Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour III
C-4926/2011
Arrêt du 10 février 2012
Blaise Vuille (président du collège),
Composition Jean-Daniel Dubey, Marianne Teuscher, juges,
Alain Renz, greffier.
X._______,
Parties
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure .
Objet Octroi d'un certificat d'identité avec autorisation de retour.
Faits :
A.
X._______, ressortissant érythréen né le 10 janvier 1974, a déposé une demande d'asile en Suisse le 1er octobre 2007.
Par décision du 23 juin 2009, l'Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté cette demande et prononcé le renvoi de Suisse du requérant tout en le mettant au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse, dès lors que son refoulement n'était pas raisonnablement exigible compte tenu des conditions de pauvreté dans la région d'origine de l'intéressé, du départ de ce dernier de sa patrie remontant à 27 ans et de l'absence de socialisation dans cette région.
L'intéressé a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après le Tribunal), qui, par arrêt du 3 septembre 2009, a rejeté ledit pourvoi et confirmé la décision querellée.
Une demande de reconsidération de la décision de l'ODM du 23 juin 2009 a été rejetée par ledit office le 5 juillet 2010.
B.
Le 3 mai 2011, X._______ a requis l'octroi d'un certificat d'identité avec une autorisation de retour auprès du Service des migrations du canton de Neuchâtel.
Dans le formulaire supplémentaire "étrangers sans papiers" daté du même jour, il a notamment précisé être entré en Suisse sans avoir de document et ne pas pouvoir demander l'établissement d'un document de voyage auprès de la représentation de son pays d'origine par crainte des représailles que pourrait subir sa famille demeurée en Erythrée.
Estimant que les conditions requises pour l'octroi d'un certificat d'identité avec une autorisation de retour n'étaient manifestement pas remplies, l'ODM a communiqué à l'intéressé, par courrier du 10 mai 2011, qu'il renonçait à rendre une décision formelle, tout en lui donnant la possibilité de se prononcer à ce sujet.
Par lettre du 17 mai 2011, le prénommé a sollicité une décision formelle tout en exposant qu'il ne pouvait obtenir un passeport national auprès de la représentation de son pays d'origine, car une telle démarche risquait de le mettre en danger, ainsi que sa famille restée au pays, dans la mesure où il était "très active [sic] contre le régime", même si la qualité de réfugié lui avait été déniée.
Par décision du 8 juin 2011, l'ODM a rejeté la requête de l'intéressé, motif pris que ce dernier ne pouvait être considéré comme étant sans papiers au sens des dispositions légales applicables en l'espèce. Ce dernier n'a pas interjeté de recours contre cette décision.
C.
Le 28 juillet 2011, X._______ a requis à nouveau l'octroi d'un certificat d'identité avec une autorisation de retour auprès du Service des migrations du canton de Neuchâtel.
Dans le formulaire supplémentaire "étrangers sans papiers" daté du même jour, il a notamment précisé être entré en Suisse avec une carte d'identité et ne pas pouvoir demander l'établissement d'un document de voyage auprès de la représentation de son pays d'origine en raison de la procédure d'asile engagée en Suisse.
A l'appui de sa requête, l'intéressé a encore joint une attestation médicale datée du 10 juin 2011 indiquant que sa mère avait besoin d'un accompagnement pendant et après une opération du dos prévue à Djibouti le 31 août 2011. En outre, il a aussi produit une attestation du Front de Salut National Erythréen certifiant qu'il était membre de cette organisation en Suisse, qu'il était "impensable" qu'il fournisse un passeport érythréen et qu'il y avait lieu de prendre en considération "l'asile politique" de l'intéressé.
D.
Par décision du 8 août 2011, l'ODM a rejeté la requête de X._______ au motif qu'il ne pouvait être qualifié d'étranger "sans papiers" au sens de l'art. 6 de l'ordonnance sur l'établissement de documents de voyage pour étrangers du 20 janvier 2010 (ODV; RS 143.5), dès lors qu'il avait la possibilité de solliciter la délivrance d'un document de voyage national auprès de la représentation diplomatique compétente de son pays d'origine, que cette démarche pouvait être raisonnablement exigée de sa part dans la mesure où son statut en Suisse ne constituait nullement un empêchement à une prise de contact avec les autorités de son pays d'origine et qu'il n'avait pas démontré l'existence de l'impossibilité d'obtenir un tel document.
E.
Par acte du 6 septembre 2011, X._______ a interjeté recours contre cette décision en concluant à l'octroi du document de voyage sollicité. Il a fait valoir qu'il lui était impossible de se rendre auprès de l'ambassade de son pays d'origine pour y demander un passeport, car les autorités érythréennes ne devaient pas être mises au courant de son séjour en Suisse, en raison du fait qu'il avait été persécuté dans sa patrie, qu'il avait dû s'enfuir, qu'il était recherché par les autorités précitées et qu'il craignait des représailles envers sa famille si lesdites autorités apprenaient qu'il s'était réfugié en Suisse. A l'appui de son pourvoi, l'intéressé a produit à nouveau les deux attestations déposées à l'appui de sa requête du 28 juillet 2011.
F.
Appelée à se prononcer sur le recours, l'autorité inférieure en a proposé le rejet par préavis du 2 novembre 2011.
Par ordonnance du 11 novembre 2011, le Tribunal a porté ledit préavis à la connaissance du recourant sans toutefois ouvrir un nouvel échange d'écriture.
Droit :
1.
1.1. Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF ; RS 173.32), le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA ; RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions en matière de délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation rendues par l'ODM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - sont susceptibles de recours au Tribunal, qui statue définitivement (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. c ch. 6 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF ; RS 173.110]).
1.2. A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF).
1.3. X._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Le recours, présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, est recevable (cf. art. 50 et art. 52 PA).
2.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, à moins qu'une autorité cantonale ait statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA). A teneur de l'art. 62 al. 4 PA, l'autorité de recours n'est pas liée par les motifs invoqués à l'appui des recours. Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait régnant au moment où elle statue (cf. ATAF 2011/1 consid. 2 p. 4 et jurisprudence citée).
3.1. Conformément à l'art. 1 ODV, l'ODM est compétent pour établir des documents de voyage.
3.2. Selon l'art. 4 al. 4 ODV, les personnes à protéger et les personnes admises à titre provisoire obtiennent, sur demande, pour voyager à l'étranger, une autorisation de retour et, s'il s'avère qu'elles sont "sans papiers" au sens de l'art. 6 ODV, un certificat d'identité.
3.3. En l'espèce, il est à constater que X._______ bénéficie d'une admission provisoire suite au rejet de sa demande d'asile par décision de l'ODM du 23 juin 2009, décision confirmée sur recours par arrêt du Tribunal du 3 septembre 2009. Dès lors, l'octroi d'un certificat d'identité à l'intéressé n'est envisageable, au regard de l'art. 4 al. 4 ODV, qu'à la condition qu'il soit "sans papiers" au sens de l'art. 6 ODV.
4.1. La condition de "sans papiers" est constatée par l'ODM dans le cadre de l'examen de la demande (art. 6 al. 4 ODV).
4.2. Au sens de l'art. 6 al. 1 ODV, un étranger est réputé "sans papiers" lorsqu'il ne possède pas de document de voyage valable émis par son Etat d'origine ou de provenance, et qu'il ne peut être exigé de lui qu'il demande aux autorités compétentes de son Etat d'origine ou de provenance l'établissement ou la prolongation d'un tel document (let. a), ou qu'il est impossible de lui procurer des documents de voyage (let. b ; texte allemand : "für welche die Beschaffung von Reisedokumenten unmöglich ist").
4.3. En l'espèce, il appert que le recourant ne possède pas de document de voyage national valable. Cependant, le fait de ne pas être en possession d'un document de ce type n'est pas, en soi, suffisant pour se voir reconnaître la qualité d'étranger "sans papiers" au sens de l'art. 6 ODV. Encore faut-il que l'on ne puisse exiger du ressortissant étranger concerné qu'il demande aux autorités compétentes de son Etat d'origine ou de provenance l'établissement d'un tel document (art. 6 al. 1 let. a ODV ; cf. ci-dessous, consid. 4.3.1 et 4.3.2) ou qu'il soit impossible à cette personne d'obtenir des documents de voyage nationaux (art. 6 al. 1 let. b ODV ; cf. ci-dessous, consid. 4.4).
4.3.1. La question de savoir si l'on peut raisonnablement exiger d'un étranger qu'il s'approche des autorités de son pays d'origine pour l'établissement ou le renouvellement de ses documents de voyage nationaux (cf. art. 6 al. 1 let. a ODV) doit être appréciée en fonction de critères objectifs et non subjectifs, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 2A.335/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2.1 et jurisprudence citée ; cf. également arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3338/2010 du 19 juillet 2011 consid. 5.3.1). Au demeurant, les difficultés techniques (telles que les retards accumulés par les autorités de l'Etat d'origine) que comporterait l'établissement d'un passeport national ne permettent pas, en règle générale, d'admettre l'existence d'une impossibilité objective et, ainsi, de conférer à la personne concernée la qualification d'étranger "sans papiers" (cf. à ce propos art. 6 al. 2 ODV).
Conformément à l'art. 6 al. 3 ODV, il ne peut être exigé notamment des personnes à protéger et des requérants d'asile qu'ils prennent contact avec les autorités compétentes de leur Etat d'origine ou de provenance. Dans l'hypothèse où elles ne disposent pas de papiers nationaux valables, on ne saurait non plus exiger des personnes qui ont été admises provisoirement en Suisse en raison du caractère illicite de l'exécution de leur renvoi qu'elles requièrent des autorités de leur pays d'origine l'établissement de nouveaux documents de légitimation nationaux, sous réserve des cas où il n'existe aucun lien entre ladite illicéité et les autorités du pays d'origine. Il y a donc, en principe, également lieu de considérer d'emblée que ces personnes répondent à la notion d'étrangers "sans papiers" telle que définie à l'art. 6 al. 1 let. a ODV.
S'agissant des étrangers titulaires d'une autorisation de séjour qui ont été auparavant mis au bénéfice d'une admission provisoire dans les circonstances décrites ci-dessus, il y a lieu de vérifier si de telles circonstances sont encore d'actualité et, le cas échéant, de leur reconnaître la qualité de "sans papiers" au sens de la disposition précitée (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3338/2010 précité, consid. 5.3.1).
4.3.2. En l'occurrence, X._______ n'a été ni mis au bénéfice de la qualité de réfugié, ni reconnu comme étant admis provisoirement en Suisse en raison de dangers que représenteraient pour lui les autorités de son pays d'origine en cas de retour dans sa patrie. Sur ce dernier point, il appert en effet que le 23 juin 2009, l'ODM a décidé de mettre le recourant au bénéfice de l'admission provisoire en Suisse au motif que l'exécution de son renvoi n'était pas raisonnablement exigible en raison des conditions de pauvreté dans la région d'origine de l'intéressé, du départ de ce dernier de sa patrie remontant à 27 ans et de l'absence d'un réseau social personnel dans cette région.
On ne saurait dès lors considérer, en l'état du dossier, que si l'intéressé venait à entrer en contact avec les représentants de son pays d'origine en Suisse, sa propre sécurité ou celle de sa famille s'en trouverait péjorée, voire que cette prise de contact pourrait, comme il le prétend, entraîner des représailles contre ses proches.
Certes, dans le formulaire supplémentaire « étrangers sans papiers » rempli le 28 juillet 2011, X._______ a allégué qu'il ne pouvait solliciter la délivrance d'un tel document auprès de la représentation de son pays d'origine, car il a été "demandeur d'asile". En outre, dans son recours, il a fait valoir que les autorités érythréennes ne devaient pas être mises au courant de son séjour en Suisse, en raison du fait qu'il avait été persécuté dans sa patrie, qu'il avait dû s'enfuir, qu'il était recherché par les autorités précitées.
A ce propos, il est à noter que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par décision de l'ODM du 23 juin 2009 en raison de l'invraisemblance de ses motifs d'asile, décision confirmée par le Tribunal le 3 septembre 2009, de sorte que le recourant ne saurait se référer à son ancien statut de requérant d'asile débouté ou aux motifs avancés à l'appui de sa demande d'asile pour s'opposer à tout contact avec la représentation de son pays d'origine.
Quant à l'attestation du Front de Salut National Erythréen du 18 juillet 2011 produite par l'intéressé à l'appui de sa requête et certifiant qu'il était membre de cette organisation en Suisse, elle ne démontre pas que les craintes précitées du recourant quant à sa sécurité et à celle de sa famille demeurée dans son pays d'origine sont justifiées, dans la mesure où ce document sollicite expressément de prendre en considération les motifs d'asile avancés par le recourant, motifs qui, comme relevé ci-avant, ont été considérés comme invraisemblables tant par l'ODM que par le Tribunal.
Dans ces conditions, force est de constater qu'aucune impossibilité subjective ne fait obstacle à ce qu'il soit exigé de l'intéressé qu'il entreprenne les démarches nécessaires auprès des autorités compétentes de son pays d'origine pour l'obtention d'un passeport national.
4.4. En tant que le requérant sollicite des autorités helvétiques l'octroi d'un certificat d'identité avec autorisation de retour et dans la mesure où il a été établi qu'aucune impossibilité subjective (art. 6 al. 1 let. a ODV) n'existe en l'occurrence, le Tribunal relève qu'il appartient au recourant de fournir la preuve de l'impossibilité objective (cf. art. 6 al. 1 let. b ODV) d'obtenir de son pays d'origine ou de provenance un passeport national valable (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4533/2009 du 29 juin 2010 consid. 4.4 et jurisprudence citée), ce qui, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, n'a nullement été rapporté dans le cas particulier.
4.4.1. Dans le cas d'espèce, X._______ n'a pas allégué avoir entrepris les démarches nécessaires en vue de l'obtention d'un document de voyage national. Plus particulièrement, le Tribunal constate que le dossier ne contient aucune demande formelle du prénommé, adressée aux autorités compétentes de son pays d'origine ou de provenance, d'octroi d'un passeport, le recourant s'étant en l'état limité à opposer un refus de principe s'agissant de toute démarche envers les autorités de son pays. Dans ces circonstances, il n'a nullement démontré que ces dernières auraient émis un refus absolu et définitif de lui délivrer un document de voyage national valable lui permettant de se rendre à l'étranger. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, il n'appartient nullement aux autorités helvétiques de se substituer aux autorités d'autres pays en délivrant des documents de voyage de remplacement.
4.4.2. Au regard de ce qui précède, force est de constater que le prénommé ne saurait être considéré comme "sans papiers" au sens de la disposition précitée.
4.5. Le recourant n'ayant pas la qualité d'étranger "sans papiers" au sens de l'ODV, c'est à juste titre que l'autorité de première instance a constaté ce fait et lui a refusé l'octroi du document de voyage requis.
5.
Compte tenu des considérants exposés ci-dessus, il appert que, par sa décision du 8 août 2011, l'ODM n'a ni violé le droit fédéral, ni constaté des faits pertinents de manière inexacte ou incomplète. En outre, cette décision n'est pas inopportune (art. 49 PA).
En conséquence, le recours est rejeté.
Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément à l'art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1 à 3 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF ; RS 173.320).
(dispositif page suivante)
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 800 francs, sont mis à la charge du recourant. Ce montant est compensé par l'avance de frais versée le 27 septembre 2011.
3.
Le présent arrêt est adressé :
- au recourant (Recommandé)
- à l'autorité inférieure, avec dossier n° de réf. N en retour
- en copie au Service des migrations du canton de Neuchâtel, pour information (annexe : dossier cantonal)
Le président du collège : Le greffier :
Blaise Vuille Alain Renz
Expédition :