6P.99/2001
[AZA 0/2]
6P.99/2001/ROD
6S.436/2001
COUR DE CASSATION PENALE
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8 octobre 2001
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, MM. Wiprächtiger et Kolly, Juges. Greffier: M. Fink.
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Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par
X.________,
contre
l'arrêt rendu le 28 mai 2001 par la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose le recourant 1) au Procureur général du canton de Genève et2) à Y.________, représenté par Me Robert Assaël, avocat
à Genève;
(- procédure pénale, arbitraire;
appréciation des preuves;
- voies de fait, injures)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 7 janvier 2000, vers 10 heures 45, Y.________, député au Grand Conseil genevois, se trouvait dans un tea-room, à Genève; alors qu'il s'était levé pour payer à la caisse, X.________ lui a écrasé un baba au rhum sur le visage, le traitant de politicien corrompu.
L'"entarteur" a expliqué son geste par un ancien contentieux politique et a informé la presse, qui lui a consacré quelques lignes.
A la suite d'une plainte de l'"entarté", X.________ a fait l'objet d'une ordonnance de condamnation, rendue le 3 mars 2000 par le Procureur général du canton de Genève, prononçant une peine de 10 jours d'emprisonnement (sans sursis) pour voies de fait et injures. Les droits de la partie civile ont été réservés.
B.- Par jugement du 24 janvier 2001, le Tribunal de police du canton de Genève a admis l'opposition du condamné. Après avoir entendu les parties, cette autorité a retenu les mêmes infractions à la charge de X.________ et a prononcé la même peine. Les droits de la partie civile ont été réservés.
C.- Statuant le 28 mai 2001, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel du condamné et a confirmé le jugement du Tribunal de police.
D.- Le condamné saisit le Tribunal fédéral d'un recours de droit public et d'un pourvoi en nullité tendant à l'annulation de l'arrêt du 28 mai 2001 et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.
Il demande l'assistance judiciaire dans les deux procédures et produit une attestation d'aide financière de l'Hospice général genevois.
Considérant en droit :
1.- En dérogation à la règle générale de l'art. 275 al. 5

I. Pourvoi en nullité
2.- a) L'autorité cantonale a considéré que l'"entartage" au moyen du baba au rhum constituait une voie de fait (art. 126

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 126 - 1 Wer gegen jemanden Tätlichkeiten verübt, die keine Schädigung des Körpers oder der Gesundheit zur Folge haben, wird, auf Antrag, mit Busse bestraft. |

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 177 - 1 Wer jemanden in anderer Weise durch Wort, Schrift, Bild, Gebärde oder Tätlichkeiten in seiner Ehre angreift, wird, auf Antrag, mit Geldstrafe bis zu 90 Tagessätzen bestraft.235 |
b) L'art. 126

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 126 - 1 Wer gegen jemanden Tätlichkeiten verübt, die keine Schädigung des Körpers oder der Gesundheit zur Folge haben, wird, auf Antrag, mit Busse bestraft. |
c) Le recourant admet avoir appliqué, avec conscience et volonté, un baba au rhum sur le visage de la victime. Le corps de la personne visée a été atteint physiquement par la crème et le biscuit spongieux, gorgé de rhum. Cette atteinte peut être comparée à l'arrosage avec un liquide et à l'action d'ébouriffer une coiffure élaborée, actes considérés comme voies de fait par le Tribunal fédéral. Dès lors, un "entartage", même sans violence, doit être assimilé à une voie de fait. L'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral sur ce point.
3.- a) Quant à l'injure, la Chambre pénale genevoise a considéré que le qualificatif de "pourri" adressé au plaignant revêtait à l'évidence un caractère injurieux; les circonstances dans lesquelles ce terme a été employé ne relèveraient nullement d'un contexte politique, ce qui ne permettrait pas de faire preuve de la retenue prévue par la jurisprudence en la matière (ATF 116 IV 146). On serait en présence d'un jugement de valeur émis dans le dessein de nuire et réalisant l'infraction décrite à l'art. 177

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 177 - 1 Wer jemanden in anderer Weise durch Wort, Schrift, Bild, Gebärde oder Tätlichkeiten in seiner Ehre angreift, wird, auf Antrag, mit Geldstrafe bis zu 90 Tagessätzen bestraft.235 |
b) En bref, le recourant admet avoir voulu expliquer les motifs de l'"entartage" à la tenancière du tea-room, immédiatement après ce geste, en ces termes:
"C'est un ripoux parlementaire, il me calomnie depuis des années. Contrairement à lui, je n'agis pas dans le dos des gens. Et il s'en tire à bon compte, car ce n'est pas l'envie qui me manque de le raccompagner chez lui à coups de pied au cul" (mémoire p. 5). D'après le condamné, il serait abusif de nier le caractère politique de cet épisode, on serait en présence d'un jugement de valeur fondé sur des faits vu l'allusion aux calomnies subies, ses propos auraient dû être considérés comme de la diffamation, ils auraient été employés afin de dénoncer le comportement amoral d'un politicien en place non pas dans le dessein de nuire et la preuve libératoire n'aurait pas dû être refusée. Cette atteinte à l'honneur - ou injure - ne serait donc pas punissable.
c) Avec l'autorité cantonale, on doit admettre que le qualificatif de "pourri" (ou "ripou" en verlan) adressé au plaignant est attentatoire à l'honneur; voir ATF 117 IV 270, Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale II, Zurich 1998 no 187 et les références. Le recourant n'en disconvient d'ailleurs pas.
Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de céans ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277 bis

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 177 - 1 Wer jemanden in anderer Weise durch Wort, Schrift, Bild, Gebärde oder Tätlichkeiten in seiner Ehre angreift, wird, auf Antrag, mit Geldstrafe bis zu 90 Tagessätzen bestraft.235 |
A bon droit, la Chambre pénale genevoise a dénié le caractère politique des circonstances dans lesquelles les propos en cause ont été tenus. Contrairement à l'état de fait relaté dans l'ATF 116 IV 146, on ne se trouvait pas dans un contexte de luttes politiques, précédant un vote, ou dans l'ambiance d'une campagne électorale. La victime, certes homme politique, s'est trouvée dans un lieu public calme en même temps que l'auteur mais cela en dehors de tout débat politique. La grande retenue en matière de répression des atteintes à l'honneur, admise par la jurisprudence, est justifiée par le climat passionnel dans lequel les luttes politiques se déroulent souvent, situation qui conduit les esprits à s'échauffer et peut excuser, dans une certaine mesure, des propos virulents.
Or, ici, l'auteur a agi froidement, dans l'atmosphère feutrée d'un tea-room genevois, loin de circonstances pouvant exacerber les passions politiques. Il ne saurait donc être suivi lorsqu'il exige l'impunité à ce titre.
Les preuves libératoires, prévues à l'art. 173 ch. 2

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 173 - 1. Wer jemanden bei einem andern eines unehrenhaften Verhaltens oder anderer Tatsachen, die geeignet sind, seinen Ruf zu schädigen, beschuldigt oder verdächtigt, |

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 173 - 1. Wer jemanden bei einem andern eines unehrenhaften Verhaltens oder anderer Tatsachen, die geeignet sind, seinen Ruf zu schädigen, beschuldigt oder verdächtigt, |

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 173 - 1. Wer jemanden bei einem andern eines unehrenhaften Verhaltens oder anderer Tatsachen, die geeignet sind, seinen Ruf zu schädigen, beschuldigt oder verdächtigt, |
Ainsi, la condamnation du recourant pour injure ne viole pas le droit fédéral.
4.- Le condamné ne s'en prend pas à la quotité de la peine (art. 63

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 63 - 1 Ist der Täter psychisch schwer gestört, ist er von Suchtstoffen oder in anderer Weise abhängig, so kann das Gericht anordnen, dass er nicht stationär, sondern ambulant behandelt wird, wenn: |
II. Recours de droit public
5.- a) De façon souvent peu précise, le recourant fait valoir l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, la violation de son droit d'être entendu, l'inégalité de traitement et la violation de la présomption d'innocence.
D'après lui, il serait arbitraire de nier le caractère politique de l'"entartage" et des propos tenus à cette occasion, il serait également arbitraire de constater que le baba au rhum aurait été "violemment écrasé" sur le visage de la victime. Une enquête digne de ce nom n'aurait pas eu lieu, le Tribunal de police aurait refusé d'entendre deux témoins prêts à confirmer les agissements critiqués de la victime et son goût pour la calomnie.
Face à deux versions contradictoires, l'autorité cantonale aurait violé la présomption d'innocence en n'optant pas pour la version la plus favorable à l'accusé. Il serait encore arbitraire de constater que les termes injurieux ont été employés dans le dessein de nuire et de nier ainsi tout motif légitime. Il y aurait une inégalité de traitement avec la victime dont la gifle donnée à une députée (dans une autre affaire) a été qualifiée par le Parquet de "geste déplacé" ce qui a permis de classer la plainte, classement confirmé par la Chambre d'accusation genevoise.
b) Selon la jurisprudence relative à l'art. 90 al. 1 let. b

SR 311.0 Schweizerisches Strafgesetzbuch vom 21. Dezember 1937 StGB Art. 63 - 1 Ist der Täter psychisch schwer gestört, ist er von Suchtstoffen oder in anderer Weise abhängig, so kann das Gericht anordnen, dass er nicht stationär, sondern ambulant behandelt wird, wenn: |
La majeure partie des griefs soulevés par le recourant ne satisfont pas à ces exigences. Il s'agit pour l'essentiel de critiques appellatoires irrecevables ou d'allégations sans pertinence compte tenu des éléments constitutifs des infractions de voies de fait et d'injure examinés ci-avant (consid. 2 et 3).
Ainsi, l'argumentation tendant à démontrer que l'"entartage" n'était pas violent tombe à faux puisque la réalisation d'une voie de fait n'implique pas de violence particulière. Il en va de même des arguments relatifs au caractère politique allégué car ils ne démontrent nullement que les actes réprimés aient pour origine directe un climat de luttes politiques.
L'accusé a comparu devant deux instances où il a pu interroger des témoins et développer sa défense, même si l'audition de certaines personnes étrangères à l'épisode de l'"entartage" lui a été refusée. Les faits qu'il admet, l'"entartage" et les termes prononcés loin d'une atmosphère de lutte politique correspondent aux constatations de l'autorité cantonale sur lesquelles se fonde l'arrêt attaqué. On ne discerne donc pas en quoi celles-ci seraient arbitraires ou violeraient les droits constitutionnels du condamné. En particulier, compte tenu du déroulement de l'incident et des explications entendues, l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, en conclure que l'auteur avait agi dans le dessein de nuire; il reconnaît d'ailleurs avoir été satisait de ses actes.
Quant à l'inégalité de traitement invoquée avec la gifle donnée par Y.________ à une députée qui s'est soldée par un classement, elle ne saurait être prise en considération déjà pour le simple motif que les deux décisions comparées (l'arrêt de la Chambre pénale genevoise d'une part, une décision de classement du Procureur général, confirmée par la Chambre d'accusation cantonale, d'autre part) n'émanent pas de la même autorité.
Le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
III. Assistance judiciaire et frais
6.- Les conclusions du pourvoi et celles du recours de droit public paraissaient d'emblée vouées à l'échec, ce qui ne permet pas l'octroi de l'assistance judiciaire demandée.
Un émolument judiciaire global est mis à la charge du recourant qui n'obtient pas gain de cause.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Rejette le recours de droit public dans la mesure où il est recevable;
2. Rejette le pourvoi en nullité;
3. Rejette les demandes d'assistance judiciaire;
4. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire global de 1600 fr.;
5. Communique le présent arrêt en copie au recourant, au mandataire de l'intimé, au Procureur général du canton de Genève et à la Chambre d'accusation genevoise.
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Lausanne, le 8 octobre 2001
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,
Répertoire des lois
CP 63
CP 126
CP 173
CP 177
OJ 90PPF 275PPF 277 bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 63 - 1 Lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, est toxico-dépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d'un traitement institutionnel, aux conditions suivantes: |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 126 - 1 Quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé est, sur plainte, puni d'une amende. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 173 - 1. Quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 177 - 1 Quiconque, de toute autre manière, attaque autrui dans son honneur par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, est, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus. |
Répertoire ATF
Décisions dès 2000