Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B 350/2013
Arrêt du 12 décembre 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Karlen.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Stefan Disch, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la Confédération,
Y.________ AG, représentée par Me Eric Hess, avocat,
partie intéressée,
Objet
procédure pénale, levée des scellés,
recours contre l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud du 3 septembre 2013.
Faits:
A.
Le Ministère public de la Confédération (MPC) mène parallèlement plusieurs enquêtes pénales contre X.________, A.________, B.________ et autres pour blanchiment d'argent et diverses infractions de faux notamment. X.________ (administrateur et actionnaire de la fiduciaire Y.________ AG) est en particulier soupçonné d'avoir prêté son concours pour blanchir, à hauteur de 50 millions de dollars, des fonds provenant d'escroqueries commises aux Etats-Unis pour un montant de 300 millions de dollars. Les 25 et 26 avril 2013, après deux demandes de production de pièces restées sans réponse, le MPC a procédé à une perquisition dans les bureaux de Y.________ AG. De nombreux documents et données informatiques ont été saisis. A la demande des personnes présentes, dont X.________, les documents ont été placés sous scellés.
B.
Le 10 mai 2013, le MPC a requis la levée des scellés auprès du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc). Par ordonnance du 3 septembre 2013, celui-ci a autorisé la levée des scellés, exception faite pour la correspondance écrite avec des avocats dont la restitution à Y.________ AG a été ordonnée. Les pièces, saisies en fonction de leur rattachement avec les sociétés et les personnes impliquées, présentaient une utilité potentielle pour les enquêtes en cours; la complexité de la cause justifiait, dans un premier temps en tout cas, une saisie élargie. La correspondance sur papier avec des avocats était soumise au secret professionnel. En revanche, ni X.________, ni Y.________ AG n'avaient indiqué quelles données informatiques seraient soumises à un tel secret.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cette ordonnance. Il en demande la réforme en ce sens que la demande de levée des scellés est rejetée; subsidiairement, il demande la désignation d'un expert neutre afin d'extraire les données informatiques soumises au secret professionnel, selon des critères à préciser. Le recourant demande l'assistance judiciaire.
Le Tmc se réfère à son ordonnance. Y.________ AG - qui a également recouru contre la même ordonnance - appuie le recours. Le MPC conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. Au terme de leurs observations complémentaires, le recourant et Y.________ AG persistent dans leurs motifs et leurs conclusions.
Considérant en droit:
1.
Conformément à l'art. 393 al. 1 let. c

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable: |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 248 Mise sous scellés - 1 Si le détenteur s'oppose au séquestre de certains documents, enregistrements ou autres objets en vertu de l'art. 264, l'autorité pénale les met sous scellés. Le détenteur doit requérir la mise sous scellés dans les trois jours suivant la mise en sûreté. Durant ce délai et après une éventuelle mise sous scellés, les documents, enregistrements et autres objets ne peuvent être ni examinés, ni exploités par l'autorité pénale. |

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 80 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.50 |
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1 | Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par la Cour des plaintes et la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral.50 |
2 | Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours. Sont exceptés les cas dans lesquels le code de procédure pénale (CPP)51 prévoit un tribunal supérieur ou un tribunal des mesures de contrainte comme instance unique.52 |
1.1. La décision attaquée est de nature incidente puisqu'elle porte sur l'administration des preuves en procédure pénale. Elle est toutefois susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes - 1 Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
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1 | Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
a | si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou |
b | si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. |
2 | En matière d'entraide pénale internationale et en matière d'asile, les décisions préjudicielles et incidentes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.89 Le recours contre les décisions relatives à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs est réservé si les conditions de l'al. 1 sont remplies. |
3 | Si le recours n'est pas recevable en vertu des al. 1 et 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles influent sur le contenu de celle-ci. |
1.2. Le recourant a la qualité de prévenu dans la procédure pénale. (art. 81 al. 1 let. b ch. 1

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
|
1 | A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et |
b | a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier: |
b1 | l'accusé, |
b2 | le représentant légal de l'accusé, |
b3 | le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée, |
b4 | ... |
b5 | la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles, |
b6 | le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte, |
b7 | le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif57. |
2 | Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.58 |
3 | La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions. |
2.
Le recourant invoque le principe de la proportionnalité et la liberté économique. Il relève qu'une première perquisition avait eu lieu en 2009 déjà, et que la seconde perquisition constituerait elle aussi, compte tenu du nombre de données saisies, une recherche indéterminée de moyens de preuve. Contrairement à ce que retient le Tmc, la seule complexité de la cause ne saurait justifier une saisie de la quasi-totalité des documents de la société. Le MPC devait donc préciser d'emblée ses critères de recherche. Invoquant l'art. 264

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 264 Restrictions - 1 Quels que soient l'endroit où ils se trouvent et le moment où ils ont été conçus, ne peuvent être séquestrés: |
2.1. Selon l'art. 246

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 246 Principe - Les documents écrits, les enregistrements audio, vidéo et d'autre nature, les supports informatiques ainsi que les installations destinées au traitement et à l'enregistrement d'informations peuvent être soumis à une perquisition lorsqu'il y a lieu de présumer qu'ils contiennent des informations susceptibles d'être séquestrées. |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 248 Mise sous scellés - 1 Si le détenteur s'oppose au séquestre de certains documents, enregistrements ou autres objets en vertu de l'art. 264, l'autorité pénale les met sous scellés. Le détenteur doit requérir la mise sous scellés dans les trois jours suivant la mise en sûreté. Durant ce délai et après une éventuelle mise sous scellés, les documents, enregistrements et autres objets ne peuvent être ni examinés, ni exploités par l'autorité pénale. |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 169 Droit de refuser de témoigner pour sa propre protection ou celle d'un proche - 1 Toute personne peut refuser de témoigner si ses déclarations sont susceptibles de la mettre en cause au point qu'elle-même: |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 265 Obligation de dépôt - 1 Le détenteur d'objets ou de valeurs patrimoniales qui doivent être séquestrés est soumis à l'obligation de dépôt. |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 170 Droit de refuser de témoigner fondé sur le secret de fonction - 1 Les fonctionnaires au sens de l'art. 110, al. 3, CP88 ainsi que leurs auxiliaires et les membres des autorités ainsi que leurs auxiliaires peuvent refuser de témoigner sur les secrets qui leur ont été confiés en leur qualité officielle ou dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur fonction, de leur charge ou de leur activité auxiliaire.89 |
2.2. Saisi d'une demande de levée de scellés, le Tmc doit examiner d'une part s'il existe des soupçons suffisants de l'existence d'une infraction et d'autre part si les documents présentent apparemment une pertinence pour l'instruction en cours (cf. art. 197 al. 1 let. b

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 197 Principes - 1 Les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'aux conditions suivantes: |

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 171 Droit de refuser de témoigner fondé sur le secret professionnel - 1 Les ecclésiastiques, avocats, défenseurs, notaires, conseils en brevet, médecins, dentistes, chiropraticiens, pharmaciens, psychologues, infirmiers, physiothérapeutes, ergothérapeutes, sages-femmes, diététiciens, optométristes, ostéopathes, ainsi que leurs auxiliaires, peuvent refuser de témoigner sur les secrets qui leur ont été confiés en vertu de leur profession ou dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de celle-ci.91 |
2.3. Les soupçons suffisants ressortent en l'occurrence des procédures menées par le MPC; ils ont été confirmés, notamment, dans les divers arrêts rendus par le Tribunal fédéral à propos de séquestres d'avoirs bancaires (cf. arrêts 1B 744/2012 du 25 février 2013, 1B 702/2012 du 7 janvier 2013). La pertinence prima facie des documents saisis ne saurait, elle non plus, être contestée. Le MPC a en effet requis à plusieurs reprises la production de pièces, sans succès. Lors de la perquisition, une date avait été convenue pour un premier tri en présence des responsables de la société, mais ceux-ci s'étaient désistés le jour d'avant, invitant le MPC à s'adresser à leur avocat. Plusieurs échanges de courrier auraient eu lieu sans qu'une nouvelle date n'ait pu être arrêtée. Le recourant se plaint du temps mis par le MPC pour exploiter les documents saisis en 2009; ces reproches, liés au principe de célérité, ne font toutefois pas obstacle à de nouvelles mesures d'investigation. Le Tmc relève que face à des délits économiques, une saisie élargie peut se justifier, au moins dans un premier temps, sans quoi la recherche de traces documentaires ne serait pas possible. Le recourant ne remet nullement en cause cette appréciation, qui ne prête
pas le flanc à la critique.
Le MPC explique avoir effectué sur place un premier tri, sur la base d'une liste de critères dressée au préalable. S'agissant des données informatiques qui n'ont pu être analysées sur place, le MPC indique qu'en cas de levée des scellés un choix sera également effectué en fonction des mêmes critères. Compte tenu de l'attitude de la société, du nombre de personnes physiques et morales impliquées et de l'ampleur de l'activité soumise à enquête, cette manière de faire n'apparaît pas critiquable.
2.4. Le recourant invoque aussi la liberté économique, mais il n'indique nullement en quoi la mesure contestée - qui concerne essentiellement une société dont il ne fait plus partie - serait susceptible de l'entraver dans ses activités, ni en quoi l'atteinte alléguée serait disproportionnée. Le grief est insuffisamment motivé et, partant, irrecevable.
2.5. Le recourant se prévaut également en vain du secret professionnel.
En présence d'un secret avéré, au sens de l'art. 171

SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 171 Droit de refuser de témoigner fondé sur le secret professionnel - 1 Les ecclésiastiques, avocats, défenseurs, notaires, conseils en brevet, médecins, dentistes, chiropraticiens, pharmaciens, psychologues, infirmiers, physiothérapeutes, ergothérapeutes, sages-femmes, diététiciens, optométristes, ostéopathes, ainsi que leurs auxiliaires, peuvent refuser de témoigner sur les secrets qui leur ont été confiés en vertu de leur profession ou dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de celle-ci.91 |
Le MPC indique avoir restitué aux ayants droit les documents sur papier qui apparaissaient couverts par le secret de l'avocat. S'agissant des documents informatiques, une copie de disques durs a été effectuée et, faute de pouvoir effectuer le tri sur place, celui-ci interviendra ultérieurement; le recourant se limite quant à lui à des remarques générales. Il se plaint du nombre de données saisies, mais il est manifestement le mieux à même d'indiquer s'il en existe qui seraient couvertes par un secret professionnel. Le grand nombre de documents saisis ne saurait dispenser le recourant de son devoir de collaboration. La désignation d'un expert ne serait d'ailleurs d'aucune utilité sous cet angle.
3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, en tant qu'il est recevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire (dont il bénéficie déjà dans la procédure pénale depuis le 20 mars 2013) mais, sur le vu de ce qui précède, le recours ne présentait pas de chances de succès. Les frais judiciaires sont dès lors mis à la charge du recourant, conformément à l'art. 66 al. 1

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud, ainsi qu'au mandataire de B.________.
Lausanne, le 12 décembre 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
Le Greffier: Kurz