Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour V
E-1347/2017
Arrêt du 10 mars 2017
François Badoud, juge unique,
Composition avec l'approbation de Yannick Antoniazza-Hafner, juge ;
Beata Jastrzebska, greffière.
A._______, né le (...),
Parties Erythrée,
recourant,
contre
Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi ; décision du SEM du 23 février 2017 / N (...).
Vu
la demande d'asile déposée en Suisse par A._______, en date du 1er décembre 2016,
la décision du 23 février 2017, notifiée le 27 février 2017, par laquelle le SEM, se fondant sur l'art. 31a al. 1 let. b

le recours interjeté, le 2 mars 2017, contre cette décision,
la demande de dispense du paiement d'une avance des frais de procédure dont il est assorti,
la réception du dossier de première instance par le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal), le 7 mars 2017,
et considérant
que le Tribunal, en vertu de l'art. 31



qu'en particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 33 let. d



que l'intéressé a qualité pour recourir (art. 48 al. 1


que le recours, interjeté dans la forme (art. 52 al. 1


que, saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d'asile, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision (cf. ATAF 2012/4 consid. 2.2; 2009/54 consid. 1.3.3; 2007/8 consid. 5),
que, partant, les conclusions du recours tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié et à l'octroi de l'asile sont irrecevables,
que, dans le cas d'espèce, il y a lieu de déterminer si le SEM était fondé à faire application de l'art. 31a al. 1 let. b

qu'avant de faire application de la disposition précitée, le SEM examine la compétence relative au traitement d'une demande d'asile selon les critères fixés dans le règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (JO L 180/31 du 29.6.2013, ci-après: règlement Dublin III),
que, s'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande d'asile, le SEM rend une décision de non-entrée en matière après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du requérant d'asile,
qu'aux termes de l'art. 3 par. 1 du règlement Dublin III, une demande de protection internationale est examinée par un seul Etat membre, celui-ci étant déterminé selon les critères fixés à son chapitre III,
qu'en outre, selon l'art. 16 par. 1 du règlement Dublin III, lorsque du fait (...) d'une maladie grave, [ou] d'un handicap grave (...), le demandeur est dépendant de l'assistance notamment de ses frères ou soeurs, résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque (...) son frère ou sa soeur (...) qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur (...) et ce frère ou cette soeur (...) à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que (...) le frère ou la soeur (...) ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit,
que cette disposition, bien que placée dans le chapitre IV du règlement Dublin III, doit également être considérée comme un critère de détermination de l'Etat responsable (cf. Christian Filzwieser/Andrea Sprung, Du-blin III-Verordnung, Das Europäische Asylzuständigkeitssystem, état au 1er février 2014, Vienne 2014, pt. 4 sur l'art. 16 ; cf. également les articles 7 par. 3 et 17 par. 2 du règlement Dublin III, qui comptent l'art. 16 du règlement Dublin III parmi des critères),
que la procédure de détermination de l'Etat responsable est engagée, aussitôt qu'une demande d'asile a été déposée pour la première fois dans un Etat membre (art. 20 par. 1 du règlement Dublin III),
que dans une procédure de prise en charge (anglais : take charge), les critères énumérés au chapitre III du règlement (art. 8-15) doivent être appliqués successivement (principe de l'application hiérarchique des critères de compétence, art. 7 par. 1 du règlement Dublin III),
que pour ce faire, il y a lieu de se baser sur la situation existant au moment du dépôt de la première demande dans un Etat membre (art. 7 par 2 du règlement Dublin III ; ATAF 2012/4 consid. 3.2 ; Filzwieser/Sprung, Dublin III-Verordnung, Vienne 2014, pt. 4 sur l'art. 7),
qu'en vertu de l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin III, lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (JO C 364/1 du 18.12.2000, ci-après: CharteUE), l'Etat procédant à la détermination de l'Etat responsable poursuit l'examen des critères fixés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat peut être désigné comme responsable,
que lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur vers un Etat désigné sur la base de ces critères ou vers le premier Etat auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination devient l'Etat responsable,
que l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de prendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 21, 22 et 29 - le demandeur qui a introduit une demande dans un autre Etat membre (art. 18 par. 1 point a du règlement Dublin III),
que, sur la base de l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement,
qu'en l'occurrence, les investigations entreprises par le SEM ont révélé, après consultation de l'unité centrale du système européen «Eurodac», que l'intéressé a franchi irrégulièrement la frontière d'un Etat Dublin, en l'occurrence l'Italie, le 25 octobre 2016,
qu'en date du 19 décembre 2016, cet office a dès lors soumis aux autorités italiennes compétentes, dans les délais fixés à l'art. 21 par. 1 du règlement Dublin III, une requête aux fins de prise en charge, fondée sur l'art. 13 par. 1 du règlement Dublin III,
que n'ayant pas répondu à la demande de prise en charge dans les délais prévus par l'art. 22 par. 1 et 6 du règlement Dublin III, l'Italie est réputée l'avoir acceptée et, partant, avoir reconnu sa compétence pour traiter la demande d'asile de l'intéressé (art. 22 par. 7 du règlement Dublin III),
que sans contester explicitement cette compétence, l'intéressé fait valoir la présence en Suisse de ses frères, B._______ et C._______, tous les deux titulaires d'une autorisation de séjour (permis B),
qu'il affirme que le fait de pouvoir vivre auprès d'eux lui apporterait un certain réconfort après son passage en prison en Erythrée,
qu'implicitement, l'intéressé invoque donc l'art. 16 du règlement Dublin III, précité,
qu'en l'espèce toutefois, les conditions posées par cette disposition ne sont pas remplies,
que d'entrée de cause, la condition formelle d'un accord écrit de toutes les personnes concernées n'est pas remplie,
qu'au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de conclure à l'existence d'une situation de dépendance impliquant un besoin impérieux d'assistance de l'intéressé, majeur, de la part de ses deux frères,
que le seul souhait de demeurer auprès de ses proches, fondé sur des raisons de pure convenance personnelle, ne correspond manifestement pas au besoin d'assistance invoqué plus haut,
que cela dit, l'Italie demeure l'Etat compétent pour traiter la demande d'asile,
que certes, le recourant déclare que les conditions de vie en Italie sont extrêmement difficiles et qu'en cas de son transfert, il sera confronté à nouveau à de grosses difficultés économiques et sociales en raison de l'incapacité de ce pays à faire face à l'afflux de requérants d'asile,
qu'à ses yeux, un transfert risquerait de plus de le placer dans une situation d'insécurité, mettant en danger sa vie et sa santé,
qu'en d'autres termes, le retour en Italie l'exposerait au risque d'être privé de ressources et de connaître des conditions de vie indignes, ce qui constituerait une violation de l'art. 3

qu'en l'espèce, il n'y a toutefois aucune raison de retenir qu'il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 4 de la CharteUE (cf. art. 3 par. 2 2ème phrase du règlement Dublin III),
qu'en effet, ce pays est liée par cette Charte et signataire de la CEDH, de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105), de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Conv. réfugiés, RS 0.142.30) ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 (Prot., RS 0.142.301) et, à ce titre, en applique les dispositions,
que le recourant n'a pas démontré que les conditions d'existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'art. 3

que, certes, il est notoire que les autorités italiennes connaissent, depuis 2011 notamment, de sérieux problèmes en matière d'accueil des requérants d'asile qui peuvent être confrontés à d'importantes difficultés sur le plan de l'hébergement, des conditions de vie, voire de l'accès aux soins médicaux suivant les circonstances (cf. notamment Organisation Suisse d'aide aux réfugiés [OSAR] : Aufnahmebedingungen in Italien. Zur aktuellen Situation von Asylsuchenden und Schutzberechtigten, insbesondere Dublin-Rück-kehrenden in Italien, août 2016),
que cependant, contrairement à la Grèce, on ne saurait considérer qu'il appert de positions répétées et concordantes du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), du Commissaire des droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ainsi que de nombreuses organisations internationales non gouvernementales, que les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile en Italie sont caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure d'emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d'espèce, à l'existence de risques suffisamment réels et concrets, pour les requérants, d'être systématiquement exposés à une situation de précarité et de dénuement matériel et psychologique, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l'art. 3

que dans ces conditions, l'application de l'art. 3 par. 2 du règlement Dublin III ne se justifie pas en l'espèce,
qu'en outre, le recourant n'a pas apporté d'indices objectifs, concrets et sérieux qu'en Italie, il serait privé durablement de tout accès aux conditions matérielles minimales d'accueil au point de contraindre les autorités à renoncer à son transfert,
qu'il est bon de rappeler ici que le règlement Dublin III ne confère pas aux demandeurs d'asile le droit de choisir l'Etat membre offrant, à leur avis, les meilleures conditions d'accueil comme Etat responsable de l'examen de leur demande d'asile (cf. ATAF 2010/45 consid. 8.3),
que toutefois si, à son retour, l'intéressé devait être contraint par les circonstances à mener en Italie une existence non conforme à la dignité humaine, ou s'il devait estimer que l'Italie viole ses obligations d'assistance à son encontre ou de toute autre manière porte atteinte à ses droits fondamentaux, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités de ce pays en usant des voies de droit adéquates,
que, dans ces conditions, le transfert du recourant vers l'Italie n'est pas contraire aux obligations de la Suisse découlant des dispositions conventionnelles précitées,
que l'intéressé demande enfin à la Suisse de lui accorder protection et déclare que, dans son pays d'origine, à savoir, en Erythrée, il est en danger,
que toutefois, comme déjà ci-dessus observé, cette conclusion est irrecevable dans la mesure où, saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé d'une telle décision,
que cela dit, le SEM a, en l'occurrence, correctement examiné s'il y avait lieu d'appliquer la clause de souveraineté prévue à l'art. 17 par. 1 du règlement Dublin III, en lien avec l'art. 29a al. 3 OA1,
que cette autorité a établi de manière suffisamment complète l'état de fait pertinent et n'a commis ici ni excès ni abus de son pouvoir d'appréciation lors de cet examen (cf. ATAF 2015/9 consid. 8),
que dès lors, la décision attaquée n'est frappée d'aucune irrégularité sur ce point,
que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le SEM n'est pas entré en matière sur la demande d'asile de l'intéressée, en application de l'art. 31a al. 1 let. b



qu'au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté,
que s'avérant manifestement infondé, il est rejeté dans une procédure à juge unique avec l'approbation d'un second juge (cf. art. 111 let. e

qu'il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt n'étant motivé que sommairement (cf. art. 111a al. 1


que dans la mesure où il a été immédiatement statué sur le fond, la requête tendant à la dispense du paiement d'avance des frais de procédure est rejetée,
que, vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1



(dispositif : page suivante)
le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.
Le juge unique : La greffière :
François Badoud Beata Jastrzebska
Expédition :