Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

4A 281/2022

Arrêt du 11 octobre 2022

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges fédérales
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas.
Greffière: Mme Raetz.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Luc Maradan, avocat,
recourant,

contre

B.________ SA,
représentée par Me Grégoire Mangeat, avocat,
intimée.

Objet
contrat de travail; recevabilité de l'appel; conclusions,

recours contre l'arrêt rendu le 17 mai 2022 par la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (102 2022 71).

Faits :

A.

A.a. Après l'échec de la conciliation, A.________ (ci-après: l'employé) a déposé le 20 octobre 2020 devant le Tribunal des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine une action partielle en paiement à l'encontre de la société B.________ SA (ci-après: l'employeuse). Il a notamment formulé les conclusions suivantes:

" 1. L'action partielle est admise.
2. B.________ SA est condamnée à verser à A.________ le montant de CHF 8'000.- bruts pour la résiliation injustifiée de son contrat de travail, avec intérêt à 5 % dès le 1er novembre 2019.
3. B.________ SA est condamnée à verser à A.________ le montant de CHF 8'000.- bruts pour le non-respect du délai de résiliation de son contrat de travail, avec intérêt à 5 % dès le 1er novembre 2019.
4. B.________ SAest condamnée à verser à A.________ le montant de CHF 6 '000.- bruts à titre d'indemnisation partielle de ses heures supplémentaires, avec intérêt à 5 % dès le 1er novembre 2019.
(...). "
Par ordonnance du 15 juin 2021, le tribunal a limité la procédure à la question du respect du délai de 180 jours prévu par l'art. 336b al. 2 CO.
Par décision partielle du 17 mars 2022, le tribunal a prononcé ce qui suit: " les conclusions 2 et 3 de la demande déposée le 20 octobre 2020 par A.________ contre B.________ SA sont rejetées, pour autant que recevables ".

A.b. Le 2 mai 2022, l'employé a appelé de cette décision partielle auprès de la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. Il a pris les conclusions suivantes:

" 1. L'appel déposé le 2 mai 2022 par A.________ est admis.
Principalement:

2. La décision du 17 mars 2022 du Tribunal des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine est entièrement annulée.
3. Les conclusions 2 et 3 de la demande déposée le 20 octobre 2020 par A.________ contre B.________ SA sont admises.
Subsidiairement:

4. La cause est renvoyée au Tribunal des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
5. Le tout sous suite de frais et dépens. "
Par arrêt du 17 mai 2022, la cour cantonale a déclaré l'appel irrecevable, au motif que les conclusions formulées par l'employé, au demeurant assisté d'un avocat, n'étaient pas chiffrées et ne comprenaient aucune conclusion condamnatoire, formatrice ou en constat. L'employé s'était borné à renvoyer aux conclusions de sa demande. Les conclusions de son appel ne pourraient ainsi pas être reprises telles quelles dans le dispositif de l'arrêt à rendre. Une conclusion manquante ne pouvait être interprétée à la lumière des motifs du recours, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur l'appel.

B.
L'employé (ci-après: le recourant) a exercé un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral à l'encontre de cet arrêt. Il a conclu à son annulation, à ce qu'il soit constaté que l'appel était recevable, à ce que les conclusions 2 et 3 de sa demande soient admises et à ce que l'employeuse (ci-après: l'intimée) soit condamnée à lui verser le montant de 8'000 fr. bruts pour la résiliation injustifiée de son contrat de travail, et le montant de 8'000 fr. bruts pour le non-respect du délai de résiliation de son contrat de travail, le tout avec intérêts. Subsidiairement, le recourant a conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué, au constat de la recevabilité de son appel et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvel examen dans le sens des considérants.
L'intimée a conclu au rejet des recours.
La cour cantonale a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.
Le recourant a informé ne rien avoir à ajouter.

Considérant en droit :

1.

1.1. L'arrêt attaqué déclare irrecevable l'appel que l'employé a interjeté à l'encontre d'une décision partielle. Par conséquent, il constitue lui aussi une décision partielle, laquelle peut et doit être immédiatement portée devant le Tribunal fédéral (art. 91 let. a LTF). Par ailleurs, les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). Partant, seul le recours en matière civile est ouvert, à l'exclusion du recours constitutionnel subsidiaire, lequel s'avère irrecevable (art. 113 LTF).

1.2. Le mémoire de recours doit contenir des conclusions (art. 42 al. 1 LTF). En l'occurrence, la cour cantonale a rendu un arrêt d'irrecevabilité et ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé de la décision de première instance. Contre un tel arrêt, seules les conclusions du recours tendant à l'annulation et au renvoi sont admissibles, à l'exclusion des conclusions sur le fond, lesquelles supposent que l'autorité précédente soit entrée en matière; en effet, s'il annule un arrêt d'irrecevabilité, le Tribunal fédéral ne statue pas lui-même sur le fond, mais renvoie la cause à l'autorité d'appel afin que le justiciable ne soit pas privé d'un degré de juridiction (ATF 138 III 46 consid. 1.2). Dès lors, les conclusions portant sur le fond sont irrecevables.

2.

2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2).

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

3.
Le recourant dénonce une violation de l'art. 29 al. 1 Cst., dans la mesure où les juges cantonaux auraient fait preuve de formalisme excessif en déclarant son appel irrecevable.

3.1. A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte " écritet motivé ". Selon la jurisprudence, l'acte doit aussi comporter des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. Les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3; arrêt 4A 117/2022 du 8 avril 2022 consid. 2.1.2).
L'irrecevabilité de conclusions d'appel ne satisfaisant pas à ces principes peut toutefois contrevenir au principe de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.). A titre exceptionnel, l'autorité d'appel doit entrer en matière sur un appel comprenant des conclusions formellement déficientes s'il ressort clairement de la motivation, mise en relation avec la décision attaquée, ce que l'appelant demande ou - dans le cas de conclusions à chiffrer - quelle somme d'argent doit être allouée. Les conclusions doivent être interprétées à la lumière des motifs (ATF 137 III 617 consid. 6.1 et 6.2; arrêt 4A 117/2022 précité consid. 2.1.2).

3.2. En l'espèce, force est de constater, à l'instar de la cour cantonale, que les conclusions présentées par l'employé dans son appel n'étaient pas chiffrées et ne comprenaient aucune conclusion condamnatoire, formatrice ou en constat. Cela n'est pas contesté.
Toutefois, la conclusion visant à ce que les conclusions 2 et 3 de sa demande déposée le 20 octobre 2020 soient admises renvoie clairement à cette demande. Cette dernière tendait notamment à ce que l'employeuse soit condamnée à verser à l'employé le montant de 8'000 fr. avec intérêts pour la résiliation injustifiée du contrat de travail (conclusion 2) et le montant de 8'000 fr. avec intérêts pour le non-respect du délai de résiliation du contrat de travail (conclusion 3). Il s'agit ici de toute évidence de conclusions chiffrées condamnatoires, formulées sans équivoque. Comme l'a souligné l'intéressé dans son recours, il avait d'ailleurs expressément rappelé, dans son appel, la teneur précise des conclusions 2 et 3 de sa demande.
Au demeurant, le recourant relève à juste titre que le dispositif de la décision de première instance prévoyait lui-même que les " conclusions 2 et 3 de la demande " devaient être rejetées, pour autant que recevables. Le recourant fait encore valoir que dans son appel, il a contesté le point de vue du tribunal de première instance, lequel a tranché exclusivement les conclusions 2 et 3 de la demande.
Ainsi, même si le recourant n'a pas formellement conclu, devant la cour cantonale, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que l'employeuse soit condamnée à lui verser le montant de 8'000 fr., et un second montant de 8'000 fr., le tout avec intérêts, une telle requête ressortait clairement et sans équivoque des éléments précités. Dans ces circonstances, en déclarant l'appel irrecevable au motif de conclusions déficientes, la cour cantonale a fait preuve de formalisme excessif et a violé l'art. 29 Cst.
Dès lors, la cause sera renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle examine les autres conditions de recevabilité de l'appel et, le cas échéant, entre en matière sur celui-ci.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, le fait que le recourant a également évoqué dans son recours que la cour cantonale aurait dû vraisemblablement renvoyer la cause à l'autorité de première instance ne remet pas en cause ce qui précède.

4.
Au vu de l'issue du litige, il est superflu d'examiner les autres arguments soulevés par le recourant.

5.
En définitive, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. Le recours en matière civile, quant à lui, doit être admis. L'arrêt attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de l'intimée, qui a conclu au rejet du recours et qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 11 octobre 2022

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Hohl

La Greffière : Raetz
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 4A_281/2022
Date : 11. Oktober 2022
Publié : 02. November 2022
Source : Bundesgericht
Statut : Unpubliziert
Domaine : Vertragsrecht
Objet : contrat de travail; recevabilité de l'appel; conclusions,


Répertoire des lois
CO: 336b
CPC: 311
Cst: 29
LTF: 42  66  68  74  91  95  97  100  105  106  108  113
Répertoire ATF
135-III-397 • 137-III-617 • 138-III-46 • 140-III-115
Weitere Urteile ab 2000
4A_117/2022 • 4A_281/2022
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • contrat de travail • recours en matière civile • première instance • recours constitutionnel • décision partielle • tribunal cantonal • formalisme excessif • examinateur • délai de résiliation • tribunal des prud'hommes • violation du droit • condition de recevabilité • frais judiciaires • droit civil • vue • décision • motif du recours • tribunal • calcul
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