêt du13 juillet 2018

Gérard Scherrer (juge unique),

Composition avec l'approbation de Simon Thurnheer, juge;

Yves Beck, greffier.

A._______, né le (...),

Egypte,
Parties
représenté par Me André Malek-Asghar, avocat,
MENTHA avocats,

recourant,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Asile et renvoi;
Objet
décision du SEM du 19 mai 2017 / N (...).

Vu

la demande d'asile déposée en Suisse par l'intéressé, le 7 mai 2014,

les procès-verbaux des auditions du 13 mai 2014 et du 19 mai 2015,

le courrier du 31 juillet 2015, par lequel le SEM s'est adressé à l'Ambassade de Suisse au Caire (ci-après : l'ambassade) pour qu'elle vérifie les allégations de l'intéressé, lui posant à cet effet cinq questions,

la réponse de l'ambassade du (...) 2017,

le courrier du 23 mars 2017, par lequel le SEM a communiqué au recourant un condensé des trois premières questions posées à dite ambassade, ainsi qu'une traduction du rapport de l'ambassade, et lui a octroyé un délai pour se déterminer,

les observations de l'intéressé du 19 avril 2017,

la décision du 19 mai 2017, notifiée trois jours plus tard, par laquelle le SEM a rejeté la demande d'asile de l'intéressé, a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure,

le recours du 21 juin 2017, assorti d'une requête d'effet suspensif, par lequel l'intéressé a conclu, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi de l'asile, subsidiairement de l'admission provisoire,

l'ordonnance du 27 juin 2017, par laquelle le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a informé le recourant qu'il pouvait rester en Suisse jusqu'au terme de la procédure (cf. art. 42 LAsi [RS 142.31]) et l'a invité à payer une avance de frais de 750 francs jusqu'au 12 juillet 2017, sous peine d'irrecevabilité du recours,

le paiement de l'avance requise, le 10 juillet 2017,

et considérant

que le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF,

qu'en particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l'espèce,

que le Tribunal est donc compétent pour connaître du présent litige,

que l'intéressé a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA),

que, présenté dans la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par la loi, son recours est recevable,

qu'en matière d'asile et sur le principe du renvoi (art. 44 phr. 1 LAsi), le Tribunal examine, conformément à l'art. 106 al. 1 LAsi, les motifs de recours tirés d'une violation du droit fédéral, notamment pour abus ou excès dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (let. a), et d'un établissement inexact ou incomplet de l'état de fait pertinent (let. b),

qu'en matière d'exécution du renvoi (cf. art. 44 phr. 2 LAsi), il examine en sus le grief de l'inopportunité (cf. art. 112 al. 1 LEtr [RS 142.20] en relation avec l'art. 49 PA ; ATAF 2014/26, consid. 5.6 et 7.8),

que le Tribunal applique le droit d'office, sans être lié par les motifs invoqués dans le recours (cf. art. 62 al. 4 PA, par envoi de l'art. 105 LAsi et de l'art. 37 LTAF) ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. ATAF 2009/57 consid.1.2) ; qu'il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que ceux invoqués devant lui ou rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité intimée (cf. ATAF 2007/41 consid. 2 ; Moor / Poltier, Droit administratif, vol. II, 3ème, 2011, p. 820 s.),

qu'à l'appui de son recours, l'intéressé a notamment reproché au SEM d'avoir violé son droit d'être entendu, en ne lui transmettant pas l'intégralité des questions posées à l'ambassade ainsi que le rapport de celle-ci du (...) 2017, à savoir les pièces A21 et A27,

que rien n'indiquait que le contenu de ces pièces méritait protection sous l'angle de l'intérêt public, faute de motivation suffisante du SEM sur ce point,

que le droit d'accès au dossier prévu aux art. 26 à 28 PA découle du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,

qu'en tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision et s'étend à toutes les pièces relatives à la procédure, sur lesquelles la décision est susceptible de se fonder (cf. ATAF 2013/23 consid. 6.4.1 ; 2012/19 consid. 4.1),

qu'en effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose (cf. ATF 132 V 387 consid. 3.1 ; 126 I 7 consid. 2b),

que le droit de consulter une pièce ne peut pas être refusé au motif que la pièce en question n'est pas décisive pour l'issue de la procédure,

qu'il appartient en effet d'abord aux parties de décider si une pièce contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part (cf. Gabriela Zgraggen-Kappeler, Das Replikrecht: Paradigmenwechsel in der Prozessleitung, spéc. ch 3 et 4, in : «Justice - Justiz - Giustizia» 2015/3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_779/2010 du 1er avril 2011 consid. 2.2, et la jurisprudence citée),

que le droit de consulter le dossier n'est cependant pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public ou privé important au maintien du secret (cf. art. 27 al. 1 et 2 PA ; ATF 129 I 249 c. 3 ; 122 I 153 consid. 6a et juris. cit. ; JdT 2006 c. 3 p. 586 s. et jurisp. cit.),

qu'une pièce dont la consultation a été refusée à la partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves (art. 28 PA ; cf. ATAF 2014/38 consid. 7.1.1 ; 2013/23 consid. 6.4.1),

que s'agissant plus particulièrement des enquêtes menées par l'intermédiaire de la représentation suisse à l'étranger, sont soumis au droit de consulter les pièces du dossier non seulement les catalogues de questions du SEM, mais également les réponses de la représentation suisse à l'étranger (cf. JICRA 1994 no 1 consid. 3c), ce droit pouvant là aussi toutefois être limité si des intérêts publics ou privés importants l'exigent (art. 27 al. 1 et 2 PA),

qu'en l'espèce, dans son écrit du 23 mars 2017, le SEM n'a transmis au recourant ni son courrier du 31 juillet 2015 (pièce A21), qui comportait un catalogue de cinq questions, ni la réponse de l'ambassade du (...) 2017 (pièce A27),

qu'il lui a exclusivement remis un condensé des trois premières questions posées à l'ambassade, occultant les questions 4 et 5, ainsi qu'un court résumé en français du rapport d'ambassade,

qu'il l'a certes informé, en sus, que des intérêts publics ou privés exigeaient la non-transmission des pièces A21 et A27,

que, toutefois, le SEM n'a pas, comme il lui incombait, fourni de motivation sur ce point (cf. arrêt du Tribunal A-5275/2015 du 4 novembre 2015 consid. 8.7.1), et le Tribunal ne décèle, en l'état, aucun intérêt public ou privé justifiant la non-transmission de ces pièces, caviardées s'il le faut,

que, même s'il fallait admettre un tel intérêt public ou privé justifiant de garder secrètes les pièces en question, le SEM aurait néanmoins été tenu de communiquer, oralement ou par écrit, leur contenu essentiel, qui doit correspondre à la réalité,

que tel n'est pas le cas, dès lors notamment que l'écrit du 23 mars 2017, valant droit d'être entendu, mentionne, faussement, que « les personnes impliquées dans l'affaire et condamnées ont été finalement acquittées le (...) 2011, sauf [le recourant], du fait qu'il était absent à l'audience »,

qu'en effet, outre le recourant, toutes les personnes impliquées n'ont pas été acquittées,

qu'en agissant de la sorte, le SEM a manifestement violé le droit d'être entendu du recourant,

que, de nature formelle, la violation de ce droit entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_779/2010 du 1er avril 2011 consid. 2.2 ; cf. Waldmann/Bickel, in :Waldmann/Weissenberger [éd.], Praxiskommentar VwVG, Zurich 2009, ad art. 29 nos 28 ss et 106 ss, et réf. cit.),

que le vice, constitutif d'une grave violation de procédure, ne saurait, en l'espèce, être réparé par l'autorité de recours, motif pris de l'économie de procédure,

qu'un autre motif justifie également l'annulation de la décision attaquée,

que, dans sa décision du 19 mai 2017, en se fondant sur le rapport d'ambassade, le SEM a également retenu (cf. consid. I, ch. 2, et consid. II, p. 3), toutefois à tort, que toutes les personnes initialement condamnées en (...) 2004 avaient été acquittées par nouvelle décision du (...) 2011, à l'exception du recourant qui était absent,

que, comme mentionné plus haut, toutes n'ont pas été relaxées,

que la prise en compte d'un état de fait exact pouvant être décisive, le SEM devra, le cas échéant, en tenir compte dans sa nouvelle décision,

qu'en agissant de la sorte, le SEM a établi de manière inexacte l'état de fait pertinent (cf. art. 106 al. 1 let. b LAsi),

qu'au vu de ce qui précède, il y a lieu d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause au SEM pour complément d'instruction (si nécessaire) et nouvelle décision (cf. art. 61 al. 1 PA),

que s'avérant manifestement fondé, le recours peut être traité dans une procédure à juge unique, avec l'approbation d'un second juge (cf. art. 111 let. e LAsi), sans échange d'écritures, le présent arrêt n'étant motivé que sommairement (cf. art. 111a al. 1 et 2 LAsi),

qu'il n'est pas perçu de frais de procédure (cf. art. 63 al. 1 et 2 PA),

qu'ayant eu gain de cause, le recourant a droit à des dépens (cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), dont le montant est fixé, en l'absence d'un décompte de prestations (cf. art. 14 al. 2 FITAF), à 1'400 francs (TVA comprise),

(dispositif page suivante)

le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis.

2.
La décision du SEM du 19 mai 2017 est annulée et la cause lui est renvoyée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais. L'avance de 750 francs versée le 10 juillet 2017 sera restituée au recourant.

4.
Le SEM allouera au recourant le montant de 1'400 francs à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est adressé au mandataire du recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

Le juge unique : Le greffier :

Gérard Scherrer Yves Beck

Expédition :
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : D-3561/2017
Data : 13. luglio 2018
Pubblicato : 23. luglio 2018
Sorgente : Tribunale amministrativo federale
Stato : Inedito
Ramo giuridico : Asilo
Oggetto : Asile et renvoi; décision du SEM du 19 mai 2017


Registro di legislazione
Cost: 29
LAsi: 42  44  105  106  108  111  111a
LStr: 112
LTAF: 31  33  37
LTF: 83
PA: 5  26  27  28  48  49  52  61  62  63  64
TS-TAF: 7  14
Registro DTF
122-I-153 • 126-I-7 • 129-I-249 • 132-V-387
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5A_779/2010
Parole chiave
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